COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 7 mai 2025
Cassation
M. PONSOT,
conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° U 23-10.896
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 MAI 2025
M. [J] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 23-10.896 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [M] [L], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [Y] [G], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Thomas, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [U], après débats en l'audience publique du 11 mars 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Thomas, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 20 octobre 2020), par un acte du 12 mars 2012, MM. [L] et [C] ont cédé l'intégralité de leurs parts dans les sociétés [C]-Le [R] Immobilier et Demeures de Bretagne à MM. [G] et [U]. Cet acte prévoyait que le bénéficiaire s'engageait à se substituer à MM. [L] et [C] aux fins de régler les sommes qui leur seraient réclamées dans la limite de 700 000 euros.
2. M. [L] ayant été assigné en paiement en qualité de caution de la société Demeures de Bretagne, il a appelé en garantie MM. [G] et [U].
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et, en conséquence, de le condamner à garantir M. [L] de toutes les condamnations prononcées à son encontre en qualité de caution de la société Demeures de Bretagne au profit de la banque CIC Ouest, alors « qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en retenant que M. [U] était fortement impliqué dans le projet de cession, qu'il a signé l'acte du 10 avril 2012 et qu'il était présenté comme le fils de M. [G] et que d'autres actes signés le même jour selon le même procédé n'ont pas été contestés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances pouvant autoriser les cédants, qui agissaient à titre professionnel, à ne pas vérifier les pouvoirs de M. [G], a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1985 du code civil :
4. Il résulte de ce texte qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.
5. Pour juger que M. [G] disposait du mandat de représenter M. [U], l'arrêt, après avoir relevé que M. [G] avait signé l'acte du 12 mars 2012 en y apposant sa signature et ses initiales en son nom personnel et sa signature « 'P/P' [J] [U]' », retient que M. [U] a pu créer l'apparence d'avoir donné mandat du fait de son implication forte dans le projet, en adressant au cours de l'automne 2011 plusieurs courriels relatifs à des frais de structures, des prévisionnels dans lesquels il révélait ses compétences et capacités, en recevant systématiquement les courriels relatifs à la situation des sociétés devant être acquises, et en constituant, peu avant avec M. [G] « pour les besoins et/ou dans le cadre du projet de rachat », une société Immostart, dont l'objet était la transaction et la location d'immeubles et la participation dans toute société ayant cet objet social.
6. L'arrêt ajoute que M. [U] était présenté comme le fils de M. [G] en décembre 2011 dans le projet d'acquisition du groupe JLG, et qu'il signait « [J] [V] » dans plusieurs lettres adressées en novembre, décembre 2011 et février 2012 à l'une des agences du groupe.
7. Il retient enfin que l'acte de cession du 10 avril 2012 s'inscrit dans la suite des actes précédents du 12 mars 2012, que ce dernier est signé de M. [U] lui-même, ce qui conforte l'apparence d'un mandat qu'il avait donné à M. [G] pour la signature de l'acte litigieux du 12 mars 2012, et qu'il n'existe pas de contradiction entre cet acte du 12 mars 2012 et les autres actes ayant régi les rapports entre les différents protagonistes de ces cessions.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant les cédants à ne pas vérifier les pouvoirs de M. [G], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne MM. [L] et [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. [L] et [G] à payer à la SCP Zribi et Texier la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.