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24/07/2024 | FRANCE | N°21/08557

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 24 juillet 2024, 21/08557


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me DEMIDOFF (L0143)
Me FERTOUT (E1770)





18° chambre
2ème section


N° RG 21/08557

N° Portalis 352J-W-B7F-CUV64

N° MINUTE : 10


Assignation du :
24 Juin 2021







JUGEMENT
rendu le 24 Juillet 2024





DEMANDERESSE

ASSOCIATION POUR L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (A.P.T.M.)
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté

e par Maître Georges DEMIDOFF de la S.E.L.A.R.L. IDEACT SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0143



DÉFENDERESSE

S.C.I. SCI DU 46 CARREL (RCS de Paris 793 603 ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me DEMIDOFF (L0143)
Me FERTOUT (E1770)

18° chambre
2ème section


N° RG 21/08557

N° Portalis 352J-W-B7F-CUV64

N° MINUTE : 10

Assignation du :
24 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 24 Juillet 2024

DEMANDERESSE

ASSOCIATION POUR L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (A.P.T.M.)
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Georges DEMIDOFF de la S.E.L.A.R.L. IDEACT SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0143

DÉFENDERESSE

S.C.I. SCI DU 46 CARREL (RCS de Paris 793 603 069)
[Adresse 6]
[Localité 5]

représentée par Me David FERTOUT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1770

Décision du 24 Juillet 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/08557 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUV64

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique,

assistée de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 29 Mai 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant un acte sous seing privé en date du 20 juin 2016, la S.C.I. SCI DU 46 CARREL (ci-après la SCI DU 46 CARREL) a donné à bail commercial à L'ASSOCIATION POUR L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (ci-après l'APTM) des locaux, à usage exclusif de "centre d'accueil, bureaux et foyer" situés [Adresse 2] et [Adresse 1].

Le bail a été conclu pour une durée de 12 années, moyennant le versement d'un loyer annuel initial de 312.000 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d'avance.

Par acte extrajudiciaire en date du 15 février 2019, la SCI DU 46 CARREL a fait délivrer à l'APTM un commandement de payer la somme de 175.347,01 euros au titre de l'arriéré locatif au 6 février 2019, visant la clause résolutoire insérée au bail.

Saisi par la SCI DU 46 CARREL, le juge des référés de ce tribunal a, par ordonnance définitive du 12 juillet 2019, notamment :
- condamné l'APTM à payer à la SCI DU 46 CARREL la somme provisionnelle de 153.962,94 euros au titre de l'arriéré locatif au 2ème trimestre 2019 inclus, sous réserve du bon encaissement du chèque remis à la barre et à défaut, celle de 175.347,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;
- dit que l'APTM pourra s'acquitter de cette somme, en sus des loyers courants, en dix mensualités égales et consécutives ;
- dit qu'à défaut de respect de l'échéancier, le tout deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire sera acquise et il sera procédé à l'expulsion immédiate de l'APTM ;
- condamné l'APTM à payer à la SCI DU 46 CARREL la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Sur le fondement de cette décision, la SCI DU 46 CARREL a, d'une part, fait signifier à l'APTM le 17 octobre 2019, un commandement de quitter les lieux et d'autre part, a, le 26 avril 2021, fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes de l'APTM dans les livres de la banque FIDUCIAL d'un montant de 202.222,84 euros.

Le 2 février 2021, l'APTM a restitué les locaux et un état des lieux de sortie a été établi le 8 mars 2021.

Le 24 juin 2021, l'APTM a assigné la SCI DU 46 CARREL devant le juge de l'exécution de ce tribunal aux fins de voir annuler la saisie-attribution. Par un jugement définitif en date du 12 juillet 2021, le juge de l'exécution a rejeté les demandes de l'APTM et l'a condamnée à verser à la SCI DU 46 CARREL la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par acte délivré le 24 juin 2021, l'APTM a fait assigner devant ce tribunal la SCI DU 46 CARREL aux fins de voir prononcer la compensation pour dettes connexes entre l'arriéré de loyers dû et la créance de restitution du dépôt de garantie et dire que le solde débiteur à la charge de l'APTM s'élève à 118.790,06 euros.

