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03/09/2024 | FRANCE | N°21/00633

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 03 septembre 2024, 21/00633


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile

N° RG 21/00633

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
07 et 11 Janvier 2021


EG






JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [U] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Maître Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0120




DÉFENDERESSES

BUREAU CENTRAL FRANCAIS LES ACCIDENT

S D’AUTOMOBILES
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Goulwen PENNEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0586


CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA COTE D’OPALE
[Adresse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile

N° RG 21/00633

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
07 et 11 Janvier 2021

EG

JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [U] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Maître Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0120

DÉFENDERESSES

BUREAU CENTRAL FRANCAIS LES ACCIDENTS D’AUTOMOBILES
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Goulwen PENNEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0586

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA COTE D’OPALE
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]

non représentée

Décision du 03 Septembre 2024
19ème chambre civile
N° RG 21/00633

PARTIE INTERVENANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARTOIS
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]

représentée par Maître Maher NEMER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0295

La Société IBEX INSURANCE
[Adresse 7]
[Localité 11] GIBRALTAR

représentée par Maître Goulwen PENNEC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0586

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 24 Mai 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 Septembre 2024.

JUGEMENT

- réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 septembre 2014, alors qu’il marchait le long de la route départementale 212, M. [U] [Z] a été renversé par un véhicule MERCEDES assuré par la compagnie d’assurance anglaise IBEX Insurance (ci-après désignée IBEX).

Transporté par les pompiers vers les Urgences du Centre hospitalier de l’Arrondissement de [Localité 12], il présentait : « une plaie au niveau de la face antéro interne de la cuisse droite longitudinale suturée aux urgences et quelques excoriations au niveau de la crète tibiale, toujours à droite nécessitant simplement des soins locaux. »

Les examens médicaux ultérieurs ont révélé une fracture du plateau tibial externe avec une contusion osseuse du condyle fémoral externe et de la rotule, non déplacée.

Par ordonnance rendue le 20 mars 2017, le juge des référés de ce tribunal a notamment :
Ordonné une expertise médicale ;Désigné le Dr [H] pour y procéder ;Condamné le Bureau Central Français (ci-après désigné « le BCF ») à verser à M. [U] [Z] une provision de 5.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;Condamné le BCF à verser à M. [U] [Z] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Dr [H] a rendu son rapport définitif le 28 juillet 2017 concluant ainsi que suit :
Déficit fonctionnel temporaire :. total du 3 au 5 septembre 2014 et du 25 juillet au 13 août 2016 ;
. 50% du 5 septembre 2014 au 20 octobre 2014 ;
. 25% du 21 octobre 2014 au 29 décembre 2014 ;
. 15% du 30 décembre 2014 au 24 juillet 2016 ;
. 10% du 14 août 2016 jusqu’à la consolidation au 30 octobre 2016
Séquelles : les anomalies au niveau du genou droit sont en rapport direct et exclusif avec l’accident du 3 septembre 2014. Il n’y a pas d’état antérieur pouvant interférer ;Déficit fonctionnel permanent imputable à l’accident 4% ;Aide par tierce personne : 1h30 par jour du 5 septembre 2014 au 20 octobre 2014, 3h par semaine du 21 octobre 2014 au 29 décembre 2014 ;L’incapacité temporaire de travail spécifiquement liée aux séquelles de l’accident du 3 septembre 2014 est justifiée jusqu’au 30 octobre 2016 date de la consolidation ; ;Une reprise théorique de travail aurait été possible le 1er novembre 2016 si M. [U] [Z] n’avait pas présenté plusieurs causes empêchant la reprise d’une activité professionnelle de cariste : une hernie inguinale gauche douloureuse, une fracture de clavicule et ses problèmes de toxicomanie ;Les souffrances endurées imputables à l’accident du 3 septembre 2014 sont estimées à 2,5/7 ;préjudice esthétique transitoire estimé à 1/7 du 5 septembre au 29 décembre 2014 ;préjudice esthétique permanent lié à la cicatrice à la cuisse estimé à 0,5/7 ;le préjudice d’agrément concerne l’activité de loisirs : bicyclette, football, piscine pour un tiers imputable aux séquelles.
Par assignations en date des 7 et 11 janvier 2021, M. [U] [Z] a assigné le BCF ainsi que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de la Côte d’Opale (ci-après désignée « CPAM ») devant ce tribunal aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Un accord transactionnel a été régularisé entre M. [U] [Z] et le BCF le 6 octobre 2021 et M. [U] [Z] a signifié le 26 novembre 2021 des conclusions aux fins de désistement acceptées par le BCF.

