GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 10458C Inscrit le 15 décembre 1997 Audience publique du 24 mars 1998 Recours formé par Monsieur … ZEMBLAKU et son épouse Madame … KOSTA contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 15 décembre 1997 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ZEMBLAKU et de son épouse Madame … KOSTA, contre un jugement du tribunal administratif rendu contradictoirement entre les appelants et le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique à la date du 13 novembre 1997;
Vu l’exploit de signification de ladite requête à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à la date du 10 décembre 1997;
Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du Gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 12 janvier 1998 et remplacé par un mémoire déposé le 9 février 1998;
Vu les mémoires en réplique de Maître Eyal GRUMBERG déposés au greffe de la Cour administrative les 3 et 27 février 1998 ;
Vu les articles 3 et 104 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;
Ouï le conseiller-rapporteur en son rapport, Maître Eyal GRUMBERG et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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1 Par requête déposée le 2 septembre 1997 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … ZEMBLAKU, ancien fonctionnaire albanais et son épouse Madame … KOSTA, ressortissants albanais, demeurant tous les deux à …, ont formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation d’une décision du ministre de la Justice du 28 juillet 1997, par laquelle il s’est déclaré incompétent pour examiner leurs demandes d’asile.
Le tribunal administratif, par jugement du 13 novembre 1997, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, a déclaré le recours en annulation non justifié et en a débouté les requérants en rejetant la demande en obtention d’une indemnité de procédure.
Par requête d’appel préalablement signifiée le 10 décembre 1997 et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 15 décembre 1997, les requérants préqualifiés ont demandé la réformation du jugement attaqué.
Ils reprochent au tribunal administratif d’avoir simplement substitué des motifs erronés par des motifs exacts et font valoir que cette façon de procéder ne serait ni conforme à la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ni à la Constitution.
La loi de 1996 limiterait et encadrerait le pouvoir du juge en matière d'annulation à la seule annulation et aucun texte de loi ne lui permettrait de substituer des motifs exacts à des motifs erronés.
En l'espèce il y aurait eu erreur de droit et non pas de fait de sorte que la décision attaquée serait nulle de ce fait.
Admettre que le tribunal puisse simplement substituer les motifs reviendrait à lui donner le rôle de partie en cause de sorte que le gouvernement pourrait ainsi toujours se permettre d'invoquer des motifs erronés en droit et se fier à la sagesse du tribunal, qui le « conseillerait ».
La Constitution, dans ses articles 25 à 30, énumérerait expressément les trois pouvoirs et leur sphère de compétence.
En substituant des motifs valables à des motifs légaux erronés le juge administratif empiéterait sur le pouvoir exécutif en rendant une nouvelle décision administrative en réformant la décision attaquée sans permission légale.
Les appelants font ensuite valoir qu’ils auraient la qualité de diplomates et qu’ils seraient soumis aux dispositions de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
Ils tireraient ainsi leur droit de séjour non pas de l'Accord de Schengen ou d'une autre disposition légale interne mais de l'obligation édictée dans l'article 26 de cette Convention en vertu duquel tout Etat accréditaire devrait assurer à tous les membres d’une mission diplomatique la liberté de déplacement et de circulation sur son territoire de sorte et que leurs documents de séjour ne seraient pas à considérer comme autorisation de séjour au sens de l'Accord de Schengen.
Les appelants font finalement valoir que l’article 30.1.a. ou 30.1.e. ne pourrait s'appliquer en l'espèce alors qu’ils détenaient au jour de l’introduction de leur demande une Carte d’Identité Diplomatique et un Passeport Diplomatique et non pas un titre de séjour au sens de l’ Accord de Schengen.
Le délégué du Gouvernement argue en premier lieu qu’une substitution de motifs n’est pas interdite par la loi et qu’il serait admis, dans le cadre d'un recours administratif, que le pouvoir de sanctionner l'illégalité des motifs de droit n'aboutirait pas nécessairement à l'annulation de la décision attaquée dés lors que l'acte se justifie par un autre motif légal non formellement invoqué.
2 En second lieu, il fait remarquer que le sieur ZEMBLAKU aurait cessé ses fonctions auprès de l'ambassade d'Albanie à Bruxelles en date du 8 septembre 1995 et serait retourné en Albanie ;
N'ayant donc plus les qualités d'attaché à l'ambassade de l'Albanie en Belgique, il ne pouvait plus demander en sa faveur le bénéfice des dispositions de la Convention de Vienne.
Le délégué estime donc que le tribunal administratif a déclaré à juste titre que la Convention de Vienne poursuit des objectifs différents de la Convention de Schengen et ne saurait trouver application en l'espèce et fait sien les développements des premiers juges ayant considéré que ce n'est pas l'article 30.1.a., mais l'article 30.1.e. qui doit s'appliquer.
Il se réfère finalement au mémoire déposé en première instance.
Les appelants, dans leurs mémoires en réplique insistent sur la compétence du Grand-Duché pour le traitement de leur demande compte tenu des dispositions de l’article 31.3 de la Convention de Schengen.
a) Quant à la demande tendant à l’annulation du premier jugement Les appelants reprochent au tribunal administratif d’avoir simplement substitué une motivation exacte à des motifs erronés et font valoir que cette façon de procéder ne serait ni conforme à la loi du 7 novembre 1996, ni à la Constitution.
Ils demandent ainsi la réformation du jugement entrepris et l’annulation de la décision attaquée et cela suite à un maniement défectueux de leurs attributions juridictionnelles par les premiers juges, indépendamment de la qualité ou de l’opportunité intrinsèque de leur décision.
Une analyse des éléments du dossier soumis à la Cour fait apparaître que la référence à l’article 30.1.a. de la Convention de Schengen par le ministre de la Justice constitue, tel que soutenu par le délégué du gouvernement, une erreur matérielle que les juges du Tribunal administratif ont valablement pu redresser sans autre forme ni motivation en faisant application de l’article 30.1.e., un tel redressement matériel ne constituant en effet pas de changement de la motivation ministérielle.
Les références du ministre aux cartes d’identité spéciales délivrées par le Ministère des Affaires Etrangères belge dans la décision ministérielle sont en effet de nature à renvoyer à l’application de l’article 30.1.e. dans la mesure où la détention de telles cartes établit que les appelants ont pénétré d’abord sur le territoire belge avant de se rendre à Luxembourg.
Il y a partant lieu de constater, par changement partiel de la motivation des premiers juges, que le ministre de la justice était légalement habilité à se déclarer incompétent pour examiner les demandes d’asile présentées par les demandeurs.
b) Quant au fond C’est à bon droit et pour de justes motifs que la Cour adopte que les juges de première instance ont décidé que la Convention de Vienne, en poursuivant des objectifs différents de ceux de la Convention de Schengen, ne saurait trouver application en l’espèce, puisqu’elle n’a notamment pas pour objet de réglementer l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire des parties contractantes du point de vue des documents officiels dont ils doivent être détenteurs.
3 L’argumentation des appelants consistant à prétendre que le Grand-Duché serait actuellement compétent compte tenu des dispositions de l’article 31.3. de la Convention de Schengen ne saurait valoir alors que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, soit en date du 28 juillet 1997, de sorte que l’appel est à déclarer non fondé.
Par ces motifs:
La Cour administrative, statuant contradictoirement;
reçoit l’appel en la forme;
le déclare non-fondé et en déboute;
partant confirme le jugement du 13 novembre 1997 dans toute sa teneur;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par:
Marion LANNERS, vice-présidente Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS.
le greffier la vice-présidente 4