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10/04/2025 | FRANCE | N°23-13.003

France | France, Cour de cassation, Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 10 avril 2025, 23-13.003


CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 195 F-D

Pourvoi n° J 23-13.003


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

La société Jean Trogneux - la maison des baptêmes, société par actio

ns simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-13.003 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le li...

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 avril 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 195 F-D

Pourvoi n° J 23-13.003


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 AVRIL 2025

La société Jean Trogneux - la maison des baptêmes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-13.003 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (3e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Easy, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [G] [J], domicilié [Adresse 2],

3°/ à M. [H] [J], domicilié [Adresse 4],

4°/ à M. [C] [X], membre de la Selarl MJ Solutio, anciennement dénommée [X] et associés, dont le siège est [Adresse 5], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Easy,

5°/ à M. [C] [X], membre de la Selarl MJ Solutio, dont le siège est [Adresse 5], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Easy,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandjean, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Jean Trogneux - la maison des baptêmes, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Easy, de la SARL Ortscheidt, avocat de MM. [J], après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grandjean, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Jean Trogneux - la maison des baptêmes (la société Trogneux) de sa reprise de l'instance à l'encontre de M. [X], de la société MJ Solutio, anciennement dénommée société [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Easy.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 janvier 2023), MM. [G] et [H] [J] (les bailleurs) sont devenus propriétaires, par un acte de partage, d'un immeuble dont les locaux du sous-sol avaient été donnés à bail commercial, par acte du 16 juillet 2013, à la société Club [6], pour l'exploitation d'un bar-discothèque et dont ceux du rez-de-chaussée avaient été donnés à bail commercial, par acte du 15 octobre 2015, à la société Trogneux, pour y exploiter un commerce de confiserie et chocolaterie.

3. Le bail du 16 juillet 2013 interdisait au preneur d'ouvrir son local du lundi au samedi de 6 heures à 20 heures et il était annexé au bail du 15 octobre 2015.

4. Le 11 décembre 2021, les bailleurs ont conclu avec la société Club [6] un avenant supprimant la restriction des horaires d'ouverture des locaux en sous-sol, puis le 26 janvier 2022, la société Easy a acquis le fonds de commerce de la société Club [6] avec le concours des bailleurs et a conclu le même jour avec ces derniers un nouveau bail à effet du 17 juillet 2022 sans restriction des horaires d'ouverture du local et pour une activité de bar à l'exclusion de celle de discothèque.

5. La société Trogneux a assigné les bailleurs et la société Easy pour obtenir la cessation de l'exploitation des locaux du sous-sol, du lundi au samedi entre 6 heures et 20 heures et l'indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Trogneux fait grief à l'arrêt de dire que la société Easy n'a pas engagé sa responsabilité délictuelle, de rejeter ses demandes à l'encontre de celle-ci et de dire que les bailleurs étaient dans l'impossibilité juridique de faire cesser l'exploitation par la société Easy du local commercial situé au sous-sol de l'immeuble du lundi au samedi entre 6 heures et 20 heures, alors :

« 1°/ que commet une faute délictuelle celui qui, en prenant à bail un local,
participe en connaissance de cause au manquement commis par le bailleur à ses obligations contractuelles envers un autre locataire sur le local voisin ; qu'en excluant la faute délictuelle de la société Easy envers la société Jean Trogneux, tout en constatant que la société Easy avait conscience que la suppression de la clause de restriction d'horaires d'ouverture initialement imposée au locataire dans le bail auquel elle souscrivait portait atteinte aux droits de la société Jean Trogneux, dont les conditions d'exploitation de son
propre fonds de commerce allaient être substantiellement modifiées, de sorte qu'elle participait en connaissance de cause au manquement commis par les bailleurs à leurs obligations contractuelles envers la société Jean Trogneux, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°/ qu'en retenant, pour exclure la responsabilité délictuelle de la société Easy envers la société Jean Trogneux, que seule la société Club [6] avait conclu avec les bailleurs la modification du bail initial supprimant la clause de restriction des horaires d'ouverture imposée aux locataires du sous-sol, quand, d'une part, la société Easy était cessionnaire du bail ainsi modifié à compter du 26 janvier 2022, et la suppression de la clause de restriction des horaires d'ouverture avait été confirmée par le nouveau bail conclu le 26 janvier 2022 à son profit à compter du 17 juillet 2022 et, d'autre part, c'est l'ouverture du commerce de cette société en dehors des horaires initiaux, et non la suppression de la clause litigieuse elle-même, qui était la cause du trouble de jouissance subi par la société Jean Trogneux, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

