GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49505C ECLI:LU:CADM:2023:49505 Inscrit le 2 octobre 2023 Audience publique du 19 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …., contre un jugement du tribunal administratif du 30 août 2023 (n° 46812 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49505C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 2 octobre 2023 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265.326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à …. (Irak), de nationalité irakienne, demeurant à L-… …, …, ….., dirigé contre un jugement du 30 août 2023 (n° 46812 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 novembre 2021 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 30 octobre 2023 ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;
1 Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 novembre 2023.
Le 22 avril 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, de la Police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Le 12 juillet 2021, il fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 25 novembre 2021, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé en date du 30 novembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait rejeté sa demande de protection internationale comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 24 avril 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 24 avril 2021 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 12 juillet 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Il résulte de vos déclarations que vous seriez né le …., originaire de …. en Irak, d'ethnie kurde et de confession musulmane sunnite.
Monsieur, vous avancez qu'en cas de retour en Irak, vous craindriez pour votre vie étant donné que vous risqueriez d'être recruté soit par les forces kurdes Peshmergas, soit par les Unités de mobilisation populaire (ci-après dénommée « UMP ») ou encore le PKK.
Vous indiquez que vous auriez vécu dans un village dénommé ….., situé au gouvernorat de ….. près de …… Vous expliquez que vous auriez quitté votre village en 2016 afin de fuir 2 l'organisation terroriste dénommée Etat islamique (ci-après dénommée « EI ») et que vous vous seriez rendu avec votre famille dans un camp situé à ….. dans le gouvernorat de ….. dans la région autonome du Kurdistan irakien.
En 2017, les UMP auraient libéré votre village de l'emprise de l'EI et votre père y serait retourné seul pour un ou deux jours avant de revenir à …… Il serait resté chez un ami qui lui aurait rapporté que les UMP maltraiteraient les Kurdes et qu'ils les recruteraient de force, recrutement qui serait selon vos dires encouragé par les autorités irakiennes. Votre père aurait également constaté que votre maison aurait été pillée et partiellement détruite.
Concernant les maltraitances que les Kurdes subiraient de la part des UMP, vous précisez uniquement que : « Allgemein gingen sie schlecht mit den Kurden um. » [sic] (p.7/12 de votre rapport d'entretien). Vous mentionnez encore de façon générale que les relations entre les Kurdes et les UMP se seraient dégradées suite à l'organisation, à l'époque, par les autorités kurde[s] d'un référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien.
Vous n'auriez dès lors plus osé retourner à ….. étant donné que vous auriez eu peur d'être recruté, notamment par les UMP, sans néanmoins concrètement préciser pour quelles raisons vous auriez également peur d'être recruté par les Peshmergas ou le PKK. Vous indiquez uniquement que le PKK aurait aidé à combattre l'EI dans la région et que les Peshmergas se seraient rendus dans le camp à ….. afin de proposer aux gens de les rejoindre et de combattre à leurs côtés.
Une semaine après le retour de votre père du village, votre famille aurait décidé de quitter l'Irak, notamment à cause de la présence des UMP à …… Vous auriez vendu le reste de vos biens, hormis la maison, afin de financer votre départ et vous auriez quitté votre pays d'origine avec vos parents ainsi que vos frère et soeurs en hiver 2017.
Vous vous seriez rendus ensemble en Turquie, mais vous seriez allé seul en Grèce tandis que votre famille serait restée en Turquie. Vous auriez séjourné pendant plus ou moins quatre années en Grèce sans introduire une demande de protection internationale. Vous seriez ensuite venu au Luxembourg en passant par l'Italie et la France. Votre famille serait actuellement dans un camp en Syrie.
Vous ne présentez aucune pièce à l'appui de votre demande.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
3 Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Monsieur, vous avancez craindre pour votre vie en cas de retour dans votre pays d'origine à cause de la présence des UMP, des Peshmergas et du PKK, étant donné que vous redouteriez notamment d'être recruté de force par ces derniers.
Avant tout progrès en cause, il convient de souligner que vous ne remettez pas le moindre document d'identité et aucune autre pièce à l'appui de votre demande. Ainsi, il convient de constater que votre identité reste sujette à caution.
