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25/06/2025 | FRANCE | N°23-20.007

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale - formation mixte, 25 juin 2025, 23-20.007


SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 697 FS-B

Pourvoi n° X 23-20.007



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025

M. [V] [K], domicilié [Adresse 2], [L

ocalité 7], a formé le pourvoi n° X 23-20.007 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à l...

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 697 FS-B

Pourvoi n° X 23-20.007



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025

M. [V] [K], domicilié [Adresse 2], [Localité 7], a formé le pourvoi n° X 23-20.007 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Paris contentieux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 5],

2°/ à M. [M] [B], domicilié [Adresse 4], [Localité 6], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Gestion recouvrement contentieux,

3°/ à l'AGS-CGEA de [Localité 8], délégation régionale du Sud-Est, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 8],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. [K], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Paris contentieux, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mmes Mariette, Cavrois, MM. Barincou, Flores, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Le Quellec, Brinet, conseillers, Mmes Prieur, Thomas-Davost, Laplume, M. Carillon, Mmes Maitral, Rodrigues, M. Redon, Mme Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'articles R. 421-4-2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 juin 2023), M. [K] a été engagé en qualité d'assistant gestionnaire par la société Paris contentieux à compter du 16 décembre 2002 et s'est vu confier, à la fin de l'année 2015, une mission pour le compte de la société Gestion recouvrement contentieux nouvellement créée.

2. Le salarié, licencié le 11 janvier 2018, a saisi le 28 mai 2018, la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande du salarié en paiement de frais professionnels

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que tendent aux mêmes fins les demandes en exécution d'un même rapport contractuel ; que M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui payer un rappel de salaires pour heures supplémentaires ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande que M. [K] avait formée afin d'obtenir le remboursement de ses frais professionnels, quand elle tendait comme la demande en paiement d'un rappel de salaire à l'exécution du même rapport contractuel, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

6. La cour d'appel, qui a constaté que les demandes formées par le salarié devant les premiers juges portaient sur le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos, en a exactement déduit que la demande en remboursement de frais professionnels, qui est dépourvue de caractère salarial, formulée pour la première fois en cause d'appel, ne tendait pas aux mêmes fins et qu'elle était irrecevable.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande du salarié en paiement d'un rappel de rémunération variable

8. Le salarié fait ce grief à l'arrêt, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui payer un rappel de salaires pour heures supplémentaires ; qu'en déclarant irrecevable en raison de sa nouveauté en cause d'appel la demande que M. [K] avait formée afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de sa rémunération variable, quand elle tendait aux mêmes fins que la demande portée en première instance, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 565 du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
10. Pour déclarer irrecevable la demande du salarié en paiement d'un rappel de rémunération variable formée pour la première fois en cause d'appel, l'arrêt retient que cette demande constitue une prétention distincte qui ne tend pas aux mêmes fins que les demandes initiales qui tendent à obtenir le paiement d'heures supplémentaires avec son corollaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos qui reposent sur un litige afférent à la durée du travail, que ni leur nature salariale commune, ni le fait qu'elles portent sur l'exécution du contrat de travail ne sont à eux seuls déterminants et qu'aucun élément du dossier ne fait ressortir de lien suffisant ou de dépendance avec les premières demandes et que le salarié n'explicite ni ne justifie en quoi ses demandes nouvelles sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes initiales.

11. En statuant ainsi, alors que la demande nouvelle du salarié en paiement d'un rappel de rémunération variable tendait aux mêmes fins que les demandes initiales en paiement de la rémunération versée en contrepartie du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12.Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, d'une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour préjudice distinct et pour prêt illicite de main d'œuvre, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ainsi, la preuve des heures supplémentaires n'incombe pas au salarié ; qu'en écartant le relevé d'heures supplémentaires pour la raison qu'il se borne à mentionner une durée hebdomadaire de travail qui ne peut être utilement croisé avec l'ensemble des mails horodatés que M. [K] avait également versés au débat, la cour d'appel qui s'est fondée sur l'insuffisance des documents de preuve produits par le salarié, a fait supporter à ce dernier la charge de la preuve des heures supplémentaires, en violation de l'‘article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition des membres compétents de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

16. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient notamment qu'il produit en pièces 14 intitulée dans son bordereau de communication de pièces « Charge de travail/Heures supplémentaires 2016 », 15 « Charge de travail/ Heures supplémentaires 2017 (heures avant 9h) », 16 « Charge de travail/ Heures supplémentaires 2017 (Heures après 17h) », 17 « Charge de travail/ Heures supplémentaires 2017 (travail sur jours de repos : congés. jours fériés .. .) », 18 « Charge de travail/ Heures supplémentaires 2017 (travail le samedi) », 19 « Charge de travail/ Heures supplémentaires (travail le dimanche) », contenant chacune des liasses de plusieurs centaines de mails professionnels faisant apparaître date et horaire; - en pièce 20 des « Tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires et rappels de salaire dus » mentionnant pour chaque mois de janvier 2015 à janvier 2018 le nombre d'heures de travail par semaine, le nombre d'heures supplémentaires, ventilées ensuite selon la majoration de 25% ou 50%, le montant du rappel correspondant avec un récapitulatif annuel faisant état de 617 heures supplémentaires en 2015, 1354 heures supplémentaires en 2016, 2652 heures supplémentaires en 2017, 72 heures supplémentaires en 2018.

17. L'arrêt ajoute qu'à l'analyse de ces pièces, il y a lieu de relever d'abord que le contrat de travail du 25 mai 2011 stipule que le salarié est soumis à l'horaire collectif hebdomadaire de 35 heures par semaine réparties du lundi au vendredi de 9h à 17h avec une heure de pause quotidienne pour le déjeuner et que son lieu de travail est son domicile dans la région de [Localité 7], que ses bulletins de paie de 2015 à 2018 mentionnent le paiement de 17,33 heures supplémentaires structurelles, qu'ensuite, en dépit du grand volume des pièces produites, le seul décompte d'heures supplémentaires produit se borne à mentionner une durée hebdomadaire de travail, lequel ne peut être utilement croisé avec l'ensemble des courriels horodatés, que par ailleurs aucune indication horaire ou journalière ne résulte des autres pièces, excepté dans l'intitulé de son courriel à l'employeur du 22 février 2015, tout en se référant lui-même à une approximation et que le salarié chiffre au demeurant dans ses écritures le rappel d'heures supplémentaires en se référant pour chacun des mois à un nombre d'heures travaillées « en moyenne » chaque semaine pour déterminer identiquement pour chacune des semaines du mois le nombre d'heures dépassant la durée légale du travail.

18. L'arrêt relève qu'en l'état, le salarié ne produit pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures qu'il soutient avoir effectivement réalisées pour permettre à l'employeur d'y répondre.

19. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

20. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n'emporte pas cassation du chef de dispositif relatif au prêt illicite de main d'oeuvre qui ne s'y rattache ni par un lien d'indivisibilité ni par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare bien fondée la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de la demande en paiement d'un rappel de rémunération variable et déclare cette demande irrecevable, en ce qu'il rejette les demandes formées par M. [K] en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d'une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos, d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour préjudice distinct, d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il condamne M. [K] au paiement des dépens de première instance, l'arrêt rendu le 29 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Paris contentieux aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Paris contentieux et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale - formation mixte
Numéro d'arrêt : 23-20.007
Date de la décision : 25/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence 17


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc. - formation mixte, 25 jui. 2025, pourvoi n°23-20.007, Bull. civ.Publié au
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:23.20.007
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