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03/04/2025 | FRANCE | N°22500312

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 avril 2025, 22500312


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 3 avril 2025








Cassation partielle
sans renvoi




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 312 F-D


Pourvoi n° M 23-13.741




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_____________________

____




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025


M. [H] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-13.741 contre les arrêts rendus les 6 juillet 2021 et 22 novembre 2022 par la...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 avril 2025

Cassation partielle
sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 312 F-D

Pourvoi n° M 23-13.741

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

M. [H] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-13.741 contre les arrêts rendus les 6 juillet 2021 et 22 novembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié direction des affaires juridiques, [Adresse 3],

2°/ à la société Groupama Méditerranée - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée, dont le siège est [Adresse 1], prise en son siège administratif [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La société Groupama Méditerranée - caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée a formé un premier pourvoi incident contre l'arrêt du 6 juillet 2021.

L'Agent judiciaire de l'État a formé un second pourvoi incident contre ce même arrêt du 6 juillet 2021.

M. [W], demandeur au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La société Groupama Méditerranée - Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée, demanderesse au premier pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

L'Agent judiciaire de l'État, demandeur au second pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama Méditerranée - Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée, de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 6 juillet 2021 et Montpellier, 22 novembre 2022), M. [W], fonctionnaire de police, a été victime, le 12 septembre 2010, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée Groupama Méditerranée (l'assureur).

2. Après deux expertises amiables, la victime a assigné l'assureur à fin d'indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, formé par M. [W], et sur le moyen du pourvoi incident, formé par l'Agent judiciaire de l'État

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. M. [W] fait grief à l'arrêt du 6 juillet 2021, tel que complété par l'arrêt du 22 novembre 2022, de ne lui allouer aucune somme au titre du déficit fonctionnel permanent après l'exercice du recours de l'Agent judiciaire de l'État et, par conséquent, de limiter la condamnation de l'assureur à son égard à la somme de 22 850,30 euros et de condamner l'assureur à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 57 280 euros, somme comprenant celle de 37 280 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, alors « que, selon le revirement de jurisprudence opéré par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et n° 21-23.947, B), la rente versée à une victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ; que ce revirement, relatif à la détermination des préjudices servant d'assiette de recours aux tiers-payeurs, a une portée générale ; qu'il couvre ainsi tant le régime général concernant la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle que les régimes spéciaux concernant les rentes assimilées et, notamment, l'allocation temporaire d'invalidité ; qu'il en résulte que, comme la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'allocation temporaire d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, de sorte que le recours du tiers-payeur ayant versé cette prestation ne peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que, pour n'allouer aucune somme à M. [W] au titre du déficit fonctionnel permanent, les juges du fond ont imputé l'allocation temporaire d'invalidité servie à la victime sur le poste de l'incidence professionnelle puis en ont imputé le solde sur le poste du déficit fonctionnel permanent ; qu'en statuant ainsi, ils ont violé l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les articles 1 et 2 du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, ensemble les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. L'Agent judiciaire de l'État et l'assureur contestent la recevabilité du moyen, comme étant nouveau.

6. Cependant, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est recevable comme étant de pur droit.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, l'article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, devenu l'article L. 824-1 du code général de la fonction publique, les articles 1 et 2 du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

7. Il résulte du premier de ces textes que les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

8. Il résulte des autres textes que le fonctionnaire atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est égal à la fraction du traitement minimal de la grille fixée par décret, correspondant au pourcentage d'invalidité.

9. La Cour de cassation juge désormais que l'allocation temporaire d'invalidité, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Dès lors, elle ne s'impute que sur les postes de pertes des gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle (Crim., 3 septembre 2024, pourvoi n° 23-83.394, publié ; 2e Civ., 7 novembre 2024, pourvoi n° 23-14.755, publié).