Ceci étant dit, il convient de souligner que les faits que vous relatez remontent à 2016 respectivement 2017 et qu'ils sont dès lors trop éloignés dans le temps pour justifier l'octroi d'une protection internationale en 2021.
En effet, il convient de noter qu'il s'agit en l'occurrence de faits isolés qui ont eu lieu dans une situation bien spécifique, à savoir le conflit contre l'EI. Or, à ce jour la situation en Irak n'est plus celle de 2016 respectivement début 2017 étant donné que l'EI a perdu tous les territoires qu'il contrôlait depuis 2014 et n'exerce plus aucune autorité sur le sol irakien depuis fin 2017, de sorte que vos craintes doivent désormais être perçues comme obsolètes.
Si ces faits devraient néanmoins être analysés en 2021, force est de constater que vos craintes et les faits que vous relatez n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Monsieur, vous n'êtes pas sans savoir que les recrutements dans les années 2016 respectivement 2017 se faisaient dans le but de combattre l'EI pour libérer l'Irak des mains des terroristes, objectif qui a été atteint fin 2017.
Ainsi, votre crainte d'être recruté, que ce soit par les UMP, les Peshmergas ou encore le PKK, n'est non seulement plus d'actualité. Vos craintes sont dès lors à qualifier de purement hypothétiques.
4 Ceci est d'autant plus vrai alors qu'il découle des informations à ma disposition que, contrairement à vos allégations, ni les UMP, ni les Peshmergas ne procèdent à des recrutements forcés. L'adhésion se fait sur une base contractuelle volontaire avec une rémunération.
De plus, il n'existe aucun lien avec l'un des critères énumérés dans la Convention de Genève, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques respectivement de votre appartenance à un groupe social déterminé.
Même à supposer que les faits que vous avancez seraient liés à un des critères de fond énumérés par la Convention de Genève, il importe de souligner qu'ils ne revêtent manifestement pas un caractère de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens de dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, il ressort de façon claire et non équivoque de vos déclarations que vous n'auriez jamais été personnellement approché en vue de subir un recrutement forcé et qu'il ne vous est absolument rien arrivé étant donné que vous n'auriez jamais eu affaire à eux. A cela s'ajoute qu'il ressort de vos propres déclarations que ces prétendus recrutements forcés vous auraient été rapportés par des tiers.
Monsieur, vous mentionnez uniquement que les Peshmergas seraient venus à l'époque dans le camp à ….. afin de proposer aux gens de les rejoindre pour combattre à leurs côtés, ce qui ne fait que confirmer que les recrutements se font volontairement. Le fait que vous vous seriez inscrit sur leur liste avant de quitter l'Irak ne saurait infirmer cette conclusion étant donné qu'il appert qu'il se serait agi d'un choix personnel et volontaire.
Force est dès lors de conclure que votre situation est indéniablement exempte d'une gravité particulière et suffisante de sorte qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte de persécution au sens des prédits textes.
Il y a en outre lieu de préciser que la décision de quitter l'Irak aurait été, selon vos dires, une décision familiale et non individuelle. En plus, vous précisez que l'itinéraire de votre voyage et chacun de vos déplacements n'auraient été encouragés que par des décisions familiales respectivement par celle de votre père. Il convient également de souligner que vous avez vécu en Grèce de 2017 jusqu'en 2021, c'est-à -dire pendant plus ou moins quatre années, sans introduire une demande de protection internationale. Cette façon de procéder est de nature à mettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine, alors qu'il est légitime d'attendre d'une personne se sentant réellement en danger qu'elle cherche la protection d'un pays dès qu'elle a l'occasion de le faire, plutôt que d'y rester en situation irrégulière pendant des années et de quitter le pays d'accueil en quête de nouvelles possibilités, faisant ainsi un usage abusif de la procédure de demande de protection internationale. Un tel comportement est incompatible avec un réel besoin de protection.
