SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 25 juin 2025
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 688 FS-B
Pourvoi n° U 24-12.096
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JUIN 2025
M. [K] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 24-12.096 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2023 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société Atlas Copco applications industrielles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ménard, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [H], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Atlas Copco applications industrielles, et l'avis de M. Charbonnier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mai 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ménard, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Degouys, Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, Filliol, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Charbonnier, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2023), M. [H] a été engagé en qualité de directeur commercial par la société Atlas Copco applications industrielles le 2 novembre 2011.
2. Le 15 janvier 2018, les parties ont signé une rupture conventionnelle devant prendre effet le 30 juin 2018 et prévoyant le versement d'une indemnité spécifique de rupture.
3. A l'issue du délai de rétractation, la convention a été adressée à la Direccte et a fait l'objet d'une homologation.
4. Le 11 avril 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis il a été licencié pour faute grave le 23 avril 2018.
5. Il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de sommes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et en sa seconde branche en ce qu'elle fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement pour faute grave est bien fondé et de débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires, et sur le second moyen
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'elle fait grief à l'arrêt de dire que la convention de rupture est non avenue et de débouter le salarié de sa demande d'indemnité de rupture
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la convention de rupture de son contrat de travail signée le 15 janvier 2018 est non avenue et de le débouter de sa demande d'indemnité de rupture, alors « qu'en l'absence de rétractation de la convention de rupture conventionnelle, l'employeur ne peut prononcer le licenciement du salarié, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période ; qu'il en résulte qu'une faute commise par le salarié ou révélée à l'employeur postérieurement à l'expiration du délai de rétractation n'est pas susceptible de remettre en cause la convention de rupture, cette faute pouvant tout au plus faire obstacle à la poursuite du contrat de travail jusqu'à la date d'effet prévue de la rupture ; qu'en décidant néanmoins que la convention de rupture conventionnelle était non avenue, motif pris que les faits ayant fondé la mesure de licenciement avaient été révélés à l'employeur entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date à laquelle la rupture devait produire ses effets, bien que ces faits, à les supposer établis, aient pu tout au plus faire obstacle à l'exécution du contrat de travail pour la période postérieure à leur révélation et non priver le salarié de son droit à son l'indemnité de rupture, définitivement acquise, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1237-11, L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail :
8. Selon le premier de ces textes, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
9. Aux termes du deuxième, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.
10. Selon le troisième, la validité de la convention est subordonnée à son homologation.
11. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en l'absence de rétractation de la convention de rupture, l'employeur peut licencier le salarié pour faute grave, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Toutefois, la créance d'indemnité de rupture conventionnelle, si elle n'est exigible qu'à la date fixée par la rupture, naît dès l'homologation de la convention, le licenciement n'affectant pas la validité de la rupture conventionnelle, mais ayant seulement pour effet, s'il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d'effet prévue par les parties dans la convention.
12. Pour juger non avenue la rupture conventionnelle et débouter le salarié de sa demande au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, l'arrêt retient que les faits de harcèlement sexuel reprochés à ce dernier sont établis et rendent impossible son maintien dans l'entreprise, impliquant son éviction immédiate, le licenciement pour faute grave étant bien fondé et ayant rompu le contrat de travail avant la date d'effet de la convention de rupture.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit non avenue la rupture conventionnelle signée le 15 janvier 2018, en ce qu'il déboute M. [H] de sa demande d'indemnité de rupture conventionnelle et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Atlas Copco applications industrielles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atlas Copco applications industrielles et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.