Par ordonnance en date du 13 octobre 2021, le juge délégué par le Président du tribunal judiciaire de Paris a, à la demande de l'APTM, désigné un administrateur judiciaire en qualité de conciliateur, avec pour mission de négocier un accord avec la SCI DU 46 CARREL.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2022, l'APTM demande au tribunal de :

Vu l'article 1231-5 du code civil,
Vu l'article L. 145-40-1 du code de commerce,
Vu la jurisprudence et le bail,

- Condamner la SCI DU 46 CARREL à lui payer la somme de 83.051,29 euros au titre du remboursement du dépôt de garantie,
- Débouter la SCI DU 46 CARREL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la SCI DU 46 CARREL à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la SCI DU 46 CARREL aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juillet 2022, la SCI DU 46 CARREL demande au tribunal de :

Vu l'article 1103 du code civil,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence et les pièces versées au débat,

- La recevoir en ses demandes et la déclarer bien fondée,
- Débouter l'APTM de toutes ses demandes.

Reconventionnellement :

- Condamner l'APTM à lui payer les sommes de :
- 20.222,28 euros au titre de la pénalité de 10 % prévue au bail commercial,
- 10.000 euros au titre de la procédure abusive.

En tout état de cause :

- Condamner l'APTM à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

* * *

Ainsi que le permet l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture de la mise en état a été prononcée le 11 septembre 2023.

L'affaire a été appelée pour plaidoiries à l'audience tenue en juge unique du 29 mai 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de remboursement du dépôt de garantie

L'APTM sollicite la restitution du dépôt de garantie de 83.051,29 euros sur le fondement de l'article 9 du bail.

La SCI DU 46 CARREL s'oppose à ce remboursement, en faisant valoir que l'article 17 du bail l'autorise à conserver le dépôt de garantie, du seul fait de la résiliation du bail. Elle fait valoir également qu'elle est fondée à conserver le dépôt de garantie en raison de l'état dégradé des locaux en fin de bail alors que l'article 10.3 du bail oblige le preneur à "tenir constamment les lieux loués et l'ensemble des installations et équipements qu'ils comportent, en parfait état d'entretien et de fonctionnement, ainsi qu'à effectuer toutes les réparations qui pourraient être nécessaires, y compris celles découlant de la vétusté et de la force majeure, en remplaçant s'il y a lieu, ce qui ne pourrait être réparé, à l'exclusion des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil".

En réponse à cette argumentation, la partie demanderesse fait valoir que la clause 17 du bail constitue une clause pénale. Elle soutient qu'en dépit de difficultés financières qui ont motivé la désignation d'un conciliateur en application des dispositions des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce sur la prévention des difficultés financières des entreprises, la dette locative a été soldée en totalité, principal et intérêts, de sorte qu'il ne subsiste aucun préjudice pour la bailleresse de nature à justifier le maintien de la clause pénale. Elle soutient que la clause pénale est manifestement excessive et demande qu'elle soit réduite à 1 euro sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil.
Quant à l'état des locaux, elle répond qu'en l'absence d'état des lieux d'entrée, le bailleur ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil, en application de l'article L. 145-40-1 du code de commerce ; qu'il ne peut donc être présumé que les locaux ont été reçus en bon état de réparations locatives. Elle soutient qu'il incombe au bailleur de prouver que les locaux ont été rendus dans un état dégradé par rapport à celui dans lequel ils se trouvaient à l'entrée dans les lieux ; que l'obligation d'entretien à la charge du preneur ne peut obliger ce dernier à restituer les locaux dans un état meilleur que celui dans lequel il les a reçus. Elle précise que le bail rappelle en préambule qu'elle était occupante des locaux depuis de nombreuses années et en était propriétaire, le bail étant conclu sous la condition suspensive de la signature de l'acte authentique réitératif et définitif portant sur la vente des locaux par la locataire à la bailleresse.
En tout état de cause, l'APTM conclut que la demande d'indemnisation du bailleur est subordonnée à la démonstration d'un préjudice et calculée exclusivement en fonction de celui-ci et qu'en l'espèce, il ne justifie et pas même ne prétend avoir réalisé des travaux, ou dû consentir un bail à des conditions plus défavorables que si l'état des lieux de sortie avait été différent.

* * *

Selon les articles 1134 et 1152 anciens du code civil, dans leur rédaction applicable au présent litige, c'est-à-dire antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 (le 1er octobre 2016) s'agissant d'un bail conclu le 20 juin 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et lorsque la convention stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, le juge peut modérer la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive.

L'article 17 du bail ayant lié les parties stipule que "3°) En cas de résiliation de plein droit ou judiciaire, le montant total des loyers d'avance et du dépôt de garantie, même si une partie n'en a pas été versée, restera acquis au BAILLEUR sans préjudice de tous autres dus ou dommages et intérêts".

