N° 04 / 2024 du 04.01.2024 Numéro CAS-2023-00015 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre janvier deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Anne MOROCUTTI, conseiller à la Cour d’appel, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.
Entre PERSONNE1.), demeurant à E-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 166/22 - I - CIV, rendu le 13 juillet 2022 sous le numéro CAL-2019-00507 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 30 janvier 2023 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), déposé le 31 janvier 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 28 mars 2023 par PERSONNE2.) à PERSONNE1.), déposé le 29 mars 2023 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué et les pièces de procédure auxquels la Cour peut avoir égard, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, statuant dans le cadre d’une instance en divorce, avait « donn[é] acte aux parties de ce qu’elles déclarent être mariées sous les effets du régime légal catalan ; dit qu’il sera procédé à la liquidation et au partage de l’indivision de biens existant entre parties ».
Le même tribunal, statuant à la suite d’un procès-verbal de difficultés dressé par le notaire commis, après avoir relevé que les parties avaient établi au Luxembourg leur première résidence commune après leur mariage et après avoir « constat[é] que PERSONNE1.) reste en défaut d’établir que postérieurement à leur mariage, les parties ont valablement modifié la loi applicable à leur régime matrimonial », avait « constat[é] partant que les parties étaient mariées sous les effets de la communauté légale de droit luxembourgeois ; ordonn[é] la liquidation et le partage de la communauté de biens qui existait entre parties et la reprise de leurs biens propres ».
La Cour d’appel, par réformation, avait « dit que PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont valablement soumis, au cours du mariage, à partir du 2 décembre 1994 leur régime matrimonial à la loi catalane ; [dit que] partant depuis cette date, PERSONNE1.) et PERSONNE2.) étaient mariés sous les effets de la séparation de biens de droit catalan ; ordonn[é] la liquidation et le partage de l’indivision de biens ayant existé entre les parties ».
La Cour de cassation avait cassé cet arrêt au motif que les juges d’appel avaient violé les dispositions de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux en attribuant à des actes notariés des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995 la portée d’une stipulation expresse portant désignation d’une loi applicable au régime matrimonial des parties.
Statuant sur renvoi, la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 1351 du code civil qui dispose que En ce que à l’arrêt attaqué a recevables, les dit non fondés, confirme le jugement entrepris », Alors que par application de l’article 1351 du code civil autorité de la chose jugée est attachée aux jugements rendus précédemment entre les mêmes parties dans le cadre d’une affaire ayant le même objet et la même cause ; qu’un premier jugement du 24 juin 2014 ayant , qu’ensuite l’arrêt entrepris a confirmé le jugement du 25 avril 2019 ayant de sorte qu’il est établi que l’arrêt entrepris ne pouvait confirmer ce jugement sans violer l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement du 24 juin 2014 qui a ordonné la liquidation et le partage d’une indivision de biens de droit catalan ; ».
Réponse de la Cour L’autorité de la chose jugée bénéficie à la décision contentieuse par laquelle le juge rend une décision sur un aspect de l’instance après avoir contrôlé les éléments de fait et de droit.
Ayant exposé dans les motifs de son jugement du 24 juin 2014 que les époux « n’ont pas conclu de contrat de mariage et déclarent tous les deux être mariées sous le régime matrimonial de la séparation des biens comme ce régime serait le régime légal catalan » et « [s]i initialement les parties ont demandé la liquidation de leur communauté, elles soutiennent actuellement être mariées sous l’effet du régime matrimonial de la séparation des biens en tant que régime légal catalan et demandent la liquidation de leur indivision. Il y a lieu de donner acte aux parties de ce qu’elles déclarent être mariées sous les effets du régime légal catalan et commettre, à la demande des parties, Maître Paul DECKER, notaire de résidence à Luxembourg, de la liquidation de leur indivision », pour retenir dans le dispositif qu’il « donne acte aux parties de ce qu’elles déclarent être mariées sous les effets du régime légal catalan ; dit qu’il sera procédé à la liquidation et au partage de l’indivision de biens existant entre parties », le Tribunal d’arrondissement n’a consacré aucune motivation propre à la question du droit applicable au régime matrimonial des parties, de sorte que la référence au régime légal catalan figurant dans le dispositif du jugement n’emporte pas autorité de chose jugée.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation du principe de cohérence, plus communément nommé estoppel ;
En ce que à l’arrêt attaqué a recevables, les dit non fondés, confirme le jugement entrepris », Alors que qu’il résultait clairement d’un jugement 24 juin 2014 que les deux parties avaient déclaré être mariés sous le régime de séparation de biens de droit catalan ayant conduit à ordonner la liquidation de leur régime d’indivision sur cette base, puis dans le cadre des opérations de liquidation, PERSONNE2.) a déclaré que tel ne serait pas le cas et qu’elle serait mariée sous le régime de la communauté légale de droit luxembourgeois, cette volte-face étant contraire au principe de cohérence et aurait dû se voir opposer une fin de non-recevoir ; qu’en confirmant le jugement du 25 avril 2019, l’arrêt entrepris a violé le principe d’estoppel ; ».
