LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 518 F-D
Pourvois n°
G 23-20.477
S 23-20.485
W 23-24.031 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
I. 1°/ M. [ZT] [TI], domicilié [Adresse 14],
2°/ M. [FK] [TI], domicilié [Adresse 13] (Mexique),
ont formé le pourvoi n° G 23-20.477 contre un arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 15],
2°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16],
3°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 40],
4°/ à la société Mutuelle du Mans assurances (MMA), société anonyme,
5°/ à la société Mutuelle du Mans assurances mutuelles, société anonyme,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],
6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 17],
défenderesses à la cassation.
II. 1°/ Mme [Y] [F], épouse [M], domiciliée [Adresse 8],
2°/ Mme [YD] [U], épouse [Z], domiciliée [Adresse 22],
3°/ M. [R] [L], domicilié [Adresse 3],
4°/ M. [BP] [N], domicilié [Adresse 7],
5°/ M. [ZT] [K], domicilié [Adresse 37],
6°/ Mme [P] [DV], domiciliée [Adresse 28],
7°/ Mme [E] [IP], domiciliée [Adresse 19],
8°/ Mme [HA] [KF], domiciliée [Adresse 25],
9°/ M. [NK] [LV], domicilié [Adresse 10],
10°/ Mme [A] [IT], domiciliée [Adresse 2], assistée de sa curatrice Mme [X] [T],
11°/ Mme [V] [LD], épouse [PA], domiciliée [Adresse 31],
12°/ la société d'assurances mutuelles Mutuelle assurance instituteur France (MAIF), dont le siège est [Adresse 9],
13°/ Mme [X] [T], domiciliée [Adresse 26], agissant en qualité de curatrice de Mme [A] [IT],
ont formé le pourvoi n° S 23-20.485 contre le même arrêt, dans le litige les opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière,
2°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée,
3°/ à M. [SN] [YY], domicilié [Adresse 30],
4°/ à M. [Y] [WN], domicilié [Adresse 21],
5°/ à M. [O] [B], domicilié [Adresse 29],
6°/ à Mme [GF] [UY], domiciliée [Adresse 39],
7°/ à Mme [J] [H], divorcée [KI], domiciliée chez [Adresse 35],
8°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 4],
9°/ à M. [HD] [DA], domicilié [Adresse 24],
10°/ à M. [AP] [EP], domicilié [Adresse 11],
11°/ à Mme [I] [XI], domiciliée [Adresse 38],
12°/ à Mme [AC] [RT], domiciliée [Adresse 20],
13°/ à M. [CF] [C],
14°/ à Mme [OF] [JK], épouse [C],
tous deux domiciliés [Adresse 34],
15°/ à Mme [S] [MT], domiciliée [Adresse 33],
16°/ à M. [ZT] [TI],
17°/ à M. [FK] [TI],
18°/ à l'association Phil Music prestations, association loi 1901, dont le siège est chez M. [PD] [UD], [Adresse 1],
19°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 36],
20°/ à la société Ouest aspiration, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12],
21°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée,
22°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
23°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
24°/ à la société Axa France IARD, société anonyme,
25°/ à M. [OI] [W], domicilié [Adresse 32],
26°/ à Mme [VT] [D] [W], domiciliée [Adresse 5],
27°/ à M. [PY] [W], domicilié [Adresse 23],
28°/ à Mme [HV] [HY], domiciliée [Adresse 18],
tous quatre pris en leur qualité d'ayants droit de [BK] et [MP] [W], décédés,
29°/ à M. [R] [LA], domicilié [Adresse 27],
pris en qualité d'héritier de [HV] [LA], décédée,
défendeurs à la cassation.
III. M. [O] [B], domicilié [Adresse 29], a formé le pourvoi n° W 23-24.031 contre le même arrêt, dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Le Viaduc, société civile immobilière,
2°/ à la société Barconnière, société par actions simplifiée,
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme,
4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles,
5°/ à la société Arlem, société par actions simplifiée,
6°/ à la société Axa France IARD, société anonyme,
défenderesses à la cassation.
