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04/06/2025 | FRANCE | N°23-18.185

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na, 04 juin 2025, 23-18.185


SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 594 F-B

Pourvoi n° S 23-18.185

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 août 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

La société Entreprise Guy Challancin, société par ...

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 4 juin 2025




Rejet


M. BARINCOU, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président



Arrêt n° 594 F-B

Pourvoi n° S 23-18.185

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [B].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 août 2023.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025

La société Entreprise Guy Challancin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-18.185 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [Z] [B], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à la société Poly Prest Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Entreprise Guy Challancin, de Me Isabelle Galy, avocat de Mme [B], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Poly Prest Europe, après débats en l'audience publique du 5 mai 2025 où étaient présents M. Barincou, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brinet, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2023), Mme [B] a été engagée en qualité d'agent de service sur le marché de prestation de nettoyage industriel du site « Chancellerie La Sorbonne », son contrat de travail ayant été transféré à la société Poly Prest Europe, le 1er octobre 2012 avec reprise d'ancienneté au 1er juillet 1988.

2. Le 1er décembre 2015, le marché a été repris par la société Entreprise Guy Challancin (la société Challancin) qui a refusé, le 25 novembre 2015, de transférer la salariée au sein de ses effectifs.

3. Ayant été déclarée inapte à la reprise de son poste le 31 mars 2016, la société Poly Prest Europe lui a notifié, le 11 mai 2016, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

4. Contestant la rupture du lien contractuel par l'entreprise sortante ainsi que le refus par l'entreprise entrante de reprendre son contrat et sollicitant sa réintégration, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes dirigées à l'encontre des deux sociétés.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième à sixième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

6. La société Challancin fait grief à l'arrêt de constater que le licenciement de la salariée était privé d'effet, en l'état du transfert de son contrat de travail en date du 1er décembre 2015 au sein de cette société, de la condamner à lui payer diverses sommes à titre de reliquat d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que sont exclus de la garantie d'emploi des salariés en cas de changement de prestataire prévue par les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, les salariés absents depuis au moins quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat, ce délai étant apprécié non pas de manière calendaire mais en mois de travail effectif ; qu'en cas d'absence due à la prise de congés payés, un mois de travail effectif équivaut, conformément à l'article L. 3141-4 du code du travail, à vingt-quatre jours ; qu'en l'espèce, ayant succédé, à compter du 1er décembre 2015, à la société Poly Prest Europe, sur le chantier de prestations de nettoyage des locaux dénommés ''Chancellerie La Sorbonne'', la société Entreprise Guy Challancin justifiait son refus de reprendre le contrat de travail de Mme [B], qui était affectée sur ledit marché, par le fait que cette salariée était absente depuis quatre mois au jour de la reprise du marché ainsi qu'en attestaient son bulletin de paie d'août 2015 qui visait une période de congés payés de 24 jours et ses bulletins de paie suivants qui se référaient, de manière continue, à des absences pour congés payés puis pour maladie ; qu'en jugeant qu'au jour de la reprise du marché, le 1er décembre 2015, l'absence de la salariée n'était pas égale ou supérieure à quatre mois, au prétexte qu'elle avait été en congés payés pendant 24 jours au mois d'août 2015, cependant qu'une telle durée étant équivalente à un mois de travail effectif, la condition d'absence depuis au moins quatre mois ou plus était, à cette date, effectivement satisfaite, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, ensemble l'article L. 3141-4 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de reprise d'un marché, les entreprises de propreté s'engagent à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise, à la condition, notamment que le salarié ne soit pas absent depuis quatre mois ou plus à la date d'expiration du contrat ; que cette durée est comptabilisée à compter du dernier jour travaillé, le repos hebdomadaire suivant ce dernier jour étant comptabilisé, le cas échéant, dans la durée de l'absence ; qu'en se déterminant, pour apprécier si la salariée avait été absente quatre mois ou plus au jour de la reprise de marché, au regard du premier jour de congé, soit le lundi 3 août, et non pas au regard du dernier jour travaillé, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans leur rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, ensemble l'article L. 3141-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :
B. – Être titulaire :
a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et,
- justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;
- ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. A cette date, seules les salariées en congé maternité seront reprises sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la salariée ne serait pas en congé de maternité à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.

8. Aux termes de l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

9. Il en résulte que l'absence d'un salarié depuis plus de quatre mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public, quelle qu'en soit la cause, sauf salariées en congé maternité, fait obstacle à sa reprise par l'entreprise entrante, cette condition étant calculée en mois calendaire à compter du premier jour de congés payés.

10. La cour d'appel a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la salariée avait été en congés payés pendant 24 jours au mois d'août 2015, à compter du 3 août et non la totalité du mois, puis en arrêt maladie ensuite.

11. Elle en a exactement déduit qu'à la date de reprise du marché, le 1er décembre 2015, son absence n'était pas égale ni supérieure à quatre mois, de sorte que son contrat de travail devait être repris par la société Challancin.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

13. La société Challancin fait le même grief à l'arrêt, alors « que le transfert des contrats de travail prévu par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ne s'opérant pas de plein droit et étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, le manquement de l'entrepreneur entrant aux diligences que l'accord met à sa charge fait obstacle au changement d'employeur ; que dès lors, en jugeant que le licenciement de Mme [B] était privé d'effet, en l'état du transfert de son contrat de travail en date du 1er décembre 2015 au sein de la société Entreprise Guy Challancin, la cour d'appel a violé les articles 7 et suivants de ladite convention collective, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

14. Il résulte de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, relatif aux conditions de garantie de l'emploi et continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 12 du 17 juillet 2018, que le salarié licencié en méconnaissance de ce dispositif conventionnel relatif à la poursuite du contrat de travail peut, à son choix, demander au repreneur, nonobstant le licenciement dont il a fait l'objet à la suite de la perte du marché, la reprise de son contrat de travail, le licenciement étant alors privé d'effet, ou demander à l'entrepreneur sortant qui a pris l'initiative de la rupture du contrat la réparation du préjudice en résultant.

15. D'abord, la cour d'appel, après avoir retenu que la salariée remplissait les conditions prévues par les dispositions conventionnelles puisqu'elle était absente depuis moins de quatre mois lors de la reprise effective du marché, en a exactement déduit qu'elle était fondée à se prévaloir de la reprise de son contrat de travail par l'entreprise entrante à compter du 1er décembre 2015 et que le licenciement dont elle avait fait l'objet par l'entreprise sortante, était privé d'effet.

16. Ensuite, ayant relevé que la salariée ne sollicitait pas sa réintégration dans les effectifs de l'entreprise entrante puisque sa demande de « réintégration » à compter du 1er décembre 2015 jusqu'à son licenciement n'avait pas pour elle la finalité de reprendre son poste, la cour d'appel en a exactement déduit que le refus par l'entreprise entrante de poursuivre le contrat de travail en violation des dispositions conventionnelles s'analysait en une rupture de fait de la relation de travail, intervenue sans respect de la procédure de licenciement et sans motif notifié à l'intéressée, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Entreprise Guy Challancin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Entreprise Guy Challancin et la condamne à payer à la société Poly Prest Europe et à Me [U] la somme de 3 000 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation restreinte hors rnsm/na
Numéro d'arrêt : 23-18.185
Date de la décision : 04/06/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris K8


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation restreinte hors rnsm/na, 04 jui. 2025, pourvoi n°23-18.185, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.18.185
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