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05/07/2024 | FRANCE | N°15/13284

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 2ème section, 05 juillet 2024, 15/13284


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




6ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 15/13284 - N° Portalis 352J-W-B67-CGDYC

N° MINUTE :




Assignation du :
16 Septembre 2015









JUGEMENT
rendu le 05 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. GOUIDER
société immatriculée au RCS de Créteil sous le n°480 257 476
[Adresse 6]
[Localité 19]

représentée par Me Patrice MOURIER,
avocat au barreau de PARIS, vest

iaire C1553




DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 4] à [Localité 22] représenté par son syndic, le cabinet DEBERNE-HIPAUX, SARL
[Adresse 1]
[Localité 11]

représ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 2ème section

N° RG :
N° RG 15/13284 - N° Portalis 352J-W-B67-CGDYC

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Septembre 2015

JUGEMENT
rendu le 05 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. GOUIDER
société immatriculée au RCS de Créteil sous le n°480 257 476
[Adresse 6]
[Localité 19]

représentée par Me Patrice MOURIER,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire C1553

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de la résidence du [Adresse 4] à [Localité 22] représenté par son syndic, le cabinet DEBERNE-HIPAUX, SARL
[Adresse 1]
[Localité 11]

représenté par Me Pascal MURZEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C0793

S.A.R.L. IPC
société immatriculée au RCS d’Evry sous le n° 722 418 595
[Adresse 10]
[Localité 15]

Société AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de la société IPC
[Adresse 7]
[Localité 17]

représentée par Maître Jean-Marie GRITTI de la SELAS DFG Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire G0156

S.A. SMA en qualité d’assureur de la société ADR
[Adresse 14]
[Localité 12]

représentée par Maître Valérie-Ann LAFOY de la SELAS DABBENE-LAFOY Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire E0269

SMABTP société d’assurance mutuelle à cotisations variables prise en sa qualité d’assureur de la société IPC
[Adresse 14]
[Localité 12]

représentée par Maître Delphine ABERLEN de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P0325

S.A.R.L. FERME-TUR
société immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 529 782 724
[Adresse 9]
[Localité 12]

représentée par Maître Audrey CHARLET-DORMOY, du Cabinet CDG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0201

QBE INSURANCE EUROPE LIMITED en sa qualité d’assureur de la société FERME-TUR, société anonyme de droit étranger immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 414 108 001
[Adresse 21]
[Adresse 21]
[Localité 16]

QBE EUROPE SA/NV société de droit étranger dont le siège est [Adresse 8]
immatriculée en France au RCS de Nanterre sous le n° 842 689 556
venant aux droits de la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED
[Adresse 21]
[Adresse 21]
[Localité 16]

Intervenante volontaire

représentées par Me Emmanuel PERREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P0130
Décision du 05 Juillet 2024
6ème chambre 2ème section
N° RG 15/13284 - N° Portalis 352J-W-B67-CGDYC

S.A. MAAF ASSURANCES en qualité d’assureur de la société
S MARBRE
[Adresse 20]
[Localité 13]

représentée par Me Virginie FRENKIAN SAMPIC, SELARL FRENKIAN AVOCATS avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0693

S.A.R.L. S MARBRE
[Adresse 5]
[Localité 18]

non comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge

assistées de Madame Audrey Baba, greffière, lors des débats et de Madame Francine MEDINA, greffière lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 04 avril 2024 tenue en audience publique devant Madame Nadja GRENARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Réputé contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Nadja GRENARD, présidente de formation, et par Madame Francine MEDINA, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
___________

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2011, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a, en qualité de maître d’ouvrage, décidé de lancer un important programme de rénovation de l’immeuble.

Sont notamment intervenues dans le cadre de ces travaux :

la société Ingénierie Pathologie de la Construction (IPC), en qualité de maître d’œuvre, assurée auprès de la société AXA France Iard et de la SMABTP ;
la société GOUIDER, titulaire des lots 1 et 2 (échafaudage, maçonnerie, ravalement, pierre, résine de balcons, garde-corps et chassis métalliques) assurée auprès de la SMABTP ;
la société ADR, aujourd’hui liquidée et radiée, sous-traitante de la société GOUIDER, en charge des travaux de ravalement, assurée auprès de la société SMA ;
la société FERME TUR, sous-traitante de la société GOUIDER pour les travaux de serrurerie, assurée auprès de la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED ;
la société S MARBRE, sous-traitante de la société GOUIDER pour les travaux pierre agrafées, assurée auprès de la société MAAF.
Des procès-verbaux de réception des travaux de ravalement et des façades ont été signés sans réserve les 12 juin, 10 et 18 septembre 2013.

Engagement de la procédure au fond

Par exploit d’huissier du 16 septembre 2015, la société GOUIDER a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] (ci-après le syndicat des copropriétaires) en paiement de son solde de marché devant le Tribunal de grande instance de Paris (devenu le tribunal judiciaire) pour un montant de 67 834,16 € .

Le syndicat des copropriétaires a sollicité auprès du juge de la mise en état la désignation d’un expert judiciaire. La société Gouider a formé reconventionnellement une demande de provision.

Par ordonnance du 14 octobre 2016, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise judiciaire, qui a été confiée à M. [X], et condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société Gouider la somme de 32 000 € à titre de provision à valoir sur son solde de chantier assortie des intérêts calculés au taux de 3 fois le taux d’intérêt légal à compter du 31 juillet 2015.

Par exploits d’huissier du 26 avril 2017, le syndicat des copropriétaires a assigné devant le Tribunal judiciaire de Paris la société IPC et son assureur la société AXA France Iard.

Par exploits d’huissier du 29 septembre 2017, la société Gouider a assigné en intervention forcée les parties suivantes :

la société FERME TURla SMA en qualité d’assureur de la société ADRla société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED en qualité d’assureur de la société FERME-TURla société S MARBREla MAAF ASSURANCES en qualité d’assureur de la société S MARBRE.
Par ordonnance du 8 décembre 2017, le juge de la mise en état a joint les instances et rendu opposables les opérations d’expertises à la SMA en qualité d’assureur de la société ADR, à la société FERME TUR, à son assureur la société QBE INSURANCE EUROPE, à la société S MARBRE et à son assureur la MAAF ASSURANCES.

Par exploits d’huissier des 5, 6 10 et 12 juillet 2018, le syndicat des copropriétaires a assigné les parties suivantes :

la société GOUIDERla société IPCla SMA en qualité d’assureur de la société ADRla société FERME-TURla société QBE INSURANCE EUROPE en qualité d’assureur de la société FERME TURla société S MARBREla société MAAF ASSURANCES la société AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de la société IPC
Par exploit d’huissier du 15 mars 2018, la société IPC et son assureur AXA France IARD, ont appelé en garantie la SMABTP en qualité d’assureur de la société IPC.

Les instances ont été jointes.

Par ordonnance du 14 décembre 2018, le juge de la mise en état a étendu la mission de l’expert judiciaire aux travaux d’étanchéité des joints de construction et de dilatation de la totalité des balcons de l’immeuble.