Par ordonnance en date du 14 octobre 2022, le juge de la mise en état saisi d’un incident de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) de l’ARTOIS a :
Reçu la CPAM de l’ARTOIS en son intervention volontaire ;Invité la compagnie d’assurance anglaise IBEX Insurance à déposer des conclusions d’intervention volontaire si elle souhaitait être reconnue comme partie ;Dit n’y avoir lieu à recevoir M. [U] [Z] en son désistement d’instance et d’action, compte tenu de l’opposition émise par la CPAM de l’Artois ;Renvoyé au fond devant le tribunal l’examen de l’intégralité des autres prétentions formulées par les parties, et notamment celles de la question de la régularité du protocole transactionnel ;Décerné acte à la CPAM de l’Artois du fait qu’elle se désiste de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles d’un montant de 11.636,74 euros, la somme ayant bien été réglée par le BCF ;Réservé les dépens ;Condamné le BCF à payer à la CPAM de l’Artois la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Aux termes de ces conclusions signifiées le 8 janvier 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile la CPAM de l’ARTOIS demande au tribunal de :
La recevoir en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;Condamner le BCF à lui verser la somme de 56.179,82 euros au titre des dépenses de santé actuelles et des pertes de gains professionnels actuels ;Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande ;Condamner le BCF à lui verser les arrérages à échoir de la rente invalidité au fur et à mesure de leur engagement pour un capital représentatif de 181.235,44 euros avec intérêt de droit à compter de leur engagement ou du jugement à intervenir si le tiers opte pour un versement en capital ;Condamner le BCF à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;Condamner le BCF aux dépens dont distraction au profit de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats, et ce, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes, la CPAM de l’ARTOIS expose que sa créance d’un total de 249.020,59 euros est totalement imputable à l’accident du 3 septembre 2014. Elle fait valoir que sa créance au titre des dépenses de santé actuelles et des pertes de gains professionnels actuelles correspond à la somme de 56.179,82 euros, déduction faite de la somme de 11.636,74 euros réglée par le BCF. La CPAM ajoute que l’expert a retenu que les anomalies au genou droit sont en rapport direct et exclusif avec l’accident du 3 septembre 2014 et que le placement en invalidité de M. [U] [Z] résulte des pathologies au genou droit, à la clavicule gauche et au traitement contre la toxicomanie. Elle indique que, sur cette base, son médecin conseil a retenu un passage en invalidité 2ème catégorie au 1er juin 2017 partiellement en rapport avec l’accident du 3 septembre 2014. Elle en déduit que sa demande au titre des arrérages à échoir de la rente invalidité à hauteur de 181.235,44 euros est justifiée.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 05 février 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le BCF et IBEX INSURANCE demandent au tribunal de :

