GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10484C Inscrit le 31 décembre 1997 Audience publique du 10 mars 1998 Recours formé par Monsieur … GASHI et Madame … GASHI-DELIC contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel Vu la requête d’appel déposée le 31 décembre 1997 au greffe de la Cour administrative par Maître Luc Tecqmenne, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … Gashi et de son épouse Madame … Gashi-Delic, déclarant agir tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs …, … et … contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre les appelants et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 27 novembre 1997;
Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 30 décembre 1997;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 3 février 1998;
Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Luc Tecqmenne au greffe de la Cour administrative le 2 mars 1998;
Vu les articles 3 et 99 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
1 Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Luc Tecqmenne et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy Schleder en leurs plaidoiries respectives.
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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 1997, Monsieur … Gashi et son épouse Madame … Gashi-Delic, agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leur enfants mineurs …, … et …, ont déposé un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du ministre de la Justice des 9 janvier et 14 mars 1997 rejetant leur demande d’admission au statut de réfugié.
Par jugement rendu en date du 27 novembre 1997, le tribunal administratif a déclaré le recours en annulation irrecevable, le recours en réformation recevable en la forme, au fond non justifié et en a débouté les requérants avec condamnation aux frais.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 31 décembre 1997 et signifiée préalablement à l’Etat du Grand-Duché du Luxembourg le 30 décembre 1997, les époux Gashi-Delic, déclarant agir tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs précités, ont relevé appel du jugement du 27 novembre 1997.
Les appelants reprochent aux premiers juges d’avoir estimé que Monsieur Delic, le beau-frère de Monsieur Gashi, n’était qu’un délinquant de droit commun, alors qu’il aurait lui aussi lutté contre le pouvoir serbe, raison pour laquelle il aurait détenu des armes, et d’avoir considéré que le fait pour l’appelant d’être persécuté pour avoir aidé et caché Monsieur Delic ne constituait pas un motif justifiant l’octroi du statut de réfugié.
Monsieur Gashi soutient ensuite qu’il est inexact de dire qu’il n’était pas un membre actif de la ligue démocratique du Kosovo, et que les premiers juges ont fait abstraction du mandat d’arrêt décerné à son encontre alors que la nature des infractions sur lesquelles ce mandat est basé prouve à suffisance qu’il est recherché pour des raisons politiques.
Les appelants demandent à la Cour, principalement la réformation des décisions ministérielles des 9 janvier et 14 mars 1997 et l’octroi du statut de réfugié, subsidiairement l’annulation des prédites décisions ministérielles pour excès de pouvoir et violation de la loi.
Dans son mémoire en réponse déposé en date du 3 février 1998, le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il n’est nullement prouvé que les tracasseries subies par les appelants découlent effectivement des prétendues activités du beau-frère, Monsieur Delic, au sujet duquel le tribunal administratif a conclu à juste titre que le fait de détenir illégalement des armes constitue une infraction de droit commun.
2 Le représentant étatique conteste le rôle actif de l’appelant au sein du LDK, et relève quant au mandat d’arrêt décerné à l’encontre de Monsieur Gashi, qu’il énumère de façon vague les faits reprochés et ne permet pas de conclure à une quelconque persécution systématique.
Il se rapporte à prudence de justice quant à l’authenticité des pièces versées en instance d’appel et conclut à la confirmation du jugement de première instance.
Dans un mémoire en réplique déposé en date du 2 mars 1998, les appelants insistent sur l’authenticité du mandat d’arrêt versé en cause avec sa traduction et sur la formulation des infractions libellées démontrant que Monsieur Gashi est poursuivi pour ses idées politiques et craint avec raison des persécutions.
En application de l’article 3 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal et, sur appel, la Cour administrative connaissent comme juge du fond des recours introduits contre les décisions ministérielles en matière de statut de réfugié politique.
Les juridictions administratives sont partant amenées à reconsidérer l’appréciation du ministre sur le fond de l’affaire, étant entendu que les deux parties en cause sont autorisées à compléter leurs arguments respectifs en cours d’instance et à les étayer le cas échéant par des pièces nouvelles.
Dans le cas d’espèce, les appelants ont versé en instance d’appel des pièces qui sont en partie contredites par les éléments du dossier.
Or, ces pièces constituent un des éléments d’appréciation susceptibles d’influencer l’intime conviction de la Cour qui ne peut valablement se prononcer que sur base de documents probants et irréfutables.
Dans ce contexte, les juridictions administratives sont autorisées à demander à l’autorité ministérielle compétente pour établir et instruire le dossier de base du postulant, de faire contrôler par les services officiels à sa disposition tels que Parquets, ambassades, services de police ou tout organe compétent, l’authenticité et le caractère probatoire des pièces leur soumises au cas où la fiabilité de ces pièces leur semble douteuse.
Dans l’impossibilité de constater l’authenticité de telles pièces, la Cour est amenée, avant tout autre progrès en cause, à prononcer la rupture du délibéré pour permettre au ministre de la Justice de renseigner la Cour sur le caractère fiable des pièces suivantes:
a) carnet de membre du L.D.K. de Monsieur … Gashi;
b) mandat d’arrêt émanant du tribunal d’arrondissement de Kosovska Mitrovica et sa traduction.
3 P A R C E S M O T I F S, La Cour administrative, statuant contradictoirement, reçoit l’appel en la forme, avant tout autre progrès en cause, ordonne la rupture du délibéré pour permettre au ministre de la Justice de renseigner la Cour sur le caractère fiable des pièces suivantes:
a) carnet de membre du L.D.K. de Monsieur … Gashi;
b) mandat d’arrêt émanant du tribunal d’arrondissement de Kosovska Mitrovica et sa traduction.
fixe l’affaire au rôle général.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller-rapporteur, Marc FEYEREISEN, conseiller et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-
présidente 4