10. Pour fixer, au titre du déficit fonctionnel permanent, à 0 euro la somme due à M. [W] et à 37 280 euros la somme due à l'Agent judiciaire de l'État, l'arrêt décide que l'allocation temporaire d'invalidité versée à la victime a vocation à indemniser le déficit fonctionnel permanent et doit s'imputer sur ce poste de préjudice.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen du pourvoi incident, formé par l'assureur

Enoncé du moyen

12. L'assureur fait grief à l'arrêt du 6 juillet 2021, par confirmation du jugement, pour fixer les sommes dues à M. [W] en réparation de ses préjudices, de chiffrer à 21 000 euros le montant des provisions versées à déduire de ces sommes et de le condamner en conséquence à verser à M. [W] la somme de 30 850,30 euros, alors « que pour chiffrer comme elle l'a fait le montant des provisions à déduire, la cour d'appel retient qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'assureur a versé à titre de provision à M. [W] le montant total de 21 000 euros qui viendra en déduction de son indemnisation ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des conclusions de l'assureur par lequel celui-ci, pièces à l'appui, faisait valoir que M. [W] avait reçu en sus de son assureur et pour le compte de qui il appartiendrait, les sommes de 3 000 euros et 5 000 euros, portant à 29 000 euros le montant total des provisions qui lui avaient été versées, montant total qu'il convenait donc de déduire des sommes qui lui étaient allouées en réparation de son préjudice, sauf à réparer plus que celui-ci, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. L'arrêt du 6 juillet 2021 confirme le jugement du 15 mai 2018 en toutes ses dispositions, notamment en ce que le montant alloué à la victime en réparation de son préjudice corporel doit faire l'objet d'une déduction du montant des provisions versées par l'assureur, soit 21 000 euros.

14. En statuant ainsi, sans répondre au moyen de l'assureur qui soutenait, quittances à l'appui, que M. [W] avait reçu, en sus des sommes versées par l'assureur, celles de 3 000 euros et 5 000 euros, de la part de son propre assureur et pour le compte de qui il appartiendrait, portant à 29 000 euros le montant total des provisions qui lui avaient été versées et qui devaient être déduites des sommes allouées en réparation de son préjudice, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. D'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt décidant que sont dues au titre du déficit fonctionnel permanent les sommes de 0 euro à M. [W] et de 37 280 euros à l'Agent judiciaire de l'État et jugeant que le montant des provisions à déduire de la somme revenant à la victime en réparation de son préjudice est de 21 000 euros, entraîne la cassation des chefs de dispositif prévoyant que sont dus à la victime un total de 30 850,30 euros, à l'Agent judiciaire de l'État un total de 57 280 euros et condamnant l'assureur à payer ces sommes, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

16. Par ailleurs, en application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 6 juillet 2021 entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 22 novembre 2022, qui en est la suite.

17. En revanche, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ses dispositions décidant que le montant des provisions à déduire de la somme revenant à la victime en réparation de son préjudice est de 21 000 euros et que sont dues au titre du déficit fonctionnel permanent les sommes de 0 euro à M. [W] et de 37 280 euros à l'Agent judiciaire de l'État, n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

18. D'autre part, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Compte tenu des quittances provisionnelles signées par M. [W] les 20 avril 2011 et 27 juillet 2011, à hauteur respectivement de 3 000 et 5 000 euros, il convient d'infirmer le jugement, de fixer à la somme de 29 000 euros le montant des provisions à déduire de la condamnation à la charge de l'assureur et de condamner ce dernier à payer à M. [W], après déduction des provisions, la somme de 60 130,30 euros et à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 20 000 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi de l'Agent judiciaire de l'État ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il décide que le montant des provisions à déduire de la somme revenant à la victime en réparation de son préjudice est de 21 000 euros, que sont dues au titre du déficit fonctionnel permanent les sommes de 0 euro à M. [W] et de 37 280 euros à l'Agent judiciaire de l'État, que sont dues à la victime la somme totale de 30 850,30 euros et à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 57 280 euros et que la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée Groupama Méditerranée est condamnée à payer ces sommes, l'arrêt rendu le 6 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que sont dues au titre du déficit fonctionnel permanent les sommes de 37 280 euros à M. [W] et de 0 euro à l'Agent judiciaire de l'État ;

DIT que le montant des provisions à déduire de la somme revenant à la victime en réparation de son préjudice est de 29 000 euros ;

DIT que sont dues à M. [W] la somme totale de 89 130,30 euros et à l'Agent judiciaire de l'État la somme totale de 20 000 euros, et, après déduction des provisions, condamne la société Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée Groupama Méditerranée à payer la somme de 60 130,30 euros à M. [W] et la somme de 20 000 euros à l'Agent judiciaire de l'État ;

CONSTATE l'annulation de l'arrêt rendu le 22 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'État aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500312
Date de la décision : 03/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 juillet 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 avr. 2025, pourvoi n°22500312


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500312
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