Monsieur [X] a déposé son rapport le 31 mars 2021.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Gouider et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Localité 22] irrecevable, a déclaré irrecevable la demande de la société QBE Europe SA/NV tendant à ce que son intervention volontaire soit déclarée recevable, et dit n’y avoir lieu en l’état à mettre la société QBE Insurance Europe Limited hors de cause.

Prétentions des parties

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 10 mai 2023, aux termes desquelles la société GOUIDER sollicite de voir :

Sur la demande en paiement formée par la société FERME TUR

déclarer irrecevable en raison de la prescription la demande en paiement par la société FERME TUR de la somme de 9.301,91 € au titre de sa facture n° 140372 du 21 octobre 2014 ;
débouter la société FERME TUR de sa demande en paiement
condamner la société FERME TUR au paiement de la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles ;
Sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires

A titre principal

débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes ;
Subsidiairement,

limiter le montant des travaux réparatoires à la somme de 83.362,59 € TTC, correspondant au devis n° 20.02.55 de la SARL ISOBAC du 27 février 2020, subsidiairement à la somme de 179 166,10€ TTC et les frais de maîtrise d’oeuvre à 14.805,19 euros subsidiairement à la somme de 31 819,89 €
limiter le préjudice de jouissance subi par les occupants des immeubles [Adresse 3] à la somme de 19.800 €.
fixer la responsabilité de la société GOUIDER et celle de la société Ingénierie et Pathologie de la Construction - IPC - à 50 % chacune.
Reconventionnellement

condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 40.488,66 €
ordonner la compensation de cette somme avec celle éventuellement due par elle au syndicat des copropriétaires ;
condamner la SMA en qualité d’assureur de la société ADR à la garantir au titre des travaux réalisés par son assuré et la SMABTP et la société IPC, à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée contre elle ;
débouter la SMA, assureur de la société ADR, la société IPC, la société Ferme-Tur, les sociétés QBE INSURANCE LIMITED et QBE EUROPE SA/NV, la MAAF Assurances de leurs demandes formées à son encontre;
débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en garantie contre une éventuelle condamnation au profit de la société FERME TUR
Sur les demandes accessoires

débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande d’exécution provisoire, qui est incompatible avec la nature de l’affaire ;
condamner tout succombant à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 août 2022, aux termes desquelles le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice sollicite de voir :

condamner in solidum la société GOUIDER, la société SMABTP en qualité d’assureur de la société GOUIDER et la SMA, assureur de la société ADR à lui payer les sommes suivantes :
148.877,18 euros au titre des réfections, montant à réactualiser selon l’évolution des indices du coût de la construction publiés par l’INSEE entre la date des devis et la date du jugement à intervenir, augmentée des intérêts légaux, à compter dudit jugement et avec capitalisation, 30.954 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi ;
condamner in solidum la société IPC et son assureur la société AXA France IARD à lui payer les sommes suivantes : 63.804,50 euros au titre des réfections, montant à réactualiser selon l’évolution des indices du coût de la construction publiés par l’INSEE entre la date des devis et la date du jugement à intervenir, augmentée des intérêts légaux, à compter dudit jugement et avec capitalisation ;13.266 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi,
débouter la société FERME TUR de sa demande de condamnation formée à son encontre à hauteur de la somme de 9.301,91 euros, subsidiairement, déduire le montant de la condamnation prononcée de toute condamnation mise à la charge du syndicat des copropriétaires au bénéfice de la société GOUIDER ;
condamner tous les succombants, solidairement, à lui payer la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
condamner les succombants solidairement, aux dépens, dont ceux de référé, d’expertise et de la présente instance, qui seront recouvrés par Maître MURZEAU conformément à l’article 699 du Code de procédure civile ;
rappeler que le jugement à intervenir est exécutoire en vertu de la loi et que rien ne justifie qu’il y soit dérogé.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 30 août 2022, aux termes desquelles la société IPC et son assureur la société AXA France IARD sollicitent de voir :

dire que la société AXA France IARD ne peut être recherchée qu’au titre des garanties obligatoires de l’assurance de responsabilité décennale, de la police souscrite par IPC
dire que les garanties facultatives de la police souscrite par IPC, à effet du 01 janvier 2015, auprès de la SMABTP, sont applicables au présent sinistre en l’absence de désordre décennal ;
limiter le montant de l’indemnité due au syndicat des copropriétaires à une somme maximum de 88.239,30. € pour les travaux de réfection et 15.671,29 €, pour les frais de maitrise d’oeuvre et de souscription de l’assurance dommages ouvrage.
limiter la part de responsabilité de la société IPC à 15%;
déclarer irrecevable la demande formée au titre du préjudice de jouissance par le syndicat des copropriétaires subsidiairement, la débouter et encore plus subsidiairement la réduire à une plus juste proportion.
condamner la SMABTP à garantir la société IPC de toutes condamnations mises à sa charge en principal, dommages intérêts, frais et dépens.
Subsidiairement

faire application des limites de garantie de la police souscrite par IPC auprès d’AXA France IARD, plafonds et franchises ;
Limiter la condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens à proportion de la part de responsabilité retenue contre IPC ;
condamner la société GOUIDER et son assureur la SMABTP, la SMA SA en qualité d’assureur d’ ADR, à les garantir de toute condamnation toute condamnation qui serait prononcée contre elles au-delà de la part de responsabilité qui sera mise à la charge de IPC ;
en tout état de cause limiter toute condamnation de la société IPC et d’AXA France IARD, aux seules demandes présentées contre elles par le syndicat des copropriétaires ;
faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Jean-Marie GRITTI avocat au Barreau de Paris.
***

Vu les conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, aux termes desquelles la société SMABTP, prise en sa qualité d’assureur de la société IPC sollicite de voir :

Sur les demandes formulées contre la SMABTP, assureur de GOUIDER

débouter toute demande principale ou incidente dirigées contre la SMABTP, assureur de GOUIDER qui n’a jamais été assignée dans le cadre de la présente instance
Sur les garanties souscrites par IPC auprès de la SMABTP

débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes formulées contre la SMABTP, recherchée en qualité d’assureur d’IPC et AXA de l’ensemble de ses demandes incidentes d’appel en garantie ainsi que toutes demandes formulées contre la SMABTP ;
subsidiairement, la dire autorisée à opposer ses limites contractuelles, s’agissant de garanties ne relevant pas de l’assurance obligatoire
condamner le syndicat des copropriétaires et toutes les parties succombantes à lui régler la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 outre les entiers dépens dont distraction à Maître Delphine ABERLEN membre de la SCP NABA & ASSOCIES.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 mars 2023, aux termes desquelles la SMA prise en sa qualité d’assureur de la société ADR sollicite de voir :

débouter la société FERMETUR de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et frais irrépétibles ;
débouter la MAAF, assureur de la société S’ MARBRE de sa demande de frais irrépétibles ;
débouter le syndicat des copropriétaires, la société GOUIDER et son assureur la SMABTP, la société IPC et ses assureurs AXA France IARD et SMABTP de leurs demande d’article 700 ;
condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, la société GOUIDER et son assureur la SMABTP, la société IPC et ses assureurs AXA France IARD et SMABTP à lui régler la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire dont distraction au profit de la SELAS DABBENE LAFOY AVOCATS, agissant par Maître Valérie-Ann LAFOY, avocat aux offres de droit.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, la MAAF ASSURANCE en qualité d’assureur de la société S MARBRE sollicite de voir :

