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06/05/2025 | FRANCE | N°20-11.889

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 20-11.889


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° M 20-11.889


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], [Localité

7],

2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 7], association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, en application de l'article L. 3253-14...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° M 20-11.889


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 7],

2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 7], association déclarée, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, en application de l'article L. 3253-14 du code du travail, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS-CGEA de [Localité 8], sis [Adresse 5], [Localité 8]

ont formé le pourvoi n° M 20-11.889 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [R] [F], domicilié [Adresse 2], [Localité 1],

2°/ à la société Martin, société d'exercice libéral à responsabilité limitée unipersonnel, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, venant aux droits de M. [J] [O],

défendeurs à la cassation.

La société Martin a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Panetta, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC, de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de M. [F], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Martin, ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Panetta, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon , 27 novembre 2019), M. [F] a été engagé en qualité de chauffeur collecteur par la société Tecmed environnement, devenue Med Clean France (la société) à compter du 1er octobre 2007, et exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable d'équipe.

2. Cette société a été mise en redressement judiciaire le 30 mars 2015, la société [K]-[S]-[Y] et associés, étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec les pouvoirs d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion.

3. Par lettre du 26 juin 2015, le salarié a été licencié pour faute grave, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire.

4. Le 22 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et solliciter la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société de diverses sommes au titre des indemnités de rupture et du remboursement de frais professionnels.

5. Le 2 octobre 2015, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. [O] ayant été désigné initialement en qualité de liquidateur, a été remplacée par la société Martin.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche, en qu'il fait grief à l'arrêt de condamner le liquidateur à payer une somme au titre des frais professionnels

Enoncé du moyen

6. Le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme au titre de ses frais professionnels, alors « que le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il était constant, conformément aux mentions de l'arrêt attaqué, que la société Med Clean France avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à compter du 30 mars 2015 puis d'une liquidation à compter du 2 octobre suivant ; qu'en condamnant M. [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Med Clean France, à payer une somme au salarié au titre de ses frais professionnels engagés au cours d'une période antérieure commençant le 1er décembre 2014, le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 22 juillet 2015, quand ces sommes ne pouvaient qu'être fixées au passif de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles L. 621-24 et L. 621-40 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-7 et L. 622-21, I, du code de commerce, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code :

7. Selon le premier de ces textes, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement à ce jugement d'ouverture à l'exception du paiement par compensation de créances connexes . Il emporte également, de plein droit, interdiction de paiement de toute créance née après le jugement d'ouverture non mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce.

8. Aux termes du deuxième, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

9. Pour condamner le liquidateur à payer une somme au salarié en remboursement de ses frais professionnels engagés au cours de la période antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société et dire que la décision était opposable au CGEA de [Localité 8] et que l'AGS devait procéder à l'avance de cette créance, l'arrêt retient que le salarié en avait justifié auprès de son employeur par la production des originaux de ses factures.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société avait été mise en redressement judiciaire le 30 mars 2015, de sorte que la créance du salarié au titre des frais professionnels engagés par lui au cours de la période allant du 1er décembre 2014 au 29 mars 2015 était née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'employeur, la cour d'appel, en condamnant la société au paiement d'une somme à ce titre au salarié, a violé les textes susvisés.

Sur le moyen du pourvoi principal de l'AGS et de l'UNEDIC CGEA de [Localité 8], pris en sa deuxième branche et le second moyen du pourvoi incident du liquidateur, pris en sa première branche, réunis

