LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 avril 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 337 F-D
Pourvoi n° G 23-10.932
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 23-10.932 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la [3], société coopérative, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la [3], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 novembre 2022), la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), lui ayant refusé le remboursement partiel de la contribution sociale de solidarité des sociétés qu'elle avait acquittée au titre de l'année 2011, la [3] (la société) a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
2. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société une partie de la contribution sociale de solidarité exigible en 2011, alors « qu'une caisse est en droit de modifier sa doctrine concernant les bases de calcul de la contribution de façon non rétroactive ; que tel est le cas lorsque ce changement de doctrine intervient avant le fait générateur de la contribution ;
que le fait générateur de la C3S est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due ; que l'assiette de la contribution est le chiffre d'affaires réalisé l'année précédant celle au titre de laquelle elle est due ; qu'en jugeant que la décision du 22 avril 2010 du RSI, qui modifiait sa doctrine antérieure et la détermination des bases de la contribution, ne pouvait s'appliquer à la C3S de 2011 sans être rétroactive, lorsque le changement de doctrine de la caisse était intervenu le 22 avril 2010, soit avant le fait générateur de la C3S de 2011 constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier 2011, et avant que l'assiette de la C3S de 2011, constituée par le chiffre d'affaires de l'année 2010, soit définitivement fixée à la date du 1er janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles L. 651-3 et L. 651-5, alinéa 2 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance de 2010-462 du 6 mai 2010, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicable au litige à la date d'exigibilité des cotisations. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 651-3 et L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010, le second dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, applicables à la date d'exigibilité de la contribution litigieuse :
3. Selon le premier de ces textes, le fait générateur de la contribution sociale de solidarité est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due.
4. Selon le second, l'application de l'assiette réduite de cette contribution est subordonnée à la démonstration par le cotisant qu'il remplit chacune des conditions requises pour en bénéficier.
5. Pour accueillir la demande de la société en restitution d'une partie de la contribution acquittée sur le chiffre d'affaires global au lieu de l'assiette réduite qui lui était accordée avant que le RSI, par lettre du 22 avril 2010, ne revienne sur son interprétation antérieure, en déniant à la société la possibilité de se prévaloir d'un mandat préalable implicite, l'arrêt relève en substance que la décision du RSI ne peut, sans être rétroactive, prendre effet avant la contribution calculée sur le chiffre d'affaires 2011, soit la contribution exigible en 2012.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la Caisse du régime social des indépendants avait informé la société de son changement de doctrine antérieurement au fait générateur de la contribution sociale de solidarité due au titre de l'année 2011 et qu'il lui appartenait de vérifier que le cotisant remplissait l'ensemble des conditions lui permettant de bénéficier de la diminution d'assiette, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la [3] et la condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.