prononcer sa mise hors de cause en l’absence de demande formée à ce jour à son encontre ;
condamner in solidum la société GOUIDER et le syndicat des copropriétaires à lui régler la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner in solidum tout succombant aux entiers dépens de l’instance dont distraction sera faite au profit de Maître Virginie FRENKIAN représentant la SELARL FRENKIAN AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société FERME TUR notifiées par voie électronique le 13 mars 2023 par lesquelles elle sollicite de voir:

déclarer sa demande de paiement recevable prescription formée à l’encontre de la société Gouider et du syndicat des copropriétaires ;
condamner in solidum la société GOUIDER et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 9.301,91 € au titre du solde du marché restant dû, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2013, date du PV de réception ;
ordonner la capitalisation des intérêts ;
condamner toutes parties succombantes à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
débouter toutes les parties de leurs demandes formées à l’encontre de la société FERME TUR ;
condamner in solidum toutes parties succombantes à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Audrey CHARLET DORMOY, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
***

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 février 2022, aux termes desquelles la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED et la société QBE INSURANCE SA/NV venant aux droits de la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED en qualité d’assureur de la société FERME TUR sollicitenr de voir :

déclarer la société QBE EUROPE SA/NV recevable en son intervention volontaire ;
prononcer la mise hors de cause de la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED.
débouter le syndicat des copropriétaires et toutes éventuelles autres parties de leurs demandes dirigées à l’encontre des concluantes ;
dire que sa garantie n’a pas vocation à être mobilisée ;
condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
***

La société S MARBRE n’a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties.

La clôture est intervenue le 8 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il convient de préciser qu'il sera fait application, en tant que de besoin, des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que l'opération en cause est antérieure à cette date d'entrée en vigueur.

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

I. Sur les demandes formées par le syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires sollicite de voir rechercher la responsabilité décennale subsidiairement la responsabilité contractuelle de la société Gouider et de la société IPC et la responsabilité délictuelle de la société ADR en sa qualité de sous-traitante de la société Gouider outre la garantie de leurs assureurs.

Au soutien de ses demandes, il expose que :

- l’immeuble est affecté d’un désordre généralisé relatif à l’étanchéité des balcons le rendant impropre à sa destination et à sa solidité;

- la nature décennale des désordres justifie que soit ainsi engagée la responsabilité décennale du maître d’oeuvre et de l’entreprise en charge du traitement des balcons ;

- la société ADR qui a commis des défauts d’exécution à l’origine des désordres doit voir sa responsabilité délictuelle engagée.

La société IPC et son assureur la société Axa France Iard font valoir que :

- les désordres ne sont pas décennaux dans la mesure où l’absence d’efficacité et de bonne réalisation de l’étanchéité liquide ne fait pas obstacle à l’utilisation des balcons dès lors que ceux-ci ont été entre 1965 et 2011 dépourvus de toute étanchéité ;

- la dégradation très localisée de béton des balcons de 3 appartements concerne l’ouvrage existant ne relevant pas de l’assurance décennale obligatoire sauf à démontrer qu’ils ont été totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et en seraient techniquement indivisibles.

La société Gouider soutient que :

- sa garantie décennale ne peut être mise en œuvre dans la mesure où le demandeur ne démontre pas le caractère caché des vices allégués affectant les balcons alors que l’expert judiciaire a constaté que les malfaçons d’exécution étaient clairement apparentes et ont donc été purgées en l’absence de réserves formalisées à la réception ;

- tel que l’indique le rapport CPA (expert SMA) les désordres ne sont pas généralisés dès lors que l’expert judiciaire a constaté que seuls 57 % des logements étaient concernés par les désordres ;

- le demandeur ne démontre pas que les 3 morceaux de béton présentant selon l’expert judiciaire un risque de chute sont tombés dans la rue de sorte que la gravité des désordres n’est pas établie.

I-A. Sur la matérialité, cause, origine et qualification des désordres

Au vu des éléments du dossier, notamment du rapport d’expertise judiciaire, il ressort que l’expert a visité 55 balcons et n’en a pas visité 9, que sur ces 55 balcons il a constaté la présence sur 39 balcons au sol ou en sous-face, des désordres suivants :

- des déchirures transversales infiltrantes et non infiltrantes de la couche d’usure,
- la disparition localisée, la déformation et le décollement par fluage de la couche d’usure du système d’étanchéité liquide des balcons ;
- des fissures transversales et traces blanchâtres avec décoloration par efflorescence et carbonatation en sous face de balcons ;
- des traces noirâtres de ponçage et défauts d’aspect sur vernis ;
- l’éclatement du béton en sous-face de balcon ;
- des traces de calcite en sous-face de balcon ;
- la présence de joints souples ;
- des cloques ouvertes sur feuil de peintures ;
- des fissures transversales fuyardes avec décoloration par efflorescence et carbonatation en sous face de balcon
- des fissures en fourche avec épaufrure après décollement béton sur le balcon (lots 154, 178, 142, 163, 165) présentant un risque de chute au sol ;
- la présence de bullage généralisé et décollement de la couche d’usure ;
- une crevasse transversale ;
- des boursouflures
de sorte que la matérialité des désordres est établie.

En revanche s’agissant des autres 16 balcons visités, il y a lieu de relever que l’expert n’a constaté sur ces balcons ni de désordres sur le sol des balcons ni en sous-face et s’est limité à relever l’absence de joint diapason qui était visible à la réception et dont il n’est pas établi ni qu’il s’agit de désordre ni que cet état de fait soit imputable à la société Gouider. Il convient en conséquence de constater qu’il n’est pas justifié de désordres à ce titre. Si l’expert a conclu à la généralisation des désordres partant du constat que le mode opératoire était nécessairement le même pour l’ensemble des balcons, il n’en demeure pas moins que les constats effectués par l’expert contredisent cette conclusion dans la mesure où il a pu lui-même constater l’absence de tout désordre sur plusieurs balcons visités. Il convient d’en conclure que la généralisation visée par l’expert vise uniquement les défauts d’exécution et non la survenance de dommages matériellement constatables.

S’agissant des causes et origine, au vu des conclusions du rapport d’expertise judiciaire, il ressort que les désordres relevés sur les balcons procèdent de défauts d’exécution (manque de préparation du support, méconnaissance du procédé d’étanchéité apposé). En l’absence d’éléments sérieux de nature à contredire l’avis de l’expert sur les causes et origine des désordres, il convient d’entériner son avis.

S’agissant de la qualification des désordres

Aux termes de l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

La mise en œuvre de la garantie décennale est ainsi subordonnée à la démonstration d'un vice caché à la réception ou qui bien qu'apparent à la réception s'est révélé dans son ampleur et conséquences postérieurement à la réception.

Pour que s'applique la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil, il doit être établi de façon certaine, que les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination dans le délai de dix ans après réception.