Cette disposition claire, précise et destinée à indemniser forfaitairement le bailleur de son préjudice s'analyse en une clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge en application de l'article 1152 ancien du code civil, l'article 1231-5 nouveau du code civil cité par la partie demanderesse n'étant pas applicable.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la résiliation du bail est effectivement acquise, qu'un commandement de quitter les lieux a été signifié à l'APTM le 17 octobre 2019 et que le preneur a quitté les lieux le 2 février 2021, un état des lieux de sortie ayant été établi unilatéralement par le mandataire de la SCI DU 46 CARREL le 8 mars 2021. L'APTM a soldé sa dette locative, soit une somme de 181.651,11 euros, par virement intervenu en date du 23 mars 2023.

Par ailleurs, l'article 1730 du code civil dispose que s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.

Les articles 1731 et 1732 du même code énoncent que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. Le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

L'article 1755 du même code rappelle qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

L'article 1754 du code civil définit les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, comme celles qui, sauf s'il y a clause contraire, sont "désignées comme telles par l'usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire :
Aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes de cheminées ;
Au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d'habitation à la hauteur d'un mètre ;
Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu'il y en a seulement quelques-uns de cassés;
Aux vitres, à moins qu'elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;
Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures".

En l'espèce, il ressort du contrat de bail que l'APTM était propriétaire des locaux avant de les vendre à la SCI DU 46 CARREL et de les prendre à bail.

Si le bail conclu prévoit qu'un état des lieux d'entrée sera établi, il n'est pas versé aux débats et il n'est pas allégué que les parties l'auraient réalisé.

Aux termes des articles 1731 et 1732 du code civil, l'APTM est donc présumée, faute de preuve contraire, avoir reçu les locaux en bon état de réparations locatives et devant les rendre en bon état.

L'état des lieux de sortie réalisé de manière non contradictoire le 8 mars 2021 mais dont le contenu n'est pas contesté par l'APTM indique que :
"Après avoir réceptionné les clés de l'immeuble situé au [Adresse 2], nous constatons que l'immeuble a été abandonné.
- Odeur de moisissure au sein de tout le bâtiment.
- Présence d'un grand nombre de meubles, déchets, linges sales, poubelles dans chaque étage du bâtiment, y compris au sous-sol.
- Présence de moisissures et de champignons aux murs, aux sols, aux plafonds, dans les espaces sanitaires.
- Robinetteries endommagés, carrelages cassés, branchements et prises électriques arrachés, murs dégradés.
- Ascenseur non fonctionnel.
DEGRADATIONS IMPORTANTES DES LOCAUX
Ci-joint photos".

Il n'est pas spécialement contesté par l'APTM que les locaux n'ont pas été restitués en bon état de réparations locatives, étant relevé que leur état d'usage voire dégradé, sale et encombré est justifié par les photographies annexées à l'état des lieux de sortie.

Le dépôt de garantie versé (83.051,29 euros) correspond à un trimestre de loyers.

Le preneur n'a pas rempli son obligation de payer les loyers, charges et accessoires pendant 24 mois, la dette ayant été soldée le 23 mars 2022, et n'a pas par ailleurs restitué les locaux en bon état de réparations locatives. Outre la conservation du dépôt de garantie, la SCI DU 46 CARREL se prévaut de l'article 17 2°) du bail ("A défaut de paiement du loyer, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme d'après le présent bail, huit jours après une simple lettre recommandée restée sans réponse, le dossier sera transmis à l'huissier, les sommes dues étant en toute hypothèse automatiquement majorées de 10 %") et sollicite à titre reconventionnel, la condamnation de la partie demanderesse à lui verser une indemnité de 20.223,83 euros correspondant à 10 % de la dette de loyers qu'elle fixe à la somme de "202.222,84" euros.

Au regard de la situation, il y a lieu de constater que le montant global réclamé au titre de cette double clause pénale de 103.275,12 euros, représente plus de la moitié de la dette locative telle qu'apparaissant au décompte annexé au procès-verbal de saisie-attribution du 26 avril 2021. Il est manifestement exagéré et sera revu à la baisse, pour être fixé à une somme globale de 20.222 euros, soit 10 % de la dette locative, qui sera mise à la charge de l'APTM. Ce quantum apparaît justifié en l'absence de tout devis versé aux débats permettant d'évaluer les réparations locatives ou d'élément permettant de démontrer que la SCI DU 46 CARREL n'a pu relouer le bien qu'à des conditions moins avantageuses à compter de la libération des locaux. Par ailleurs, ce quantum tient compte également que l'APTM a remboursé sa dette, augmentée des intérêts de retard au taux légal.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI DU 46 CARREL à rembourser à l'APTM la somme de 62.829,29 euros (83.051,29 - 20.222) au titre du dépôt de garantie, après déduction des sommes dues par la locataire au titre des deux clauses pénales.

