LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 28 mai 2025
Cassation sans renvoi
M. BOYER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 255 F-D
Pourvoi n° Z 23-19.940
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2025
M. [X] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-19.940 contre l'ordonnance du 11 janvier 2023 rendue par le juge de l'expropriation du département de la Charente-Maritime, siégeant au tribunal judiciaire de La Rochelle, dans le litige l'opposant à l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. [E], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, après débats en l'audience publique du 1er avril 2025 où étaient présents M. Boyer, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, Mme Abgrall, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [E] s'est pourvu en cassation contre l'ordonnance du juge de l'expropriation du département de la Charente-Maritime du 11 janvier 2023 ayant ordonné l'expropriation partielle, au profit de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, d'une parcelle lui appartenant.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. [E] fait grief à l'ordonnance de déclarer expropriée immédiatement, pour cause d'utilité publique, au profit de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, une emprise de 2 260 m² de la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 3], alors « que l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R.132-2 renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; que l'article 7, alinéa 2 de ce décret prévoit que, lorsqu'il y a division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division ; que le dernier alinéa de cet article dispose que, dans la plupart des cas, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre ; que l'article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la conservation du cadastre précise que tout changement de limite de propriété doit être constaté par un document d'arpentage qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété ; qu'il résulte de ces textes qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document ; qu'en ordonnant en l'espèce l'expropriation au profit de l'Epf d'une emprise de 2260 m² à prendre sur la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 3] d'une surface totale de 4113 m² sise commune de [Adresse 2], appartenant à M. [E], le juge de l'expropriation a violé les articles R.221-4, R.132-2, R.132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 221-4, R. 132-2 et R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière :
3. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains, un procès-verbal d'arpentage doit être préalablement réalisé, afin que les parcelles sous emprise soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document.
4. Pour transférer, au profit de l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine, la propriété d'une partie de la parcelle appartenant à M. [E], l'ordonnance désigne le bien exproprié en annexant un état parcellaire, qui énonce la surface de l'emprise et la surface restante.
5. En statuant ainsi, sur le fondement d'un arrêté de cessibilité établi en l'absence d'un procès-verbal d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés.
6. L'ordonnance est donc entachée d'un vice de forme qui doit en faire prononcer l'annulation.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 11 janvier 2023, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département de la Charente-Maritime ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine et le condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-huit mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.