LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 517 F-D
Pourvoi n° E 23-21.279
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
M. [H] [G], domicilié [Adresse 3] (Monaco), a formé le pourvoi n° E 23-21.279 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Generali vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Milleis banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Barclays bank France, venant aux droits de Barclays bank PLC,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de M. [G], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Generali vie, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 juin 2023) et les productions, la société Barclays financement immobiliers, aux droits de laquelle vient la société Milleis banque (le prêteur), a consenti à M. et Mme [G] un prêt immobilier le 3 août 2001. Le 6 juillet 2001, la société Generali vie (l'assureur) a accepté l'adhésion de M. [G] (l'assuré) au contrat d'assurance de groupe au titre des garanties décès, invalidité et incapacité.
2. En arrêt de travail à compter du mois de janvier 2010, l'assuré a été classé en invalidité le 1er février 2013. L'assureur lui a notifié le 23 décembre 2013 un refus de prise en charge des échéances du prêt, en invoquant une fausse déclaration de l'assuré lors de l'adhésion au contrat d'assurance.
3. Le 18 décembre 2015, le prêteur a prononcé la déchéance du terme du prêt pour défaut de paiement.
4. L'assuré a saisi le 9 février 2017 un tribunal de grande instance de demandes de condamnation, sous astreinte, de l'assureur à lui rembourser les sommes qu'il estime avoir réglées à sa place et à le garantir de toutes les sommes que lui réclamerait le prêteur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [G] fait grief à l'arrêt de dire recevable l'exception de nullité du contrat d'assurance soulevée par l'assureur, de dire nul le contrat d'assurance souscrit, de dire n'y avoir lieu à expertise et de le débouter de ses demandes, alors « que l'exception de nullité du contrat d'assurance invoquée hors du délai de prescription de deux ans, peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté totalement ou en partie ; il en va ainsi quand bien-même cette exécution serait antérieure à la connaissance par l'assureur des causes de nullité dont il fait état et ne serait pas de nature à caractériser sa renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat ; en accueillant l'exception de nullité du contrat d'assurance soulevée par l'assureur, après avoir constaté que cette nullité était soulevée hors délai de prescription biennale et que le contrat d'assurance avait été partiellement exécuté par l'assureur, la cour d'appel a violé l'article L 114-1 du code des assurances et le principe selon lequel l'exception de nullité du contrat est perpétuelle. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 114-1 du code des assurances et le principe selon lequel l'exception de nullité est perpétuelle :
6. Selon ce texte, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance.
7. Il résulte de ce texte et de ce principe qu'après l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité du contrat d'assurance, l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ou n'a pas reçu un commencement d'exécution.
8. Pour dire recevable l'exception de nullité du contrat d'assurance soulevée par l'assureur, l'arrêt retient que ce dernier a eu connaissance le 6 mars 2015 des éléments médicaux qui révèlent selon lui la réticence et la fausse déclaration de l'assuré. Il ajoute que l'assureur avait déjà eu la révélation de la fausse déclaration par la communication d'un rapport médical du 27 septembre 2013 et qu'il n'a pas agi dans le délai de deux ans dont il disposait à compter de la communication de ce rapport.
9. Il retient que, la cessation de la prise en charge ayant été notifiée à l'assuré le 23 décembre 2013, la prescription était acquise de manière certaine le 23 décembre 2015, ce dont il déduit que l'action en nullité du contrat était prescrite.
10. L'arrêt ajoute que la prescription biennale n'atteint que l'action dérivant du contrat d'assurance et ne peut être étendue au moyen de défense opposé à une telle action.
11. Il relève que l'assuré fait valoir que le commencement d'exécution du contrat par l'assureur s'oppose à l'exception de nullité postérieurement à l'acquisition du délai de prescription de l'action.
12. Il retient cependant que, le commencement d'exécution étant antérieur à la connaissance par l'assureur des causes de nullité dont il entend faire état, il ne peut valoir renonciation à se prévaloir de l'exception de nullité.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'action en nullité était prescrite et que le contrat avait reçu un commencement d'exécution, ce dont il se déduisait que l'exception de nullité ne pouvait pas être invoquée, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention de la société Milleis banque anciennement dénommée Barclays France, venant aux droits de la société Barclays bank PLC, venant aux droits de la société Barfimmo, l'arrêt rendu le 8 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Generali vie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali vie et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.