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19/12/2023 | LUXEMBOURG | N°49632C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 19 décembre 2023, 49632C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49632C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:49632 Inscrit le 27 octobre 2023 Audience publique du 19 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 29 septembre 2023 (no 46775 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49632C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2023 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Gl

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49632C du rôle ECLI:LU:CADM:2023:49632 Inscrit le 27 octobre 2023 Audience publique du 19 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 29 septembre 2023 (no 46775 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 49632C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2023 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak), de son épouse, Madame (B), née le … à …, agissant en leurs noms personnels ainsi qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur, (D), né le … à …, ainsi que leurs enfants majeurs, Madame (C), née le … à … et Madame (E), née le … à …, tous de nationalité irakienne, demeurant tous ensemble à L-…, dirigé contre un jugement du 29 septembre 2023 (n° 46775 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 novembre 2021 portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2023 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

1 Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 12 décembre 2023.

Le 13 décembre 2019, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, du même jour.

Le 3 février 2020, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 8 décembre 2020, l’épouse de Monsieur (A), Madame (B), accompagnée de leurs trois enfants communs, à savoir leur fille majeure, Madame (C) et les enfants mineurs (E) et (D), furent transférés de la Grèce vers le Grand-Duché du Luxembourg en vertu du règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Le lendemain, Madame (B) introduisit auprès du service compétent du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 pour son propre compte ainsi que celui de ses trois enfants, Madame (C), majeure à ladite date, et les enfants mineurs (E) et (D).1 Les déclarations de Madame (B) sur son identité et celle de ses enfants et sur leur itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, du même jour.

Les 23 mars et 16 avril 2021, Madame (B) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Les 24 mars et 16 avril 2021, Madame (C) fut entendue séparément par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Le 22 octobre 2021, Madame (E), entretemps devenue majeure, fut, à son tour, entendue séparément par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1 Madame (B) et sa fille majeure Madame (C) signèrent une attestation de consentement le 9 décembre 2020 confirmant leur volonté que leurs demandes de protection internationale soient examinées ensemble avec celle de Monsieur (A).

2Par décision du 9 novembre 2021, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », rejeta les demandes de protection internationale introduites par Monsieur (A), Madame (B) et leurs filles majeures, Mesdames (C) et (E), ci-après « les consorts (A à E) », tout en prononçant un ordre de quitter le territoire à leur encontre dans les termes suivants :

« (…) J’ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites, le 13 décembre 2019 Monsieur respectivement le 9 décembre 2020 Mesdames, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Madame (B), vous êtes accompagnée de votre enfant mineur (D), né le … à … en Irak, de nationalité irakienne.

Avant tout autre développement, il convient de mentionner que vous Monsieur avez introduit seul votre demande de protection internationale au Luxembourg en date du 13 décembre 2019 alors que votre famille se trouvait encore en Grèce. Une demande de prise en charge a été adressée par les autorités grecques aux autorités luxembourgeoises le 12 juin 2020 sur base des dispositions du Règlement Dublin III. Le Luxembourg a accepté la demande de prise en charge le 24 juin 2020 et votre épouse ainsi que vos enfants vous ont rejoint au Luxembourg le 9 décembre 2020 où ils ont introduit leurs propres demandes de protection internationale.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 13 décembre 2019 et 9 décembre 2020, votre rapport d'entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 23 mars et 16 avril 2021 Madame (B), le vôtre des 24 mars et 16 avril 2021, Madame (C), le vôtre du 22 octobre 2021, Madame (E) et le vôtre du 3 février 2020, Monsieur (A) ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Mesdames, Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez originaires de … en Irak, d'ethnie arabe et de confession musulmane chiite respectivement sunnite.

Monsieur (A), vous avancez craindre d'être dans le collimateur de milices étant donné que vous auriez refusé leur demande de divorcer de votre épouse qui serait de confession musulmane sunnite alors que vous seriez de confession musulmane chiite.

Dans ce contexte, vous expliquez qu'à partir de 2014 des personnes non autrement identifiées, dont vous estimez qu'elles auraient appartenu à des milices dont vous ignorez le nom, auraient fait du porte-à-porte en demandant les données personnelles des résidents de votre quartier et auraient ainsi appris que votre épouse serait de confession musulmane sunnite tandis 3que vous seriez de confession musulmane chiite. Par conséquent, ces dernières auraient commencé à vous importuner en sollicitant que vous divorciez de votre épouse et ce jusqu'en 2019.