Déclarer recevable l’intervention volontaire de la compagnie IBEX INSURANCE ;Déclarer le BCF et la compagnie IBEX INSURANCE recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions ;Prendre acte du fait que le préjudice de M. [Z] a été intégralement indemnisé par procès-verbal de transaction par le BCF ;Donner acte à M. [Z] de son désistement d’instance et d’action ;Débouter la CPAM de ses demandes au titre des arrérages échus en invalidité sur la période allant du 01/07/2017 au 31/12/2020 non imputables à l’accident ;Débouter la CPAM de ses demandes au titre du capital invalidité à échoir, non imputable à l’accident et non encore versé ;Débouter la CPAM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Débouter la CPAM de sa demande au titre des intérêts au taux légal ;Débouter M. [Z], la CPAM et toute autre partie de toutes autres demandes à l’encontre du BCF ;Déclarer le jugement commun et opposable à la CPAM de l’ARTOIS ;Ecarter l’exécution provisoire.
A l’appui de leurs demandes, ils rappellent que le BCF a réglé la somme de 11.691,32 euros à la CPAM au titre des dépenses de santé actuelles. S’agissant de la perte de gains professionnels actuels, ils relèvent que l’expert a considéré que l’incapacité temporaire totale de travail de M. [U] [Z], spécifiquement liée aux séquelles de l’accident, était justifiée du 3 septembre 2014 au 30 octobre 2016 et ne contestent pas la demande à hauteur de 25.269,90 euros correspondant aux indemnités journalières. Ils s’opposent en revanche à l’imputabilité des arrérages échus et à échoir de la rente d’invalidité estimant que cette invalidité n’est nullement imputable à l’accident litigieux aux termes de l’expertise judiciaire ce qui est d’ailleurs confirmé par l’attestation d’imputabilité produite par la CPAM. Ils ajoutent au surplus que le recours des tiers payeurs ne peut s’exercer que sur les indemnités qui ont été versées et le remboursement des prestations à échoir ne peut s’effectuer qu’au fur et à mesure de leur versement. Ils estiment enfin qu’il n’existe pas d’obstacle à ce que le désistement d’instance et d’action de M. [U] [Z] soit acté.

M. [U] [Z] n’a pas conclu postérieurement à l’ordonnance du juge de la mise en état sur l’incident et aux termes de ses dernières écritures signifiées le 26 novembre 2021 demande au tribunal de :
- le recevoir en ses conclusions et les dire bien fondées ;
- recevoir son désistement d’instance et d’action ;
- juger que le désistement est parfait en l’absence de défense au fond conformément à l’article 395 du code de procédure civile ;
- juger que chacune des parties conservera la charge des dépens engagés.

La CPAM de la Côte d’Opale, quoique régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Le présent jugement, susceptible d'appel, sera donc réputé contradictoire.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 19 mars 2024. L’affaire a été plaidée à l’audience du 24 mai 2024 et mise en délibéré au 3 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de recevoir la société IBEX INSURANCE, assureur du véhicule impliqué dans l’accident, en son intervention volontaire.

I – Sur le recours de la CPAM de L’ARTOIS :

Aux termes de l’article 376-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
La loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes d’un accident de la circulation, non conducteurs d’un véhicule terrestre à moteur, ont droit à l'indemnisation des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sauf lorsqu’elles ont commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident ou qu’elles ont volontairement recherché le dommage qu’elles subissent.

Est impliqué dans un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident.

Le BCF et la compagnie IBEX INSURANCE ne contestent pas le droit à indemnisation de M. [U] [Z] qui a fait l’objet d’un accord transactionnel. Il s’en déduit que le fondement de l’action subrogatoire de la CPAM de l’ARTOIS n’est pas contestable en l’espèce.

Les demandes de la CPAM portent sur les prestations versées ou à verser au titre des frais de santé, des indemnités journalières et de la rente invalidité.

