CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 avril 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 336 F-D
Pourvoi n° A 22-14.647
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'association Aide à domicile en milieu rural de [3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-14.647 contre l'arrêt n° RG : 18/03716 rendu le 14 décembre 2021 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Picardie, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de l'association Aide à domicile en milieu rural de [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Picardie, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 décembre 2021), l'association Aide à domicile en milieu rural de [3] (l'association) a demandé à l'URSSAF de Picardie (l'URSSAF), par lettre du 27 juin 2017, le bénéfice de l'exonération des cotisations patronales applicable aux organismes d'intérêt général ayant leurs sièges en zone de revitalisation rurale, pour les contrats de travail conclus avant le 1er novembre 2007, et le remboursement des cotisations acquittées à tort sur la période allant de juin 2014 à décembre 2016.
2. L'URSSAF lui ayant opposé le caractère irrévocable du choix effectué antérieurement pour le dispositif de réduction générale des cotisations patronales sur les bas salaires, l'association a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'association fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que l'article 10.VI.3 modifié de la loi du 17 janvier 2003, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, prévoit qu'à compter du 1er avril 2004, le bénéfice des dispositions de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est exclusif pendant la durée de l'aide prévue à cet article de toute autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ; que les entreprises qui bénéficient des dispositions prévues par cet article peuvent opter jusqu'au 31 mars 2004 pour le bénéfice, à compter du 1er avril 2004, de la réduction de cotisations sociales prévue par les autres dispositions de l'article 10 de la loi du 17 janvier 2003 ; que cette option, qui s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise, est irrévocable ; qu'il résulte de ces dispositions que le caractère irrévocable ne porte que sur l'option offerte de choisir entre les dispositifs antérieurs visés par la loi du 17 janvier 2003 (dispositif Aubry 1) et celui prévu par cette loi (dispositif Fillon), cette option ayant été instituée au profit des entreprises qui acceptaient de ne plus être régies par les dispositions d'exonération antérieurs considérés ; que ce caractère irrévocable n'affecte pas dès lors la faculté de renoncer au bénéfice de ce dispositif pour un autre plus avantageux, mis en place, qui plus est, ultérieurement à la loi du 17 janvier 2003 ; qu'en énonçant que le bénéfice à l'exonération prévue par la loi du 23 février 2005, dite [5], ne pouvait être accordé à l'association [2] au titre des cotisations versées sur le compte 820534103, faute de preuve par l'association qu'elle n'avait pas opté de manière irrévocable pour le dispositif Fillon, la cour d'appel a violé l'article 10.VI.3 modifié de la loi du 17 janvier 2003, ensemble l'article 15 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.
2°/ que les juges du fond doivent préciser le fondement juridique de leur décision ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter l'association [2] de ses demandes, que "rien n'interdit aux entreprises de renoncer à un dispositif d'exonération ou de réduction de cotisations en vue d'y substituer un dispositif plus avantageux que le précédent sauf lorsque le choix effectué au profit de ce dernier procédait d'une option irrévocable", sans préciser le fondement de cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile.
3°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut exiger d'une partie une preuve négative impossible à rapporter ; qu'en énonçant que le bénéfice des exonérations [5] ne pouvait être accordé à l'association [2] au titre des cotisations versées sur le compte 820675963, puisqu'il n'était "aucunement justifié par l'association qu'elle n'ait pas opté de manière irrévocable pour l'application de l'article 10 de la loi Fillon", la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du code civil.
4°/ qu'en retenant que le bénéfice des exonérations [5] ne pouvait être accordé à l'association au titre des cotisations versées sur le compte 820675963 puisqu'il n'était aucunement justifié par elle qu'il aurait été conclu par l'association des contrats de travail entre la date du 15 octobre 2007 et celle du 1er novembre 2007, cependant qu'aucune des parties ne contestait que des contrats de travail de cet établissement ouvert avant 1er novembre 2007, et pour lesquels l'association [2] revendiquait l'exonération prévue par la loi du 23 février 2005, dite [5], avaient bien été conclus avant la date du 1er novembre 2007, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article 10, VI, 3°, modifié de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, les entreprises qui bénéficient des dispositions prévues par l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 peuvent opter jusqu'au 31 mars 2004, pour le bénéfice, à compter du 1er avril 2004, de la réduction de cotisations sociales prévue par les autres dispositions de l'article 10 de la loi du 17 janvier 2003.
Cette option, qui s'applique à l'ensemble des salariés de l'entreprise, est irrévocable.
5. L'exonération prévue à l'article 15 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005,
applicable aux organismes d'intérêt général ayant leur siège en zone de revitalisation rurale (l'exonération ZRR), a été supprimée par la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007. Cette loi a toutefois prévu que l'exonération [5] continue de s'appliquer aux contrats conclus avant le 1er novembre 2007 jusqu'au terme de ceux-ci.
6. Il en résulte que si le bénéfice de l'exonération prévue par la loi du 23 février 2005 peut être demandé postérieurement au 1er novembre 2007 pour les contrats de travail conclus avant cette date, les employeurs ayant opté pour la réduction de cotisations sur les bas salaires, dite « réductions Fillon », en application de l'article 10 de la loi du 17 janvier 2003 alors qu'ils avaient la possibilité de bénéficier d'un dispositif d'exonération plus favorable comme le dispositif ZRR, ne peuvent prétendre au remboursement des cotisations calculées en fonction de leur choix.
7. L'arrêt énonce que les entreprises ayant effectué l'option prévue à l'article 10 de la loi du 17 janvier 2003 ne peuvent pas bénéficier du dispositif prévu par l'article 15 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et qu'il incombe à l'association de démontrer qu'elle satisfait à toutes les conditions de l'exonération sollicitée. Il constate que cette dernière ne rapporte pas la preuve des conditions dans lesquelles elle a bénéficié des réductions de cotisations au titre des dispositifs antérieurs jusqu'en janvier 2003, ni celle de ce que les contrats de travail de l'établissement pour lequel l'exonération [5] est sollicitée ont été conclus avant le 1er janvier 2007.
8. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel a exactement déduit, sans méconnaître les termes du litige ni enfreindre les règle de preuve, que l'association ne pouvait pas prétendre au remboursement des cotisations réclamées antérieurement à sa demande d'application du dispositif d'exonération prévu au titre des zones de revitalisation rurale.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Aide à domicile en milieu rural de [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Aide à domicile en milieu rural de [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.