GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 10206 C Inscrit le 4 août 1997 —————————————————————————————————— —— AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 FEVRIER 1998 … BECK et … WEIS c/ … JUNG, … FERRING, Administration communale de BASTENDORF et ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations (appel contre le jugement du 25 juin 1997 / no 9640 du rôle) ————————————————————————————— ———— Vu la requête déposée le 4 août 1997 au greffe de la Cour administrative par laquelle … BECK et … WEIS ont relevé appel d’un jugement rendu le 25 juin 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 9640 du rôle;
vu l’exploit du ministère de l’huissier Jean-Lou THILL du 1er août 1997 par lequel la requête d’appel a été signifiée à l’Etat du Grand-Duché ainsi que l’exploit du même jour du ministère de l’huissier Gilbert RUKAVINA documentant la signification aux intimés … JUNG, … FERRING et Administration communale de BASTENDORF;
vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 19 septembre 1997, et le mémoire de la Commune de BASTENDORF, déposé le 23 septembre 1997;
vu le mémoire en réponse, erronément qualifié de mémoire en réplique, des intimés époux JUNG-FERRING, déposé le 24 septembre 1997, ainsi que l’exploit de signification de l’huissier Alex MERTZIG du 12 septembre 1997;
vu le mémoire en réplique présenté le 29 décembre par les appelants BECK-WEIS et l’exploit Alex MERTZIG du 11 décembre 1997 par lequel ledit mémoire a été signifié au mandataires respectifs des époux JUNG-
FERRING et de la Commune de BASTENDORF;
vu la lettre du 15 octobre 1997 déposée au nom des époux BECK-WEIS par Maître Pol Urbany et annonçant la renonciation des appelants à leur demande d’effet suspensif en appel;
vu les pièces versées en cause et notamment les décisions des 13 octobre 1994, 27 juillet 1995, 10 avril 1996 et 13 mai 1996 ayant fait l’objet du recours du 24 juillet 1996, ainsi que le jugement entrepris du 25 juin 1997;
vu les articles 3, 7 et 99 de la loi du 7 novembre mil neuf cent quatre-vingt-
seize portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
ouï le président en son rapport, Maître Pol URBANY, Maître Alain BINGEN et Maître Jean-Paul WILTZIUS, ce dernier en remplacement de Maître Lucien WEILER, ainsi que le délégué du Gouvernement en leurs plaidoiries.
————————————————————————————— ———— Par requête déposée le 4 août 1997 … BECK et … WEIS ont relevé appel d’un jugement rendu le 25 juin 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 9640 du rôle.
Ledit jugement a statué sur un recours en réformation, subsidiairement en annulation, dirigé suivant requête, déposée par les actuels appelants le 24 juillet 1996, contre quatre décisions relatives à l’extension du plan d’aménagement général de la Commune de BASTENDORF. Le Tribunal administratif a relevé que la décision sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande d’effet suspensif et de sursis à exécution impliquait l’examen de la compétence du tribunal pour connaître du fond du recours principal.
Il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, s’est déclaré compétent pour connaître du recours en annulation, a reçu en la forme la demande en effet suspensif et en sursis d’exécution, qu’il a cependant dite être sans objet. Quant au fond il a déclaré le recours en annulation non fondé et en a débouté les époux BECK-WEIS en leur imposant la charge des frais.
Quant à la compétence:
Les quatre décisions critiquées dans la requête introductive du 24 juillet 1996 sont:
1. la délibération du conseil communal de Bastendorf du 13 octobre 1994 portant approbation provisoire de l’extension du plan d’aménagement général de cette commune;
2. la délibération du conseil communal de Bastendorf du 27 juillet 1995 portant approbation définitive de l’extension du plan d’aménagement général de cette commune;
3. l’approbation du ministre de l’Intérieur du 10 avril 1996;
4. la décision confirmative du même ministre du 13 mai 1996.
Il appartient à la Cour d’examiner d’office si le Tribunal administratif était compétent pour connaître du recours.
La jurisprudence constante, dégagée à ce sujet dans une suite ininterrompue de décisions du Conseil d’Etat (e.g. : C.E. 12 juillet 1985, no. 7537; C.E. 23 mai 1986, no. 7728 ; C.E. 14 juillet 1988, no. 8021;
C.E. 17 décembre 1990, no. 8274; C.E. 20 avril 1993, no. 8570; C.E. 27 juin 1994, nos. 8897 et 8898; C.E. 3 mai 1995, no. 8862; C.E. 12 juillet 1995, no. 9185) et de la Cour administrative (C.A. 10 juillet 1997, no.
