La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2025 | FRANCE | N°23-12.614

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 04 juin 2025, 23-12.614


COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 304 F-B

Pourvoi n° M 23-12.614




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JUIN 2025

1°/ [A] [X], anciennement domiciliée [Adre

sse 7], décédée le 15 juillet 2023,

2°/ M. [E] [U], domicilié [Adresse 8] (Pay-Bas),

3°/ M. [S] [N], domicilié [Adresse 1] (Virginia) (États-unis),

4°/ Le Fonds de Dot...

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 304 F-B

Pourvoi n° M 23-12.614




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JUIN 2025

1°/ [A] [X], anciennement domiciliée [Adresse 7], décédée le 15 juillet 2023,

2°/ M. [E] [U], domicilié [Adresse 8] (Pay-Bas),

3°/ M. [S] [N], domicilié [Adresse 1] (Virginia) (États-unis),

4°/ Le Fonds de Dotation [P] [Z], pour la photographie de conflit, fondation, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ M. [M] [J], agissant en qualité d'héritier de [A] [X], domicilié [Adresse 3],

6°/ M. [W] [L], agissant en qualité d'héritier de [A] [X], domicilié [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° M 23-12.614 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Green Recovery II, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société Hachette Filipacchi presse, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [U], de M. [N] et du Fonds de Dotation [P] [Z] pour la photographie de conflit, de M. [J] et de M. [L] en leur qualité d'héritiers de [A] [X], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Hachette Filipacchi Presse, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à MM. [J] et [L] de ce qu'ils reprennent l'instance en leur qualité d'héritiers de leur mère, [A] [X], décédée le 15 juillet 2023.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 2022), [P] [Z], aux droits de laquelle vient le Fonds de Dotation [P] [Z] pour la photographie de conflit, [A] [X] et MM. [N] et [U] (les photographes), photographes professionnels, avaient confié la gestion et l'exploitation d'une partie de leurs photographies originales à l'Agence Gamma, devenue la société Hachette photo presse puis la société Eyedea presse, dont le capital social était détenue à 100 % par la société Groupe Hachette Filipacchi photos. Cette dernière a été cédée par la société Hachette Filipacchi presse à la société Green Recovery II.

3. La société Eyedea presse a été mise en liquidation judiciaire.

4. Certaines de leurs photographies confiées initialement à l'Agence Gamma ayant été perdues, les photographes, après avoir obtenu la fixation de leurs créances au passif de la société Eyedea presse, ont assigné les sociétés Hachette Filipacchi presse et Green Recovery II sur le fondement de l'action paulienne, aux fins de leur voir déclarer inopposables divers actes ayant eu, selon eux, pour effet un appauvrissement de la société Eyedea presse, à savoir l'acte de cession du 22 janvier 2007 de la société Groupe Hachette Filipacchi photos conclu entre les sociétés Hachette Filipacchi presse et Green Recovery II, l'acte de prêt du 2 février 2007 et son avenant du 29 juin 2009 conclus entre la société Hachette Filipacchi presse, prêteur, et, notamment, la société Eyedea presse, emprunteur, le protocole transactionnel du 15 mai 2009 et le protocole de conciliation du même jour conclus entre la société Hachette Filipacchi presse et, notamment, les sociétés Green Recovery II et Eyedea presse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

5. Les photographes font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation du 15 mai 2009, homologué par jugement du 24 juin 2009 du tribunal de grande instance de Nanterre, et du protocole transactionnel du 15 mai 2009, annexé audit jugement, et de déclarer en conséquence irrecevable la demande d'inopposabilité de l'avenant du 29 juin 2009 au contrat de prêt du 2 février 2007, alors :

« 2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en énonçant qu' "un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne" et que "la circonstance que les appelants n'aient pas été en mesure d'attaquer le jugement homologué par le tribunal de commerce de Nanterre avant le redressement judiciaire de Eyedea presse n'est pas de nature à leur ouvrir une voie de recours telle que l'action paulienne qui n'est pas ouverte à l'encontre des jugements", cependant que la cour d'appel n'était pas saisie d'une action paulienne exercée contre un jugement, mais contre un protocole de conciliation et un protocole transactionnel, lesquels ne constituent pas des jugements, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que si l'action paulienne est fermée contre les jugements, elle est ouverte contre les conventions homologuées par le juge ou annexées à un jugement, aux fins de les voir déclarées inopposables au créancier demandeur ; qu'en déclarant irrecevables les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation du 15 mai 2009 homologué par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 juin 2009 et du protocole transactionnel du 15 mai 2009 annexé audit jugement, aux motifs qu' "un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne" et que "la circonstance que les appelants n'aient pas été en mesure d'attaquer le jugement homologué par le tribunal de commerce de Nanterre avant le redressement judiciaire de la société Eyedea presse n'est pas de nature à leur ouvrir une voie de recours telle que l'action paulienne, qui n'est pas ouverte à l'encontre des jugements", la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 du code de procédure civile, 1167, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 2052 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 1441-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 :

6. Selon le premier de ces textes, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Selon le deuxième, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits. Il résulte des deux derniers que, lorsque le président du tribunal de grande instance statue sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne porte que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l'ordre public et aux bonnes mœurs et n'exclut pas celui opéré par le juge du fond saisi d'une contestation de la validité de la transaction ou d'une demande d'inopposabilité de celle-ci aux tiers.