Il convient de relever que la transaction conclue entre le BCF et M. [U] [Z] le 6 octobre 2021 n’est pas opposable à la CPAM qui n’y a pas participé. Il résulte de cet accord entre M. [U] [Z] et la compagnie Lloyd’s of London signé le 6 octobre 2021 l’indemnisation des préjudices des suites de l’accident du 3 septembre 2014 suivante :
Déficit fonctionnel temporaire total : 535,90 eurosDéficit fonctionnel temporaire 50% : 535,90 euros ;Déficit fonctionnel temporaire 25% : 407,75 euros ;Déficit fonctionnel temporaire 15% : 1.999,14 euros ;Déficit fonctionnel temporaire 10% : 181,74 euros ;Assistance par tierce personne : 1.485 euros ;Pertes de gains professionnels : nulles (déduction faite des sommes versées à ce titre par la CPAM soit 25.269,90 euros) ;Dépenses de santé restées à charge 87 euros (déduction faite des sommes versées à ce titre par la CPAM soit 11.636,74 euros) ;Frais divers : dépens et transports : 3.450,61 euros ;Souffrances endurées : 3.000 euros ;Préjudice esthétique temporaire : 800 euros ;Déficit fonctionnel permanent : 6.400 euros (dont à déduire la rente versée par la CPAM, soit 212.145,36 euros) solde : nul ;Préjudice esthétique permanent : 800 euros ;Préjudice d’agrément : 1.000 euros ;Incidence professionnelle : non ;Pertes de gains professionnels futurs : non.
Outre l’accord transactionnel, ont été produits le rapport d’expertise judiciaire du Dr [H] du 28 juillet 2017, le décompte des débours de CPAM de l’ARTOIS en date du 20 janvier 2021 et l’attestation d’imputabilité établie par le médecin conseil de la CPAM.

Le recours de la CPAM est subordonné à la détermination préalable de son assiette et donc des postes de préjudice qui y sont soumis et qui marquent la limite de son exercice, même si M. [U] [Z] ne forme aucune réclamation au titre de ces mêmes chefs de dommage. Il incombe en conséquence au tribunal d’examiner les postes du préjudice corporel de M. [U] [Z] sur lesquels ces débours sont susceptibles de s’imputer, à savoir les dépenses de santé actuelles, la perte de gains professionnels actuelle, la perte de gains professionnels future et l’incidence professionnelle, étant précisé que la rente invalidité ne peut désormais plus s’imputer sur le déficit fonctionnel permanent.

II – Sur l’évaluation des postes de préjudices soumis à recours :

Le rapport d’expertise judiciaire du Dr [H] en date du 28 juillet 2017, contre lequel aucune critique n’est émise, constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi.

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, les postes de préjudice soumis à recours de la CPAM subis par M. [U] [Z], né le [Date naissance 3] 1982 et âgé de 32 ans lors de l’accident, 34 ans à la date de consolidation de son état de santé seront fixés ainsi que suit,

- Dépenses de santé

Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.

Selon le relevé définitif des débours de la CPAM du 20 janvier 2021, le poste de dépenses de santé actuelles pris en charge par la CPAM est constitué en l’espèce des frais d’hospitalisation (1710,36 euros et 5.616 euros), frais médicaux (3.181,97 euros), frais pharmaceutiques (918,41 euros), frais d’appareillage (268,58 euros) et frais futurs du 23 novembre 2016 (30,51 euros), soit 11.605,33 euros déduction faite de 120,50 euros de franchise.

Par ordonnance du 14 octobre 2022, le juge de la mise en état a donné acte du désistement de la CPAM de l’Artois de la demande au titre des dépenses de santé actuelles d’un montant de 11.636,74 euros en raison du règlement de la somme par le BCF. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le recours subrogatoire de la CPAM à ce titre.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

Il ressort de l’expertise que l’arrêt des activités professionnelles de l’accident jusqu’à la consolidation est imputable aux séquelles du genou droit. Le préjudice correspond, en l’espèce, au moins au montant des indemnités journalières versées par la CPAM pour la période du 3 septembre 2014 au 30 octobre 2016, soit la somme de 25.269,90 euros.

Dans la transaction du 5 octobre 2021, M. [U] [Z] n’a revendiqué aucune perte supplémentaire et personnelle de revenus.

Le BCF et la compagnie IBEX INSURANCE ne contestent pas cette somme étant précisé que les arrérages échus de la rente invalidité réclamés par la CPAM au titre du poste de préjudice de la perte de gains professionnels actuelles ne sont pas imputables sur ce poste de préjudice et relèvent en réalité de la perte de gains professionnels future ou de l’incidence professionnelle.