Au vu des éléments du dossier, notamment des procès-verbaux de réception, il ressort que la réception des travaux s’est faite sans réserve les 12 juin, 10 et 18 septembre 2013. Peu après la réception, soit en mars 2014 puis en juin 2014, il ressort de l’assignation du syndicat des copropriétaires que le nouveau syndic a déploré auprès de la société Gouider l’inachèvement des travaux et l’apparition de désordres sur les balcons.

Dans le cadre des opérations d’expertise l’expert a pu constater concernant 5 balcons relevant de 5 lots (lots 154, 178, 142, 163 et 165) que les désordres faisaient courir un risque imminent de chute de béton nécessitant leur sécurisation sans délai et constituaient dès lors un risque pour la sécurité des personnes. Il s’ensuit que ces désordres qui se sont aggravés depuis la réception ne pouvaient être apparents pour le maître d’ouvrage dans leur ampleur et conséquences. En outre dans la mesure où il résulte des explications de l’expert judiciaire que la mauvaise exécution des travaux d’étanchéité des balcons a pour conséquence des infiltrations dans les joints diapason défectueux contribuant à l’éclatement des bétons sous l’effet des conditions climatiques aboutissant à la chute de morceaux de béton caractérisant un risque imminent et non simplement théorique pour la sécurité des personnes, il y a lieu de dire que les désordres affectant ces 5 balcons doivent dès qualifiés de décennaux.

S’agissant des autres balcons (39), au vu du courrier adressé le 25 juin 2014 par la société IPC à la société Gouider listant les inachèvements et désordres dénoncés dans l’année de parfait achèvement, il y a lieu de constater qu’a été dénoncée la présence de cloques et de traces d’épaufrures en sous-face de balcons ou sur le sol du balcon dans 5 appartements.

Dans la mesure où il ressort des éléments du dossier que la plupart des désordres affectant les balcons ont été dénoncés postérieurement à la réception soit dans un premier temps en 2014 puis en 2016 et où l’expert n’a fait état du caractère apparent que des défauts d’exécution à la réception pour le maître d’oeuvre et non des désordres en eux-mêmes qui ne sont en définitive apparus que postérieurement, il convient de dire que ces désordres ne peuvent être considérés comme apparents à la réception. Toutefois dans la mesure où l’expert n’a relevé pour les autres balcons ni infiltrations à l’intérieur des appartements ni risque de chute de béton ni atteinte avérée à la solidité des balcons et où il n’est pas non plus démontré que ces désordres revêtiront de manière certaine un caractère décennal avant l’expiration du délai décennal alors que l’expertise a été déposée en 2021 et qu’il n’a été fait état par le syndicat des copropriétaires d’aucune aggravation des désordres, il y a lieu de dire que ces désordres ne peuvent être qualifiés de décennaux.

I-B. Sur les désordres décennaux affectant 5 balcons

I-B.1. Sur l’analyse des responsabilités

Sur les responsabilités des constructeurs

Aux termes de l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Aux termes de l’article 1792-1 du Code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

En l’espèce, dans la mesure où il est établi que l’ouvrage litigieux est affecté de désordres décennaux, il convient de retenir la responsabilité décennale de:

- la société IPC en charge d’une mission complète de maîtrise d’oeuvre ;

- la société Gouider en charge des travaux relatifs aux balcons.

Le fait que la société Gouider ait sous-traité les travaux du lot ravalement ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage dans la mesure où en vertu de l’article 1 de la loi du 31 décembre 1975 le sous-traitant demeure sous sa responsabilité.

Sur la responsabilité délictuelle de la société ADR

En application de l’article 1382 ancien du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Le sous-traitant n’étant pas lié au maître d’ouvrage par des relations contractuelles, sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute prouvée.

Aux termes du contrat de sous-traitance liant la société Gouider et la société ADR produit aux débats, et au vu du devis annexé à ce contrat, il ressort que la société Gouider a sous-traité l’ensemble du lot ravalement, incluant la préparation du support et l’application du revêtement d’étanchéité sur les balcons, à la société ADR.

Il s’ensuit qu’au vu des nombreux défauts d’exécution relevés par l’expert judiciaire, tels que le défaut de préparation du support ainsi qu’une méconnaissance d’application du système d’étanchéité, ayant contribué à la survenance des désordres, il y a lieu de dire que la société ADR doit voir sa responsabilité délictuelle retenue à l’égard du syndicat des copropriétaires.

I-B.2. Sur la garantie des assureurs

Sur la garantie de la société Axa France Iard

La société Axa France Iard ne dénie pas être l’assureur décennal de la société IPC. Toutefois celle-ci soutient que sa garantie ne couvre pas les désordres affectant l’ouvrage existant se fondant à ce titre sur l’article L243-1-1 du Code des assurances.

Aux termes de l’article L243-1-1 du Code des assurances II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

Il ressort du rapport d’expertise que les travaux confiés à la société Gouider sous la maîtrise d’oeuvre de la société IPC visaient à remédier à l’état usager des balcons se manifestant avant travaux par la présence de fissures, l’absence d’étanchéité des balcons, la détérioration des joints diapason, des infiltrations dans les joints diapason, des épaufrures et éclats de béton sur les nez de dalles de béton et une forte corrosion avec feuillage des pieds de fixation des garde-corps métalliques.

Il a ainsi été confié le soin de réaliser après préparation du support et pontage des fissures, un complexe d’étanchéité des balcons dont il était sollicité dans le CCTP qu’il soit assorti de la garantie décennale.

Dans la mesure où la pose de la résine d’étanchéité (SEL), qui a vocation à rendre étanches les balcons et les protéger des infiltrations afin de préserver notamment sa solidité, est techniquement indivisible des balcons en ce qu’il n’est pas possible de dissocier la pose de la résine de l’ouvrage, il convient de dire que la garantie décennale est applicable en l’espèce.

Dès lors il convient de dire que la société Axa France Iard en qualité d’assureur de la société IPC doit sa garantie.

Sur la garantie de la SMA en qualité d’assureur de la société ADR

La SMA oppose, d’une part, l’absence de mobilisation de sa garantie pour l’activité relative à l’étanchéité et/ou ravalement, d’autre part, la suspension à compter du 12 juillet 2012 puis la résiliation de sa garantie à compter du 15 juillet 2012 en raison d’un défaut de paiement des primes et l’absence ainsi de garantie à la date d’ouverture du chantier.

Au vu des éléments du dossier il ressort que :

- dans le contrat de sous-traitance produit aux débats, la société ADR a déclaré à la société Gouider être assurée auprès de la société « AXA » sous le n° d’assuré « AH493388 » à la date du contrat (27 novembre 2012) ;

- la SMA produit un courrier informant la société ADR de la résiliation à compter du 25 juillet 2012 du contrat « protection professionnelle des artisans du bâtiment - Activité » ;

- la SMA produit une attestation d’assurance aux termes de laquelle il ressort que la société ADR a souscrit un nouveau contrat d’assurance protection professionnelle des artisans du bâtiment - Activité » à effet au 4 février 2013, soit postérieurement au contrat de sous-traitance couvrant sa responsabilité en cas de dommages matériels à l’ouvrage après réception ;

- il ressort clairement de l’attestation d’assurance que l’activité relative aux travaux d’étanchéité n’est pas garantie.

