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25/06/2025 | FRANCE | N°23-19.887

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation de section, 25 juin 2025, 23-19.887


SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 700 FS-B

Pourvoi n° S 23-19.887




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025

M. [J] [X], domicilié [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° S 23-19.887 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Lidl, s...

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 700 FS-B

Pourvoi n° S 23-19.887




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025

M. [J] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-19.887 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lidl, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 mai 2023), M. [X] a été engagé en qualité de responsable du service expédition, qualification cadre, par la société Lidl le 22 septembre 2010. Il a été soumis à une convention de forfait en jours par avenant du 25 mars 2013.

2. Le salarié a fait l'objet d'une mise à pied à titre disciplinaire de deux jours le 3 juin 2013 et a été licencié le 18 novembre 2013.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 18 février 2016 afin de contester la mise à pied à titre disciplinaire dont il avait fait l'objet ainsi que son licenciement et de solliciter la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, alors :

« 1°/ que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis ; que cette indemnité a le caractère de salaire ; que pour déclarer irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, l'arrêt retient que le délai pour agir a "expiré le 17 février 2016 (date de fin du contrat + 3 ans)" ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que la relation contractuelle avait pris fin le 17 février 2014, ce dont il résultait que le délai de prescription ne pouvait expirer avant le 17 février 2017 (17 février 2014 + 3 ans), la cour d'appel a violé les articles L. 3245-1 et D. 3121-14 du code du travail ;

2°/ qu'en admettant même que la relation contractuelle ait pris fin le 18 novembre 2013, date de prononcé du licenciement, le délai ne pouvait expirer avant le 18 novembre 2016 (18 novembre 2013 + 3 ans) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 3245-1 et D. 3121-14 du code du travail.

3°/ que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen s'étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation d'information du salarié sur le nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit, qui a la nature de dommages-intérêts et porte sur l'exécution du contrat de travail, relève de la prescription biennale prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail. Elle a pour point de départ le jour où le salarié a eu connaissance de ses droits et, au plus tard, celui de la rupture du contrat de travail.

7. La cour d'appel a relevé que le salarié sollicitait le paiement de rappels de salaire pour des heures supplémentaires fondés sur la nullité de la convention de forfait en jours ainsi qu'une indemnité pour non-respect par l'employeur des droits au repos compensateur obligatoire. Elle a constaté que le salarié avait été licencié le 18 novembre 2013 et que ce dernier avait saisi la juridiction prud'homale le 18 février 2016.

8. Il en résulte que la demande du salarié en paiement d'une indemnité pour non-respect des droits au repos compensateur obligatoire, qui s'analyse en une demande d'indemnité pour la contrepartie obligatoire en repos non prise en raison du manquement de l'employeur à son obligation d'information, formée plus de deux ans après le 18 novembre 2013, était prescrite.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve sur ce chef de demande, légalement justifiée.


Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en contestation de la convention de forfait en jours et en paiement d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents, alors « que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription à l'égard de toutes les demandes du salarié relatives au même contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient que "l'action en contestation de la convention de forfait en jours et aux fins de paiement d'heures supplémentaires est prescrite pour toutes les périodes invoquées (2010 à 2013 inclus), la période de préavis, après licenciement, ayant expirée mi-février 2014, le salaire étant exigible en fins de mois, et la demande de rappel de salaire, au titre des heures supplémentaires, ayant été formée, pour la première fois, par écritures déposées (et nécessairement notifiées à l'employeur postérieurement), le 29 janvier 2018" ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 18 février 2016, même si la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires avait été présentée ultérieurement, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil, R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, L. 3245-1 du code du travail et 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

11. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

12. Aux termes du deuxième, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

13. Il en résulte que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

14. Aux termes du troisième, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

15. Selon le dernier, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.

16. Pour déclarer irrecevable l'action en contestation de la convention de forfait en jours et en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que cette action est prescrite, pour toutes les périodes invoquées de 2010 à 2013 inclus, la période de préavis, après licenciement, ayant expiré mi-février 2014, le salaire étant exigible en fin de mois, et la demande de rappel de salaire, au titre des heures supplémentaires, ayant été formée, pour la première fois, par écritures déposées le 29 janvier 2018 et nécessairement notifiées à l'employeur postérieurement.

17. En statuant ainsi, alors, d'une part, que la prescription avait été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 18 février 2016, même si la demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires avait été formée en cours d'instance, d'autre part, qu'à cette date, la prescription de trois ans issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 était applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder cinq ans, de sorte que les demandes en paiement des créances salariales exigibles postérieurement au 18 février 2011 n'étaient pas prescrites, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

18. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité pour violation du droit au repos, à la santé et à une vie familiale normale, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du deuxième moyen s'étendra au chef de dispositif ici querellé, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

19. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif déboutant le salarié de sa demande d'indemnité pour violation du droit au repos, à la santé et à une vie familiale normale, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'emporte pas la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable l'action aux fins d'indemnisation pour défaut de respect du droit au repos compensateur obligatoire, qui ne s'y rattache pas par un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire en raison de la prescription de cette action.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action en contestation de la convention de forfait en jours et en paiement d'heures supplémentaires, en ce qu'il déboute M. [X] de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation du droit au repos, à la santé et à une vie familiale normale et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl et la condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation de section
Numéro d'arrêt : 23-19.887
Date de la décision : 25/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation de section, 25 jui. 2025, pourvoi n°23-19.887, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.19.887
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