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06/05/2025 | FRANCE | N°23-12.998

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai 2025, 23-12.998


SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 428 F-D

Pourvoi n° D 23-12.998


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

M. [R] [Z], domicilié [Adresse 2],

a formé le pourvoi n° D 23-12.998 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litig...

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 mai 2025




Cassation partielle


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 428 F-D

Pourvoi n° D 23-12.998


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025

M. [R] [Z], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-12.998 contre l'arrêt rendu le 5 janvier 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société Tramar, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Tramar, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 janvier 2023), M. [Z] a été engagé en qualité de directeur Overseas, le 2 novembre 2009, par la société Tramar (la société) et promu directeur de service à compter du 1er janvier 2013.

2. Lors de l'entretien préalable à un licenciement pour motif économique, tenu le 18 janvier 2018, un contrat de sécurisation professionnelle lui a été proposé, auquel il a adhéré le 19 janvier 2018.

3. La note d'information reprenant le motif économique lui a été transmise le 22 janvier 2018.

4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le paiement de rappel de salaires et d'indemnités.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel de salaire au titre de l'inégalité de traitement, outre les congés payés afférents et de reliquat de primes de treizième mois, alors « que selon le principe d'égalité de traitement, une différence de traitement ne peut être établie entre des salariés de la même entreprise et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elle repose sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. [Z] et M. [D] occupaient le même emploi de directeur service commercial, au même niveau, groupe 7 indice 3, mais que le premier percevait mensuellement 6 108 euros brut et un avantage en nature de 369 euros alors que le second percevait 6 780 euros brut et un avantage en nature de 646 euros, la cour d'appel a néanmoins relevé que, s'il n'était pas contesté par la société Tramar que M. [Z] et M. [D] exerçaient les mêmes fonctions, il était justifié par l'employeur que M. [D] avait été engagé le 5 novembre 1990 alors que M. [Z] l'avait été le 2 novembre 2009, soit dix-neuf ans plus tard ; qu'elle a considéré que, si l'âge ne peut constituer un critère objectif, au contraire l'ancienneté acquise, corollaire de l'acquisition d'une expérience certaine dans un domaine de compétence, constitue une raison objective de nature à justifier une différence de traitement, sachant que M. [D] ne percevait pas de prime d'ancienneté et que M. [Z] n'apporte, pour sa part, pas le moindre élément sérieux permettant d'accréditer l'existence d'une expérience similaire auprès d'autres sociétés préalablement à son embauche ; qu'elle en a conclu que la différence de traitement restant limitée et en concordance avec cette expérience acquise, M. [Z] devait être débouté de ses demandes au titre de l'inégalité de traitement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'ancienneté invoquée par l'employeur était en relation avec les exigences du poste et les fonctions réellement exercées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

6. L'ancienneté, à condition qu'elle ne soit pas prise en compte dans une prime spéciale, et l'expérience acquise peuvent justifier une différence de rémunération.

7. La cour d'appel, après avoir constaté que le salarié exerçait les mêmes fonctions de directeur commercial que M. [D] avec lequel il se comparait, a retenu que l'employeur justifiait que ce dernier avait été engagé le 5 novembre 1990 alors que le salarié l'avait été le 2 novembre 2009, soit dix-neuf ans plus tard, et que l'ancienneté acquise, corollaire de l'acquisition d'une expérience certaine dans un domaine de compétence, constituait une raison objective de nature à justifier une différence de traitement, sachant que M. [D] ne percevait pas de prime d'ancienneté et que le salarié n'apportait, pour sa part, pas le moindre élément sérieux permettant d'accréditer l'existence d'une expérience similaire auprès d'autres sociétés préalablement à son embauche.

8. Elle a ensuite relevé que la différence de traitement restait limitée et en concordance avec cette expérience acquise.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en condamnation de son employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, pour non-respect des règles relatives aux critères d'ordre de licenciement, des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et une somme en réparation du préjudice résultant de la perte des droits à la retraite, alors :

« 1°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; que toutefois, sauf fraude, le seul refus du salarié auquel il est proposé d'accepter un contrat de sécurisation professionnelle de se faire remettre en mains propres le document de notification de la cause économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l'employeur a satisfait à son obligation de notifier cette cause avant toute acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Z] a été reçu pour un entretien préalable à son licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que ne lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement ; qu'elle a néanmoins retenu que c'est en raison du refus de M. [Z] de se voir remettre en mains propres la note d'information énonçant la cause économique du licenciement lors de l'entretien préalable que ce document ne lui a pas été remis et qu'ainsi le salarié ne saurait s'en prévaloir pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, alors que le seul refus du salarié de se faire remettre en mains propres le document de notification de la cause économique de la rupture ne permet pas de considérer que la société Tramar a satisfait à son obligation de notification avant l'acceptation par M. [Z] du contrat de sécurisation professionnelle, la cour d'appel a violé l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail ;

2°/ que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ; qu'à défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [Z] a été reçu pour un entretien préalable à son licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que ne lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement ; qu'elle a néanmoins retenu que c'est en raison du refus de M. [Z] de se voir remettre en mains propres la note d'information énonçant la cause économique du licenciement lors de l'entretien préalable que ce document ne lui a pas été remis et qu'ainsi le salarié ne saurait s'en prévaloir pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le document mentionnant la cause économique du licenciement n'avait été transmis au salarié que postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, d'où elle aurait dû déduire l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015 et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 de la convention Unédic relative au contrat de sécurisation professionnelle du 26 janvier 2015, agréée par arrêté du 16 avril 2015, et les articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail :

11. Il résulte de ces textes que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation. A défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

12. Sauf fraude, le seul refus du salarié, auquel il est proposé d'accepter un contrat de sécurisation professionnelle, de se faire remettre en mains propres le document de notification du motif économique de la rupture du contrat de travail ne permet pas de considérer que l'employeur a satisfait à son obligation de notifier ces motifs avant toute acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

13. Aucun texte n'interdit au salarié d'accepter le contrat de sécurisation professionnelle le lendemain même de sa proposition.

14. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié, reçu en entretien préalable à un licenciement le 18 janvier 2018, a fait part de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 19 janvier 2018, avant même que lui soit transmise la note d'information reprenant le motif économique le 22 janvier 2018, sachant qu'aucun autre document d'information ne lui a été remis préalablement.

15. Il constate qu'il ressort d'une attestation d'une employée, chargée de remettre les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle à son employeur alors que ce dernier recevait le salarié pour l'entretien préalable, que celui-ci avait refusé d'accuser réception de ces documents.

16. L'arrêt en déduit que, dès lors qu'il ressort suffisamment de ces éléments que c'est en raison d'un refus du salarié qu'il ne lui a pas été remis le document d'information sur les motifs économiques, celui-ci ne saurait s'en prévaloir pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Z] de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention, de rappel de salaire au titre de l'inégalité de traitement, outre les congés payés afférents, et de reliquat de primes de treizième mois et en ce qu'il condamne la société Tramar à lui payer la somme de 400 euros à titre de contrepartie liée aux déplacements, l'arrêt rendu le 5 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Tramar aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Tramar et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-12.998
Date de la décision : 06/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 06 mai. 2025, pourvoi n°23-12.998


Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.12.998
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