GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10049C Inscrit le 5 juin 1997
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Audience publique du 17 mars 1998 Recours en annulation formé par la société à responsabilité limitée … SARL contre l’Administration communale de Sandweiler en matière d’aménagement des agglomérations
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Vu la requête introductive d’instance signifiée à la partie défenderesse le 6 juin 1997 et déposée au greffe de la Cour administrative le 5 juin 1997;
Vu le mémoire en réponse de la partie défenderesse signifié le 21 août 1997 et déposé au greffe de la Cour administrative le 9 septembre 1997;
Vu le mémoire en réplique de la requérante signifié le 9 septembre 1997 et déposé au greffe de la Cour administrative à la même date;
Vu le mémoire en duplique de la partie défenderesse signifié le 13 novembre 1997 et déposé au greffe de la Cour administrative le 10 décembre 1997;
Vu l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment la délibération entreprise du conseil communal de la commune de Sandweiler prise le 18 février 1997 et portée à la connaissance de la partie requérante en date du 12 mars 1997;
Ouï le premier conseiller-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Jean Kauffman et Nicolas Decker en leurs plaidoiries respectives.
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 juin 1997 et signifiée à la partie défenderesse le 6 juin 1997 la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, a déclaré demander à voir annuler une décision du 18 février 1997 de l’ « administration communale de Sandweiler » notifiée le 12 mars 1997 pour cause d’absence totale de motifs sinon pour cause de motif erroné, et partant pour cause de violation de la loi, sinon pour détournement et excès de pouvoir et pour le surplus à voir renvoyer le dossier à l’ « administration communale de Sandweiler » avec charge des dépens.
Le recours, faisant suite à une première requête du 21 février 1997 dirigée contre le refus par le conseil communal de la Commune de Sandweiler de statuer sur l’approbation définitive d’un projet de lotissement introduit par la requérante, est exercé sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
La requérante soutient que la décision entreprise, délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 18 février 1997 refusant à l’unanimité des voix d’approuver le projet d’aménagement au stade du vote définitif, qualifiée de décision à caractère réglementaire, devrait encourir l’annulation « pour être une décision sans indication de motifs se caractérisant partant par une absence de motifs » alors que « les décisions entreprises par un recours en annulation, comme tel est le cas en l’occurrence, alors que cette décision est entreprise pour cause de violation de lois, détournement respectivement excès de pouvoir, doivent être des décisions motivées ».
En ordre subsidiaire, la partie requérante se base sur les éléments produits à l’appui du recours déposé le 21 février 1997, soit que l’administration communale poserait, pour l’approbation définitive du projet de lotissement, des conditions non prévues par la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes en subordonnant l’approbation du plan d’aménagement particulier à l’accord sous réserve de régler un montant par unité d’habitation forfaitairement fixé par la commune pour la participation aux frais d’infrastructure occasionnés par le projet et avancés par la commune, le refus afférent étant la cause de la non approbation du projet de lotissement, les autres conditions d’approbation se trouvant réunies.
La partie requérante soutient plus particulièrement que les seules dépenses effectivement exposées par la commune seraient sujettes à répétition à l’exclusion des frais généraux d’infrastructure occasionnés par la réalisation d’un projet.
Plus subsidiairement, la partie requérante fait valoir que le règlement communal duquel se déduirait la perception de la taxe forfaitaire serait entré en vigueur postérieurement à la demande de lotissement et ne saurait dès lors s’y appliquer et à titre tout à fait subsidiaire, elle se déclare d’accord à régler, « du moins provisoirement », les montants réclamés.
Dans son mémoire en réponse du 11 novembre 1997, la commune de Sandweiler conclut à l’irrecevabilité de la demande au motif que la contestation serait de nature civile.
2 Quant au reproche de défaut de motivation, la défenderesse soutient que les motifs du refus d’approbation définitive du projet, soit le refus de signer la convention, ont été de la connaissance de la partie requérante et que par ailleurs, un défaut éventuel de motivation ne devrait entraîner, non la nullité de la décision, mais la suspension du délai de recours.
Quant au fond, la défenderesse conclut à la légitimité de l’exigence du versement de la taxe conventionnelle, celle-ci ayant d’ailleurs été prévue dès le vote provisoire du projet. Elle soutient que les communes auraient le droit de poser des conventions en la matière, celles-ci étant d’ailleurs prévues par la loi précitée du 12 juin 1937, fait duquel il se dégagerait que le moyen de la postériorité du règlement communal de Sandweiler à la demande de lotissement serait sans pertinence.
La commune soutient dès lors que c’aurait été à bon droit qu’en l’absence d’une acceptation sans réserves de la convention, le vote définitif du projet de lotissement aurait été refusé.
Les moyens avancés de part et d’autre ont été plus amplement introduits dans des mémoires en réplique du 9 septembre 1997 et en duplique du 10 décembre 1997.
