Vu, enregistrées sous les n° 855/88, 863/88, 871/88, 872/88, 873/88 et 874/88, les 22, 24 et 27 juin 1988, les requêtes présentées par :
1° - le "Syndicat des propriétaires riverains et plaisanciers du plan d'eau de Trémolat, Cales, Mauzac, dont le siège social est à la mairie de Cales, 24150 Lalinde ;
2° - la Confération des associations de pêche et de protection de l'environnement de la Dordogne dont le siège social est à la mairie de Bergerac ;
3° - l'association agréée de pêche et de pisciculture dite "Le Goujon Trémolacois", dont le siège social est au Moulin de la Grange, 24150 Lalinde ;
4° - le syndicat des pêcheurs professionnels et permissionnaires de la pêche de la moyenne Dordogne dont le siège social est à la Mairie de Bergerac ;
5° - l'association des pêcheurs amateurs aux engins et aux filets du département de la Dordogne, dont le siège social est à Calès, 24150 Lalinde ;
6° - La SEPANSO, Société pour l'Etude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest, dont le siège social est à l'Université de Bordeaux I, Avenue des Facultés, 33405 Talence ;
7° - L'association nationale de protection des salmonidés, dont le siège social est à Fossemont, 60127 Morienval ; et tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 27 avril 1988 par lequel le Préfet de la Dordogne a modifié certaines dispositions de son précédent arrêté en date du 11 juin 1985, réglementant l'exercice de la navigation de plaisance ou des activités sportives et touristiques sur le plan d'eau de Trémolat, sur la rivière domaniale Dordogne ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la loi du 26 avril 1930 modifiée ;
Vu le décret du 21 septembre 1973 modifié ;
Vu le code des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'Appel ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 27 juin 1989, les parties ayant été dûment convoquées :
- Mme Merlin-Desmartis, Conseiller, en son rapport,
- Mme Zapata, Commissaire du Gouvernement, en ses conclusions ;
Considérant que les requêtes présentées par le syndicat des propriétaires riverains et plaisanciers du plan d'eau de Trémolat, Cales, Mauzac, la confédération des associations de pêche et de protection de l'environnement de la Dordogne, l'association agréée de pêche et de pisciculture dite "Le Goujon Trémolacois", le syndicat des pêcheurs professionnels et permissionnaires de la pêche de la moyenne Dordogne, l'association des pêcheurs amateurs aux engins et aux filets du département de la Dordogne, la SEPANSO, et par l'association nationale de protection des salmonidés, truite, ombre et saumon, tendent à l'annulation de la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 21 septembre 1973 modifié : "La police de la navigation sur les fleuves, ... retenues ... d'eau douce ... est régie par le règlement général de police de la navigation intérieure annexé au présent décret, ainsi que par les règlements particuliers pris pour son exécution. Les règlements particuliers sont : 1°) des arrêtés préfectoraux lorsqu'il y a lieu de prescrire des dispositions de police applicables à l'intérieur d'un seul département ..." et qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 9-05 du règlement général de police susmentionné : "La pratique des sports nautiques et notamment du ski nautique est soumise aux prescriptions prévues par des règlements particuliers" ;
Considérant que le cingle de Trémolat a été classé parmi les sites pittoresques du département de la Dordogne par un décret du 31 octobre 1985 ; que, s'il résulte des dispositions de l'article 12 de la loi du 26 avril 1930 modifiée que "... les sites classés ne peuvent être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale du Ministre des Affaires Culturelles donnée après avis de la commission départementale des sites ...", la réglementation de la pratique du motonautisme et du ski nautique sur le plan d'eau n'a pas pour objet, par elle-même, de modifier le site classé ; qu'ainsi la circonstance que l'arrêté attaqué ait été pris sans accord préalable du ministre de la culture ni consultation de la commission départementale des sites n'entache pas d'irrégularité ledit arrêté ;
Considérant que, si la Dordogne a été rayée de la nomenclature des voies navigables et flottables, elle a néanmoins été maintenue dans le domaine public ; qu'ainsi le pouvoir de police que le préfet tient des dispositions précitées doit s'y exercer tant dans l'intérêt du domaine et de son affectation que dans l'intérêt général ; qu'il ressort, en premier lieu, des pièces du dossier que la pratique intensive du motonautisme sur le cingle constitue, par les vagues qu'elle génère, l'agent dynamique le plus puissant d'érosion en période estivale, et exerce par là-même un important effet de destabilisation et d'usure progressive des berges à la base de leur talus, laquelle appartient au lit du fleuve et donc au domaine public ; que par ailleurs le passage, en haute saison, d'une moyenne de 60 bateaux par heure est de nature à porter une atteinte grave à la tranquillité des lieux et aux intérêts des usagers et riverains qui entendent faire de ceux-ci un usage plus paisible ; que si l'arrêté attaqué n'a autorisé la pratique du motonautisme que les week-ends, lundis et jours fériés pendant la "saison basse", soit du 15 mai au 30 juin, et du 1er septembre au 15 octobre, il a maintenu la durée autorisée de cette pratique, en "saison haute", soit du 1er juillet au 31 août, c'est-à-dire pendant la période au cours de laquelle le nombre de bateaux évoluant sur le cingle est particulièrement élevé, à 7 h 30 par jour ; que ces dispositions ne peuvent être regardées comme sauvegardant suffisamment l'intégrité matérielle du domaine public ainsi que les intérêts des autres usagers et riverains au cours de la période estivale, et contreviennent, s'agissant d'un site classé, aux objectifs de protection de la nature posés par l'article 1er de la loi du 10 juillet 1976 ; qu'il y a lieu par suite d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne en tant qu'il autorise pendant une durée tout à fait excessive la pratique de ces sports au cours de la période estivale ;
Article 1er - L'arrêté en date du 27 avril 1988 du préfet de la Dordogne est annulé en tant qu'il autorise la pratique du motonautisme et du ski nautique sur la zone 2 du cingle de Trémolat de 10 h 30 à 13 h 00 et de 15 h à 20 h entre le 1er juillet et le 31 août.
Article 2 - Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.