Les sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, défenderesses au pourvoi n° S 23-20.485 ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° G 23-20.477 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Les demandeurs au pourvoi principal n° S 23-20.485 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.
Les défendeurs au pourvoi incident n° S 23-20.485 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le demandeur au pourvoi n° W 23-24.031, invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [B], de la SCP Richard, avocat de MM. [ZT] et [FK] [TI], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [F], [U], de MM. [L], [N], [K], Mmes [DV], [IP], [KF], de M. [LV], de Mme [IT], assistée de sa curatrice Mme [X] [T], de Mme [LD], de la société MAIF et de Mme [T], agissant en qualité de curatrice de Mme [A] [IT], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Cabinet François Pinet, avocat des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat des sociétés Le Viaduc et Arlem, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 avril 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 23-20.477, S 23-20.485 et W 23-24.031 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mmes [F], [U], [DV], [IP], [KF], [LD] et [IT], cette dernière assistée de Mme [T] sa curatrice, à MM. [L], [N], [K], [LV] et à la société MAIF du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mmes [UY], [H], [XI], [RT], [JK], [MT], MM. [YY], [WN], [B], [G], [DA], [EP], [C], [ZT] [TI] et [FK] [TI], M. [OI] [W], M. [PY] [W], Mme [VT] [W], Mme [HY], ces quatre derniers en leur qualité d'ayants droit de [BK] [W] et [MP] [W], tous deux décédés, M. [LA] en qualité d'héritier de [HV] [LA], décédée, l'association Phil Music prestations et les sociétés Arlem, MAAF assurances, Ouest aspiration et Axa France IARD.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2023), la société Le Viaduc (la SCI) a fait édifier sur un terrain lui appartenant un bâtiment qui a fait l'objet d'une première extension.
4. La SCI a donné à bail ces locaux à la société Arlem qui, sous l'enseigne de « Home Box », les a affectés à son activité de location de boxes de rangement.
5. Pour les besoins de la construction d'une seconde extension, la société Barconnière, en réalisant des travaux de soudure, a projeté des étincelles dans le bâtiment d'origine qui ont déclenché un incendie qui a détruit totalement les locaux.
6. La société Arlem et la SCI, ainsi que plusieurs des locataires de boxes, dont M. [B], ont assigné la société Barconnière et son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, devant un tribunal de grande instance, à fin d'indemnisation.
7. Ces mêmes locataires ont également assigné, aux mêmes fins, la société Arlem et son assureur, la société Axa France IARD.
8. Les sociétés MAIF et Filia MAIF, aux droits de laquelle vient la société MAIF (l'assureur) ainsi que Mmes [F], [Z], [DV], [IP], [KF], [PA] et [IT] et MM. [L], [N], [K] et [LV], ses assurés, sociétaires de la mutuelle (les sociétaires), qui avaient loué des boxes, ont procédé de même.
