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27/03/2025 | FRANCE | N°22-15.464

France | France, Cour de cassation, Deuxième chambre civile - formation de section, 27 mars 2025, 22-15.464


CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2025




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 273 FS-B

Pourvoi n° P 22-15.464




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025


1°/ la société BTSG, société civile professionnell

e, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de M. [V] [J],

2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],...

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2025




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 273 FS-B

Pourvoi n° P 22-15.464




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025


1°/ la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de M. [V] [J],

2°/ la société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], agissant en la personne de M. [T] [U],

toutes deux en qualité de co-mandataires liquidateurs à la liquidation judiciaire de l'association Coordination des œuvres sociales et médicales (Cosem),

3°/ la société Ascagne, société d'exercice libéral à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], agissant en la personne de Mme [G] [L],

4°/ la société AJRS, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], agissant en la personne de Mme [S] [R],

ces deux dernières en qualité d'administrateurs au redressement judiciaire et de co-administrateurs judiciaires de l'association Coordination des œuvres sociales et médicales (Cosem),

ont formé le pourvoi n° P 22-15.464 contre l'arrêt rendu le 23 février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Dovima, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société BTSG, agissant en la personne de M. [J], et de la société Axyme, agissant en la personne de M. [U], toutes deux en qualité de co-mandataires liquidateurs à la liquidation judiciaire de l'association Coordination des œuvres sociales et médicales, de la société Ascagne, agissant en la personne de Mme [L], et de la société AJRS, agissant en la personne de Mme [R], toutes deux en qualité d'administrateurs au redressement judiciaire et de co-administrateurs judiciaires de l'association Coordination des œuvres sociales et médicales, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Dovima, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mme Grandemange, M. Delbano, Mme Vendryes, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Techer, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société BTSG, prise en la personne de M. [J], en qualité de co-mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de l'association Coordination des œuvres sociales et médicales (l'association), à la société Axyme, prise en la personne de M. [U], en qualité de co-mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de l'association, à la société Ascagne, prise en la personne de Mme [L], en qualité de co-administrateur judiciaire de l'association, et à la société AJRS, prise en la personne de Mme [R], en qualité de co-administrateur judiciaire de l'association, placée en liquidation judiciaire le 13 juin 2024, de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2022), un bail a été conclu entre l'association et la société Yab, désormais dénommée Dovima (la société). Le 22 octobre 2014, l'association a assigné la société en paiement de sommes du fait d'équipements défectueux, puis, par assignation du 22 décembre 2014 du fait de son départ contraint. Les deux procédures ont été jointes le 6 avril 2016 par un juge de la mise en état.

3. Le 9 octobre 2019, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de la procédure du rôle du tribunal.

4. L'association ayant sollicité la réinscription de l'affaire par une lettre du 1er juin 2020 reçue au greffe le 3 juin 2020, l'affaire a été réinscrite au rôle.

5. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, dont la société a relevé appel, le juge de la mise en état a débouté celle-ci de sa demande tendant à voir constater la péremption de l'instance et à déclarer l'instance éteinte.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'association fait grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance rendue le 9 juillet 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, de juger que l'instance était périmée et de constater son extinction, alors « que constitue une diligence interruptive tout acte qui manifeste la volonté d'une partie de continuer l'instance ; que le courrier envoyé au juge par le conseil d'une partie pour l'informer de l'échec d'une procédure de médiation et lui demander de rétablir l'affaire au rôle et de convoquer les parties à une prochaine audience pour que la procédure puisse reprendre manifeste la volonté de cette partie de continuer l'instance ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le courrier du 1er juin 2020 par lequel le conseil de l'association avait demandé le rétablissement de l'affaire au rôle ne constituait pas une diligence interruptive de péremption faute d'avoir fait progresser l'affaire, et que l'instance s'était trouvée périmée le 3 juillet 2020 ; qu'en statuant ainsi, quand ce courrier, qui informait le juge de l'échec d'une procédure de médiation et lui demandait de rétablir l'affaire au rôle et de convoquer les parties à une prochaine audience pour que la procédure puisse reprendre, manifestait la volonté de l'association de continuer l'instance et constituait une diligence interruptive de péremption, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2, 3, et 386 du code de procédure civile :

7. Aux termes du premier de ces textes, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le deuxième, le juge veille au bon déroulement de l'instance et a le pouvoir d'impartir les délais et d'ordonner les mesures nécessaires.

9. Aux termes du troisième, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

10. Il résulte de ces textes qu'il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l'instance leur échappe, d'accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l'instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès.

11. Le juge, saisi par une partie d'un incident de péremption ou se saisissant d'office de cet incident, doit rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties.

12. Pour apprécier si un acte constitue une diligence interruptive de péremption, la Cour de cassation retient, selon les procédures, des critères qui peuvent être différents. Elle juge parfois que, pour qu'une diligence soit interruptive, elle doit se borner à continuer l'instance ou à la poursuivre (2e Civ., 17 mars 1982, pourvoi n° 79-12.686, publié ; 2e Civ., 11 septembre 2003, pourvoi n° 01-12.331). Dans d'autres hypothèses, elle subordonne la qualité interruptive d'une diligence à une condition, qui est celle de faire avancer ou de faire progresser l'instance, ou encore de lui donner une impulsion (2e Civ., 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-18.332 ; 2e Civ., 8 novembre 2001, pourvoi n° 99-20.159, publié ; 2e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 15-17.354, publié).

13. Par ailleurs, certaines décisions mettent l'accent sur la volonté des parties manifestée par l'acte (2e Civ., 11 septembre 2003, pourvoi n° 01-12.331, publié), tandis que d'autres, reposant sur une conception plus objective, sont fondées sur la nature intrinsèque de l'acte, qui, en soi, doit poursuivre l'objectif précédemment défini (3e Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 92-21.536, publié).

14. Cette disparité commande de clarifier la jurisprudence en redéfinissant les critères de la diligence interruptive de péremption, dans l'objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.

15. Il convient, en conséquence, de considérer désormais que la diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l'affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond.

16. Pour infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 juillet 2021, juger que l'instance est périmée et constater son extinction, l'arrêt retient que si la demande de rétablissement au rôle par voie électronique le 1er juin 2020, informant le juge de la mise en état de l'échec de la médiation ordonnée dans une autre procédure, a permis de lever la sanction que constitue la mesure de radiation administrative, cette information n'était pas de nature à faire progresser l'instance.

17. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence de diligences interruptives de péremption, au regard des conditions mentionnées au paragraphe 15, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Dovima aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre civile - formation de section
Numéro d'arrêt : 22-15.464
Date de la décision : 27/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Il résulte des articles 2, 3, et 386 du code de procédure civile qu'il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l'instance leur échappe, d'accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l'instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès. Le juge, saisi par une partie d'un incident de péremption ou se saisissant d'office de cet incident, doit rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties. La diligence interruptive du délai de péremption s'entend de l'initiative d'une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l'instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l'affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond. Statue par des motifs impropres à caractériser l'absence de diligences interruptives de péremption, au regard de ces conditions, et viole les textes susvisés, l'arrêt, qui, pour juger qu'une instance est périmée, retient qu'une lettre informant le juge de la mise en état de l'échec de la médiation ordonnée dans une autre procédure et demandant le rétablissement au rôle a permis de lever la sanction que constitue la mesure de radiation administrative précédemment ordonnée mais n'est pas de nature à faire progresser l'instance

procedure civile.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris I3


Publications
Proposition de citation : Cass. Deuxième chambre civile - formation de section, 27 mar. 2025, pourvoi n°22-15.464, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.15.464
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