Sur les demandes reconventionnelles de la SCI DU 46 CARREL

- Au titre de la clause pénale

Il a été statué ci-dessus sur cette demande.

- Au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive

La SCI DU 46 CARREL sollicite par ailleurs la somme de 10.000 euros à titre d'"amende civile" mais il s'agit en réalité de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle fait valoir qu'elle a subi pendant plus de deux ans, des impayés de loyers ; qu'elle a récupéré des locaux dans un état très dégradé ; qu'elle a intenté une procédure devant le juge des référés pour obtenir le recouvrement de sa créance alors que les bilans comptables de l'APTM montrent un résultat positif de près de 500.000 euros ; que l'échéancier prévu par l'ordonnance du 12 juillet 2019 n'a jamais été respecté par l'APTM ; que s'ajoute une procédure devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris qui a débouté l'APTM de sa demande d'annulation de la saisie-attribution. Elle soutient que la présente action en justice vouée à l'échec d'une part, en vertu des stipulations du bail commercial et, d'autre part, en raison de l'état dégradé des locaux est manifestement abusive.

L'APTM conclut au rejet de cette demande. Elle précise que sa situation financière telle que présentée par la bailleresse est erronée ; que si elle a bénéficié dans le passé d'un résultat courant de 477.319 euros, il s'agissait de l'exercice clos le 31 décembre 2020 alors que l'ordonnance de référé en date du 12 juillet 2019 a été rendue lors de l'exercice précédent ; que le résultat de l'année 2020 n'a été possible qu'en raison d'une avance de subvention accordée en réserve de compensation allouée à des charges reportées correspondant à 17 licenciements ; que l'exercice suivant a enregistré une perte de -425.000 euros. Elle ajoute qu'il n'y a pas de lien entre l'argumentation développée par la bailleresse concernant la procédure de référé, et sa demande d'"amende civile" qui concerne une autre procédure.

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il incombe à la SCI DU 46 CARREL de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et de leur lien de causalité.

La seule existence de procédures précédentes et distinctes et/ou le fait que la demande de l'APTM ait été partiellement rejetée par le tribunal ne suffisent pas à caractériser l'abus de droit d'agir en justice, dès lors que la bailleresse ne démontre pas que l'association a outrepassé son droit fondamental d'accès au juge, ou que son action aurait été animée d'une intention de lui nuire et n'aurait pas été guidée par la recherche raisonnable d'une reconnaissance de ses droits. Par ailleurs, force est de constater que la SCI DU 46 CARREL n'allègue ni ne démontre l'existence d'un préjudice qui ne serait pas réparé par les clauses pénales ou par l'octroi d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui fait l'objet d'une demande distincte.

La SCI DU 46 CARREL sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive qualifiée improprement d'amende civile qui ne peut être prononcée qu'à l'initiative du juge et dont le montant est versé au Trésor Public.

Sur les demandes accessoires

Chacune des parties succombant partiellement mais le litige ayant pour origine des manquements de l'APTM à ses obligations locatives, les dépens resteront à la charge de l'APTM.

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

CONDAMNE la S.C.I. SCI DU 46 CARREL à rembourser à L'ASSOCIATION POUR L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (A.P.T.M.) la somme de 62.829,29 euros (soixante-deux mille huit cent vingt-neuf euros et vingt-neuf centimes) au titre du dépôt de garantie après déduction de la somme due au titre de la double clause pénale fixée à 20.222 euros,

DÉBOUTE L'ASSOCIATION POUR L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (A.P.T.M.) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses prétentions,

DÉBOUTE la S.C.I. SCI DU 46 CARREL de sa demande au titre de la procédure abusive, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses prétentions,

CONDAMNE L'ASSOCIATION POUR L'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL ET ADMINISTRATIF DES MIGRANTS ET DE LEURS FAMILLES (A.P.T.M.) aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 24 Juillet 2024

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Maïa ESCRIVE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/08557
Date de la décision : 24/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-24;21.08557 ?
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