LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 7 mai 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 233 F-D
Pourvoi n° V 23-13.151
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MAI 2025
Mme [E] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-13.151 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre 2e section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [F] [G],
2°/ à Mme [C] [G],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ à M. [L] [G], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [F] et [C] [G] et de M. [L] [G], après débats en l'audience publique du 25 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 janvier 2023) et les productions, Mme [X] (la bailleresse) a donné à bail, le 5 juillet 2017, à M. [L] [G] (le locataire) un appartement, M. [F] [G] et Mme [C] [G] (les cautions) se portant cautions solidaires des obligations du locataire.
2. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 mai 2019, revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé », le locataire a donné congé à la bailleresse avec un préavis d'un mois.
3. Le 28 juin 2019, les cautions ont adressé à la bailleresse une lettre suivie et une lettre recommandée avec demande d'avis de réception contenant la copie du congé donné par le locataire.
4. La lettre suivie a été déposée dans la boîte aux lettres de la bailleresse le 1er juillet 2019.
5. Le 26 décembre 2019, la bailleresse a assigné le locataire et les cautions en paiement d'un solde de loyers et charges, de réparations locatives, de frais d'huissier de justice ainsi que de dommages-intérêts. Le locataire et les cautions ont sollicité, à titre reconventionnel, le paiement de dommages-intérêts.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La bailleresse fait grief à l'arrêt de condamner solidairement le locataire et les cautions au paiement d'une certaine somme au titre du solde locatif et de la condamner à leur payer des dommages-intérêts, alors « qu'à peine de nullité, le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement ; qu'en fixant le point de départ du délai de préavis applicable au congé donné par [L] [G] au 1er juillet 2019, au motif en réalité inopérant, qu'à cette date, « il a été remis dans la boîte aux lettres de Mme [X] une lettre suivie » adressée le 28 juin 2019 par [F] et [C] [G], ses parents, comportant « la mention et les justificatifs du congé avec préavis d'un mois donné par leur fils locataire », la cour d'appel a violé l'article 15, I, de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 :
8. Selon ce texte, le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier de justice ou de la remise en main propre.
9. Pour condamner solidairement le locataire et les cautions au paiement des loyers dus jusqu'au seul mois de juillet 2019, l'arrêt retient que le locataire a délivré congé avec préavis réduit le 18 juin 2019 en adressant à la bailleresse une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, que celle-ci ne peut, en ne retirant pas le courrier recommandé du locataire, se créer le droit potestatif de ne pas faire courir le délai du préavis alors qu'elle justifie par ses propres pièces avoir été présente à son domicile le 26 juin 2019 dans le temps du retrait de la lettre recommandée, qu'au 1er juillet 2019, il a été remis dans sa boîte aux lettres une lettre suivie adressée par les cautions comprenant une copie du congé du 18 juin 2019, et que le délai de préavis applicable au congé a donc commencé à courir au jour de la réception de cette lettre suivie par la bailleresse.
10. En statuant ainsi, sans constater que la bailleresse avait signé un avis de réception d'une lettre recommandée contenant un congé ou que le congé lui avait été remis en main propre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui limite la condamnation du locataire et des cautions à une certaine somme au titre des loyers entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la bailleresse en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive et statuant sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
12. En revanche, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui limite la condamnation du locataire et des cautions à une certaine somme au titre des loyers ne s'étend pas aux chefs de dispositif condamnant la bailleresse à payer la somme de 1 000 euros au locataire et celle de 500 euros à chacune des cautions à titre de dommages-intérêts, justifiés par les motifs de l'arrêt vainement critiqués par le troisième moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes en paiement de Mme [X] de la somme 147,70 euros au titre de la régularisation des charges locatives, de la somme de 295,10 euros au titre des réparations locatives et de la somme de 345,52 euros au titre du commandement de payer du 26 juillet 2019, et en ce qu'il la condamne à payer à M. [L] [G] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et à M. [F] [G], et à Mme [C] [G] celle de 500 euros chacun à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne MM. [L] et [F] [G], et Mme [C] [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le sept mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.