Vous précisez qu'un jour en 2014, deux personnes non autrement identifiées seraient venues à votre domicile afin de solliciter que vous divorciez de votre épouse et seraient ensuite reparties, demande à laquelle vous n'auriez donné aucune suite. Quelques mois plus tard, deux autres personnes non autrement identifiées seraient venues à votre domicile avec lesquelles vous auriez eu une altercation verbale étant donné qu'elles auraient de nouveau insisté que vous divorciez de votre épouse, ce que vous auriez refusé. Une de ces personnes vous aurait alors frappé et les deux seraient reparties.

Vous indiquez ensuite qu'en date du 12 décembre 2014 vous auriez été victime d'une « Magnetmine (Zeit Mine) » [sic] qui aurait été placée sous votre voiture et vous précisez que :

« An diesem Tag, wie an jedem Tag, verlie ich mein Haus, stieg in mein Auto und fuhr los. Zirka nach 1 km, explodierte das Auto. Ich wurde zirka 1 Jahr lang stationär behandelt » [sic] (p.6/13 de votre rapport d'entretien).

Vous ajoutez qu'en 2015 vous seriez allé en Iran afin de vous faire soigner et que pendant votre absence votre fils, qui serait resté en Irak, aurait été heurté par une voiture jaune devant votre domicile. Vous n'êtes cependant pas à même de donner d'autres précisions concrètes et liez cet accident à vos problèmes antérieurs sans néanmoins avoir de certitude.

Vous mentionnez en outre que : « Ich glaube im Jahr 2017 gab es zwei ähnliche Vorfälle.

Aber in diesen beiden Fällen wurde unsere Wohnung nicht beobachtet. Es kam ein Auto und parkte vor unserem Haus in der Strae. Es wurde aber nicht an unserer Haustür geklopft. Immer nachts haben Männer Steine auf unser Haus geworfen, besonders auf die Fassade bei den Kinderzimmern. » (p.6/13 de votre rapport d'entretien).

Vous relatez ensuite un incident survenu en 2019, lors duquel vous auriez été importuné par des personnes non autrement identifiées dans la rue qui auraient demandé que vous divorciez de votre épouse en menaçant d'enlever vos filles et vous auraient poussé vous faisant tomber par terre avant de repartir. Enfin, vous mentionnez un dernier fait qui aurait eu lieu entre le 15 et 20 juillet 2019 au cours duquel une personne non autrement identifiée serait arrivée devant votre domicile avec une voiture jaune et aurait frappé à votre porte. Votre épouse et votre fille auraient commencé à crier de peur et les voisins seraient sortis dans la rue, ce qui aurait fait fuir la personne en question.

Vous auriez dès lors décidé de quitter votre pays d'origine et vous seriez parti avec votre épouse et vos enfants en Turquie en date du 3 août 2019.

Madame (B) vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que vous seriez tous partis une première fois en Turquie en 2016 et que vous y auriez séjourné pendant un an et demi pour ensuite rentrer en Irak.

4 Vous relatez également un fait qui serait survenu en 2016, un mois avant votre départ pour la Turquie, et vous indiquez que : « Es kam ein gelbes Auto und drängte mich in eine Ecke.

Passanten aus unserer Nachbarschaft waren auch drauen und sahen dies. Diese kamen dann sofort hinzu. Nachdem der Taxifahrer dies merkte, fuhr er wieder los », [sic] (p.8/18 de votre rapport d'entretien).

Vous ajoutez en outre qu'en 2016, votre mari aurait commencé à vendre sur un stand divers accessoires dans la rue devant votre domicile et qu'un jour en novembre 2016, des personnes non autrement identifiées l'auraient agressé pendant qu'il vaquait à ses occupations, raison pour laquelle vous seriez partis en Turquie dix jours plus tard.

Mesdames (C) et (E), vous confirmez les dires de vos parents.