7. Pour dire irrecevables les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation du 15 mai 2009, homologué par jugement du 24 juin 2009, et du protocole transactionnel du 15 mai 2009, annexé audit jugement, fondées sur l'action paulienne, l'arrêt retient qu'un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi, au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne.

8. En statuant ainsi, alors que l'action paulienne des photographes n'attaquait pas le jugement d'homologation du 24 juin 2009, mais le protocole d'accord et le protocole de conciliation du 15 mai 2009, et qu'elle n'était pas rendue irrecevable par l'homologation de ces protocoles par le jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur ce moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

9. Les photographes font le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation du 15 mai 2009, homologué par jugement du 24 juin 2009 du tribunal de grande instance de Nanterre, et du protocole transactionnel du 15 mai 2009, annexé audit jugement, entraînera par voie de conséquence sa cassation en ce qu'il a déclaré en conséquence irrecevable la demande d'inopposabilité de l'avenant du 29 juin 2009 au contrat de prêt du 2 février 2007, en raison du lien de dépendance nécessaire par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. Pour déclarer irrecevable la demande d'inopposabilité de l'avenant du 29 juin 2009 au contrat de prêt, l'arrêt retient qu'il a été régularisé à la suite de la cession à la société Green Recovery II de la créance de prêt de la société Hachette Filipacchi presse, cession qui résulte du protocole de conciliation et du protocole transactionnel dont les demandes d'inopposabilité sont jugées irrecevables, et en déduit qu'en tant qu'acte subséquent, la demande d'inopposabilité de cet avenant est elle-même irrecevable.

12. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevables les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation et du protocole transactionnel entraîne donc, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de cet arrêt déclarant irrecevable la demande d'inopposabilité de l'avenant au contrat de prêt, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

13. Les photographes font grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'inopposabilité de l'acte de cession du 22 janvier 2007 et du contrat de prêt du 2 février 2007, alors « que la cassation de l'arrêt attaqué au titre du premier moyen entraînera la censure de la décision en ce qu'elle a rejeté sur le fond l'action paulienne dont elle était saisie, par application de l'article 624 du code de procédure civile, en raison du lien de dépendance nécessaire. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. Pour rejeter les demandes d'inopposabilité de l'acte de cession du 22 janvier 2007 et du contrat de prêt du 2 février 2007, l'arrêt, après avoir déclaré irrecevable l'action paulienne en tant qu'elle est relative au protocole transactionnel du 15 mai 2009, au protocole de conciliation du même jour et à l'avenant du 29 janvier 2009 au contrat de prêt, retient que ni l'acte de cession ni le contrat de prêt n'ont emporté un appauvrissement de la société Eyedea presse.

15. Dès lors que l'irrecevabilité des demandes d'inopposabilité de trois des cinq actes litigieux prononcée par la cour d'appel n'a pas permis à cette dernière de rechercher si, ainsi que le soutenaient les photographes, l'appauvrissement de la société Eyedea presse ne résultait pas de la succession de ces cinq actes, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevables les demandes d'inopposabilité du protocole transactionnel, du protocole de conciliation et de l'avenant au contrat de prêt entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif rejetant les demandes d'inopposabilité de l'acte de cession et du contrat de prêt, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre, il déclare irrecevable les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation du 15 mai 2009, homologué par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 juin 2009, du protocole transactionnel du 15 mai 2009, annexé audit jugement, et de l'avenant du 29 juin 2009 au contrat de prêt du 2 février 2007, en ce qu'il rejette les demandes d'inopposabilité de l'acte de cession du 22 janvier 2007 et du contrat de prêt du 2 février 2007, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Green Recovery II et la société Hachette Filipacchi presse aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hachette Filipacchi presse et la condamne avec la société Green Recovery II à payer au Fonds de Dotation [P] [Z] pour la photographie de conflit, à MM. [J] et [L], à M. [N] et à M. [U] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-12.614
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

Il résulte de l'articles 2052 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et de l'article1441-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998, que, lorsque le président du tribunal de grande instance statue sur une demande tendant à conférer force exécutoire à une transaction, son contrôle ne porte que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l'ordre public et aux bonnes mœurs, de sorte que ce seul contrôle n'exclut pas celui opéré par le juge du fond saisi d'une contestation de la validité de la transaction ou d'une demande d'inopposabilité de celle-ci aux tiers. Dès lors, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, par une action paulienne, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits, y compris les actes qui ont fait l'objet d'une homologation judiciaire leur conférant force exécutoire. En conséquence, encourt la censure l'arrêt qui, pour dire irrecevables les demandes d'inopposabilité du protocole de conciliation, homologué par jugement, et du protocole transactionnel, annexé audit jugement, fondées sur l'action paulienne, retient qu'un jugement ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi, au nombre desquelles n'entre pas l'action paulienne

action paulienne.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Com. financière et économique - formation restreinte hors rnsm/na, 04 jui. 2025, pourvoi n°23-12.614, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.12.614
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award