Il échet dès lors de conclure que vos craintes sont des craintes hypothétiques qui se traduisent tout au plus en un sentiment général d'insécurité. Or, des craintes purement hypothétiques et un sentiment général d'insécurité ne sauraient suffire pour établir l'existence 5 dans votre chef d'une crainte fondée de persécution dans votre pays d'origine et ne permettent pas de vous octroyer le statut de réfugié.
Enfin, notons que vous mentionnez brièvement que les UMP maltraiteraient les Kurdes et que la situation se serait dégradée suite à un référendum en vue d'une indépendance qui aurait été organisé par le gouvernement kurde, faits pour lesquels vous vous contentez uniquement de faire des propos très généraux et peu étayés sans exprimer aucune crainte concrète.
Il y a lieu de préciser qu'il s'agit là de faits non personnels, qui ne vous concernent pas directement.
Des faits non personnels mais vécus par d'autres personnes ne sont susceptibles de constituer une crainte fondée de persécution au sens des prédits textes que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, rappelons que vous vous bornez à émettre des suppositions et des propos très généraux et peu étayés concernant ces faits. Vos allégations ne reposent sur aucun élément concret et vous n'êtes pas à même de donner la moindre précision concrète. De plus, rappelons qu'il découle clairement de vos dires que vous n'auriez jamais eu personnellement affaire aux UMP.
Ainsi, il y a lieu de conclure qu'aucune crainte fondée de persécution ne saurait être retenue dans votre chef.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même 6 loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la République d'Irak, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2021, inscrite sous le numéro 46812 du rôle, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 25 novembre 2021 portant rejet de sa demande de protection internationale ainsi qu’à l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 30 août 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta Monsieur (A). Après avoir constaté qu’il n’avait été saisi que d’une demande d’annulation de l’ordre de quitter le territoire encore que la loi prévoie un recours en réformation contre une telle décision et retenu que le « recours en annulation » est recevable dans la limite des moyens de légalité invoqués, le tribunal déclara, selon le dispositif du jugement, le « recours en réformation » contre l’ordre de quitter le territoire recevable et en débouta Monsieur (A). Enfin, le tribunal condamna le demandeur aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 2 octobre 2023, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement, dont il sollicite la réformation en ce sens que le refus d’octroi d’une protection internationale soit réformé. Il demande, en outre, par réformation du jugement du 30 août 2023, la réformation de l’ordre de quitter le territoire.
A l’appui de son appel et en fait, l’appelant expose être né à ….. en Irak et être d’ethnie kurde et de confession musulmane sunnite.
Il aurait habité dans un village dénommé ….., situé dans le gouvernorat de ….. près de ….., qu’il aurait toutefois été obligé de quitter avec sa famille en 2016 afin de fuir l'organisation terroriste Etat islamique, ci-après désignée « l’EI », et il se serait rendu avec sa famille dans un 7 camp de réfugiés situé à ….. dans le gouvernorat de ….. dans la région autonome du Kurdistan irakien.
En 2017, les Unités de mobilisation populaire Hachd Al-Chaabi, ci-après désignées par « les UMP », respectivement « les Hachd Al-Chaabi », milices chiites pro-iraniennes, auraient libéré son village de l'occupation de l'EI. Son père y serait retourné seul pour quelques jours avant de revenir au camp de réfugiés de ….., après avoir constaté que leur maison avait été pillée et partiellement détruite et après qu’un ami lui aurait relaté que les UMP persécuteraient les Kurdes sunnites et qu'ils les recrutaient de force sous peine de mort, pratique qui serait encouragée par les autorités irakiennes.
L’appelant expose qu’âgé de 16 ans à l’époque, il ne serait plus retourné dans son village par peur d'être recruté de force, que ce soit par les UMP, les Peshmergas ou le Parti des travailleurs du Kurdistan, ci-après désigné par « le PKK », considéré comme un mouvement terroriste par l'Union européenne et par les Etats-Unis.
Une semaine après le retour de son père de leur village, après avoir vendu leurs biens, hormis la maison familiale, sa famille aurait décidé de quitter l'Irak, notamment à cause de la présence des UMP dans son village d’origine.