Monsieur, vous remettez votre passeport irakien ainsi que des copies de votre carte d'identité irakienne et de votre certificat de nationalité irakien. Madame, vous présentez des copies certifiées par les autorités grecques de votre passeport irakien et celui de vos enfants, ainsi que des copies de votre carte d'identité irakienne et de votre certificat de nationalité irakienne et celles de vos enfants. Monsieur, vous remettez en outre les documents suivants :

- votre acte de mariage irakien ;

- votre ancienne carte militaire ;

- votre permis de conduire irakien ;

- une copie d'une attestation médicale irakienne établie par la Direction de Santé d'… à … et datée à 2014, munie d'une traduction en langue anglaise datée au 2 novembre 2016.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

5 L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous avancez craindre d'être dans le collimateur des milices dans votre pays d'origine du fait que vous seriez marié à une femme de confession musulmane sunnite alors que vous seriez de confession musulmane chiite.

Dans ce contexte, vous faites état de divers incidents isolés qui se seraient déroulés au cours des sept dernières années.

Mesdames et Monsieur, il convient avant tout autre développement de souligner que vous faites état de divers faits qui auraient eu lieu au cours des sept dernières années pour tenter d'établir que vous auriez été dans le collimateur de milices pendant toutes ces années, ce qui vous aurait conduit à quitter l'Irak une première fois en 2016 et une seconde fois en 2019. Vous tentez de lier ces divers petits faits entre eux pour faire croire que depuis plus de sept ans vous seriez menacés par des prétendues milices. Or, il échet de conclure qu'il n'existe aucun lien établi entre les faits que vous relatez.

Premièrement, hormis le fait qu'il parait invraisemblable que des milices pendant sept ans vous importunent de cette manière, il convient de souligner que vous n'apportez pas non plus la preuve qu'il y aurait un quelconque lien entre les incidents dont vous faites état et de surcroit entre ces faits et les milices. Vous vous bornez en effet à émettre de simples spéculations de sorte qu'on ne saurait établir un lien entre les faits et motifs énumérés dans la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre religion, votre race, votre nationalité, vos opinions politiques ou encore votre appartenance à un groupe social déterminé.

En effet, il ressort de façon claire et non équivoque de vos dires que les faits que vous relatez auraient été perpétrés par des personnes non autrement identifiées, dont vous supposez uniquement qu'elles appartiendraient à des milices, sans néanmoins être à même de préciser lesquelles. Par conséquent, vous ignorez également a fortiori leur motivation.

Ainsi, tant les personnes que leurs motivations sont non identifiées, de sorte qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution.

Quand bien même il existerait un tel lien pour l'un ou l'autre de ces faits, notons que les incidents que vous relatez ne sont pas d'une gravité suffisante pour valoir comme actes de persécution au sens des prédits textes.

En effet, le simple fait que des personnes non autrement identifiées, dont vous ne pouvez que supposer qu'elles appartiendraient à des milices alors que vous n'avancez pas la moindre preuve, se rendent à votre domicile à deux reprises pour solliciter votre divorce et que l'une d'entre elles vous aurait une fois frappé suite à une altercation verbale est indéniablement exempt d'une gravité particulière et suffisante au point de valoir comme acte de persécution.

6 Pareille conclusion vaut pour les menaces verbales et respectivement altercations physiques de 2016 et 2019 ainsi que les divers faits qui auraient eu lieu en 2017. Tous ces faits sont certes regrettables, il ne saurait toutefois être question de l'existence dans votre chef d'une persécution respectivement d'une crainte fondée de persécution.

Même à supposer que ces faits seraient d'une gravité suffisante pour valoir comme actes de persécution, notons qu'une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, il ressort clairement de vos déclarations que vous n'auriez à aucun moment porté plainte auprès des autorités de votre pays d'origine, de sorte que vous restez en défaut de démontrer concrètement que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays d'origine ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection adéquate.

Madame (B) vous avancez que vous auriez porté plainte suite à l'incident du 12 décembre 2014 et vous alléguez que la police n'aurait rien entrepris. Monsieur, contrairement à votre épouse, vous concédez ne pas avoir déposé de plainte et vous indiquez que la police se serait néanmoins rendue à l'hôpital et qu'elle aurait pris vos déclarations. Il ressort ainsi de vos dires que la police aurait diligenté une enquête de sorte qu'aucun reproche ne saurait être formulé à l'égard de forces de l'ordre irakiennes. Le simple fait que personne n'aurait été arrêté, faute de preuves, dans le cadre d'une plainte déposée contre X ne saurait suffire pour établir une quelconque défaillance dans le chef des autorités.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.

