CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 315 FS-B
Pourvoi n° Y 24-11.456
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 24-11.456 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2023 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [G] [C], domicilié [Adresse 4],
2°/ à M. [J] [B], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pic, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [I], de la SARL Corlay, avocat de MM. [C] et [B], et l'avis de Mme Compagnie, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Pic, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 décembre 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 novembre 2022, pourvoi n° 21-18.914), Mme [I], propriétaire de plusieurs parcelles, dont la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2], a assigné en dénégation de servitude et en interdiction de passage sur cette parcelle, M. [C], propriétaire de plusieurs terrains agricoles voisins, ainsi que M. [B], qui exploite plusieurs de ces terrains en qualité de preneur à bail rural.
2. M. [C] et M. [B] ont demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée l'existence d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2] ou, à titre subsidiaire, une servitude légale de passage pour cause d'enclave.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. Mme [I] fait grief à l'arrêt de dire que M. [C] bénéficie d'une servitude légale pour cause d'enclave sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2] lui appartenant et de rejeter sa demande tendant à encadrer le passage fixé sur cette parcelle, alors « qu'une servitude est un droit réel établi au profit d'un fonds et non en faveur d'une personne ; qu'en jugeant que M. [C] bénéficiait d'une servitude légale de passage sur la parcelle cadastrée AE n° [Cadastre 2], la cour d'appel a violé l'article 686 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 637 et 682 du code civil :
4. Aux termes du premier de ces textes, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire.
5. Selon le second, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.
6. Pour dire que M. [C] bénéficie d'une servitude légale pour cause d‘enclave sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2], l'arrêt retient que M. [C] ne peut pas passer sur le chemin cadastré section ZS n° [Cadastre 5] appartenant à une association syndicale autorisée dont il n'est pas membre et qui n'a pas été appelée en la cause et que, si M. [B] a déjà emprunté ce chemin, cette tolérance de passage n'a pas été maintenue.
7. En statuant ainsi, alors que la servitude pour cause d'enclave ne pouvait être instituée que pour l'usage et l'utilité d'un fonds déterminé et non au profit d'une personne, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Mise hors de cause
8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause M. [C], dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que M. [C] ne démontre pas qu'il bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 2] propriété de Mme [I] et rejeté la demande de M. [C] tendant à voir dire qu'il bénéficie d'une servitude conventionnelle sur la parcelle cadastrée AE n° [Cadastre 2] appartenant à Mme [I], l'arrêt rendu le 12 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. [C] ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M. [C] et M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [C] et M. [B] et les condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.