CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Cassation partielle
sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 402 F
Pourvoi n° X 23-19.455
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUIN 2025
M. [V] [G], domicilié [Adresse 5], a formé le pourvoi n° X 23-19.455 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société de presse [Localité 6] publications, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société [Localité 6] côté bassin, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société Mad studio, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à la société Albingia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité d'assureur RC,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. [G], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [Localité 6] côté bassin, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 avril 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tifratine, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [G] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés [Localité 6] publication, Mad studio et Albingia.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 juin 2023), la société [Localité 6] côté bassin, ayant reproduit sur des supports publicitaires, sans autorisation, une photographie prise par M. [G], a été assignée par celui-ci en réparation des utilisations contrefaisantes de son oeuvre. La société [Localité 6] côté bassin a appelé en intervention forcée son assureur, la société Albingia, ainsi que la société Mad studio qui avait réalisé les supports publicitaires. La société de presse [Localité 6] publication, qui avait fourni la photographie litigieuse à la société Mad studio, est intervenue volontairement à la procédure.
3. Le tribunal judiciaire a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros, au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite, et les sociétés Mad studio et [Localité 6] publication, à hauteur de 50% chacune, à garantir la société [Localité 6] côté bassin de cette condamnation.
4. Les sociétés [Localité 6] publication et Mad studio ont relevé appel de ce jugement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [G] fait grief à l'arrêt d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son uvre contrefaite et, statuant à nouveau dans cette limite, de la condamner à lui payer la somme de 6 670,30 euros au titre de cette indemnisation, alors « que la dévolution liée à l'appel ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; que si celui dont la garantie a été retenue en première instance est recevable à interjeter appel du jugement par lequel son ayant cause a été condamné à indemniser un tiers, il n'est pas pour autant admis à critiquer le chef de dispositif par lequel cet ayant cause a été condamné seul à indemnisation envers ce tiers, dès qu'aucune de ces deux parties n'a interjeté appel du jugement sur ce point ; qu'il lui est alors seulement possible de discuter, en cause d'appel le principe ou le montant de la garantie mise à sa charge ; qu'en l'espèce, le tribunal a condamné la SCCV [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros à titre de dommages-intérêts ; que ni la SCCV ni M. [G] n'ont interjeté appel du jugement, de sorte que ce chef de dispositif est devenu irrévocable entre eux, comme le faisait valoir M. [G] dans ses écritures d'appel ; que la cour d'appel a pourtant modifié la condamnation mise à la charge de la SCCV [Localité 6] côté bassin, après avoir considéré que la société [Localité 6] publication comme la société MAD studio étaient recevables, puisqu'elles avaient été condamnées au profit de la société [Localité 6] côté bassin en tant que garantes, à interjeter appel de la décision qui avait prononcé la condamnation au profit de M. [G] ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que ni M. [G] ni la SCCV [Localité 6] côté bassin n'avaient pas interjeté appel du chef de dispositif du jugement condamnant la seconde à payer seule au premier la somme de 21 615 euros à titre de dommages et intérêts, d'autre part, que cette condamnation, de nature pécuniaire, n'était ni solidaire ni indivisible, de sorte qu'elle ne pouvait pas modifier ce chef de dispositif, la cour d'appel a violé les articles 553 et 562 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 553 du code de procédure civile ;
6. Il résulte de ces textes que, saisie de l'appel d'une partie condamnée à garantir une autre partie de la condamnation prononcée à son encontre à l'égard d'une troisième partie, en l'absence d'appel de la condamnation principale relevé par ces parties, la cour d'appel peut seulement, s'il n'a pas été constaté d'indivisibilité du litige ou de lien juridique entre la partie condamnée à garantie et le créancier principal, statuer sur l'existence et le montant de la garantie.
7. L'arrêt infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros, au titre de l'indemnisation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite et limité le montant de cette condamnation à la somme de 6 670,30 euros.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était pas saisie d'un appel de cette condamnation par la société [Localité 6] côté bassin et M. [G] et qu'elle n'a retenu ni indivisibilité entre les chefs de dispositif relatifs à cette condamnation et à la condamnation à garantie prononcée à l'égard des sociétés [Localité 6] publication et Mad studio, ni lien juridique entre ces sociétés et M. [G], la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il y a lieu de constater qu'en l'absence d'appel de la société [Localité 6] côté bassin ou de M. [G], le chef de dispositif du jugement condamnant cette société à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite sur la bâche publicitaire et les plaquettes/chemises cartonnées publicitaires, majorations incluses, est devenu irrévocable et qu'à la suite de l'appel des sociétés Mad studio et [Localité 6] publication, seule leur condamnation à garantir, à hauteur de 50% chacune, la société SCCV [Localité 6] côté bassin se trouve limitée à la somme de 6 670,30 euros.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement et statuant à nouveau, il condamne la société [Localité 6] côté bassin à payer à M. [G] la somme de 6 670,30 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite sur la bâche publicitaire et les plaquettes/chemises cartonnées publicitaires, majorations incluses, l'arrêt rendu le 6 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Constate qu'en l'absence d'appel de la société [Localité 6] côté bassin ou de M. [G], le chef de dispositif du jugement condamnant cette société à payer à M. [G] la somme de 21 615 euros au titre de l'indemnisation de ses droits patrimoniaux et moraux sur son oeuvre contrefaite sur la bâche publicitaire et les plaquettes/chemises cartonnées publicitaires, majorations incluses, est devenu irrévocable ;
Dit que seule la condamnation des sociétés Mad studio et [Localité 6] publication, à hauteur de 50% chacune, à garantir la SCCV [Localité 6] côté bassin de sa condamnation, est limitée à la somme de 6 670,30 euros ;
Condamne la société [Localité 6] côté bassin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [Localité 6] côté bassin et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.