Mesdames et Monsieur, à cela s'ajoute que vous n'avez pas hésité à retourner en Irak alors que vous auriez une première fois quitté votre pays d'origine en 2016 pour gagner la Turquie. Une personne réellement persécutée ne prendrait aucunement le risque de retourner dans le pays où sa vie serait en danger et resterait dans le pays sûr dans lequel elle aurait réussi à s'installer. Le fait que vous soyez retournés démontre clairement que vous n'avez pas estimé la situation vous empêcherait de continuer à y mener votre vie.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

7• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Il ressort de vos déclarations que vous basez votre demande en octroi du statut conféré par la protection subsidiaire sur les mêmes motifs invoqués dans le cadre de votre demande en obtention du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la République d'Irak, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2021, les consorts (A à E) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 9 novembre 2021 portant rejet de leurs demandes de protection internationale ainsi qu’à l’annulation de la décision portant ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 29 septembre 2023, le tribunal administratif reçut le recours en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié en son double volet et en débouta les demandeurs, tout en les condamnant aux frais de l’instance.

8Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2023, les consorts (A à E) ont régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de leur appel, les consorts (A à E) reprennent en substance les faits tels qu’exposés lors de leurs auditions respectives et tels que repris dans la décision ministérielle entreprise.

Ainsi, ils réitèrent que Monsieur (A) serait de confession musulmane chiite et son épouse, Madame (B), de confession musulmane sunnite et qu’ils auraient vécu ensemble dans le quartier … à …, lequel serait majoritairement peuplé d’habitants de confession musulmane chiite. Au début de l’année 2014, deux personnes faisant partie de milices chiites, auraient questionné Monsieur (A) sur l’appartenance religieuse de son épouse et auraient tenté de convaincre Monsieur (A) de divorcer, un mariage entre chiites et sunnites n’étant pas acceptable à leurs yeux. Les membres de la milice seraient venus une seconde fois questionner Monsieur (A) sur les raisons pour lesquelles il n’aurait pas encore divorcé et l’auraient agressé physiquement. Le 12 novembre 2014, le véhicule de Monsieur (A) aurait explosé en raison d’un engin explosif placé sous sa voiture, attentat qui aurait causé la perte de ses jambes. Après une année de soins en Irak, Monsieur (A) serait parti en Iran, accompagné de son épouse, afin de se voir prodiguer des soins adéquats et ses enfants restés en Irak y auraient été déscolarisés en raison de menaces et d’attaques de la part de membres des milices. Les appelants signalent encore que courant 2015, l’enfant Sameer se serait fait renverser par une voiture de couleur jaune, incident à la suite duquel ils seraient retournés en Irak. Monsieur (A) aurait ensuite décidé d’ouvrir un petit kiosque, mais des inconnus auraient saccagé les lieux en sa présence. Finalement, ils précisent que des personnes auraient lancé des pierres sur la façade de leur maison et auraient tenté de s’y introduire. Ayant vécu dans une situation d’insécurité permanente, ils auraient alors décidé de quitter l’Irak pour la Turquie où ils auraient connu diverses difficultés notamment liées à leur titre de séjour qu’ils n’auraient pas pu renouveler, ayant pour conséquence leur retour en Irak où ils auraient désormais habité une maison différente. Malgré ce déménagement, à la fin du mois de juillet 2019, un homme aurait tenté de s’introduire dans leur maison, mais suite aux cris de la famille ayant alerté les voisins, l’homme se serait enfui à bord d’une voiture jaune identique à celle qui avait renversé l’enfant Sameer.

Après ce dernier incident, ils auraient décidé de quitter définitivement l’Irak en date du 3 août 2019.

En droit, ils estiment qu’il serait indéniable qu’ils auraient été directement victimes de multiples attaques et menaces répétées et incessantes en raison de leur mariage interconfessionnel faisant d’eux des cibles pour les milices chiites et que les actes invoqués rentreraient dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-

après « la Convention de Genève ». Ainsi, il se dégagerait de nombreux articles et rapports que les milices chiites établies en Irak seraient à l’origine de multiples violences aveugles et attaques ciblées principalement envers les individus de confession musulmane sunnite, renvoyant dans ce contexte plus particulièrement à une déclaration publique de février 2016 de l’organisation internationale Amnesty International, intitulée « Irak. Les crimes de guerre commis à Muqdadiya sont révélateurs de l'incapacité persistante des autorités à demander des comptes aux milices », à un rapport publié en mars 2019 par l’European Asylum Support Office (EASO), devenu actuellement l’European Union Agency for Asylum (EUAA), intitulé « Rapport d’information sur les pays d'origine Iraq Individus pris pour cible », ainsi qu’à un rapport rendu en 2015 par le Home 9Office britannique, intitulé « Country Information and Guidance Iraq : Security situation in Baghdad, southern governorates and the Kurdistan Region of Iraq (KRI) April 2015 ».