En conséquence faute de démontrer que la garantie de la SMA s’applique aux travaux réalisés, il convient de débouter le demandeur de ses demandes formées à son encontre.

Sur la SMABTP en qualité d’assureur de la société GOUIDER

Dans la mesure où le syndicat des copropriétaires ne justifie pas avoir assigné la SMABTP en qualité d’assureur de la société GOUIDER et où il ressort du rappel de la procédure effectuée ci-avant que seule la société IPC et la société Axa France Iard ont appelé dans la cause la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société IPC, il convient de déclarer irrecevable la demande de condamnation formée par le syndicat des copropriétaires à l’encontre de la SMABTP en qualité d’assureur de la société Gouider.

I-B.3. Sur l’évaluation des préjudices

En vertu du principe de la réparation intégrale, la victime lésée doit être replacée dans la situation où elle se serait trouvée en l’absence de réalisation des désordres, sans perte ni profit.

Au vu des conclusions du rapport d’expertise judiciaire et du devis n° 20.04 de la société RAVALEMENT (qui a pris en compte la reprise de l’intégralité des balcons correspondant à 435m²), il convient de dire que la seule solution réparatoire de nature à remédier intégralement aux désordres consiste à détruire totalement l’ancien système d’étanchéité liquide, procéder à une préparation des supports conforme aux règles de l’art et ré-appliquer le revêtement d’étanchéité.

Dans la mesure où il n’a été retenu que seuls 5 balcons étaient affectés de désordres décennaux, représentant 8% des 64 balcons (correspondant aux 63 lots (entre le 2ème et le 8ème étage)), il convient d’évaluer le coût réparatoire à la somme de 14 333,28 € TTC (à laquelle il doit être rajouté 12 % au titre des frais de maîtrise d’oeuvre et primes d’assurance dommages-ouvrage outre la somme de 1694 € au titre des frais d’investigations qui se sont avérés nécessaires pour déterminer la solution réparatoire soit une somme totale de 17 747,27 € TTC

I.B.4. Sur l’obligation à la dette

Au vu des développements précédemment exposés, il convient de constater que la société IPC, son assureur la société Axa France Iard et la société Gouider sont redevables, dès lors que ceux-ci ne peuvent opposer la division des recours en ce qu’ils ont tous contribué à la réalisation d’un même dommage, à l’égard du demandeur de la somme totale de 17 747,27 € TTC.

Toutefois compte tenu des demandes formées par le demandeur limitant ses demandes à hauteur de 70 % à l’égard de la société Gouider et 30 % à l’égard de la société IPC il convient de :

- condamner in solidum la société IPC et son assureur la société Axa France Iard à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5324,18 € TTC en réparation des désordres (30 % de 17 747,27 €);

- condamner la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 12 423,09€ TTC en réparation des désordres.

I-C. Sur les désordres non décennaux affectant 39 balcons

I-C.1. Sur l’analyse des responsabilités

Sur la responsabilité contractuelle de la société IPC

Le syndicat des copropriétaires soutient que la société IPC a manqué à sa mission de direction des travaux et à son devoir de surveillance compte tenu du non-respect du CCTP et à sa mission d’assistance à la réception dans la mesure où elle n’a pas réservé les défauts d’exécution qui étaient apparents.

La société IPC expose que les désordres sont principalement liés à un défaut d’exécution dès lors que l’expert judiciaire a relevé que la conception était correcte et que les conditions d’exécution des ouvrages d’étanchéité des balcons étaient parfaitement décrites dans le CCTP. Elle estime à ce titre que sa part de responsabilité doit être limitée à 15 %.

*

En vertu de l’article 1147 ancien du Code civil, la responsabilité du maître d’oeuvre peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement contractuel à l’égard du maître d’ouvrage au titre des désordres survenus postérieurement à la réception et ne relevant pas de la responsabilité décennale à condition de démontrer l’existence d’un manquement dans l’exécution de sa mission et que cette faute soit en relation de causalité avec les désordres.

L'architecte, tenu d’une obligation de moyens, est responsable contractuellement envers le maître de l'ouvrage dans la limite des missions qui lui sont confiées. Il peut ainsi voir sa responsabilité engagée pour :
ses fautes dans la conception de l'ouvrage,ses fautes dans l'exécution de sa mission de contrôle des travaux,ses fautes dans l'exécution de sa mission de direction, de suivi et de coordination des travaux,ses manquements au devoir de conseil lui incombant.
En l’espèce, au vu du rapport d’expertise, il est établi que la société IPC s’est vue confier une mission complète. Si l’expert judiciaire n’a pas relevé de manquements commis par le maître d’oeuvre dans ses missions de conception et d’établissement du CCTP lot ravalement, en revanche il a mis en évidence des manquements dans sa mission de direction des travaux et de contrôle de la conformité de ceux-ci au CCTP de même qu’il a relevé l’absence de toutes réserves émises à la réception alors que les défauts d’exécution étaient visibles pour un professionnel. Dans la mesure où les opérations d’expertise ont permis de démontrer tant des défauts de préparation du support que de pose du système d’étanchéité, que ces défauts d’exécution étaient décelables pour un professionnel, il convient de dire que la société IPC a commis une faute et doit voir sa responsabilité contractuelle retenue à l’égard du syndicat des copropriétaires. Compte tenu de l’importance de ses manquements mais dès lors que les désordres procèdent avant tout d’un défaut d’exécution imputable à la société Gouider, le tribunal entérine le partage de responsabilité proposé par l’expert à hauteur de 30 % à la charge de la société IPC.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Gouider

Le syndicat des copropriétaires expose que la société Gouider doit voir sa responsabilité contractuelle engagée dans la mesure où elle a réalisé des travaux non conformes à ceux prévus contractuellement et non conformes aux règles de l’art.

La société Gouider sollicite de voir fixer un partage de responsabilité à hauteur de 50 % chacune avec la société IPC dès lors que le maître d’oeuvre a d’une part commis des erreurs sur le support en confondant les joints de dilatation et les joints de retrait dont le traitement de l’étanchéité est différent, d’autre part a commis des fautes dans la surveillance du chantier.

*

Il est constant qu’en cas de dommages survenus postérieurement à la réception et ne revêtant pas le caractère décennal, les entrepreneurs, en leur qualité de constructeur, sont susceptibles de voir engager à l’égard du maître d’ouvrage ou de ses ayants-droit, leur responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée.

En l’espèce il résulte de la lettre de commande de travaux datée de juillet 2012 sur la base du devis du 11 juin 2012 qu’il a été confié à la société Gouider le lot ravalement incluant les travaux d’étanchéité des balcons. Dans la mesure où il résulte des opérations d’expertise que les désordres sont principalement imputables à un défaut d’exécution des travaux en raison du non-respect des dispositions du CCTP et des règles de l’art, se caractérisant notamment par un défaut de préparation des supports des balcons, un défaut de traitement des joints de diapason et méconnaissance des règles d’application du système d’étanchéité, il y a lieu en conséquence de dire que la société Gouider a manqué à ses obligations contractuelles à l’égard du maître d’ouvrage sans pouvoir se prévaloir de la sous-traitance de ces travaux pour s’exonérer et que sa part de responsabilité dans les désordres doit être fixée à 70 %.

