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27/06/2025 | FRANCE | N°22-21.812

France | France, Cour de cassation, Assemblée plénière, 27 juin 2025, 22-21.812


COUR DE CASSATION CH10


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Arrêt du 27 juin 2025

Cassation partielle

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 683 B+R

Pourvoi n° P 22-21.812





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 27 JUIN 2025


La société Unipatis Production, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-21.81

2, contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [T], [L], [D] [P], domicilié [Adr...

COUR DE CASSATION CH10


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Arrêt du 27 juin 2025

Cassation partielle

M. SOULARD, premier président

Arrêt n° 683 B+R

Pourvoi n° P 22-21.812





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 27 JUIN 2025


La société Unipatis Production, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 22-21.812, contre l'arrêt rendu le 21 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [T], [L], [D] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2024, le premier président de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.

Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la S.A.R.L. Unipatis Production.

Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T] [P].

Un mémoire complémentaire a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la S.A.R.L. Unipatis Production.

Des observations complémentaires sur avis et sur rapport ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la S.A.R.L. Unipatis Production.

Des observations en vue de l'audience ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T] [P].

Le rapport écrit de Mme Bacache, conseillère, et l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, ont été mis à disposition des parties.

Sur le rapport de Mme Bacache, conseillère, assistée de Mme Sciore, auditrice au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 16 mai 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Teiller, MM. Bonnal, Vigneau, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, M. Huglo, doyen de chambre faisant fonction de président, Mme Bacache, conseillère rapporteure, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, M. Ponsot, doyens de chambre, Mmes Capitaine, Isola, Proust, conseillères faisant fonction de doyennes de chambre, Mmes Goanvic, Chauve, Bérard, MM. Brillet, Thomas, conseillers, M. Chaumont, avocat général, et Mme Mégnien, cadre greffière,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 juin 2022), le 20 août 2007, la société Unipatis Production (la société), assistée de M. [P] (l'avocat), a procédé au licenciement d'un salarié, lequel a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses indemnités.

2. Un jugement du 20 juillet 2017 a condamné la société à payer au salarié une certaine somme au titre de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis. Un arrêt du 18 octobre 2018 a fixé cette somme au passif du redressement judiciaire de la société.

3. Le 7 février 2020, la société, soutenant que l'avocat avait manqué à ses obligations d'information et de conseil quant aux conséquences de l'absence de libération de cette clause lors du licenciement, l'a assigné en responsabilité et indemnisation.

4. L'existence d'un manquement de l'avocat à son obligation d'information et de conseil a été admise.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors que « le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le manquement commis par Me [P] avait causé un préjudice à la société Unipatis Production mais a refusé de l'indemniser en considérant que ce préjudice était une simple une perte de chance dont cette dernière ne demandait pas réparation, la société réclamant la réparation intégrale du préjudice subi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 4 et 1147, devenu 1231-1, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. L'avocat conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il repose sur une argumentation incompatible avec celle qui avait été développée devant les juges du fond, la société ayant soutenu en appel que son préjudice était équivalent au montant de l'indemnité de non-concurrence, excluant par la même la notion de perte de chance.

8. Cependant, le moyen n'est pas contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond, dès lors que les conclusions devant la cour d'appel ne tendaient qu'à obtenir réparation de l'entier préjudice.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 4 et 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, du code civil, et les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

10. Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

11. Selon l'article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé.

12. Il résulte de l'article 1147, précité, du code civil que caractérise une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

13. La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant.

14. Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.

15. Il s'en déduit que :

- le juge peut, sans méconnaître l'objet du litige, rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ; il lui incombe alors d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance ;

- le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

16. Pour rejeter la demande indemnitaire de la société, l'arrêt relève que le préjudice qui résulte du manquement de l'avocat se limite à la perte de chance de ne pas avoir eu la possibilité de faire un choix éclairé sur la levée ou non de la clause de non-concurrence et que la société ne demandait pas la réparation d'un tel préjudice.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a refusé d'indemniser un préjudice dont elle a constaté l'existence, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en réparation du préjudice consécutif à la faute d'information et de conseil imputée à M. [P], l'arrêt rendu le 21 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. [P] et le condamne à payer à la société Unipatis Production la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé publiquement le vingt-sept juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Assemblée plénière
Numéro d'arrêt : 22-21.812
Date de la décision : 27/06/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles 1A


Publications
Proposition de citation : Cass. Assemblée plénière, 27 jui. 2025, pourvoi n°22-21.812, Bull. civ.Publié au Rapport
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Publié au Rapport

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:22.21.812
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