Au vu de ces éléments, les consorts (A à E) affirment que ce serait à tort que le ministre et les premiers juges avaient retenu l’absence de liens entre les faits dont ils auraient été victimes et les motifs énumérés dans la Convention de Genève.

Ils estiment en outre que les faits dont ils ont été victimes seraient d’une gravité telle qu’ils dépassent le seuil fixé à l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 et devraient être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’en omettant respectivement en minimisant ces faits, les premiers juges auraient commis une erreur manifeste d’appréciation. Dans ce contexte, les appelants signalent que les attaques perpétrées par les milices chiites resteraient, pour la majorité, impunies en raison de l’influence et la place des milices au sein du gouvernement, renvoyant sur ce point à un rapport d’Amnesty International, intitulé « Evidence of war crimes by government-backed Shi’s militias ». Partant, ce serait à tort que le ministre et les premiers juges auraient estimé que les autorités irakiennes leur avaient fourni une protection adéquate en indiquant que lesdites autorités auraient diligenté une enquête suite à l’attentat dont Monsieur (A) aurait été victime.

Quant à la qualification d’acteurs, en se référant à l’article 28 de la loi du 18 décembre 2015, ils exposent que les milices chiites en Irak auraient des pouvoirs extrêmement étendus et que les personnes persécutées par ces milices ne pourraient malheureusement pas bénéficier de la protection de l’Etat qui demeurerait impuissant face à ces derniers, de sorte qu’ils n’auraient pas eu d’autre solution que de fuir et de quitter leur pays d’origine afin de solliciter la protection internationale.

Quant à la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, sur base des articles 2, point g), et 48, points b) et c), de la loi du 18 décembre 2015, les appelants soutiennent qu’ils auraient été la cible de faits qui revêtiraient une gravité suffisante au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, relevant encore une fois que le pouvoir des milices en Irak deviendrait de plus en plus notable et que l’Etat irakien serait impuissant face aux milices chiites, de sorte que leur situation ne pourrait s’améliorer. Ainsi, un décret du 8 mars 2018 aurait reconnu aux milices irakiennes les mêmes droits et privilèges qu’aux forces armées conventionnelles, notamment en ce qui concerne l’attribution de ressources financières. Finalement, ils se réfèrent à une note de recherche n° 68 de l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire du Ministère des Armées français suivant laquelle les milices irakiennes cumuleraient la double casquette d’acteur étatique et paraétatique, ayant à la fois un pied à l’intérieur et à l’extérieur de l’Etat irakien, et que lesdites milices bénéficieraient, encore à l’heure actuelle, d’une immunité et de pouvoirs très étendus en Irak. Ce serait partant à tort que le ministre, tout comme le tribunal, avait conclu qu’ils n’encourraient pas un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, en cas de retour dans leur pays d’origine, étant encore relevé à cet égard qu’ils ne pourraient obtenir de protection adéquate à l’encontre de ces atteintes dans leur pays d’origine.

Les consorts (A à E) soutiennent dès lors remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié, sinon celui conféré par la protection subsidiaire.

10L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel à partir des développements et conclusions du tribunal y contenus.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L'octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes 11graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, les consorts (A à E) disent craindre d’être exposés à des persécutions de la part de membres de milices chiites en raison du mariage interconfessionnel de Monsieur (A) et de Madame (B) et avoir fait l’objet de plusieurs agressions physiques et de menaces entre 2014 et 2019.

La Cour est cependant amenée à confirmer les premiers juges dans leur conclusion selon laquelle les faits et considérations ainsi invoqués par les appelants ne justifient pas à suffisance l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui conféré par la protection subsidiaire.

A cet égard, la Cour rejoint entièrement et fait sienne l’analyse exhaustive faite par les premiers juges des motifs invoqués à la base de la demande de protection internationale par rapport aux conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire, et de la conclusion en tirée selon laquelle les consorts (A à E) ne font pas état d’éléments suffisants permettant de justifier une crainte fondée de persécution au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, ni de motifs sérieux et avérés de croire qu’ils courent en Irak un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la même loi.