Sur la responsabilité délictuelle de la société ADR

Tel que cela a été précédemment retenu dans la mesure où les désordres relevés sur les autres balcons sont principalement liés à des défauts d’exécution et où il est établi que la société ADR a été chargée desdits travaux, il convient de dire qu’elle doit voir sa responsabilité délictuelle retenue à l’égard du maître d’ouvrage.

I-C.2. Sur la garantie des assureurs

Sur la garantie de la société Axa France Iard

Dans la mesure où les désordres n’ont pas été qualifiés de décennaux, la garantie de la société Axa France Iard n’est pas mobilisable de sorte qu’il convient de débouter le demandeur de ses demandes formées à l’encontre de la société Axa France Iard assureur de la société IPC.

Sur la garantie de la SMA en qualité d’assureur de la société ADR

Compte tenu de ce qui a été jugé précédemment, il convient de débouter le syndicat des copropriétaires de toute demande de condamnation formée à l’encontre de la SMA prise en sa qualité d’assureur de la société ADR.

I-C.3. Sur l’évaluation du coût réparatoire des désordres

Au vu des conclusions du rapport d’expertise judiciaire et du devis n° 20.04 de la société RAVALEMENT, il convient de dire que la seule solution réparatoire de nature à remédier intégralement aux désordres consiste à détruire totalement l’ancien système d’étanchéité liquide, procéder à une préparation des supports conforme aux règles de l’art et ré-appliquer le revêtement d’étanchéité. Toutefois dans la mesure où seuls 39 balcons sont affectés de désordres (soit 62%), il convient d’évaluer le coût réparatoire des désordres à la somme de 111 083 € TTC à laquelle il doit être rajouté 12 % au titre des frais de maîtrise d’oeuvre et primes d’assurance dommages-ouvrage, soit une somme de 124 412,96 € TTC

I-C.4. Sur l’obligation à la dette

Au vu des développements précédemment exposés, il convient de constater que la société IPC et la société Gouider sont redevables, dès lors que ceux-ci ne peuvent opposer la division des recours en ce qu’ils ont tous les deux contribué à la réalisation d’un même dommage, à l’égard du demandeur de la somme totale de 124 412,96 € TTC.

Toutefois compte tenu des demandes formées par le demandeur limitant ses demandes à hauteur de 70 % à l’égard de la société Gouider et 30 % à l’égard de la société IPC il convient de :

- condamner la société IPC à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 37 323,89 € TTC en réparation des désordres ;

- condamner la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 87 089,07€ TTC en réparation des désordres.

I- C.5. Sur la contribution à la dette pour l’ensemble des désordres

Il est constant que la proportion, dans laquelle les différents coobligés in solidum doivent, dans leurs rapports réciproques, supporter la charge de la preuve, est déterminée à l’aune de la faute commise par chacun d’eux.

La société Gouider forme un appel en garantie contre la société IPC, la SMABTP et la SMA en qualité d’assureur de la société ADR.

La société IPC et la société Axa France Iard forment un appel en garantie à l’encontre de la SMABTP assureur IPC, la SMABTP assureur Gouider, la SMA assureur ADR et la société Gouider.

Dans la mesure où il a été retenu précédemment que tant la société IPC que la société Gouider ont commis des fautes à l’origine des désordres et où il a été entériné le partage de responsabilité proposé par l’expert à hauteur respectivement de 30 % et 70 % , où ce partage a déjà été pris en compte au stade de l’obligation à la dette il convient de débouter les parties co-obligées à la dette de leurs appels en garantie formés entre elles.

Dès lors qu’il a été jugé que la SMA en qualité d’assureur de la société ADR n’était pas tenue au titre de sa garantie, il convient également de débouter la société Gouider de son appel en garantie formée à son encontre.

De même il convient de rappeler que toute demande formée par la SMABTP prise en sa qualité d’assureur de la société Gouider non partie à l’instance a été déclarée irrecevable,

S’agissant de la garantie de la SMABTP en sa qualité d’assureur de la société IPC,

La SMABTP oppose l’absence de mobilisation de sa garantie dans la mesure où la société IPC avait connaissance du sinistre au moment de la souscription de la garantie en application de l’article L124-5 du Code des assurances.

Au vu des pièces produites, soit les conditions particulières du contrat d’assurance, il ressort que la société IPC a souscrit une assurance responsabilité civile auprès de la SMABTP le 8 janvier 2015 prenant effet à compter du 1er janvier 2015.

Or aux termes de l’article L124-5 alinéa 3 du Code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

Au vu des conditions générales de la police d’assurance, il ressort que l’assurance souscrite par la société IPC a été souscrite sur une base réclamation nécessitant que le fait dommageable soit antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie sauf clause de reprise du passé et que la première réclamation soit adressée entre la date de prise d’effet et l’expiration du délai subséquent.

Force est de constater qu’en l’absence de reprise du passé stipulée expressément au contrat, les parties sollicitant la garantie de la SMABTP en qualité d’assureur de la société IPC ne démontrent pas que la garantie de la SMABTP soit mobilisable pour un fait dommageable qui s’est produit avant la souscription de l’assurance (dès lors que le chantier a été réceptionné les 2 juin, 10 et 18 septembre 2013).

En conséquence il convient de débouter les parties de leurs appels en garantie formés contre la SMABTP.

Décision du 05 Juillet 2024
6ème chambre 2ème section
N° RG 15/13284 - N° Portalis 352J-W-B67-CGDYC

II. Sur la demande de condamnation au titre du trouble de jouissance

Le syndicat des copropriétaires expose avoir subi un préjudice de jouissance dans l’utilisation des balcons sinistrés devant être évalué à la somme de 44 220 € (soit 10 € par mois pendant 5 ans et par balcon et 10 € par mois pendant la durée des travaux évalué à 6 mois) pour 67 appartements.

La société Gouider fait valoir que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas l’existence d’un préjudice réel alors que les opérations d’expertise ont mis en évidence que 25 (ou 34) appartements sur 58 (sur 67) n’ont pas subi de désordres, qu’en outre les travaux réparatoires ne vont pas immobiliser les balcons pendant 7 mois dès lors que les travaux seront réalisés balcon par balcon et les immobiliseront seulement quelques jours.

La société IPC et son assureur la société Axa France Iard soulèvent d’une part l’irrecevabilité de la demande dans la mesure où elles estiment que seuls les copropriétaires pris individuellement peuvent former une telle demande, d’autre part, exposent que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas que l’ensemble des copropriétaires a subi de la même manière un préjudice de jouissance dès lors que de nombreux appartements n’ont subi aucun dommage. Ensuite elles font valoir que les balcons ont été utilisés depuis 1965 sans avoir reçu un revêtement d’étanchéité ce qui ne les ont pas empêchés d’être utilisés. Enfin elles indiquent que les travaux réparatoires ne dureront pas 6 mois par balcon.

*

sur la recevabilité de la demande

Aux termes de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble. Tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic.

Il est constant que le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation des dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots.