Ils se seraient rendus en Turquie avec l'intention de s'installer au Kurdistan. Lui-même, mineur lors de sa fuite, aurait été contraint, faute de moyens, de partir seul en Grèce, où il serait resté quatre ans, tandis que sa famille serait restée en Turquie.
En droit, après avoir cité l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, la jurisprudence administrative au sujet des conditions d’octroi d’une protection internationale et une position commune du Conseil de l’Union européenne du 4 mars 1996 à propos de la définition de persécution, l’appelant fait de prime abord état de persécutions de la part de l’EI et critique dans ce contexte les premiers juges pour avoir retenu que les évènements de 2017 en relation avec l’EI étaient trop éloignés dans le temps pour actuellement fonder sa demande de protection internationale.
Il fait valoir qu’il aurait prouvé à suffisance lors de son entretien avec l'agent ministériel ainsi que dans son recours que lui et sa famille auraient été contraints de quitter leur village d'origine à cause des attaques par l’EI. Il en conclut que l'objet de la persécution serait individuel puisque son domicile aurait été ciblé, son village tout entier, lui-même et sa famille ayant de la sorte été les cibles directes de l'EI. Il donne à considérer que même si son village avait été libéré en 2017, leur maison aurait néanmoins été en partie détruite et complètement pillée.
Il se prévaut encore d’un article du journal Le Monde diplomatique dans son édition de décembre 2021, qui ferait état d’un retour de l’EI en Irak, tout en reprochant au ministre et aux premiers juges d’avoir omis de prendre en compte tous les faits pertinents concernant son pays d'origine au moment de statuer sur sa demande suivant les termes de l'article 37, paragraphe (3), point a), de la loi du 18 décembre 2015.
8 Il fait encore état d’une tentative d’assassinat du premier ministre irakien AL-KAZIMI le 7 novembre 2021, après les élections législatives du 10 octobre 2021, qui auraient vu la coalition Al-Fatah, qui serait la vitrine politique des Hachd al-Chaabi, perdre un certain nombre de sièges, cette formation dénonçant une « fraude » électorale et accusant le premier ministre irakien d'en être « complice ». Des observateurs verraient ainsi l'attaque contre le premier ministre comme étant « liée au processus de formation du gouvernement ».
L’appelant cite encore un extrait d’une prise de position du directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS) à Paris, faisant état d’« une division de la communauté chiite irakienne entre pro-milices chiites favorables à l'Iran et une société civile chiite qui rend l'influence iranienne responsable de l'incurie dans laquelle l'État iranien fait vivre une majorité de la population », d’un « danger supplémentaire d'un affrontement intra-
chiite » qui « s’ajout[erait] aux affrontements avec les Kurdes et les Arabes sunnites », l’appelant en déduisant une aggravation de la crise politique et institutionnelle en Irak.
L’appelant fait ensuite état d’une loi votée en novembre 2016, reconnaissant les UMP comme une composante des forces armées irakiennes, placée sous l'autorité directe du premier ministre.
Il estime qu’actuellement, la situation sécuritaire en Irak demeurerait extrêmement préoccupante et volatile et fait état de ce que de nombreux pays déconseilleraient fortement à leurs ressortissants de s'y rendre.
De manière générale, il fait état d’attentats perpétrés par l’EI, en l’occurrence des attentats en décembre 2021 contre les populations civiles et les Peshmergas dans les provinces de Diyala, Kirkouk et Erbil, entraînant des morts et des blessés, la tentative précitée d’assassinat contre le premier ministre qui démontrerait la volonté de contrer le processus démocratique en Irak et d'essayer toute forme de déstabilisation du pays, de violence et d'intimidation envers les autorités et le peuple irakiens, ainsi que divers autres attentats ayant eu lieu durant toute l’année 2021 et ayant fait de nombreux morts et blessés.
Selon le titre d’une publication de l’Institut français des relations internationales d'août 2023 et d’un article du 31 août 2023 par Les Echos, la menace de l’EI planerait toujours.