3°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail ; qu'il ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée ; qu'en retenant, pour exclure la responsabilité délictuelle de la société Easy envers la société Jean Trogneux, qu'il n'était pas allégué ou démontré qu'au 26 janvier 2022, date à laquelle elle avait acquis le fonds de commerce de la société Club [6] et pris à bail les locaux du sous-sol exploités par cette société, la société Easy avait connaissance de l'insertion dans le bail de la société Jean Trogneux d'une référence à une limitation de ses horaires d'ouverture, pour en déduire que sa connaissance d'une incompatibilité entre les obligations résultant des baux respectivement signés par chaque locataire n'était pas démontrée, tout en constatant que la société Easy avait connaissance, à cette date, non seulement de la suppression dans son bail de la clause de restriction d'horaires d'ouverture initialement imposée au locataire des locaux du sous-sol, mais encore de ce que cette suppression portait atteinte aux droits de la société Jean Trogneux, dont les conditions d'exploitation de son propre fonds de commerce allaient être substantiellement modifiées, autrement dit de ce que la suppression de cette clause dans son bail était incompatible avec les obligations résultant du bail conclu entre la société Jean Trogneux et les consorts [J], la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir relevé que la société Trogneux soutenait que la société Easy n'avait pu ignorer l'atteinte à sa jouissance paisible qu'impliquait la suppression de toute limitation horaire à l'exploitation du sous-sol et qu'elle avait agi en collusion frauduleuse avec les bailleurs pour obtenir la suppression des restrictions d'horaires d'ouverture antérieurement fixées, la cour d'appel a souverainement constaté que la société Easy n'avait pas participé à la modification du bail à laquelle avait procédé la cédante du fonds de commerce et les bailleurs, et qu'il n'était pas établi qu'elle avait eu connaissance de la clause particulière figurant au bail de la société Trogneux ou d'une incompatibilité entre les conditions figurant aux baux portant sur les locaux du rez-de-chaussée et celle figurant dans le bail portant sur le local en sous-sol dont elle acquérait le droit.

8. Ayant ainsi fait ressortir que la société Easy n'avait pas contribué en toute connaissance de cause aux manquements imputables aux seuls bailleurs, elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que celle-ci avait, de bonne foi, acquis son fonds de commerce et conclu un nouveau bail sans restriction d'horaires sans commettre la faute alléguée.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. La société Trogneux fait grief à l'arrêt de dire que les bailleurs étaient dans l'impossibilité juridique de faire cesser l'exploitation par la société Easy du local commercial situé au sous-sol du lundi au samedi entre 6 heures et 20 heures et de faire respecter ces horaires d'ouverture et de fermeture, alors « que le locataire bénéficiaire d'une clause, consentie par son bailleur, limitant les horaires d'ouvertures d'un local donné à bail à un autre locataire par le même bailleur, est en droit d'exiger que ce dernier fasse respecter cette clause par cet autre locataire ; que la cour d'appel a constaté que la société Jean Trogneux - la maison des baptêmes, exposante, bénéficiait dans son bail d'une clause consentie par les bailleurs, limitant les horaires d'ouverture du local donné à bail au locataire du sous-sol ; qu'en jugeant pourtant que, dès lors que la responsabilité délictuelle de cet autre locataire n'était pas établie, les bailleurs justifiaient d'une impossibilité juridique s'opposant à ce qu'ils soient condamnés, sous astreinte, à faire cesser l'exploitation du local par cet autre locataire en dehors des horaires d'ouverture limités, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 1er février 2016. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, tout créancier peut exiger l'exécution de ce qui lui est dû, quelle que soit la gravité du manquement contractuel, sous réserve que cette exécution ne soit pas impossible, l'impossibilité juridique étant caractérisée lorsque l'exécution en nature porte atteinte à un droit acquis par un tiers de bonne foi.

12. Ayant retenu que la société Easy avait acquis de bonne foi le droit d'exploiter les locaux qu'elle louait selon les termes d'un bail qui ne comportait aucune interdiction d'ouvrir son établissement avant 20 heures ou après 6 heures, elle en a exactement déduit l'impossibilité juridique pour les bailleurs d'exécuter en nature l'obligation de ne pas faire, contractée envers la société Trogneux.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jean Trogneux - la maison des baptêmes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Jean Trogneux - la maison des baptêmes à payer à la société Easy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, M. [X] de la société MJ solutio, la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-13.003
Date de la décision : 10/04/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai 03


Publications
Proposition de citation : Cass. Troisième chambre civile - formation restreinte hors rnsm/na, 10 avr. 2025, pourvoi n°23-13.003


Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.13.003
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