SOC. / ELECT
JL10
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 4 juin 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 609 F-B
Pourvoi n° X 24-16.515
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 JUIN 2025
Le syndicat CGT Chubb France, dont le siège est [Adresse 17], a formé le pourvoi n° X 24-16.515 contre le jugement rendu le 4 juin 2024 par le tribunal judiciaire de Pontoise (pôle social, contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la Fédération générale de la métallurgie et des mines CFDT, dont le siège est [Adresse 12],
2°/ à Mme [Z] [U], domiciliée [Adresse 11],
3°/ à M. [P] [R], domicilié [Adresse 4],
4°/ à Mme [F] [B], domiciliée [Adresse 6],
5°/ à M. [G] [J], domicilié [Adresse 2],
6°/ à M. [D] [E], domicilié [Adresse 16],
7°/ à Mme [H] [X], domiciliée [Adresse 13],
8°/ à M. [S] [M], domicilié [Adresse 3],
9°/ à M. [T] [O], domicilié [Adresse 8],
10°/ à M. [N] [A], domicilié [Adresse 15],
11°/ à Mme [Y] [K], domiciliée [Adresse 7],
12°/ à la société Chubb France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 18],
13°/ à la Fédération confédérée Force ouvrière de la métallurgie, dont le siège est [Adresse 14],
14°/ à la fédération CFE-CGC métallurgie, dont le siège est [Adresse 9],
15°/ à l'Union fédérale de l'industrie & de la construction de l'UNSA, dont le siège est [Adresse 5],
16°/ à M. [L] [I], domicilié [Adresse 1],
17°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 10],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat CGT Chubb France, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Chubb France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération générale de la métallurgie et des mines CFDT, et l'avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Pontoise, 4 juin 2024), dans la perspective des élections professionnelles organisées par la société Chubb France (la société) pour le renouvellement de la délégation du personnel auprès du comité social et économique, un protocole d'accord préélectoral a été signé le 10 janvier 2024, prévoyant que la répartition de chacun des collègues électoraux serait affichée sur les listes électorales. Selon ces listes, publiées le 19 janvier suivant, les proportions sont de 93,51 % d'hommes et de 6,49 % de femmes dans le premier collège, de 78 % d'hommes et 22 % de femmes dans le deuxième collège et de 77,36 % d'hommes et de 22,64 % de femmes dans le troisième collège. Y était indiqué que, dans le premier collège, aucune candidature féminine n'était imposée, tandis que les listes devaient comporter huit hommes et deux femmes dans le deuxième collège et cinq hommes et deux femmes dans le troisième.
2. Le premier tour des élections s'est tenu du 1er au 6 février 2024. Tous les sièges ayant été pourvus, il n'y a pas eu de second tour.
3. Par requête du 20 février 2024, le syndicat CGT Chubb France (le syndicat CGT), invoquant l'absence de respect des dispositions relatives à la représentation équilibrée des travailleurs des deux sexes, a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de l'élection de plusieurs élus de la Fédération générale de la métallurgie et des mines CFDT (le syndicat CFDT). Le syndicat CFDT a formé une demande reconventionnelle d'annulation d'élus du syndicat CGT sur le même fondement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le syndicat CGT fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de l'élection de certains élus au comité social et économique de la société, soit, dans le deuxième collège, celle de M. [R] en qualité de membre titulaire et de Mme [X] et M. [M] en qualité de membres suppléants, alors « qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes établies par les organisations syndicales sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes ; que selon l'article L. 2314-32 du même code, ''la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions'' ; qu'il en résulte que l'appréciation du respect de la règle de l'alternance s'effectue en vérifiant que le positionnement attribué à chaque élu et élue de la liste présentée par le syndicat correspond à celui qu'ils devraient avoir sur une liste régulièrement constituée comportant, dès la candidature en tête de liste, une alternance de candidats de sexe féminin et de sexe masculin ; qu'il était constant que la liste CFDT des titulaires du deuxième collège présentait successivement un homme, deux femmes et un homme, suivis de six hommes alors que le principe de l'alternance jusqu'à épuisement des candidats d'un même sexe devait conduire à ce que la CFDT ne désigne pas un homme en quatrième position mais une femme ; que s'agissant des suppléants, la liste CFDT présentait successivement quatre hommes, une femme, un homme, suivis de deux femmes et deux hommes alors que le principe de l'alternance jusqu'à épuisement des candidats d'un même sexe devait conduire à ce que la CFDT désigne un homme en cinquième position et une femme en sixième position ; qu'en refusant d'annuler l'élection de M. [P] [R] positionné à la quatrième place sur la liste des titulaires, et celles de Mme [H] [X] et de M. [S] [M], respectivement cinquième et sixième sur la liste des suppléants, au motif erroné que le respect de la règle de l'alternance doit s'apprécier pour chaque élu ou élue seulement par rapport à la personne précédente sur la liste et dès lors qu'il reste au moins une personne de chaque sexe à inscrire sur la suite de la liste, le tribunal a violé les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.