L’appelant donne encore à considérer que depuis plus de 20 ans, l'Irak se trouverait en état de guerre, « enchaînant des attaques par fronts étrangers, guerres civiles et guerres entre divers clans et milices », et il conclut que dans un tel environnement, il serait impossible d’assurer sa propre sécurité ou celle de sa famille, l’Etat irakien n’étant pas en mesure d’offrir la sécurité et une protection efficace à ses citoyens et encore moins à des ressortissants ayant fui leur pays par crainte d'être persécutés.
Il y aurait dès lors eu violation des dispositions de l'article 37, paragraphe (3), point a), et paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015.
En second lieu, l’appelant reproche aux premiers juges de lui avoir dénié l’existence d’une crainte fondée d’être recruté de force par des milices.
9 Il rappelle que son père aurait été informé que les UMP, des milices chiites, persécuteraient les Kurdes sunnites et qu'ils les recrutaient de force sous peine de mort, et seraient encouragés dans cette démarche par les autorités irakiennes, l’appelant faisant valoir que le recrutement de force en Irak, que ce soit par les UMP, les Peshmergas ou le PKK, serait monnaie courante.
Il poursuit que comme le tribunal avait retenu que sa crédibilité n’est pas remise en cause, les faits tels qu'indiqués lors de son entretien individuel auprès du ministère devraient être considérés comme avérés et partant sa crainte d'être recruté de force par les UMP, les Peshmergas ou le PKK serait également avérée.
En troisième lieu, par rapport au risque de subir « des traitements inhumains et dégradants » de la part des UMP, l’appelant renvoie à nouveau aux conditions du retour de son père dans son village d’origine en 2017, à l’occasion duquel il aurait été averti que les UMP persécuteraient les Kurdes sunnites et qu'ils les recruteraient de force.
Actuellement et ce depuis un décret en 2016, les UMP seraient intégrées au sein de l'armée irakienne, tandis que la « vitrine politique du Hachd Al-Chaabi », à savoir la coalition Al-Fatah, aurait été depuis 2018 et pendant trois années la deuxième force politique au Parlement irakien et aurait géré plusieurs ministères, de sorte que les Hachd Al-Chaabi et leurs représentants politiques feraient partie intégrante de l’Etat irakien.
L’appelant relève que malgré le mauvais score aux élections législatives d'octobre 2021 des Hachd Al-Chaabi, un nombre conséquent de ses représentants politiques resterait au Parlement irakien et ses actions violentes ne cesseraient d'influencer et d'intimider les autorités irakiennes.
Il en conclut qu’il aurait été victime de persécutions de l’Etat dans la mesure où les milices des Hachd Al-Chaabi, qui le menaceraient lui et sa famille, feraient partie des forces militaires irakiennes et de ce fait se trouveraient sous l'autorité de l'Etat irakien, sinon de persécutions de partis ou d’organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci au sens du point b) de l'article 39 de la loi du 18 décembre 2015, les milices armées des Hachd Al-Chaabi étant une organisation chiite paraétatique et militaire contrôlant une grande partie du territoire de l'Irak.
En dernier lieu, et quant à sa crainte de faire l'objet de persécutions sur base de son ethnie kurde et de son appartenance à la branche sunnite de l'Islam, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir dénié le degré de gravité suffisant aux faits dont il se prévaut.
Il estime pouvoir se prévaloir de la notion de groupe social au sens de l'article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, en faisant valoir qu’il serait d’ethnie kurde et de confession musulmane sunnite, qui en tant que groupe social, aurait une identité propre puisqu'il serait perçu différemment par les autres membres de la société irakienne.
Quant à la réalité des persécutions dont il fait état, l’appelant renvoie à ses déclarations faites lors de son entretien et fait valoir qu’il aurait été contraint de quitter l'école suite aux violences qu'il aurait subies de la part de ses camarades de classe, qui l’auraient tellement battu 10 qu'ils lui auraient brisé le menton et le nez. Il aurait été brutalisé que ce soit verbalement ou physiquement par ses camarades pour la simple raison qu'il est d'ethnie kurde et non arabe, ne parlant pas l'arabe, mais le kurde. Cette situation aurait laissé supposer un danger sérieux pour sa personne, de sorte qu'il ne serait plus retourné à l'école.
