LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 22 mai 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 489 F-D
Pourvoi n° S 22-21.033
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 MAI 2025
La société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-21.033 contre l'arrêt rendu le 6 juillet 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [I] [S], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 juillet 2022), le 26 juillet 2016, une caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [S], salarié de la société Frabelta, aux droits de laquelle vient la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux (la société).
2. Par un jugement du 17 décembre 2018, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale a dit que l'employeur avait commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle du salarié.
3. La société a relevé appel de ce jugement le 30 janvier 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance d'appel, alors « que le délai de péremption ne court pas lorsque la direction de la procédure échappe aux parties, la fixation de l'affaire étant le seul fait du greffe, et qu'elles ne peuvent donc accomplir aucune diligence de nature à accélérer le déroulement de l'instance ; que, pour dire que l'instance était périmée, faute de diligence pendant les deux ans suivant la déclaration d'appel et à défaut de fixation de l'affaire dans ce délai, la cour d'appel a affirmé que, si en procédure orale, les parties n'ont pas l'obligation de conclure, il leur appartient à tout le moins, si elles n'entendent pas le faire, de manifester leur intention de poursuivre l'instance en demandant la fixation de l'affaire à une audience, quelles que soient au demeurant les chances de succès d'une telle demande, puis elle a constaté que la société avait relevé appel le 30 janvier 2019, n'avait pas sollicité la fixation de son affaire par le greffe et n'avait conclu que le 3 décembre 2021 ; qu'en statuant ainsi, quand la fixation de l'affaire à une audience relevait du seul greffe de la juridiction, qui n'était pas tenu de répondre favorablement à une éventuelle demande de fixation émanant d'une partie, ce dont il résultait que la société ne pouvait accomplir aucune diligence de nature à accélérer le déroulement de l'instance et qu'aucun délai de péremption ne courait, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 386, 946 du code de procédure civile et R. 142-11 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :
5. Selon le deuxième de ces textes, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
6. Selon le quatrième, dans les litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, la procédure d'appel est sans représentation obligatoire.
7. Selon le troisième, la procédure sans représentation obligatoire est orale.
8. Par deux arrêts (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvois n° 22-12.882 et 22-20.384, publiés), qui ont procédé à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation juge qu'en procédure orale, à moins que les parties ne soient tenues d'accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n'ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l'audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe.
9. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l'affaire à une audience à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.
10. Pour constater la péremption de l'instance, l'arrêt relève qu'à compter de l'appel interjeté le 30 janvier 2019, la société n'a pas sollicité la fixation de l'affaire et n'a conclu qu'après sa convocation à l'audience et la remise des conclusions par la partie adverse.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. [S] et la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [S] à payer à la société Eiffage travaux maritimes et fluviaux la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-deux mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.