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14/05/2025 | FRANCE | N°24-14.319

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai 2025, 24-14.319


SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 517 F-B

Pourvoi n° K 24-14.319



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025

M. [B] [C], domicilié [Adresse 2], a f

ormé le pourvoi n° K 24-14.319 contre l'arrêt rendu le 22 février 2024 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Invest Hotels...

SOC.

JL10



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 14 mai 2025




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 517 F-B

Pourvoi n° K 24-14.319



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 MAI 2025

M. [B] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 24-14.319 contre l'arrêt rendu le 22 février 2024 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Invest Hotels Toulouse La Rochelle Saint-Avold Thiers, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations écrites de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 22 février 2024), M. [C] a été engagé en qualité de cuisinier le 16 mai 2016 par la société Invest Hotels Toulouse La Rochelle Saint-Avold Thiers. Il était en dernier lieu employé d'exploitation polyvalent.

2. Il a été licencié le 2 décembre 2019.

3. Le 22 mai 2020, le salarié a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes en paiement d'heures supplémentaires accomplies au titre des astreintes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter les sommes allouées à titre de rappels de salaires et de congés payés afférents et de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre de la violation des prescriptions légales en matière de temps de travail et du manquement à l'obligation de sécurité, ainsi que de sa demande présentée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, alors « que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; que la Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de temps de travail effectif, au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du ''temps de travail'', aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE, 9 mars 2021, C-344/19, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, points 37 et 38) ; que pour limiter les sommes dues au salarié au titre des rappels de salaire et des congés payés afférents, la cour d'appel, après avoir rappelé les stipulations contractuelles et relevé que le salarié devait assurer en moyenne quatre nuits d'astreinte hebdomadaires, du vendredi soir au mardi matin, au sein de l'hôtel où il travaillait et logeait dans une chambre de fonction réservée à cet effet, a retenu que, bien que le salarié ne rapportait aucun élément permettant d'établir que l'intégralité de ses temps d'astreinte constituait du temps de travail effectif, en raison notamment de l'existence d'une borne d'accès 24 heures sur 24 permettant aux clients d'avoir un accès libre à l'hôtel sans avoir à s'adresser au salarié de permanence, ce qui limitait ses interventions durant les nuits passées à l'hôtel, il rapportait néanmoins des éléments suffisants montrant qu'il était régulièrement appelé à intervenir durant ses périodes d'astreinte, compte tenu de la vétusté des lieux et du matériel de l'hôtel ; qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier, comme elle y était invitée, si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-1 et L. 3121-9 du code du travail :

5. Aux termes du premier de ces textes, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

6. Selon le second, constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.

7. La Cour de justice de l'Union européenne juge que relève de la notion de "temps de travail effectif", au sens de la directive 2003/88, l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du "temps de travail", aux fins de l'application de la directive 2003/88 (CJUE, 9 mars 2021, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija, C-344/19, points 37 et 38).

8. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que le temps d'astreinte n'était pas un temps de travail effectif dès lors que les interventions du salarié au titre de l'accès des clients à l'hôtel ne pouvaient qu'être limitées durant la nuit qu'il passait à l'hôtel compte tenu de l'existence d'une borne d'accès 24 heures sur 24 mais que le salarié était appelé à intervenir régulièrement durant ses périodes d'astreinte compte tenu de la vétusté des lieux et du matériel de l'hôtel.

9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié était amené à intervenir régulièrement pendant les périodes d'astreinte, sans vérifier si l'intéressé, qui soutenait que son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l'hôtel, avait été soumis, au cours de ces périodes, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation des chefs de dispositif prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Invest Hotels Toulouse La Rochelle Saint-Avold Thiers à payer à M. [C] les sommes de 7 824,66 euros à titre de rappels de salaires, 782,46 euros au titre des congés payés afférents aux rappels de salaire et déboute le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la violation des prescriptions légales en matière de temps de travail et du manquement à l'obligation de sécurité, ainsi que de sa demande présentée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 22 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Invest Hotels Toulouse La Rochelle Saint-Avold Thiers aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Invest Hotels Toulouse La Rochelle Saint-Avold Thiers à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatorze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 24-14.319
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 14 mai. 2025, pourvoi n°24-14.319, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:24.14.319
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