TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [K] [M] [O] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Jean FOIRIEN
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR référé
N° RG 24/04034 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4TLU
N° MINUTE :
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 23 août 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. FASTEL,
[Adresse 2]
représentée par Maître Jean FOIRIEN de l’AARPI AARPI LGJF GABIZON-FOIRIEN, avocats au barreau de PARIS,
DÉFENDERESSE
Madame [K] [M] [O] [Y],
[Adresse 1]
comparante en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 24 mai 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 23 août 2024 par Clara SPITZ, Juge, assistée de Aurélia DENIS, Greffier
Décision du 23 août 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 24/04034 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4TLU
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 11 octobre 2015, la SCI FASTEL a consenti un bail d’habitation à Mme [O] [Y] [K] [M] sur des locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 3], moyennant le paiement d’un loyer mensuel initial de 950 euros, charges comprises.
Par acte de commissaire de justice du 18 janvier 2024, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 27 350 euros au titre de l'arriéré locatif dans un délai de six semaines, en visant une clause résolutoire.
La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [O] [Y] [K] [M] le 19 janvier 2024.
Par assignation du 9 avril 2024, la SCI FASTEL a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de Mme [O] [Y] [K] [M] avec suppression du délai légal de 2 mois prévu par l’article L 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution, à faire séquestrer les meubles garnissant le logement et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,29 250 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 1er mars 2024, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, sur la somme de 27 610.31 euros et de l’assignation pour le surplus2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 9 avril 2024, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.
À l'audience du 24 mai 2024, la SCI FASTEL, représentée par son conseil, maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 24 mai 2024, s'élève désormais à 31 150 euros. Elle considère qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Elle indique ne pas être opposée à ce que la défenderesse bénéficie d’un délai pour quitter les lieux, jusqu’à la fin des jeux olympiques.
Mme [O] [Y] [K] [M] reconnaît la dette tant dans son principe que dans son montant. Elle sollicite seulement de pouvoir se maintenir dans les lieux jusqu’au mois d’octobre 2024. Elle expose que son fils est décédé, que par suite, elle a connu une période de dépression et de chômage mais qu’elle a repris le travail depuis le mois de mars 2024, qu’elle a fait une demande de logement social qui n’a pas aboutie, qu’elle n’a, pour le moment, aucune perspective de relogement et qu’elle ne peut pas bénéficier du FSL, faute d’avoir repris le paiement du loyer courant.
En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
Sur la demande de constat de la résiliation du bail
En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge du contentieux de la protection peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Sur la recevabilité de la demande
La SCI FASTEL justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 27 juillet 2023, tout contrat de bail d'habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.
Toutefois, les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, en ce qu'elles modifient le délai minimal imparti au locataire pour s'acquitter de sa dette après la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail prévu par l'article 24, alinéa 1er et 1°, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, n'ont pas pour effet de modifier les délais figurant dans les clauses contractuelles des baux en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi qui est d’application immédiate mais non rétroactive (Civ. 3ème, 13 juin 2024, avis n°24-70.002).
En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales a été signifié à Mme [O] [Y] [K] [M] le 18 janvier 2024 lui laissant un délai de six semaines pour régler la somme de 27 350 euros au principal.
Le bail ayant été tacitement reconduit, pour la dernière fois le 11 octobre 2021, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de a loi, il y a simplement lieu de considérer que les effets de la clause résolutoire sont acquis depuis le 18 mars 2024 à minuit, soit deux mois après la délivrance du commandement de payer, en l’absence de tout règlement de la part de Mme [O] [Y] [K] [M] dans ce délai, selon les déclarations des parties.
Il convient, en conséquence, d’ordonner à Mme [O] [Y] [K] [M] ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser la SCI FASTEL à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.
Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.
Cependant, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie la suppression du délai prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, il convient de débouter la SCI FASTEL de cette demande.
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Les articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution permettent au juge d'accorder des délais renouvelables, compris entre un mois et un an, aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l’espèce, Mme [O] [Y] [K] [M] sollicite un délai pour quitter les lieux, jusqu’au mois de septembre ou octobre 2024. Elle explique n’avoir, pour le moment, aucune solution de relogement mais avoir retrouvé du travail et avoir fait une demande de logement social.
La bailleresse, personne morale, ne s’oppose pas à un délai pour quitter les lieux, qu’elle souhaite cependant limitée à la période des jeux olympiques.
En l’absence de tout versement de la part de Mme [O] [Y] [K] [M] et eu égard au montant de la dette, il convient de faire droit à la demande de délai formée par elle jusqu’au 30 septembre 2024.
Sur la dette locative et l’indemnité d’occupation
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Mme [O] [Y] [K] [M] est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l’espèce, la SCI FASTEL verse aux débats un décompte en date du 1er mars 2024 démontrant qu’à cette date, Mme [O] [Y] [K] [M] lui devait la somme de 29 250 euros. Elle indique, à l’audience du 24 mai 2024, que la dette s’élève à 31 150 euros, échéance du mois de mai 2024 inclus, ce que Mme [O] [Y] [K] [M] ne conteste pas.
Mme [O] [Y] [K] [M] reconnaissant la dette qui apparaît certaine, elle sera condamnée à payer cette somme à la bailleresse, à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2024 sur la somme de 27 350 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1900 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.
Elle est, en outre, redevable d'une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle à compter du 1er juin2024 minuit jusqu’à la libération effective du logement matérialisée par restitution des clés, d’un montant égal à celui des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, soit 950 euros, qu’elle sera condamnée à verser à compter du 25 mai 2024, lendemain de l’audience.
Sur les demandes accessoires
Mme [O] [Y] [K] [M], partie perdante, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande qu’elle soit condamnée à verser à la SCI FASTEL la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon l'article 514-1 du code de procédure civile, l’exécution provisoire des décisions de première instance est de droit et ne peut être écartée en référé.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
CONSTATONS que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 11 octobre 2015 entre la SCI FASTEL, d’une part, et Mme [O] [Y] [K] [M], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 3] sont réunies à la date du 18 mars 2024 minuit,
ACCORDONS un délai pour quitter les lieux à Mme [O] [Y] [K] [M] jusqu’au 30 septembre 2024,
AUTORISONS la SCI FASTEL, à défaut de libération volontaire dans ce délai, à faire procéder à l’expulsion de Mme [O] [Y] [K] [M] ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, des lieux situés au [Adresse 1] à [Localité 3] et, le cas échéant, de tous les lieux loués accessoirement au logement, avec l’assistance de la force publique si besoin,
RAPPELLONS que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
DEBOUTONS la SCI FASTEL de sa demande de suppression du délai légal prévu à l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,
RAPPELLONS que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,
FIXONS le montant de l’indemnité provisionnelle d’occupation due par Mme [O] [Y] [K] [M] à compter du 19 mars 2024 à la somme mensuelle de 950 euros,
CONDAMNONS Mme [O] [Y] [K] [M] à payer à la SCI FASTEL la somme de 31 150 euros (trente et un mille cent cinquante euros) à titre de provision sur l’arriéré locatif et les indemnités d’occupations échues, arrêtée au 24 mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2024 sur la somme de 27350 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1900 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,
CONDAMNONS Mme [O] [Y] [K] [M] au paiement de l’indemnité mensuelle d’occupation à compter du 1er juin 2024 jusqu’à libération effective des lieux,
CONDAMNONS Mme [O] [Y] [K] [M] à payer à la SCI FASTEL la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS Mme [O] [Y] [K] [M] aux dépens,
RAPPELONS que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 23 août 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière La Juge