9804C; C.A. 6 novembre 1997, nos. 9864C, 10011C et 10013C; C.A. 9 décembre 1997, no. 9878C; C.A. 8 janvier 1998, nos. 9762C et 9873C) considère que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des constructions qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire, l’approbation du ministre de l’Intérieur en cette matière participant au caractère réglementaire de l’acte approuvé.
Les quatre décisions critiquées se rapportent toutes à la modification d’un plan d’aménagement général et sont, au terme de la jurisprudence fermement assise, à qualifier d’actes à caractère réglementaire.
Les juges de première instance ont relevé que la modification projetée du plan d’aménagement général de la Commune de Bastendorf concerne un seul numéro cadastral et ne prévoit qu’une seule construction sur ce lot cadastral. Ils en ont déduit que de par leur portée les décisions en question revêtent par voie de conséquence un caractère individuel et qu’elles rentrent ainsi dans le champ de compétence du Comité du contentieux du Conseil d’Etat.
Les décisions sur la modification ou l’extension du périmètre d’agglomération du plan d’aménagement général d’une commune sont prises non pas pour le compte d’un ou de plusieurs propriétaires de parcelles concernées, mais pour compte de la communauté en cause, en l’espèce de la commune de Bastendorf, et dans l’intérêt général de la commune et de ses habitants.
Le caractère réglementaire attaché par la jurisprudence aux décisions sur les projets d’aménagement est de ce fait indépendant de l’ampleur du projet faisant l’objet des décisions. En particulier le nombre des lots concernés et des personnes directement intéressées ne saurait influencer ce caractère, dès lors que la décision fait partie de la procédure spéciale et complexe d’élaboration ou de modification d’un plan d’aménagement général, dont chaque détail touche directement l’intérêt général en mettant en jeu l’harmonie et la cohérence de l’ensemble du plan.
C’est partant à tort que le Tribunal administratif a reconnu aux quatre décisions entreprises un caractère individuel et a estimé que leur contrôle rentrait, au moment de l’introduction du recours, dans le champ de compétence du Comité du contentieux du Conseil d’Etat.
En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996 le droit administratif luxembourgeois ne connaissait de recours que contre les décisions administratives individuelles.
L’existence de la voie de recours créée est régie, en l’absence de mesures transitoires, par la loi sous l’empire de laquelle a été rendue la décision attaquée (Juris-classeur de procédure civile, fasc. 61, no 72; R.T.D.C.
1976, p. 182).
En application de la législation ayant existé au moment où les décisions attaquées ont été prises, celles-ci n’étaient pas susceptibles d’un recours direct en annulation, leur illégalité éventuelle ne pouvant être invoquée que par le moyen de l’exception d’illégalité soulevée de façon incidente devant une juridiction régulièrement saisie d’un litige impliquant leur mise en oeuvre (article 95 de la Constitution).
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 7 novembre 1996, et en vertu de son article 7 (1) les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent, peuvent être attaqués pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, mais la compétence pour connaître du recours ainsi créé est réservée à la Cour administrative.
Le Tribunal administratif ne pouvait en conséquence que se déclarer incompétent pour connaître des recours introduits devant le Conseil d’Etat par requête du 24 juillet 1996.
Il n’y a en l’espèce lieu ni à annulation du jugement entrepris, aucune irrégularité formelle dans l’exercice des attributions juridictionnelles des premiers juges n’étant à relever, ni à évocation, alors que la Cour n’est pas compétemment saisie du fond du litige.
Les frais des deux instances sont à imposer aux parties requérantes, respectivement appelantes.
par ces motifs la Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit en la forme la requête d’appel déposée le 4 août 1997 contre le jugement rendu le 25 juin 1997 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 9640 du rôle;
réformant, dit que le Tribunal administratif était incompétent pour statuer sur le recours introduit par requête du 24 juillet 1996 contre quatre décisions relatives à l’extension du plan d’aménagement général de la Commune de Bastendorf;
condamne les parties appelantes aux frais des deux instances.
Ainsi jugé par Monsieur Georges KILL, président, rapporteur, Madame Marion LANNERS, vice-présidente, Monsieur … FEYEREISEN, conseiller, et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.
Le greffier en chef Le président