Considérant que le recours a été introduit dans les formes et délai de la loi;
qu’il est dès lors recevable;
Considérant que la décision entreprise du conseil communal de la commune de Sandweiler par laquelle l’approbation définitive du projet de plan de lotissement particulier introduit par la requérante a été refusée participe au caractère réglementaire de la procédure d’adoption des plans d’aménagement organisée par la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes;
que le recours est dès lors recevable sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Considérant qu’il est reproché à la décision entreprise qu’elle aurait refusé l’adoption définitive du projet de plan d’aménagement particulier telle que prévue par l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 pour la seule raison que la requérante a refusé d’accepter sans réserve une proposition de convention lui soumise par la commune et l’obligeant à accepter le paiement d’un montant forfaitaire de 100.000 francs par logement à construire;
Considérant que la défenderesse commune de Sandweiler est d’accord pour admettre que le vote négatif sur l’approbation définitive du projet d’aménagement introduit par la requérante a eu comme raison le refus par la requérante d’accepter la clause conventionnelle l’obligeant au paiement de la somme en question;
Considérant qu’il résulte des pièces versées en cause que le 12 juillet 1996 le conseil communal de la commune de Sandweiler a approuvé provisoirement le plan d’aménagement particulier présenté par la S. à r. l. … ainsi qu’une convention signée le 3 8 juillet 1996 entre le collège des bourgmestre et échevins et la société … portant sur les modalités de réalisation et de financement des infrastructures nécessitées par le projet;
que la délibération en question prévoit par ailleurs qu’ »une convention spéciale réglera la construction de l’infrastructure »;
Considérant qu’en vertu de cette disposition, la commune a soumis à la signature du promoteur … une deuxième convention tendant à obliger celui-ci au paiement de la somme de cent mille francs par unité d’habitation « pour la participation aux frais d’infrastructure occasionnés par la réalisation de projets de lotissement et avancés par la commune ( p.ex. collecteurs d’égout, écoles, hall sportif, équipement d’aires de jeux, cimetière, installations sportives, infrastructure culturelle, etc ) »;
que ce projet de convention n’a été signé par la requérante que « sous réserve de tous droits, moyens et actions et d’une éventuelle demande destinée à récupérer les montants réclamés »;
que suite à cette attitude de la société …, le conseil communal, après avoir reporté la délibération, a, le 18 février 1997, refusé d’approuver définitivement le projet de lotissement;
que c’est cette décision qui fait l’objet du recours;
Considérant que la loi précitée du 12 juin 1937 prévoit en ses articles 14, 15, 16, 17 et 19 les modalités de réalisation et de financement des travaux d’infrastructure d’un plan d’aménagement et les obligations de cession de terrains par les riverains;
que les textes en question prévoient, dans la mesure de l’énumération contenue à l’article 15 alinéa 2, la récupération par la commune des dépenses exposées à l’occasion de la réalisation des travaux;
Considérant que ces travaux et dépenses sont visés et couverts par la convention acceptée de part et d’autre datée du 8 juillet 1996 qui répond aux règles posées par les articles 15 alinéa 2 et 17 de la loi;
Considérant que, comme il est soutenu à juste titre par la requérante, la convention litigieuse qui a motivé le rejet du vote définitif, pose des conditions supplémentaires non visées par la loi;
Considérant en effet que suivant le libellé même du projet de convention, les sommes dont le versement est exigé sont destinées, non aux frais directement et réellement nécessités par les travaux à faire, mais à une contribution forfaitaire aux charges générales du budget communal justifiées, aux dires de la commune, par l’augmentation des charges publiques en raison de l’augmentation de la population engendrée par les nouvelles habitations;
4 que cette description de la finalité du versement exigé fait analyser la mesure non comme un simple remboursement sur base de la loi précitée du 12 juin 1937, mais comme une taxe de quotité indirecte, c’est-à-dire un impôt;
Considérant qu’aux termes des articles 107 alinéa 3 de la Constitution et 105 de la loi communale, les impositions communales peuvent être établies par le conseil communal par voie réglementaire et sous l’approbation du Grand-Duc;
Considérant que le pouvoir fiscal des communes défini comme ci-dessus peut s’étendre à toutes les matières dans lesquelles les conseils communaux jugent utile d’établir une taxe, mais que l’établissement des impôts, règles générales devant observer le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt, ne peut se faire que sous observation des formes portées par la Constitution et par la loi;
Considérant qu’en exigeant le versement de montants s’analysant comme impôts sans l’observation des règles légales, le conseil communal de Sandweiler a excédé ses pouvoirs et que la délibération du 18 février 1997 refusant l’approbation définitive du plan de lotissement présenté par la requérante pour ce seul motif doit encourir l’annulation;
Par ces motifs La Cour administrative, statuant contradictoirement, dit la demande recevable et fondée;
partant annule la délibération du conseil communal de la commune de Sandweiler du 17 février 1997 par laquelle l’approbation définitive du plan de lotissement présenté par la S.à r.l. … a été refusée;
ordonne la publication du présent arrêt dans les formes voulues par l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 sur l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes;
renvoie le dossier à l’administration communale de Sandweiler en vue de l’achèvement de la procédure prévue par la loi;
condamne la commune de Sandweiler aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par Marion LANNERS, vice-présidente, Jean-Mathias GOERENS, premier conseiller, rapporteur Marc FEYEREISEN, conseiller 5 et lu par la vice-présidente, en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
Le greffier La vice-
présidente 6