CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 297 F-B
Pourvoi n° R 22-18.847
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 MARS 2025
1°/ Mme [P] [F], épouse [C],
2°/ M. [M] [C],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° R 22-18.847 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 10), dans le litige les opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [C], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2022) et les productions, par une ordonnance du 17 décembre 2019, un juge de l'exécution a autorisé la Société générale (la banque), qui avait consenti un prêt à M. et Mme [C], à prendre une hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à ces derniers.
2. Par acte du 20 février 2020, la banque a assigné M. et Mme [C] en nullité du prêt et restitution des sommes prêtées.
3. Par acte du 10 juin 2020, ces derniers ont assigné la banque en mainlevée de la mesure conservatoire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [C] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement ayant ordonné la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire portant sur leur bien immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 5], cadastré section N, n° [Cadastre 4], leur appartenant et de les débouter de leurs prétentions, alors « qu'il incombe au juge de l'exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative à la prescription de l'action du créancier, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en jugeant, pour infirmer l'ordonnance déférée et rejeter la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire portant sur l'immeuble des époux [C], qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer, pour apprécier la vraisemblance d'un principe de créance, sur le moyen invoqué par eux tiré de la prescription de l'action de la banque à leur encontre dès lors qu'il nécessitait de trancher "au préalable la question de savoir si l'action en justice intentée par la Société générale à l'encontre de M. et Mme [C] devant le tribunal judiciaire de Bobigny est régie ou non par l'article L. 137-2 ancien du code de la consommation, devenu article L. 218-2" ainsi que la question de la fixation du "point de départ de la prescription" (arrêt attaqué, p. 4, § 3), la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 512-1 et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution :
5. Il résulte de ce texte que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une mesure conservatoire.
6. Pour infirmer le jugement et, statuant à nouveau, débouter M. et Mme [C] de leurs prétentions, l'arrêt relève que ces derniers ont accepté, le 20 août 2012, une offre de prêt immobilier, laquelle stipule que la banque pourra exiger le remboursement immédiat des sommes restant dues en capital et intérêts, notamment en cas d'inexactitude substantielle des renseignements fournis par l'emprunteur sur sa situation, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur, que le 24 juin 2016, la banque a notifié aux emprunteurs que les relevés bancaires produits étant falsifiés, le compte était clôturé sous 48 heures et retient que même si l'appelante n'a pas précisé en quoi les relevés bancaires litigieux étaient falsifiés, les débiteurs n'ont jamais contesté qu'ils l'étaient et que la banque peut donc invoquer la clause résolutoire susvisée.
7. L'arrêt retient ensuite que, s'agissant du délai de prescription applicable, ce moyen peut être invoqué avec succès par les débiteurs uniquement si l'acquisition de cette prescription est manifeste et que tel n'est pas le cas puisque doit être tranchée au préalable la question de savoir si l'action en justice intentée par la banque à l'encontre des emprunteurs est régie ou non par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation et que devra également être fixé le point de départ de la prescription, les parties étant en désaccord sur ce point. Il ajoute que la mise en place d'une mesure conservatoire suppose uniquement un principe de créance apparemment fondé et en déduit qu'il est établi que l'appelante peut en invoquer un.
8. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, afin d'apprécier l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, d'examiner les points litigieux tenant à la prescription applicable et à son point de départ, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société générale et la condamne à payer à M. et Mme [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.