6. Selon l'article L. 2314-32 du même code, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions.
7. La règle de l'alternance n'impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire, hors le cas visé au 6e alinéa de l'article L. 2314-30.
8. Il en résulte que le respect de la règle de l'alternance doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste.
9. Le tribunal, après avoir constaté que, s'agissant de la liste du syndicat CFDT des titulaires du deuxième collège, la candidature de Mme [U] suivait la candidature d'une autre femme, a retenu à bon droit que l'annulation s'appliquait à la seule élection de Mme [U], sans affecter la validité de l'élection du candidat masculin qui la suivait dans la liste. C'est également à bon droit qu'il a retenu, s'agissant de la liste des suppléants du deuxième collège, que l'annulation de la candidature de M. [E], qui suivait une autre candidature masculine, n'affectait pas la validité des élections de Mme [X] et de M. [M], qui le suivaient dans la liste.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
11.Le syndicat CGT fait grief au jugement de juger recevables les demandes reconventionnelles du syndicat CFDT en annulation de l'élection d'élus CGT dans le troisième collège et d'y faire droit, alors « qu'en vertu de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elle se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en se bornant à relever, pour affirmer l'existence d'un lien suffisant entre les demandes du syndicat CGT Chubb France et celles de la fédération CFDT que ces dernières concernent les mêmes élections et mobilisent les mêmes règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, s'il existait un lien suffisant entre la demande principale, qui tendait à l'annulation de l'élection de dix élus CFDT, majoritairement dans le 2e collège et la demande reconventionnelles en annulation de l'élection de deux élus CGT dans le seul 3e collège, dont l'objet était radicalement différent, le tribunal judiciaire a privé sa décision de base légale au regard de l'article 70 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 70 du code de procédure civile :
12. Il résulte de l'article 70 du code de procédure civile que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
13. Pour dire recevable la demande reconventionnelle formée par le syndicat CFDT en annulation, pour non-respect des règles de la représentation équilibrée des hommes et des femmes, de l'élection de MM. [I] et [C] présentés sur la liste de candidats déposée par le syndicat CGT, le jugement retient que cette demande concerne la même élection et mobilise les mêmes règles relatives à la représentation équilibrée des hommes et des femmes que la demande initiale.
14. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que les prétentions originaires tendaient à l'annulation de l'élection de Mme [U], M. [R], Mme [B], M. [J], M. [E], Mme [X], M. [M], M. [O], M. [A] et Mme [K], présentés sur la liste déposée par le syndicat CFDT, ce dont il résultait que la demande reconventionnelle, qui ne visait pas le rejet total ou partiel de la demande initiale, ne se rattachait pas par un lien suffisant aux prétentions originaires, le tribunal a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la demande reconventionnelle de la Fédération générale de la métallurgie et des mines CFDT en annulation de l'élection d'élus de la liste du syndicat CGT Chubb France, le jugement rendu le 4 juin 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Pontoise ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Nanterre ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le quatre juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.