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10/04/2025 | FRANCE | N°22500339

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 avril 2025, 22500339


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 avril 2025








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 339 F-D


Pourvoi n° Q 23-12.341








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
____________________

_____




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025




1°/ Mme [S] [E], veuve [K], domiciliée [Adresse 6],


2°/ M. [A] [K], domicilié [Adresse 11], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 avril 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 339 F-D

Pourvoi n° Q 23-12.341

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

1°/ Mme [S] [E], veuve [K], domiciliée [Adresse 6],

2°/ M. [A] [K], domicilié [Adresse 11], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure [V] [K] et de son fils mineur [C] [K],

3°/ M. [I] [K], domicilié [Adresse 7],

4°/ Mme [Z] [K], épouse [U], domiciliée [Adresse 5], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U],

5°/ Mme [V] [K], devenue majeure le 9 août 2023, domiciliée [Adresse 11],

ont formé le pourvoi n° Q 23-12.341 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige les opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, dont le siège est [Adresse 15],

2°/ à la société [10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ à la société [8], société anonyme d'assurances incendie accidents et risques divers, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société [9],

4°/ à la société [17], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 13], anciennement dénommée société [16],

5°/ à M. [G] [R], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur amiable de la société [12] [R],

6°/ à la société [14], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [S] [E] veuve [K], à M. [A] [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [C] [K], à M. [I] [K], à Mme [Z] [K] épouse [U], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U], et à Mme [V] [K], de Me Occhipinti, avocat de la société [14], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société [8], et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à Mme [V] [K], mineure à la date du pourvoi, devenue majeure en cours d'instance, de sa reprise d'instance pour son propre compte.
Désistement partiel

2. Il est donné acte à Mme [S] [E] veuve [K], à M. [A] [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [C] [K], à M. [I] [K], à Mme [Z] [K] épouse [U], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U], et à Mme [V] [K] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société [17], anciennement dénommée société [16].

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 décembre 2022), la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique a pris en charge, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la pathologie déclarée, le 1er août 2011, par [W] [K] (la victime), salarié de la société [12] [R] (l'employeur), reprise par la société [14] le 3 décembre 2009, puis son décès survenu le 1er janvier 2012.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les ayants droit de la victime font grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle déclarée par celle-ci n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, et de les débouter en conséquence de leurs demandes, alors :

« 1°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour dire que la maladie professionnelle déclarée par la victime n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a, après avoir constaté que la victime avait effectué, durant son activité de mécanicien auprès de cet employeur, soit du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, des travaux d'entretien et de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, considéré que rien ne permettait de retenir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger car nonobstant l'existence de tableaux de maladies professionnelles en lien avec l'inhalation de poussières d'amiante depuis 1945, les travaux confiés aux mécaniciens automobiles n'ont pas d'emblée été répertoriés comme à risque, que les autorités ont longtemps mis l'accent sur l'extraction du minerai, la manipulation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante, que les travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante n'ont été introduits qu'avec la création du tableau n° 30 bis le 22 mai 1996, que l'employeur était une petite entreprise ne disposant pas des moyens matériels et d'information d'une grande structure et qu'il n'était pas non plus établi que la société qui avait repris le [12] en décembre 2009 et qui était également une entreprise de taille modeste avait ou aurait avoir conscience du risque, d'autant que l'usage de l'amiante avait été interdit depuis 1997 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations, que les travaux exécutés par la victime du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010 étaient mentionnés, depuis la création le 22 mai 1996 du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, comme susceptibles de provoquer un cancer broncho-pulmonaire consécutif à l'inhalation de poussières d'amiante ce dont elle aurait dû déduire qu'à compter de cette date, l'employeur ne pouvait ignorer le danger auquel le salarié était exposé, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

2°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en l'espèce, pour dire que la maladie professionnelle déclarée par la victime n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur, la cour d'appel a, après avoir constaté que la victime avait effectué, durant son activité de mécanicien auprès de cet employeur, soit du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, des travaux d'entretien et de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, considéré que rien ne permettait de retenir que la société [12] [R] avait ou aurait dû avoir conscience du danger car nonobstant l'existence de tableaux de maladies professionnelles en lien avec l'inhalation de poussières d'amiante depuis 1945, les travaux confiés aux mécaniciens automobiles n'ont pas d'emblée été répertoriés comme à risque, que les autorités ont longtemps mis l'accent sur l'extraction du minerai, la manipulation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante, que les travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante n'ont été introduits qu'avec la création du tableau n° 30 bis le 22 mai 1996, que l'employeur était une petite entreprise ne disposant pas des moyens matériels et d'information d'une grande structure et qu'il n'était pas non plus établi que la société [14] qui avait repris le [12] en décembre 2009 et qui était également une entreprise de taille modeste avait ou aurait avoir conscience du risque, d'autant que l'usage de l'amiante avait été interdit depuis 1997 ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations, que les travaux exécutés par la victime du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010 le mettaient en contact avec une substance dont l'usage était interdit depuis 1997 de sorte que l'employeur ne pouvait ignorer le danger auquel le salarié était exposé, la cour d'appel a violé les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

5. Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

6. Pour dire que l'employeur n'a pas commis de faute inexcusable, l'arrêt constate qu'il n'est pas discuté qu'au cours de l'exercice de son activité de mécanicien automobile, du mois de septembre 1987 au mois d'août 2010, au sein de l'entreprise de l'employeur, la victime a travaillé sur des systèmes d'embrayage, des freins et des joints de culasses, équipements comportant de l'amiante, et, par suite, a été exposée à l'inhalation de poussières de ce matériau. Il précise que jusqu'à la création le 30 mai 1996 du tableau n° 30 bis reconnaissant le caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante dont cette victime était atteinte, les travaux effectués par les mécaniciens automobiles n'étaient pas répertoriés comme à risque, l'accent ayant été mis par les autorités sur l'extraction du minerai, la manipulation et l'utilisation de l'amiante brut dans des opérations de fabrication, les travaux de cardage, de tissage et de filage de l'amiante. Il ajoute que la société ne constituait qu'une petite entreprise de huit salariés, de sorte que sa situation ne lui permettait pas d'accéder aux informations et aux études médicales relatives aux risques inhérents à l'inhalation des poussières d'amiante. Il en déduit que, l'usage de l'amiante n'ayant de surcroît été interdit qu'en 1997, l'employeur n'avait pas conscience ou n'aurait pas dû avoir conscience du risque auquel avait été exposée la victime jusqu'à sa cessation d'activité.

7. En statuant par des motifs impropres à écarter la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel de la société [14], l'arrêt rendu le 14 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société [14] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société [14] et la société [8], et condamne la société [14] à payer à Mme [S] [E] veuve [K], M. [A] [K], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur [C] [K], M. [I] [K], Mme [Z] [K] épouse [U], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [T] [U], et Mme [V] [K] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22500339
Date de la décision : 10/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 décembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 avr. 2025, pourvoi n°22500339


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22500339
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