COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 407 F-B
Pourvoi n° N 21-16.632
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 MAI 2025
Le directeur régional des finances publiques d'[Localité 3], domicilié [Adresse 5], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, a formé le pourvoi n° N 21-16.632 contre l'arrêt rendu le 15 février 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [K] [O] [S], domiciliée [Adresse 2], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'[Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, Lassalle-Byhet, avocat de Mme [S], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 février 2021), [N] [T] est décédée le [Date décès 1] 2014 en l'état d'un testament instituant son frère, [V] [T], légataire universel.
2. La déclaration de succession a été déposée le 31 octobre 2014 et enregistrée le 14 avril 2015 par le service des impôts des entreprises de [Localité 4], sans paiement d'aucun droit, [V] [T], seul héritier, ayant considéré qu'en raison de sa cohabitation avec sa sur défunte, il bénéficiait de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts.
3. Par une proposition de rectification en date du 3 mai 2016, l'administration fiscale a envisagé à l'encontre de [V] [T] des rectifications en matière de droits d'enregistrement, au motif que la conclusion d'un pacte civil de solidarité, enregistré le 18 février 2002, ne permettait plus de le considérer célibataire, veuf, divorcé ou séparé au moment de l'ouverture de la succession, au regard de ce texte.
4. Après rejet de sa contestation par l'administration fiscale le 15 décembre 2016, [V] [T] a assigné celle-ci aux fins d'obtenir décharge des suppléments d'imposition au titre des droits de mutation à titre gratuit.
5. [V] [T] est décédé en cause d'appel, en l'état d'un testament instituant Mme [S] légataire universel, laquelle a repris l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. L'administration fiscale fait grief à l'arrêt de dire que [V] [T] devait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts et de déclarer non fondée sa décision de rejet en date du 15 décembre 2016 avec toutes conséquences de droit alors, « qu'il résulte des dispositions de l'article 796-0 ter du code général des impôts qu'est exonéré de droits de mutation par décès la part de chaque frère ou sur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, à la double condition qu'il soit, au moment de l'ouverture de la succession, âgé de plus de cinquante ans ou atteint d'une infirmité le mettant dans l'impossibilité de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence et qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès ; qu'il résulte des débats parlementaires que le législateur a voulu assimiler, en matière de droits de succession, le régime des partenaires liés par un pacte civile de solidarité (PACS) à celui des couples mariés, de sorte que le partenaire lié par un PACS ne peut plus être considéré comme étant célibataire à compter de la date de conclusion du PACS ; qu'en jugeant que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'une personne liée par un pacte civil de solidarité ne peut être considéré comme célibataire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 796-0 ter du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 515-4 du code civil et 796-0 ter du code général des impôts :
7. Selon le premier de ces textes, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune.
8. Selon le second, est exonérée de droits de mutation par décès, sous certaines conditions qu'il prévoit, la part de chaque frère ou sur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès.
9. Il en résulte que l'exonération prévue par ce dernier texte ne peut bénéficier à une personne qui, au jour de l'ouverture de la succession, était liée à un tiers par un pacte civil de solidarité.
10. Pour dire que [V] [T] devait bénéficier de l'exonération prévue à l'article 796-0 ter du code général des impôts et déclarer non fondée la décision de rejet de sa réclamation, l'arrêt énonce que la législation fiscale est d'interprétation stricte et qu'aucune disposition légale ne définit le célibat en droit fiscal. Il ajoute que la situation de l'héritier à la date de l'ouverture de la succession y est appréhendée par référence au mariage, de sorte qu'une personne célibataire au sens de l'article 796-0 ter précité doit uniquement s'entendre de celle qui n'est pas mariée. Il en déduit que la circonstance que M. [T] est lié par un pacte civil de solidarité ne peut le priver du bénéfice de l'exonération prévue par ce texte.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne Mme [S], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S], prise en qualité de légataire universel de [V] [T], et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d'[Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par le président, M. Ponsot, conseiller doyen en ayant délibéré en remplacement de M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur empêché, et le greffier de chambre, conformément aux dispositions des article 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.