Plus particulièrement, concernant l’explosion du véhicule de Monsieur (A) survenu le 12 décembre 2014 ayant causé la perte de ses jambes, mis à part le constat que ce fait remonte à pratiquement dix ans, la Cour, à l’instar du tribunal, se doit de constater que les circonstances et la motivation à la base de cet évènement, d’une gravité certaine, demeurent inconnues et que ce fait, à lui seul, n’est pas de nature à établir dans le chef des appelants une crainte fondée d’être persécutés en cas de retour en Irak, fondée sur un des critères de l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015. Pour le surplus, il y a lieu de constater que suite à l’incident du 12 décembre 2014, Madame (B) a porté plainte auprès de la police, et que par la suite les policiers se sont déplacés à l’hôpital pour prendre la déposition Monsieur (A), de sorte qu’il résulte des propres déclarations des appelants que la police a diligenté une enquête pour ce fait et qu’ils ne peuvent 12pas soutenir que les autorités irakiennes auraient été défaillantes à cet égard, sans que cette constatation ne soit énervée par le fait que l’enquête n’ait pas abouti.

Concernant ensuite les autres faits invoqués par les consorts (A à E), à savoir les menaces reçues en raison du mariage interconfessionnel des époux (AB), le fait que l’enfant Sameer avait été heurté par une voiture en 2015, la destruction du magasin tenu par Monsieur (A) par des personnes non autrement identifiées en 2016, la voiture jaune ayant tenté de percuter Madame (B) en 2016, les pierres jetées sur la façade du domicile familial en 2017 et la tentative d’intrusion dans le domicile familial en 2019, la Cour constate que ces incidents, mis à part qu’ils ne sont pas d’une gravité suffisante pour valoir comme actes de persécution, ont été perpétrés par des personnes inconnues, sans que la motivation à la base de ces faits ne soit établie, de sorte que l’affirmation des appelants en ce que les auteurs de ces faits seraient des miliciens chiites reste en l’état de pure allégation.

Finalement, concernant l’argumentation des appelants selon laquelle les milices chiites en Irak auraient des pouvoirs extrêmement étendus et les personnes persécutées par ces milices ne pourraient pas bénéficier de la protection de l’Etat qui demeurerait impuissant face à ces derniers, la Cour, à l’instar du tribunal, retient que même s’il se dégage des éléments à sa disposition que l’armée irakienne et les milices travaillent ensemble dans la lutte contre « l’Etat islamique », il n’est pas établi en cause que lesdites milices auraient une quelconque influence sur les autorités policières irakiennes empêchant les appelants de solliciter l’assistance de ces dernières, respectivement bénéficieraient d’une impunité pour d’éventuelles infractions commises.

Dans ces conditions, la Cour arrive à la conclusion, à l’instar du tribunal, que les craintes exprimées par les appelants d’être victimes de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 doivent être qualifiées de purement hypothétiques et s’analysent ainsi plutôt en l’expression d’un simple sentiment de peur qu’en une crainte fondée de persécution ou un risque réel de subir des atteintes graves au sens de ladite loi.

Il suit de ce qui précède que les appelants n’ont pas fait état et n’ont pas établi des raisons de nature à justifier dans leur chef dans leur pays d’origine une crainte actuelle et fondée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait actuellement des motifs avérés et sérieux de croire qu’ils encourraient, en cas de retour en Irak, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, la Cour est amenée à retenir que la situation qui prévaut actuellement en Irak ne correspond pas à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015.

Les appelants sollicitent encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale comme conséquence de l’octroi d’un des statuts de protection internationale. En ordre subsidiaire, ils soutiennent que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au motif qu’un retour en Irak serait suivi de persécutions.

13Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux consorts (A à E) le statut de protection internationale et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 qui dispose que : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

En effet, dans la mesure où la Cour vient de confirmer l’absence de fondement des craintes alléguées, le renvoi des appelants en Irak ne saurait être incompatible avec ledit article 129.

L’appel n’étant dès lors pas justifié, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 27 octobre 2023 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants ;

partant, confirme le jugement entrepris du 29 septembre 2023 ;

donne acte aux appelants qu’ils déclarent être bénéficiaires de l’assistance judiciaire ;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour Colette ….

14 s. … s. SPIELMANN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 décembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49632C
Date de la décision : 19/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-19;49632c ?

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