Il y a donc lieu de fixer le poste de préjudice lié aux pertes de gains professionnelles actuelles au montant des indemnités journalières versées par la CPAM, soit 25.269,90 euros et d’allouer cette somme entièrement à la CPAM de l’ARTOIS.

Conformément à l’article 1153 du code civil la somme allouée à la CPAM de l’ARTOIS portera intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2021 date des conclusions en demande de paiement.

- Perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle :

La perte de gains professionnels futurs indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

L’incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Si l’absence de réclamation de M. [U] [Z] sur les postes de préjudices professionnels futurs aux termes de la transaction signée le 5 octobre 2021, ne fait pas obstacle à la demande de la CPAM à ce titre, il incombe à celle-ci de démontrer l’existence d’une perte de gains future ou d’une incidence sur laquelle son recours est susceptible de s’exercer. En l’espèce, il s’agit donc de démontrer que la rente invalidité versée par la CPAM à compter de son placement sous ce statut le 1er juin 2017 a bien pour cause les séquelles de l’accident du 3 septembre 2014 et d’établir l’existence d’un préjudice de pertes de gains professionnelles futures et/ou d’incidence professionnelle constituant l’assiette sur laquelle cette rente a vocation à s’imputer.

L’expert judiciaire le Dr [H] indique dans son rapport que M. [U] [Z] a présenté et conserve comme séquelles de l’accident du 3 septembre 2014 des anomalies au genou droit sans état antérieur pouvant interférer.
En page 9 du rapport il est relevé que M. [U] [Z], en mars 2017, a fait une chute avec choc sur le genou gauche et sur l’épaule gauche ayant entraîné une fracture de la clavicule gauche.
En page 10 du rapport, il est relaté que M. [U] [Z] précise « que le 1er juin 2017, il a été mis en invalidité pour l’ensemble de ces pathologiques : genou droit ; clavicule gauche et traitement antitoxicomanie ».
Contrairement aux seules déclarations de M. [U] [Z], l’expert conclut plus précisément sur le chapitre professionnel que « l’incapacité temporaire de travail spécifiquement liée aux séquelles de l’accident du 3 septembre 2014 est justifiée jusqu’au 30 octobre 2016, qu’une reprise théorique de travail aurait été possible le 1er novembre 2016 si M. [U] [Z] n’avait pas présenté plusieurs causes empêchant la reprise d’une activité professionnelle de cariste : une hernie inguinale gauche douloureuse, une fracture de clavicule et des problèmes de toxicomanie. »
Par ailleurs l’attestation d’imputabilité du médecin conseil de la CPAM mentionne :
« ATP et IP
Sans objet.
PGPF
Passage en 2ème catégorie d’invalidité au 1er juin 2017. Cependant cette invalidité n’est que partiellement en rapport avec l’accident du 3/09/2014. »

Il ressort de ces éléments et notamment de la formulation du rapport d’expertise retenant que l’activité professionnelle de cariste exercée par M. [U] [Z] aurait pu être théoriquement reprise postérieurement à la consolidation, que l’expert judiciaire a entendu exclure ou à tout le moins limiter de manière importante, le rôle causal des séquelles présentées par M. [U] [Z] au genou droit consécutivement à l’accident du 3 septembre 2014 dans son placement en invalidité du 1er juin 2017. D’ailleurs, la CPAM de l’ARTOIS tout en revendiquant le remboursement de cette rente s’appuie sur l’attestation d’imputabilité de son médecin conseil particulièrement imprécise quant à la part imputable à l’accident du 3 septembre 2014 dans le placement en invalidité de M. [U] [Z]. La décision de placement en invalidité indiquant les motifs d’octroi de ce statut n’est notamment pas produite.

Il sera toutefois relevé que le BCF et IBEX INSURANCE qui s’opposent à l’imputabilité de l’invalidité à l’accident, ont, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation alors applicable, déduit la rente invalidité versée par la CPAM lors de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent de M. [U] [Z] dans l’accord transactionnel conclu avec celui-ci, reconnaissant ainsi un lien, au moins partiel, entre son accident et le versement de la rente invalidité.