Dans la mesure où il résulte des éléments du dossier que les désordres affectent des balcons considérés comme parties communes à usage privatif il s’ensuit que le syndicat des copropriétaires justifie de sa qualité à agir en réparation d’un préjudice subi collectivement par de nombreux copropriétaires dès lors d’une part que les désordres des balcons trouvent leur origine dans une partie commune (les travaux ayant été réalisés sur des parties communes votés par l’assemblée générale des copropriétaires) d’autre part que ces désordres affectent l’usage privatif de chaque balcon.

La fin de non-recevoir doit être en conséquence rejetée.

Sur le bien-fondé de la demande

Aux termes du rapport d’expertise judiciaire, l’expert a indiqué que les désordres ont donné naissance à un trouble d’usage des balcons qu’il a évalué à 10 € par mois depuis les conclusions d’incident du 16 juin 2016 et que les travaux réparatoires entraîneront une perte d’usage notable des balcons des 67 appartements pendant la durée des travaux évaluée à 6 mois.

S’il ne ressort nullement des pièces produites aux débats que les désordres ont rendu impossible l’utilisation des balcons, même s’agissant des désordres affectant les 5 balcons en raison des risques de chute dont uniquement des mesures de sécurisation ont été préconisées, il n’en demeure pas moins qu’alors que des travaux d’une grande ampleur ont été votés par les copropriétaires pour procéder à une remise en état intégrale des balcons, ceux-ci ont vu apparaître de nombreux désordres se manifestant notamment par des cloques, des fissures, des décollements du revêtement du sol de leur balcon ainsi que des fissures pour certaines fuyardes en sous-face des balcons des étages supérieurs. Il s’ensuit que les copropriétaires, s’ils n’ont pas été dans l’impossibilité d’utiliser leur balcon, ont à tout le moins nécessairement subi un préjudice d’ordre esthétique. Il ressort par ailleurs qu’au vu des travaux réparatoires nécessaires à la remise en état des balcons, les copropriétaires ne pourront cette fois-ci pas accéder à leur balcon pendant une certaine durée.

Dès lors il convient d’évaluer le préjudice de jouissance subi par les copropriétaires des 44 balcons affectés de désordres à hauteur de la somme de 10 € par mois multiplié par 6 mois (afin de prendre en compte les périodes pendant lesquelles les balcons ne sont pas utilisés) pendant 5 ans (allant de 2016 à 2021 tel que demandé par le demandeur) ainsi que 100 € pour 2 semaines de travaux, soit une somme de 17.600 € (13 200 + 4400 €).

Au vu de ce qui a été précédemment retenu, il convient de (en prenant en compte la division de ses recours par le demandeur) :

concernant les 5 balcons affectés de désordres décennaux :

- condamner in solidum la société IPC et la société Axa France Iard à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 600 € en réparation du préjudice de jouissance pour les 5 balcons affectés de désordres décennaux (30 % de 2000 € (dès lors qu’un préjudice de jouissance de 400€ a été retenu par balcon));

- condamner la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1400 € en réparation du préjudice de jouissance pour les 5 balcons affectés de désordres décennaux (70 % de 2000 € (préjudice de jouissance évalué pour un balcon));

concernant les 39 balcons affectés de désordres intermédiaires :

- condamner in solidum la société IPC à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4680€ en réparation du préjudice de jouissance pour les 39 balcons affectés de désordres non décennaux (30 % de 15 600 € (dès lors qu’un préjudice de jouissance de 400 € a été retenu par balcon));

- condamner la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 10 920 € en réparation du préjudice de jouissance pour les 39 balcons affectés de désordres non décennaux (70 % de 15 600 € (préjudice de jouissance évalué pour un balcon)).

Enfin compte tenu de ce qui a été précédemment jugé, il convient de débouter les appels en garantie formés par les parties.

III. Sur la demande en paiement formée par la société GOUIDER et sur les comptes entre les parties

La société GOUIDER sollicite de voir condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 40.488,66 € laquelle prend déjà en compte la somme déjà réglée à titre de provision et de voir ordonner la compensation de cette somme avec celle éventuellement due par elle au syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires indique qu’il doit être déduit de cette somme le montant de la provision à laquelle il a été condamné par ordonnance du 14 juillet 2016.

Aux termes des pièces produites, il ressort que par dire du 5 juin 2020, le syndicat des copropriétaires représenté par son conseil a indiqué reconnaître que le solde restant dû à la société Gouider s’élevait à la somme de 40 488,66 euros tel que retenu par la société Gouider dans son dire du 28 mai 2020.

Or force est de constater qu’au vu du dire du 28 mai 2020, la société Gouider représentée par son conseil avait déjà déduit la somme de 32.000 € (au titre de la provision prononcée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 14 juillet 2016).

Dès lors il convient de dire que le syndicat des copropriétaires est redevable à l’égard de la société Gouider d’une somme de 40 488,66 € TTC.

Compte tenu de l’existence de créances réciproques, dès lors que la société Gouider a été reconnue redevable à l’égard du syndicat des copropriétaires de la somme totale de 111 832,16 € (soit 12.423,09 + 87 089,07 + 10 920 + 1400) il convient d’ordonner la compensation des créances réciproques et condamner ainsi la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 71 343,50 € TTC.

IV. Sur les demandes formées par la société FERME TUR

IVA. Sur la demande en paiement

La société FERME-TUR sollicite de voir condamner in solidum la société GOUIDER et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 9.301,91 € au titre du solde du marché restant dû (correspondant au solde de sa facture n°140372 du 21 octobre 2014) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2013, date du PV de réception avec capitalisation des intérêts.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La société Gouider sollicite de voir, au visa de l’article 2224 du Code civil, déclarer irrecevable la demande en paiement formée par la société FERME-TUR en raison de la prescription dans la mesure où le point de départ du délai de prescription quinquennal doit être fixé à la date de la facture du 21 octobre 2014 et où la société Ferme-Tur a formé pour la première fois une demande en paiement par conclusions du 17 février 2022 soit postérieurement à l’expiration du délai de prescription. En réponse aux moyens adverses, elle fait valoir que la société Ferme-Tur ne justifie d’aucun acte suspensif ou interruptif de prescription dès lors qu’un dire n’en fait pas partie et que l’effet suspensif de la mesure d’instruction prévue à l’article 2239 du Code civil ne s’applique pas pour l’expertise prononcée par le juge de la mise en état et rendu opposable à la société Ferme-Tur par ordonnance du 8 décembre 2017 en ce qu’elle n’a pas été ordonnée avant procès, qu’enfin l’effet interruptif découlant des assignations formées par les autres parties ne peut lui profiter.

Le syndicat des copropriétaires expose soit que la créance de la société Ferme-tur est prescrite soit qu’elle n’est pas due n’ayant pas de liens contractuels directs soit qu’elle doit être déduite des sommes à devoir à la société Gouider.

