CIV. 1
CR12
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 14 mai 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 326 F-B
Pourvoi n° T 23-23.499
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2025
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-23.499 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [C],
2°/ à M. [S] [C],
3°/ à Mme [D] [C],
tous trois domiciliés [Adresse 2],
4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ à la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affectionsiatrogènes et des infections nosocomiales, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [J] et [S] [C] et de Mme [C], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 mars 2025 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2023), après avoir subi le 1er février 2012 une quadrantectomie d'un sein et démarré une cure de chimiothérapie, [V] [O] a présenté une aggravation de son état de santé et est décédée le [Date décès 4] 2012.
2. Après la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation, qui a estimé que son décès était imputable à une affection iatrogène grave, et l'échec de la procédure de règlement amiable, M. [J] [C] et ses enfants, M. [S] et Mme [D] [C] (les consorts [C]), ont assigné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en indemnisation. La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et la caisse des dépôts et consignation prise en qualité de représentant légal de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ont été mises en cause.
3.Le droit à indemnisation des consorts [C] au titre de la solidarité nationale a été admis par l'ONIAM.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deux premières branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses trois dernières branches
Enoncé du moyen
5. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [J] [C] la somme de 534 446,51 euros incluant celle de 496 961,49 euros au titre de son préjudice économique, à M. [S] [C] la somme de 41 069,46 euros incluant celle de 16 069,46 euros au titre de son préjudice économique et à Mme [D] [C] la somme de 50 297,75 euros incluant celle de 20 297,75 euros au titre de son préjudice économique, alors :
« 3°/ que l'indemnisation par l'ONIAM doit se faire déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 précitée, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'il s'en déduit que, pour déterminer le préjudice économique de la victime d'un accident médical non fautif indemnisé par l'ONIAM, le calcul du revenu du foyer après décès doit inclure toutes les indemnités reçues ou à recevoir, dont notamment les pensions temporaires d'orphelin versées par la CNRACL (caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), gérées par la caisse des dépôts et consignations ; qu'en déduisant du préjudice économique total subi par monsieur [S] [C] la pension temporaire d'orphelin qui lui avait été versée par la CNRACL, gérée par la caisse des dépôts et consignations, au lieu d'intégrer cette pension dans le calcul du revenu du foyer après décès, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-1, II, et L. 1142-17 du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
4°/ que l'indemnisation par l'ONIAM doit se faire déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 précitée, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'il s'en déduit que, pour déterminer le préjudice économique de la victime d'un accident médical non fautif indemnisé par l'ONIAM, le calcul du revenu du foyer après décès doit inclure toutes les indemnités reçues ou à recevoir, dont notamment les pensions temporaires d'orphelin versées par la CNRACL (caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), gérées par la caisse des dépôts et consignations ; qu'en déduisant du préjudice économique total subi par madame [D] [C] la pension temporaire d'orphelin qui lui avait été versée par la CNRACL, gérée par la caisse des dépôts et consignations, au lieu d'intégrer cette pension dans le calcul du revenu du foyer après décès, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, II, et L. 142-17 du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
5°/ que l'indemnisation par l'ONIAM doit se faire déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 précitée, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'il s'en déduit que, pour déterminer le préjudice économique de la victime d'un accident médical non fautif indemnisé par l'ONIAM, le calcul du revenu du foyer après décès doit inclure toutes les indemnités reçues ou à recevoir, dont notamment les pensions temporaires d'orphelin ainsi que la pension de réversion, versées par la CNRACL (caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) et gérées par la caisse des dépôts et consignations ; qu'en déduisant du préjudice économique total subi par monsieur [J] [C], père, les pensions temporaires d'orphelin ainsi que la pension de réversion versées par la CNRACL au lieu de les intégrer dans le calcul du revenu du foyer après décès, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, II, et L. 142-17 du code de la santé publique, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique qu'il y a lieu de déduire de l'indemnisation à la charge de l'ONIAM les prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.
7. Dans le cas d'un décès de la victime directe ayant un conjoint et/ou des enfants à charge, le revenu annuel du foyer après décès, qui doit être pris en compte comme élément de référence pour le calcul de l'indemnité due au titre du préjudice économique du conjoint survivant et des enfants, n'intègre pas les prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire dès lors que celles-ci doivent ensuite être imputées sur le poste du préjudice économique de chacun des bénéficiaires de prestations.
8. Il en va de même lorsque l'indemnisation est à la charge de la solidarité nationale, mais le montant de l'indemnité allouée à chaque victime indirecte correspond à l'évaluation du poste de préjudice économique la concernant après déduction des prestations ouvrant droit à un recours subrogatoire, même si aucun recours ne peut être exercé par les tiers payeurs contre l'ONIAM, lequel n'est pas responsable du dommage survenu.
9. La cour d'appel a d'abord évalué le montant des revenus annuels actualisés du foyer avant le décès, déduit la part d'auto-consommation de la défunte et les revenus de M. [J] [C] sans y inclure, à bon droit, ni le montant de la pension de réversion ni celui des pensions temporaires d'orphelin versées aux enfants. Elle en a exactement déduit le préjudice économique global du foyer en distinguant les arrérages échus entre le décès et l'arrêt et les arrérages à échoir par voie de capitalisation sur la base d'un euro de rente viagère pour l'avenir.
10. Elle a ensuite évalué le préjudice économique de chacun des enfants au regard de leur part de consommation et de leur autonomie acquise au jour de l'arrêt, puis déduit le préjudice économique de chacun des enfants du préjudice économique global du foyer pour obtenir le préjudice économique du conjoint survivant.
11. Enfin, la cour d'appel a, à bon droit, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, déterminé l'indemnité due par l'ONIAM en déduisant de chaque préjudice ainsi évalué, le montant des prestations servies par la Caisse des dépôts et consignations, au titre de la pension de réversion pour M. [J] [C] et au titre de la pension temporaire d'orphelin pour chacun des enfants.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Oniam aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'ONIAM et le condamne à payer à M. [J] [C], M. [S] [C] et Mme [D] [C] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.