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26/03/2025 | FRANCE | N°22-23.937

France | France, Cour de cassation, Première chambre civile - formation de section, 26 mars 2025, 22-23.937


CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 193 FS-B

Pourvoi n° Y 22-23.937





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2025

M. [Z] [U], domicilié [Adresse 3], [Local

ité 5], a formé le pourvoi n° Y 22-23.937 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [R] [U], épous...

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 mars 2025




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 193 FS-B

Pourvoi n° Y 22-23.937





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MARS 2025

M. [Z] [U], domicilié [Adresse 3], [Localité 5], a formé le pourvoi n° Y 22-23.937 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [R] [U], épouse [N], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [U], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Picot-Demarcq, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mmes Beauvois, Agostini, conseillers, MM. Duval, Buat-Ménard, Mmes Lion, Daniel, Marilly, Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, Mme Picot-Demarcq, avocat général référendaire, et Mme Layemar, greffier de chambre,



la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 avril 2022), [J] [U] est décédé le 12 novembre 2014, en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme [R] [U] et M. [Z] [U], et en l'état d'un testament olographe daté du 17 février 2012 instituant son fils légataire de la pleine propriété de la quotité disponible.

2. Par acte notarié du 1er juin 2012, [J] [U] avait vendu à M. [Z] [U] et à son épouse un ensemble de terres agricoles, dont son fils était preneur à bail.

3. Par acte notarié du même jour, [J] [U] avait consenti à son fils une donation portant sur la nue-propriété de deux maisons.

4. Des difficultés étant survenues lors du règlement de la succession, Mme [U] a assigné son frère en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que l'expert désigné reçoive mission d'évaluer les parcelles de terre vendues le 1er juin 2012, comme étant occupées, de dire que le prix de ces terres doit être estimé libres de toute occupation, et de donner mission à l'expert de déterminer la valeur de celles-ci, ainsi estimée, au jour de leur vente, alors « que ne constitue pas un avantage sujet au rapport la minoration du prix de vente résultant de l'évaluation des terres agricoles vendues à un héritier comme étant occupées ; que doivent être évaluées comme occupées au jour de la vente les terres que le preneur à bail décide d'acquérir, peu important que ce dernier n'ait pas, à ce titre, exercé son droit de préemption et qu'il soit par ailleurs l'héritier présomptif du vendeur ; qu'en retenant que la valeur des terres acquises par M. [Z] [U] le 1er juin 2012 devait être estimée en
terres libres d'occupation de tout fermier puisque, du fait de l'acquisition, le bail dont M. [Z] [U] bénéficiait sur ces terres avait cessé en sorte qu'il était devenu propriétaire de terres libres, et que c'était vainement que ce dernier mettait en avant la jurisprudence applicable en matière de droit de préemption du locataire fermier dès lors que si la situation propre à ce cadre juridique avait justifié une solution qui lui était propre, destinée à promouvoir et/ou protéger l'installation du preneur, celle-ci n'avait pas vocation à s'appliquer en matière de rapport successoral, lequel avait pour objectif de garantir l'égalité des héritiers, la cour d'appel a violé l'article 843 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. Mme [U] conteste la recevabilité du moyen dès lors qu'il porte sur un chef de dispositif ordonnant une mesure d'instruction.

8. Cependant, l'arrêt, en donnant mission à l'expert de déterminer la valeur actuelle des parcelles de terre vendues le 1er juin 2012 libres de toute occupation, tranche une partie du principal.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 843 du code civil :

10. Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

11. L'existence de l'élément matériel d'une libéralité rapportable pouvant résulter de la minoration du prix de vente de terres agricoles à un héritier présomptif doit s'apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, considération prise de l'existence d'un bail, peu important que celui-ci ait été consenti à cet héritier.

12. Pour dire que les terres vendues le 1er juin 2012 à M. [Z] [U] et à son épouse doivent être estimées, libres de toute occupation, et donner mission à l'expert de déterminer leur valeur, ainsi estimée, au jour de leur cession, l'arrêt retient que du fait de l'acquisition, le bail dont bénéficiait M. [Z] [U] a cessé de sorte que celui-ci est devenu propriétaire de terres libres.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. M. [U] fait grief à l'arrêt de dire qu'il est l'auteur d'un recel successoral de la somme de 7 850 euros au titre des frais de la donation de la nue-propriété de deux maisons et qu'il ne peut prétendre à aucune part sur cette somme dans le partage, alors « que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Mme [U] demandait uniquement à la cour d'appel de dire et juger que les sommes constituent des libéralités qui seront imputées sur la quotité disponible, et par conséquence, retenues pour le calcul de l'indemnité de réduction (…) les frais d'actes pris en charge par le donateur, soit 6 250 + 1 600………………7 850 €", mais ne demandait en aucun cas à la cour d'appel de déclarer M. [Z] [U] coupable de recel successoral sur cette somme ; qu'en jugeant que M. [Z] [U] était l'auteur d'un recel successoral de la somme de 7 850 € au titre des frais de la donation de la nue-propriété des deux maisons sises [Adresse 2] à [Localité 5] du 1er juin 2012 et qu'il ne pouvait prétendre à aucune part sur cette somme dans le partage de la succession de [J] [U], la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code procédure civile :

15. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

16. Aux termes du second, le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

17. L'arrêt dit que M. [U] est l'auteur d'un recel successoral sur la somme de 7 850 euros correspondant aux frais de la donation de la nue-propriété de deux maisons et qu'il ne peut prétendre à aucune part sur cette somme dans le partage.

18. En statuant ainsi, alors que Mme [U] n'avait pas formé de demande au titre du recel de cette somme, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige en se prononçant sur une chose non demandée, a violé les textes susvisés.



Portée et conséquences de la cassation

19. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant que M. [U] est l'auteur d'un recel successoral sur la somme de 7 850 euros correspondant aux frais de la donation de la nue-propriété de deux maisons et qu'il ne peut prétendre à aucune part sur cette somme dans le partage entraîne la cassation du chef de dispositif disant que les intérêts au taux légal sur la somme ainsi recélée dus par M. [Z] [U] courent depuis le 13 juin 2015 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

20. Les cassations prononcées n'emportent pas la cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes des parties au titre des frais irrépétibles et disant que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le prix des terres vendues le 1er juin 2012 à M. [Z] [U] [et son épouse] doit être estimé en terres libres de toute occupation, rejette la demande de M. [U] tendant à ce que cette estimation se fasse en terres occupées, dit qu'il appartiendra à l'expert judiciaire de déterminer la valeur au jour de la vente, estimée en terres libres d'occupation de tout fermier, de chacune des parcelles identifiées dans l'acte notarié de vente, dit que M. [U] est l'auteur d'un recel successoral de la somme de 7 850 euros au titre des frais de la donation de la nue-propriété des deux maisons sises [Adresse 2] à [Localité 5] du 1er juin 2012 et qu'il ne peut prendre aucune part sur cette somme dans le partage de la succession de [J] [U] et dit que les intérêts au taux légal sur la somme ainsi recélée dus par M. [Z] [U] courent depuis le 13 juin 2015, l'arrêt rendu le 26 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Première chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-23.937
Date de la décision : 26/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens


Publications
Proposition de citation : Cass. Première chambre civile - formation de section, 26 mar. 2025, pourvoi n°22-23.937, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.23.937
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