La société Ferme-Tur soutient :

- principalement que l’assignation en paiement délivrée le 29 septembre 2017 à son encontre par la société Gouider a eu un effet interruptif de sorte que sa demande formée pour la première fois le 17 février 2022, soit dans le délai de 5 ans, n’est pas prescrite ;

- subsidiairement que l’ordonnance du 8 décembre 2017, qui lui a rendu opposables les opérations d’expertise, a eu un effet suspensif, que les opérations d’expertise avaient notamment pour mission de faire le compte entre les parties incluant sa demande en paiement formalisée par dire du 31 mars 2021 auprès de l’expert judiciaire ;

- encore plus subsidiairement elle n’a été en mesure de réclamer le montant de son solde de marché qu’à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise soit le 29 septembre 2021 de sorte que sa demande en paiement formée en 2022 n’est pas prescrite.

*

Aux termes de l’article L110-4 du Code de commerce, I.-les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

L’article 2241 du Code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il est constant que le délai de prescription pour les actions en paiement de factures impayées ne commence pas à la date à laquelle est éditée la facture mais à la date d’exigibilité de la créance sauf convention contraire des parties.

Aux termes de la facture n° 140372 du 21 octobre 2014 il est stipulé que le règlement doit se faire à réception de la facture.

En l’absence de date de la réception de la facture et dès lors que la société Gouider ne nie pas avoir reçue ladite facture à compter du 21 octobre 2014, il convient de fixer le point de départ de la prescription à la date de la facture.

Or force est de constater que la société Ferme-Tur, telle qu’elle le reconnaît elle-même, a formé pour la première fois une demande en paiement à l’encontre de la société Gouider et du syndicat des copropriétaires par conclusions du 27 février 2022.

Il convient en outre de relever que :

- l’effet interruptif lié à l’assignation de la société Gouider ne peut profiter qu’à la société Gouider,

- il ne ressort d’aucune disposition légale que l’ordonnance du 8 décembre 2017 ayant déclaré commune et opposable à la société Ferme-tur l’ordonnance du 14 octobre 2016 ayant ordonné l’expertise soit assortie d’un effet suspensif,

- il ne peut être retenu que la société Ferme-tur ne disposait pas des informations lui permettant d’exercer son action en paiement avant le dépôt du rapport d’expertise alors qu’elle a établi sa facture en 2014 et que le rapport d’expertise a été ordonné en considération uniquement des demandes de dommages et intérêts formées par le syndicat des copropriétaires reprochant des désordres à la société Gouider et de la demande en paiement formée par la société Gouider.

Dès lors dans la mesure où la société Ferme-Tur a sollicité pour la première fois la condamnation de la société Gouider en 2022, soit 8 ans après la date d’exigibilité de sa facture, il convient de la déclarer irrecevable car prescrite tant à l’égard de la société Gouider qu’à l’égard du syndicat des copropriétaires.

IV.B. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Ferme-tur sollicite de voir condamner toutes parties succombantes à lui payer solidairement la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au motif qu’elle a été contrainte d’assister pendant 3 ans aux opérations d’expertise alors que rien ne peut lui être reproché.

En vertu de l'article 1382 ancien du Code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol.

Dans la mesure où seule la société Gouider a assigné la société Ferme-Tur à la présente procédure , où l’abus ne peut se déduire d’un simple engagement en justice, où de surcroît la société Ferme-tur se contente uniquement de qualifier d’abusive la procédure sans caractériser l’abus, alors qu’il ressort de la procédure que la mesure d’expertise a été ordonnée par le juge de la mise en état compte tenu des griefs reprochés par le syndicat des copropriétaires formulés notamment dans son courrier du 25 juin 2014 incluant des reproches sur la réalisation des garde-corps, qui avait été confiée à la société Ferme-Tur, il convient en conséquence de la débouter de sa demande de dommages et intérêts.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La société Gouider, la société IPC et la société Axa France Iard assureur de la société IPC, succombant dans leurs demandes, seront condamnées in solidum aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 12 500 euros.

L’équité ne commande pas de faire application de la condamnation au titre des frais irrépétibles au profit des autres parties défenderesses.

La charge finale des dépens et celle des frais irrépétibles sera répartie entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, dans les limites contractuelles des polices respectives (plafonds et franchises), ainsi qu'il suit :

- la société IPC : 30% dont 12% garantie par la société Axa France Iard
- la société Gouider : 70 %

Au vu de l’ancienneté du litige, il convient d’ordonner l’exécution provisoire compatible avec la nature du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision réputée contradictoire, rendue en premier ressort, par voie de mise à disposition au greffe en application de l'article 450 du Code de procédure civile, les parties en ayant été avisées,

Sur les demandes principales

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du syndicat des copropriétaires au titre du préjudice de jouissance ;

DECLARE irrecevable les demandes formées par les parties à l’encontre de la SMABTP prise en sa qualité d’assureur de la société GOUIDER ;

PREND ACTE que la société QBE EUROPE SA/NV intervient volontairement et vient aux droits de la société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED en qualité d’assureur de la société FERME-TUR,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice de ses demandes formées à l’encontre de la SMA prise en sa qualité d’assureur de la société ADR;

CONDAMNE in solidum la société IPC et la société Axa France Iard en sa qualité d’assureur décennal de la société IPC à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, les sommes suivantes :

5324,19 € TTC en réparation des désordres décennaux affectant 5 balcons à actualiser sur l’indice BT 01 entre le 31 mars 2021 et le présent jugement ;
600 € en réparation du préjudice de jouissance pour les 5 balcons affectés de désordres décennaux ;
CONDAMNE la société IPC à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice les sommes suivantes :

37 323,89 € TTC en réparation des désordres non décennaux affectant 39 appartements à actualiser sur l’indice BT 01 entre le 31 mars 2021 et le présent jugement ;

4680 € en réparation du préjudice de jouissance pour les 39 balcons affectés de désordres non décennaux

CONDAMNE la société Gouider à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, la somme de 71 343,50 € TTC après compensation des créances réciproques en réparation des désordres, somme à actualiser sur l’indice BT 01 entre le 31 mars 2021 et la date du présent jugement;

DIT que ces sommes seront augmentées des intérêts aux taux légal à compter du présent jugement ;

DIT que les intérêts échus depuis un an produiront eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1154 ancien du Code civil;

DEBOUTE les parties co-obligées à la dette de leurs appels en garantie formées entre elle et contre la SMABTP en qualité d’assureur de la société IPC et à l’encontre de la SMA en qualité d’assureur de la société ADR ;

Sur les demandes formées par la société FERME-TUR

DECLARE irrecevable l’action en paiement de sa facture n°140372 du 21 octobre 2014 par la société FERME-TUR à l’encontre de la société GOUIDER et du syndicat des copropriétaires ;

DEBOUTE la société FERME-TUR de sa demande de condamnation pour procédure abusive ;

Sur les demandes accessoires

CONDAMNE in solidum la société Gouider, la société IPC et la société Axa France Iard assureur de la société IPC à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice la somme de 12 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles au profit des autres parties défenderesses ;

CONDAMNE in solidum la société Gouider, la société IPC et la société Axa France Iard assureur de la société IPC aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire ;

DIT que la charge finale des dépens et des frais irrépétibles sera répartie entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, dans les limites contractuelles des polices respectives (plafonds et franchises), ainsi qu'il suit :

- la société IPC : 30 % dont 12 % garantie par la société Axa France Iard
- la société Gouider : 70 %

ORDONNE l’exécution provisoire ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 15/13284
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;15.13284 ?
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