GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10065 C Inscrit le 13 juin 1997 —————————————————————————————————— —— AUDIENCE PUBLIQUE DU 9 DECEMBRE 1997 Recours formé par le Ministre du Travail et de l’Emploi contre … CEMALOVIC en matière de permis de travail (appel contre le jugement 9671 du 30 avril 1997) —————————————————————————————————— —— Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative en date du 13 juin 1997 par Maître Pierre Bermes, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg, pour le compte de l’Etat du Grand-Duché, représenté par son Ministre du Travail et de l’Emploi, contre un jugement rendu contradictoirement en date du 30 avril 1997 entre la partie appelante et Monsieur … CEMALOVIC en matière de permis de travail ;
Vu l’exploit de signification de la requête d’appel à l’intimé en date du 12 juin 1997 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 19 septembre 1997 et déposé au greffe le 24 du même mois par Maître Anne-Marie Schmit, avocat inscrit à la liste I du Barreau de Luxembourg ;
Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;
Vu les pièces régulièrement versées en cause et notamment le jugement entrepris et les décisions attaquées ;
Ouï le président-rapporteur en son rapport, Maître Pierre Bermes et Maître Patrick Graffé en remplacement de Maître Anne-Marie Schmit en leurs plaidoiries.
—————————————————————————————————— —— Par requête déposée au secrétariat du Conseil d’Etat le 26 août 1996 Monsieur … CEMALOVIC avait demandé l’annulation d’une décision ministérielle du 26 juillet 1996, confirmant sur recours gracieux une décision également entreprise du 19 avril 1996.
Par jugement du 30 avril 1997 le Tribunal administratif a admis le recours en annulation en la forme, l’a déclaré fondé et a renvoyé devant le Ministre du Travail et de l’Emploi.
L’Etat du Grand-Duché a relevé appel de ce jugement par requête déposée au greffe de la Cour en date du 13 juin 1997 après signification préalable à la partie intimée. Cet appel, introduit dans les forme et délai de loi, est recevable.
La partie appelante reproche essentiellement au jugement entrepris d’avoir admis l’argumen-tation de Monsieur CEMALOVIC suivant laquelle le Ministre du Travail et de l’Emploi se serait à tort prévalu de la priorité à l’embauche des ressortissants de l’Espace économique européen pour refuser l’octroi du permis de travail. Les juges de première instance ont en effet basé leur décision sur le fait que cette priorité devait céder le pas en l’espèce aux considérations tirées des qualifications professionnelles spécifiques et pointues de Monsieur CEMALOVIC ainsi que de l’incapacité de l’administration de proposer à l’employeur des candidats répondant aux exigences prétracées par ce dernier. Le Tribunal administratif a ainsi admis comme établies les affirmations de la partie originairement requérante suivant lesquelles aucun des demandeurs d’emploi assignés par l’administration à l’employeur Noesen n’aurait suffisamment rencontré les exigences que celui-ci aurait légitimement fixées pour le poste d’architecte-urbaniste à pourvoir dans son atelier d’architecture.
Aux fins d’apprécier le bien-fondé de l’appel la Cour doit procéder à l’examen du caractère convaincant des arguments de fait avancés de part et d’autre, alors que le juge administratif saisi d’un recours en annulation a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.
… CEMALOVIC fait valoir qu’il posséderait à un degré élevé les qualités exigées du candidat par l’employeur et que, d’autre part, les demandeurs d’emploi assignés par l’Administration de l’emploi étaient tous dépourvus des qualités essentielles exigées par l’employeur. La juridiction de première instance a admis par ailleurs que les exigences ainsi fixées par ledit employeur étaient légitimes.
La Cour n’a aucune raison de douter de la qualification professionnelle de l’intimé de sorte que l’examen des circonstances matérielles se limite à la question de l’inaptitude des autres candidats.
Des pièces versées, notamment des cartes d’assignation, il résulte qu’un nombre assez conséquent de candidats a été proposé à l’employeur et refusé par celui-ci. Pour justifier les refus l’employeur a informé l’Administration de l’emploi que les candidats étaient sans expérience quant à l’utilisation d’un logiciel de conception assistée par ordinateur du nom de « Architrion ». Il est intéressant de relever que le même refus a été notifié aux intéressé(e)s avec l’explication que le poste vacant n’était plus disponible, tout comme il y a lieu de remarquer que le logiciel « Architrion » n’est plus mentionné dans les pièces plus récentes où il a fait place à un autre logiciel C.A.D.
En insistant sur son exigence que les candidats devraient maîtriser un logiciel donné, l’employeur en a fait le critère lui permettant de refuser toutes les propositions de l’Administration. La Cour estime cette exigence de l’employeur excessive dans le cas d’espèce. Il est en effet constant en cause que le poste d’architecte-urbaniste qui était à pourvoir était prévu comme emploi à durée indéterminée et à plein temps.
L’engagement à un emploi de ce genre ne saurait perdre en intérêt, ni pour l’employé, ni pour le patron, si l’engagé doit suivre quelques cours de recyclage pour s’adapter à un nouveau logiciel.
Contrairement à la juridiction de première instance la Cour estime donc qu’il ne peut pas être tenu pour établi que les multiples candidats assignés n’auraient pas pu répondre aux exigences que l’employeur pouvait raisonnablement fixer pour le poste à pourvoir. Il en suit que les décisions ministérielles attaquées des 19 avril et 26 juillet 1996 ne violent pas la loi et que le jugement a quo est à réformer en ce sens que le recours de … CEMALOVIC du 26 août 1996 est à rejeter comme non-fondé.
par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement ;
reçoit l’appel en la forme ;
au fond le déclare fondé ;
réformant : rejette comme non-fondé le recours de … CEMALOVIC du 26 août 1996 contre les décisions ministérielles attaquées des 19 avril et 26 juillet 1996 ;
condamne l’intimé au frais et dépens des deux instances.
Ainsi jugé par Georges KILL, président, rapporteur Marion LANNERS, vice-présidente Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller et lu par le président Georges KILL en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier le président