Comme les violences et persécutions subies par lui se seraient principalement déroulées du fait de son jeune âge, il ne saurait lui être reproché que les violences subies par lui se seraient déroulées dans le cadre scolaire et qu'ils ne seraient « pas d'une gravité suffisante ».
Il fait par ailleurs état, outre un « risque terroriste très élevé sur l'ensemble du pays », d’un risque d'enlèvement ou d'attentat individuel dans son chef compte tenu de sa situation personnelle de Kurde de confession sunnite, ayant déjà reçu des menaces et des coups à l'école, alors que la majorité des habitants de son village se seraient rattachés aux milices chiites des Hachd Al-Chaabi.
Quant à la protection subsidiaire, l’appelant reprend en substance ses explications quant à la situation sécuritaire dans son pays d’origine où il serait impossible d’être en sécurité, sans perspective de protection étatique face aux milices chiites des Hachd Al-Chaabi, organisation chiite paraétatique et militaire qui contrôlerait une grande partie du territoire de l'Irak et qui se sentirait libre d'agir en toute impunité pour faire partie intégrante de l'Etat irakien.
Malgré le mauvais score aux élections législatives d'octobre 2021 des Hachd Al-Chaabi, un nombre conséquent de ses représentants politiques resteraient au Parlement irakien et ses actions violentes ne cesseraient d'influencer et d'intimider l'autorité irakienne.
Pour le surplus, l’appelant reprend ses explications quant à son vécu personnel.
En conclusion, il fait état d’une crainte d'être emprisonné par les forces irakiennes, d'être recruté de force par une milice et de subir des persécutions et des violences du fait qu'il appartient à l'ethnie kurde et est de confession musulmane sunnite.
L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel, tout en relevant en substance que l’appelant n’apporterait en instance d’appel aucun élément supplémentaire susceptible d’infirmer le jugement entrepris.
Analyse de la Cour La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute 11 personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons de croire que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
12 Ceci dit, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
Force est de constater que l’appelant se prévaut en substance d’une crainte (i) de faire l’objet de persécutions de la part de l’EI ayant contrôlé son village d’origine et qui, malgré la libération de son village en 2017, présenterait encore à l’heure actuelle un danger sur le territoire irakien, (ii) d’être recruté de force par la milice Hachd Al-Chaabi, sinon par les Peshmergas ou encore par le PKK afin de combattre l’EI, (iii) d’être persécuté par la milice Hachd Al-Chaabi en raison de son ethnie kurde et de sa confession sunnite et (iv) de manière plus générale d’être persécuté en raison de son ethnie kurde.
La Cour rejoint de prime abord l’analyse des premiers juges par rapport à la crainte avancée par l’appelant d’être persécuté par l’EI et la conclusion en tirée par eux.
En effet, indépendamment de la question de l’existence d’un lien avec les critères de fond de la Convention de Genève, contesté par l’Etat, la Cour relève, d’une part, qu’il n’est pas contesté que le village d’origine de l’appelant a été libéré de l’emprise de l’EI en 2017 et, d’autre part, qu’il ne se dégage pas des éléments soumis à son appréciation que depuis, l’EI ait regagné son emprise sur l’Irak de façon plus générale ou sur le village d’origine de l’appelant en particulier, étant relevé que les attentats dont se prévaut l’appelant, de même que la tentative d’attentat à la suite des élections en octobre 2021, s’ils témoignent d’une situation sécuritaire toujours précaire dans certaines parties du territoire irakien, ils ne permettent toutefois pas de retenir que l’EI ait actuellement le contrôle d’une majeure partie du pays ou du village d’origine de l’appelant et que celui-ci ait de ce fait une crainte fondée de subir des persécutions de la part de l’EI en cas de retour dans son pays.
Les premiers juges ont encore à juste titre relevé qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que l’appelant ou sa famille aient été personnellement visés par l’EI à l’époque. Si leur maison avait été pillée et partiellement détruite, la Cour relève que l’appelant a déclaré que d’autres maisons avaient aussi été détruites1 et qu’il n’a fourni aucun élément permettant de conclure que sa famille ait été particulièrement visée, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que la destruction de leur maison s’inscrit dans le contexte général des évènements de 2016/2017, les auteurs de ces destructions et pillages restant par ailleurs inconnus.
