CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 26 juin 2025
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 330 FS-B
Pourvoi n° U 23-21.775
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025
1°/ M. [O] [E], domicilié [Adresse 7], [Localité 8] (Maroc),
2°/ Mme [Y] [E], épouse [R], domiciliée [Adresse 6], [Localité 5],
3°/ Mme [C] [E], épouse [T], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4],
4°/ la société BBC distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],
ont formé le pourvoi n° U 23-21.775 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2023 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [I] [N],
2°/ à Mme [X] [V], épouse [N],
tous deux domiciliés [Adresse 2], [Localité 3],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, Ã l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [E], de Mmes [Y] et [C] [E] et de la société BBC distribution, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juillet 2023), soutenant que la maison que M. et Mme [E] leur avait vendue le 18 février 2013 était affectée de désordres, M. et Mme [N] les ont, après expertise, en août 2015, assignés en indemnisation de leurs préjudices.
2. Par ordonnance du 21 décembre 2017, confirmée en appel le 17 janvier 2019, le juge de la mise en état a condamné in solidum M. et Mme [E] à payer à M. et Mme [N] diverses indemnités à titre provisionnel en réparation de ces désordres.
3. Courant 2016, M. et Mme [N] ont assigné M. [E] et ses deux filles (les consorts [E]) ainsi que la société BBC distribution, aux fins d'inopposabilité, sur le fondement de l'action paulienne, de la cession par M. [E] à ses deux filles de ses parts au sein de la société BBC distribution intervenue le 20 mars 2015, de la donation par M. [E] à ses deux filles de la pleine propriété d'un appartement intervenue le 15 mai 2015, et de la cession par M. [E] de ses parts au sein de la société Avenir patrimoine d'entreprises à la société BBC distribution intervenue le 17 septembre 2015.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts [E] et la société BBC distribution font grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée l'action paulienne de M. et Mme [N] contre la donation et les cessions de parts sociales litigieuses, alors « que si le créancier demandeur à l'action paulienne doit justifier d'une créance au moins certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude, la recevabilité de l'action suppose en revanche que sa créance soit certaine et liquide au jour où elle est exercée ; qu'en l'espèce, pour juger l'action paulienne intentée par M. et Mme [N] recevable, la cour d'appel a constaté que ces derniers justifiaient d'un principe de créance tant au moment des actes argués de fraude courant 2015 qu'au jour de l'arrêt ; qu'en se déterminant ainsi alors que la créance de M. et Mme [N] n'était ni certaine ni liquide lorsqu'ils ont intenté l'action paulienne, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Le créancier qui exerce l'action paulienne doit justifier d'une créance certaine au moins en son principe à la date de l'acte argué de fraude ainsi, sous peine d'irrecevabilité, qu'au moment où le juge statue (Com., 24 mars 2021, pourvoi n° 19-20.033, publié).
6. La cour d'appel, qui a relevé que, dès la note aux parties n° 1 du 1er décembre 2014, l'expert avait constaté la présence d'infiltrations rendant la maison acquise quasiment inhabitable ou insalubre, et que, par ordonnance du 21 décembre 2017, le juge de la mise en état avait retenu le caractère incontestablement décennal des désordres et la responsabilité de plein droit des vendeurs en leur qualité de constructeurs, mettant à leur charge des provisions n'ayant, par leur nature, pas vocation à éteindre définitivement la créance de M. et Mme [N] ni à fixer définitivement la part de responsabilité incombant à M. et Mme [E], en a exactement déduit que, M. et Mme [N] justifiant d'un principe certain de créance tant à la date des actes argués de fraude qu'au jour où elle statuait, la fin de non-recevoir, qui leur était opposée au motif de l'absence de créance certaine et liquide au jour de l'action, devait être rejetée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E], Mmes [Y] et [C] [E] et la société BBC distribution aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa del'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.