N° T 24-83.487 F-D
N° 00857
ECF
18 JUIN 2025
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 JUIN 2025
M. [B] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 10e chambre, en date du 7 mai 2024, qui, pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, en récidive, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et a constaté l'annulation de son permis de conduire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SAS Zribi et Texier, avocat de M. [B] [H], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 mai 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Pinna, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 7 juillet 2023, le tribunal correctionnel, après avoir rejeté une exception de nullité, a condamné M. [B] [H], du chef susvisé, à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, six mois d'annulation du permis de conduire et une confiscation.
3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité soulevée, et par voie de conséquence, a déclaré M. [H] coupable des faits reprochés, l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire pendant deux ans comprenant quatre obligations particulières, à la peine d'annulation du permis de conduire avec interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par construction d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique pendant six mois, alors :
« 1°/ que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction et que la réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée ; que ce contrôle suppose la mention, dans les actes de procédure, du traitement consulté ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'article 15-5 du code de procédure pénale ;
2°/ que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction et que la réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée ; que ce contrôle suppose la mention, dans les actes de procédure, du traitement consulté ; que pour écarter le moyen de nullité tiré de la consultation illégale de fichiers contenant des données à caractère personnel au regard du défaut d'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation d'un traitement non identifié en procédure, la cour d'appel, après avoir constaté qu'« en l'espèce, il ressort du procès-verbal de constatations que [I] [N], gendarme, officier de police judiciaire à la « BMO [Localité 1]», « escadron départemental de sécurité routière des Côtes d'Armor » a écrit : « après consultation de nos fichiers, il apparaît que Monsieur [H] a déjà fait l'objet d'une procédure pour alcoolémie en 2021 » a retenu que « la loi n'imposant pas de désigner expressément les fichiers consultés ni de fournir la copie des consultations, il ressort du résultat de cette consultation, l'information restrictive selon laquelle Monsieur [H] a déjà fait l'objet d'une procédure judiciaire ayant affecté son permis de conduire, [I] [N], gendarme OPJ et affecté à une brigade BMO spécialisée en matière de sécurité routière étant habilité à effectuer des contrôles routiers et autorisé à accéder aux informations enregistrées en application de l'article L. 225-1 du code de la route » et qu'« en l'espèce, [I] [N], officier de police judiciaire appartenant à la Brigade motorisée de [Localité 1], habilité à effectuer des contrôles routiers, est autorisé à accéder aux informations enregistrées en application de l'article L. 225-1 du code de la route, raison pour laquelle l'officier de police judiciaire retrouve la procédure judiciaire liée à une conduite en état alcoolique commise en 2021. Il n'est nullement fait état, comme le soutient le conseil de [B] [H], d'une consultation du fichier des personnes recherchées ou le fichier automatisé des empreintes digitales » ; qu'en se déterminant ainsi, en l'état d'un défaut de mention du traitement consulté dans le procès-verbal, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas d'établir la réalité de l'habilitation spéciale et individuelle de l'agent y ayant procédé et n'a ainsi pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 15-5 du code de procédure pénale ;
3°/ en tout état de cause, qu'il appartient aux enquêteurs de porter, dans leur procès-verbal, toute mention permettant de s'assurer que la personne ayant consulté le fichier était habilitée spécialement et individuellement à cette fin, de manière à permettre un contrôle effectif sur la capacité de celle-ci à accéder audit traitement ; qu'en outre, il appartient à la cour d'appel, le cas échéant, d'ordonner un supplément d'information, afin de vérifier la réalité de l'habilitation spéciale et individuelle de l'agent ayant procédé à la consultation ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de la consultation illégale de fichiers contenant des données à caractère personnel au regard du défaut d'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation d'un traitement non identifié en procédure, en l'état d'un défaut de mention dans le procès-verbal du traitement consulté et de mention permettant de s'assurer que la personne ayant consulté le fichier était habilitée spécialement et individuellement pour cette consultation, sans ordonner de supplément d'information, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 15-5 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
5. Le prévenu a soulevé la nullité de la procédure, en soutenant que, si le procès-verbal constatant l'infraction mentionne que le demandeur a déjà fait l'objet d'une procédure pour alcoolémie, aucune indication ne permet de déterminer quel fichier a été consulté pour relever cet antécédent, et qu'il n'est pas établi que l'enquêteur qui a procédé à cette consultation était habilité à cette fin.
6. Pour écarter cette exception, la cour d'appel énonce que, d'une part, un gendarme affecté à une brigade motorisée, unité spécialisée en matière de sécurité routière, est habilité à effectuer des contrôles routiers et autorisé à accéder aux informations enregistrées en application de l'article L. 225-1 du code de la route, d'autre part, la loi n'impose pas de désigner expressément les fichiers consultés.
7. En statuant ainsi, le juge a méconnu les dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale, qui est d'application générale, et dont il résulte que, lorsqu'elle est saisie d'un grief relatif à l'absence de mention, dans la procédure, du fichier qui a été consulté et de l'habilitation de la personne qui a procédé à cette consultation, il appartient à la juridiction de procéder à un contrôle en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.
8. Cependant, il résulte des pièces soumises au contrôle de la Cour de cassation et des éléments apportés en réponse à la demande, faite par le ministère public près ladite Cour, à la direction générale de la gendarmerie nationale, qu'en l'espèce, il a été procédé à la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires par un militaire de la gendarmerie spécialement et individuellement habilité, à la date d'établissement du procès-verbal.
9. Dès lors le moyen doit être écarté.
10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille vingt-cinq.