9. MM. [TI], qui avaient également loué des boxes, sont intervenus à l'instance à fin d'indemnisation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° G 23-20.477 formé par MM. [TI], le moyen du pourvoi n° W 23-24.031 formé par M. [B], le moyen du pourvoi provoqué des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, le premier moyen et le second moyen, pris en ses des deux premières branches, du pourvoi n° S 23-20.485 formé par la société MAIF et les sociétaires
10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, du pourvoi n° G 23-20.477, et sur le moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° W 23-24.031, qui sont irrecevables, et sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, du pourvoi n° G 23-20.477, le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 23-24.031, le premier moyen et le second moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi n° S 23-20.485, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° S 23-20.485
Enoncé du moyen
11. La société MAIF et les sociétaires font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et de la SCI, et rejeter les demandes au titre d'un préjudice moral de Mmes [F], [DV], [IP], [KF], [IT] et [PA], et MM. [L], [N], [K] et [LV], alors « que le juge ne peut rejeter une demande au seul motif de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies, dès lors qu'il a constaté l'existence de la créance en son principe ; qu'en l'espèce, il est constant qu'un incendie a intégralement détruit les locaux divisés en box, servant à entreposer les biens appartenant aux sociétaires ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté qu'étaient versées aux débats, "pour chaque sociétaire, outre la quittance subrogatoire, (?) les conditions générales de la Police Raqvam" ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de l'assureur dirigées contre les responsables du sinistre et celles des sociétaires tendant à la prise en charge de la franchise prévue par le contrat d'assurance au motif qu'au vu des éléments versés aux débats, "la cour ne dispose d'aucun élément de nature à attester que le montant de l'indemnisation correspond à la valeur du mobilier qui avait été stocké dans les box, ni aucun autre élément que le rapport d'expertise permettant de chiffrer la valeur des biens détruits et notamment aucune facture ou attestation", la cour d'appel, qui a refusé d'évaluer un préjudice dont elle a constaté l'existence en son principe, a violé l'article 4 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
12. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer un dommage dont il constate l'existence dans son principe.
13. Pour débouter l'assureur et les sociétaires de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et de la SCI, l'arrêt énonce que l'assureur qui agit sur le fondement de la subrogation légale ou conventionnelle ne bénéficie pas de plus de droits que ceux dont l'assuré disposait.
14. Il constate que l'assureur verse aux débats une expertise amiable contradictoire mais ajoute que la demande de condamnation à une indemnisation formée à l'encontre du responsable du sinistre ne saurait reposer uniquement sur un tel rapport qui ne serait pas corroboré par d'autres éléments de preuve du préjudice des assurés.
15. L'arrêt relève que l'assureur communique également, pour chacun de ses assurés, la quittance subrogative et les conditions générales de la police « risques autres que les véhicules à moteurs (RAQVAM) » mais ne produit pas de conditions particulières mentionnant la valeur déclarée du mobilier entreposé dans les boxes.
16. Il énonce ensuite que la correspondance entre le montant de l'indemnisation versée par l'assureur aux sociétaires et la valeur du mobilier qui avait été stocké par ces derniers dans les boxes n'est pas établie, et qu'aucun autre élément que le rapport d'expertise amiable ne permet de chiffrer la valeur des biens détruits, en l'absence, notamment, de factures ou d'attestations.
17. Il retient, en conséquence, que nonobstant l'indemnisation de ses sociétaires à hauteur de la somme de 116 035,43 euros au total, l'assureur n'établit pas la réalité des préjudices qu'il a accepté de garantir à due concurrence.
18. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, puisque l'incendie qui avait détruit totalement les locaux et les meubles s'y trouvant était établi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° G 23-20.477 formé par MM. [TI], le pourvoi n° W 23-24.031 formé par M. [B] et le pourvoi provoqué formé par les sociétés Barconnière, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société MAIF, la société Filia MAIF, aux droits de laquelle vient la société MAIF, Mme [F], Mme [Z], M. [L], M. [N], M. [K], Mme [DV], Mme [IP], Mme [KF], M. [LV], Mme [IT] et Mme [PA] de toutes leurs demandes à l'encontre des sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Le Viaduc, rejette les demandes au titre d'un préjudice moral de Mmes [F], [DV], [IP], [KF], [IT] et [PA], et MM. [L], [N], [K] et [LV] et condamne in solidum les sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Le Viaduc aux dépens et au paiement d'une somme de 4 000 euros, ensemble à la société MAIF et à Mme [F], Mme [Z], M. [L], M. [N], M. [K], Mme [DV], Mme [IP], Mme [KF], M. [LV], Mme [IT] et Mme [PA], l'arrêt rendu le 29 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne les sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Le Viaduc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Barconnière, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles et Le Viaduc à payer à la société MAIF, Mmes [Z], [DV], [IP], [KF], [PA] et [IT], cette dernière assistée par Mme [T], sa curatrice et à MM. [L], [N], [K] et [LV], la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.