SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 6 mai 2025
Cassation partielle
sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 445 F-D
Pourvoi n° J 23-13.302
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 MAI 2025
Mme [C] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-13.302 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2022 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Grassin décors, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Grassin décors, après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Redon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président
et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 décembre 2022), Mme [Z] a été engagée en qualité de vendeuse conseil, le 1er octobre 2012, par la société Grassin décors (la société).
2. Licenciée pour faute grave le 2 mai 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de cette rupture.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société une somme en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus, alors « que la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde qui s'entend de l'intention de nuire et doit résulter d'actes malveillants commis au préjudice de l'employeur ; que pour condamner la salariée au paiement d'une somme de 5 989,13 euros ''en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus'', la cour d'appel a retenu que la société établit ''l'utilisation par [la salariée], au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise dont elle est recevable et fondée à solliciter répétition par la salariée, à concurrence de la somme globale de 5 989,13 euros correspondant au montant des remises injustifiées'' ; qu'en se prononçant en ce sens, sans constater que la salariée avait commis une faute lourde résultant d'actes malveillants commis au préjudice de l'employeur avec l'intention de lui nuire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. »
Réponse de la Cour
Vu le principe selon lequel la responsabilité du salarié ne peut être engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde :
5. Pour condamner la salariée à payer une somme en remboursement des avantages tarifaires par elle indûment perçus, l'arrêt, après avoir constaté que la société sollicitait l'indemnisation du préjudice subi en raison de faits ayant un caractère de faute lourde et distincts de ceux visés dans la lettre de licenciement, retient que l'employeur établissait l'utilisation par l'intéressée, au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise.
6. En statuant ainsi, sans caractériser une faute lourde de la salariée, la cour d'appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte des articles 1217 du code civil et L. 3141-26 du code du travail qu'un salarié ne peut être tenu pour responsable, à l'égard de l'employeur, des conséquences pécuniaires de fautes commises dans l'exécution du contrat de travail qu'en cas de faute lourde, laquelle est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur et implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.
10. La société sollicite l'indemnisation d'un préjudice subi en raison de l'utilisation par la salariée, au profit de tiers, d'avantages tarifaires réservés aux salariés de l'entreprise. Toutefois, ces faits ne suffisent pas à caractériser l'intention de nuire à l'entreprise.
11. Il convient en conséquence de débouter la société de sa demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [Z] à payer à la société Grassin décors la somme de 5 989,13 euros en remboursement d'avantages tarifaires indûment perçus et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute la société Grassin décors de sa demande ;
Condamne la société Grassin décors aux dépens en ce compris ceux d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Grassin décors et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le six mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.