Il s’ensuit que c’est à bon droit, et sans méconnaître à cet égard les dispositions de l’article 37, paragraphes (3), point a), et (4), de la loi du 18 décembre 2015, que le ministre a refusé d’octroyer à l’appelant le statut de réfugié sur base d’une crainte de persécution de la part de l’EI.
En ce qui concerne ensuite la crainte de l’appelant d’être recruté de force par les Hachd Al-Chaabi, les Peshmergas ou le PKK en cas de retour en Irak, la Cour constate, toujours indépendamment de la question de l’existence d’un lien avec l’un des critères de fond prévus par la Convention de Genève et, à l’instar des premiers juges, que l’appelant fonde cette crainte sur l’unique fait qu’au retour à son village d’origine en 2017, son père avait eu l’information 1 Cf page 7 du rapport d’entretien.
13 de la part d’un ami que les Hachd Al-Chaabi serait en train de recruter des personnes dans le cadre de leur lutte contre l’EI suite à la libération dudit village des mains de ce dernier. Les premiers juges ne sont pas à critiquer pour avoir suivi la partie étatique dans son argumentation selon laquelle ces recrutements ont eu lieu dans le contexte spécifique de l’époque, sans qu’il ne se dégage des éléments du dossier qu’une telle pratique serait encore d’actualité, les sources invoquées par l’appelant que ce soit en première instance ou en instance d’appel n’en faisant pas état.
Si par ailleurs, il ressort de l’audition de l’appelant qu’il a déclaré que les Peshmergas seraient venus à l’époque dans le camp de ….. où il s’était réfugié avec sa famille et auraient proposé aux jeunes de s’associer à eux2, l’appelant n’a pas soumis des sources internationales qui permettraient de retenir qu’actuellement, il craint avec raison de subir un recrutement de force de ceux-ci.
Enfin, il reste pareillement en défaut de donner des explications concrètes que ce soit à partir de son vécu personnel ou que ce soit sur base des informations générales disponibles sur son pays d’origine, sources internationales à l’appui, qui permettent de conclure à des circonstances rendant fondée sa crainte d’être actuellement, en cas de retour dans son pays d’origine, recruté de force par le PKK.
Il s’ensuit que l’appelant n’est pas non plus fondé à faire état d’une crainte de persécutions du fait d’un recrutement forcé par les Hachd Al-Chaabi, les Peshmergas ou le PKK et les premiers juges sont à confirmer sur ce point.
En ce qui concerne, en troisième lieu, la crainte de l’appelant de subir des mauvais traitements de la part des UMP en raison de son ethnie kurde et de sa confession sunnite, la Cour rejoint les premiers juges pour avoir retenu que ces considérations sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, mais retient que l’appelant reste néanmoins en défaut d’établir le caractère fondé d’une telle crainte dans son chef.
Si l’appelant fait état d’une certaine influence des UMP au niveau politique et militaire, il n’en reste pas moins qu’il n’a pas fait état d’éléments, sources internationales à l’appui, qui permettraient de retenir, d’une part, que sa situation personnelle et son vécu personnel sont de nature à justifier actuellement une crainte de persécutions de la part des UMP, et, d’autre part, que la situation générale en Irak soit telle que les personnes d’origine kurde sunnite sont exposées, du seul fait de leur présence sur le territoire, à des persécutions de la part des UMP.
A cet égard, la Cour relève que les explications fournies par l’appelant, de même que les articles de presse et prises de positions invoqués par lui font essentiellement état de considérations tout à fait générales sur l’influence dont jouissent les UMP, de spéculations au sujet des responsabilités en relation avec une tentative d’attentat contre le premier ministre, de manière générale sur la question de la stabilité politique en Irak à la suite des élections de 2021, voire de divers attentats attribués à l’EI, l’appelant n’ayant, par ailleurs, avancé aucun élément qui permettrait de retenir qu’avant son départ d’Irak, il se serait trouvé dans la ligne de mire des UMP. En tout état de cause, le seul fait que son père, à son bref retour dans son village d’origine dans le contexte de la libération du village de l’emprise de l’EI, avait entendu par un ami que 2 Page 9 du rapport d’entretien : « … kamen die Peschmerga zu uns und boten uns an uns ihnen anzuschliessen….».