Compte tenu de ces éléments, il convient de réserver la demande de la CPAM de l’ARTOIS au titre du remboursement des arrérages échus et à échoir de la rente invalidité à charge pour la CPAM de produire des éléments permettant de déterminer la proportion imputable aux séquelles de l’accident du 3 septembre 2014, blessure au genou droit, dans la perte de gains professionnels futurs éventuellement subie par M. [U] [Z] et des éléments permettant de calculer l’assiette des préjudices patrimoniaux sur laquelle la rente invalidité est susceptible de s’imputer, notamment les éléments de revenus antérieurs de M. [U] [Z] ayant servi de base à la détermination du montant de la rente qui lui est versée (décision de placement en invalidité, document du médecin conseil de la CPAM, nouvelle attestation d’imputabilité, avis d’imposition sur le revenu antérieurs à l’accident de M. [U] [Z]…).

III – Sur le désistement de M. [U] [Z] :

L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.
L’article 395 du même code prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.

En l’espèce, M. [U] [Z] s’est désisté de ses demandes à l’égard du BCF par conclusions du 26 novembre 2021, ce désistement étant accepté par BCF et IBEX INSURANCE. Il y a lieu de relever que le tribunal n’est saisi d’aucune prétention relative à la régularité du protocole transactionnel intervenu entre M. [U] [Z] et l’assurance. Dans la mesure où ce protocole n’est pas opposable à la CPAM d’ARTOIS et où ce désistement ne fait pas obstacle à l’exercice du recours de cette dernière, celle-ci n’est plus fondée à s’opposer à ce qu’il en soit donné acte.

Il y a lieu par conséquent de donner acte du désistement de M. [U] [Z] de ses demandes à l’encontre du BCF.

IV – Sur les demandes accessoires :

Le BCF qui est condamné, supportera les dépens, pouvant être recouvrés directement par la SELARL BOSSU & ASSOCIES, pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, le BCF sera condamné au paiement des frais irrépétibles engagés par la CPAM de l’ARTOIS dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 1.000 euros.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

VU l’ordonnance du juge de la mise en état du 14 octobre 2022,

REÇOIT la société IBEX INSURANCE en son intervention volontaire ;

RAPPELLE que le droit à indemnisation de M. [U] [Z] des suites de l’accident survenu le 3 septembre 2014 est entier ;

FIXE les postes de préjudices soumis à recours de la CAISSE PRIMAIRE DE L’ARTOIS, subis par M. [U] [Z] consécutivement à l’accident de la circulation du 3 septembre 2014, aux sommes suivantes :
Dépenses de santé actuelles : 11.605,33 eurosPertes de gains professionnels actuelles : 25.269,90 eurosPertes de gains professionnels futures : réservéIncidence professionnelle : réservé.
RAPPELLE que la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARTOIS s’est désistée de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles d’un montant de 11.636,74 euros ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE DE L’ARTOIS, au titre de son recours subrogatoire, en deniers ou quittances, la somme de 25.269,90 euros correspondant au poste de préjudice des pertes de gains professionnels actuelles, cette somme avec intérêt aux taux légal à compter de la demande du 14 mai 2021 ;

RÉSERVE les demandes de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARTOIS au titre de son recours subrogatoire des arrérages échus et à échoir de la pension d’invalidité correspondant aux postes de préjudices des pertes de gains professionnels futures et de l’incidence professionnelle ;

DONNE acte à M. [U] [Z] de son désistement d’instance et d’action à l’égard du BUREAU CENTRAL FRANÇAIS ;

DIT que ce désistement accepté par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS et IBEX INSURANCE est parfait ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS aux dépens pouvant être recouvrés directement par la SELARLBOSSU & ASSOCIES pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANCAIS à payer la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’ARTOIS à la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 03 Septembre 2024

Le Greffier La Présidente
Célestine BLIEZ Emmanuelle GENDRE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00633
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;21.00633 ?
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