Enoncé des moyens

11. L'AGS, l'UNEDIC CGEA de [Localité 8] font grief à l'arrêt de dire que le licenciement notifié le 26 juin 2015 par la société, sans l'assistance de l'administrateur judiciaire nommé le 30 mars 2015, est sans cause réelle et sérieuse, de condamner le liquidateur, ès qualités, à payer au salarié certaines sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive, de dire la décision opposable au CGEA de [Localité 8], de dire que l'AGS devra procéder à l'avance des créances, alors « que le licenciement disciplinaire prononcé sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est, à défaut de ratification, inopposable à la procédure collective et inopposable à l'AGS ; que la cour d'appel a constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Med Clean France ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, l'administrateur désigné avait pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant sa gestion ; que la cour d'appel a constaté que le licenciement de M. [F] lui avait été notifié par lettre du 26 juin 2015, soit postérieurement à la désignation de M. [K] en qualité d'administrateur, et que s'agissant d'un acte ne relevant pas de la gestion courante de l'entreprise, il appartenait à la société Med Clean France de prononcer ce licenciement avec le concours de l'administrateur, ce qu'elle n'avait pas fait ; qu'en refusant cependant de déclarer le licenciement de M. [F] inopposable à la procédure collective et à l'AGS par une motivation inopérante selon laquelle l'inopposabilité exonérerait l'employeur de sa propre faute, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 622-3 et L. 631-12 du code de commerce. »

12. Le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour rupture abusive et de le condamner, ès qualités, aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700, alors : « que le licenciement disciplinaire prononcé sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est, à défaut de ratification, inopposable à la procédure collective ; que la cour d'appel a constaté que, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Med Clean France ouverte par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 30 mars 2015, l'administrateur désigné, M. [K], avait pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant sa gestion ; que la cour d'appel a encore retenu que le licenciement de M. [F] lui avait été notifié par lettre du 26 juin 2015, soit postérieurement à la désignation de M. [K] en qualité d'administrateur, sans que ce dernier soit associé à la procédure de licenciement, ni qu'il l'ait ratifiée ultérieurement ; qu'en refusant cependant de déclarer le licenciement de M. [F] inopposable à la procédure collective et à l'AGS, au prétexte que l'inopposabilité exonérerait l'employeur de sa propre faute, la cour d'appel a violé les articles L. 622-3 et L. 631-12 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-3, L. 631-12 et L. 631-14 du code de commerce :

13. Le licenciement pour motif personnel prononcé par le débiteur sans le concours de l'administrateur judiciaire chargé de l'assister pour tous les actes de gestion, qui n'a pas été ratifié par ce dernier, est inopposable à la procédure collective et par conséquent à l'AGS.

14. Après avoir constaté que le licenciement du salarié avait été notifié le 26 juin 2015 par le directeur général de la société, soit postérieurement à la désignation de l'administrateur judiciaire, sans le concours de celui-ci ni ratification de cet acte de sa part, et retenu exactement qu'il s'agissait d'un acte ne relevant pas de la gestion courante de l'entreprise, l'arrêt considère que l'inopposabilité du licenciement pour motif personnel aux organes de la procédure, porte une atteinte majeure aux intérêts du salarié qui est un acteur de la procédure de redressement judiciaire en sa qualité de créancier privilégié dès lors que la créance de salaires et de ses accessoires bénéficie d'un régime de faveur par opposition aux autres créanciers chirographaires d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective. Il retient en outre que cette inopposabilité du licenciement aux organes de la procédure collective équivaut à exonérer l'employeur débiteur, objet de la procédure, des conséquences de sa propre faute dès lors que la créance postérieure du salarié, née irrégulièrement, ne pouvant être payée pendant la procédure, le salarié ne pourra être payé qu'après désintéressement des créanciers de la procédure, ce qui revient à le priver de toute possibilité effective de recouvrer les sommes lui étant dues, le paiement par la société en état de liquidation judiciaire étant illusoire, et l'inopposabilité litigieuse lui faisant perdre la garantie de l'AGS.

15. Il en déduit que, compte tenu de ces éléments le licenciement pour motif personnel prononcé sans l'administrateur judiciaire et non ratifié tacitement par ce dernier, est un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'en application des dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail, l'AGS garantit les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d'observation.

16. En statuant ainsi, alors que le licenciement prononcé par le débiteur sans le concours de l'administrateur chargé de l'assister pour tous les actes de gestion était inopposable à la procédure collective et conservait tous ses effets entre les parties, de sorte qu'il lui appartenait d'apprécier la réalité et le sérieux du motif invoqué dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS,et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassée ;




Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 20-11.889
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon SA


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°20-11.889


Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:20.11.889
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