14 les UMP, venant de libérer son village d’origine de l’emprise de l’EI, persécuteraient les Kurdes s’inscrit plutôt dans le contexte de l’époque, - étant relevé que dans un arrêt récent la Cour a constaté l’existence d’actes de représailles commis dans la suite de la libération de la ville de ….. par des milices chiites contre les sunnites, soupçonnés de soutenir l’EI, mais qui au moment de l’arrêt n’étaient plus d’actualité3 -, mais est insuffisant pour en conclure qu’à l’heure actuelle l’appelant soit fondé à faire état d’une crainte d’être persécuté par les UMP.
Les premiers juges sont ainsi encore à confirmer en ce qu’ils ont retenu que c’est à bon droit et sans méconnaître l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015 que le ministre a refusé le statut de réfugié à l’appelant sur base de sa crainte de faire l’objet de persécutions de la part des Hachd Al-Chaabi en raison de son ethnie kurde et de son appartenance à la branche sunnite de l’Islam.
En ce qui concerne ensuite la crainte plus générale de l’appelant de faire l’objet de persécutions en cas de retour en Irak en raison de son ethnie kurde et de son appartenance à la branche sunnite de l’Islam, la Cour concède, tel que l’appelant l’affirme, que vu son jeune âge au moment d’avoir quitté son pays d’origine, il n’a forcément pas pu faire état, pour ce qui est de son vécu personnel, que de son vécu à l’école avec ses camarades de classe. Si certes encore, le comportement des écoliers dénote une attitude hostile à l’égard de l’appelant en raison de son appartenance ethnique et de sa religion, il n’en reste toutefois pas moins que ces incidents, si condamnables soient-ils, ne sauraient justifier à eux seuls une crainte fondée de persécutions, sans mise en relation avec des informations plus générales sur la situation en Irak, en fournissant à l’appui des sources internationales, qui permettent de confirmer le sérieux et l’actualité de sa crainte.
Ces craintes ne sont dès lors pas non plus de nature à justifier la crainte de persécutions de l’appelant et la conclusion des premiers juges est à confirmer.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté le recours en ce qu’il est dirigé contre le refus d’octroi du statut de réfugié.
En ce qui concerne le refus du statut conféré par la protection subsidiaire, la Cour constate, à l’instar des premiers juges, qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, l’appelant invoque en substance les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Pour les mêmes considérations que celles retenues ci-avant par rapport à l’examen du bien-fondé d’une crainte de subir des persécutions, la Cour est amenée à retenir que l’appelant n’a pas fait davantage état d’éléments permettant de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant court un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a), et b), de la loi du 18 décembre 2015.
Enfin, la Cour constate que l’appelant ne prétend pas que la situation qui prévaut actuellement en Irak et plus précisément dans son village d’origine, correspondrait à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens 3 Cour adm. 12 juillet 2022, numéro 47404C du rôle.
15 de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, ni les déclarations de l’appelant ni les pièces du dossier administratif ne permettent de conclure à l’existence d’une telle situation.
Les premiers juges sont dès lors encore à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de protection internationale prise en son double volet et que le jugement est à confirmer sous ce rapport.
Quant à l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que comme le jugement entrepris est à confirmer en ce que le refus de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - est justifié et que le refus d’octroi de ce statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de reformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer sur ce point.
En ce qui concerne le moyen fondé sur une violation du principe de non-refoulement inscrit à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au regard de ce qui vient d’être retenu par rapport au sérieux des craintes de l’appelant en cas de retour en Irak et à défaut d’autres éléments, la Cour n’entrevoit pas de risque pour l’appelant de subir en cas de retour en Irak des actes contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales auquel l’article 129, précité, renvoie.
Il s’ensuit que c’est encore à juste titre que les premiers juges ont rejeté le recours en ce qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 30 août 2023, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
16 Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé …… s. ……… s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 décembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 17