Réponse de la Cour La violation d’un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale.
Le demandeur en cassation n’invoque pas de texte de loi qui exprimerait le principe énoncé au moyen ni une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
le condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Marc THEWES, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier en chef Viviane PROBST.
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre PERSONNE2.) (CAS-2023-00015 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour d’appel le 31 janvier 2023, le mandataire de PERSONNE1.) a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt no 166/22/-I-CIV, contradictoirement rendu entre parties le 13 juillet 2022, par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile.
Le mémoire déposé par la partie demanderesse en cassation, ayant été signifié le 30 janvier 2023, à la partie adverse, donc antérieurement à son dépôt, le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en sa qualité de mandataire de PERSONNE2.), a fait signifier le 28 mars 2023, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour d’appel le 29 mars 2023.
Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été signifié dans les forme et délai de la loi précitée du 18 février 1885.
Faits et rétroactes PERSONNE2.) et PERSONNE1.) sont tous les deux de nationalité espagnole. Ils se sont connus au Luxembourg en 1987 et se sont installés ensemble à la même adresse au Luxembourg. Ils se sont mariés à ADRESSE3.) en Espagne le 27 avril 1989.
Suivant jugement du 24 juin 2014, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a prononcé le divorce entre les parties, il a statué sur la garde des enfants communs mineurs et sur les secours alimentaires, et il a ordonné la liquidation et le partage de l’indivision des biens existant entre parties et nommé à cette fin le notaire Paul DECKER. Par ordonnance du 15 avril 2015, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a nommé Maître Martine SCHAEFFER pour procéder à la liquidation et au partage.
1 Selon les éléments du dossier, l’arrêt de la Cour d’appel du 13 juillet 2022 a été signifié par exploit d’huissier de justice du 1er décembre 2022 Étant donné que les parties étaient en désaccord sur le régime matrimonial applicable, le notaire SCHAEFFER a dressé un procès-verbal de difficultés, qu’il a déposé au greffe du tribunal d’arrondissement le 7 décembre 2017. Par ordonnance du 17 octobre 2018, le juge-commissaire a renvoyé l’affaire devant le tribunal d’arrondissement afin de statuer sur le régime matrimonial applicable.
Par jugement civil contradictoire du 25 avril 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant sur les difficultés de liquidation de la communauté ayant existé entre les époux PERSONNE2.) et PERSONNE1.) a, notamment, constaté que PERSONNE1.) est resté en défaut d’établir que postérieurement à leur mariage, les parties avaient valablement modifié la loi applicable à leur régime matrimonial, de sorte qu’il a été retenu qu’elles sont mariées sous les effets de la communauté légale de droit luxembourgeois et a ordonné la liquidation et le partage de la communauté de biens existant entre parties et la reprise de leurs biens propres.
Suite à l’appel relevé par PERSONNE1.) de ce jugement, la Cour d’appel a par arrêt du 11 décembre 2019, dit l’appel de PERSONNE1.) recevable et fondé, a dit que PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont valablement soumis, au cours du mariage, à partir du 2 décembre 1994 leur régime matrimonial à la loi catalane, dit qu’à partir de cette date ils sont mariés sous les effets de la séparation de biens de droit catalan, ordonné la liquidation et le partage de l’indivision de biens ayant existé entre parties, confirmé le jugement déféré pour le surplus dans la mesure où il était entrepris, dit la demande de PERSONNE2.) en obtention d’une indemnité de procédure non fondée et condamné cette dernière aux frais et dépens de l’instance avec distraction au profit de son mandataire, qui en avait fait la demande.
Par arrêt du 4 novembre 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 11 décembre 2019, déclaré nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remis les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et les a renvoyées devant la Cour d’appel, autrement composée, pour être fait droit.
La Cour de cassation a, en effet, décidé qu’ « en retenant, après avoir dit que les époux étaient soumis au régime de la communauté légale de droit luxembourgeois, que leur déclaration faite dans les actes notariés de vente des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995 d’ « être mariés sous le régime de la séparation de biens et de vouloir acquérir chacun d’eux la moitié indivise » constituait une stipulation expresse portant désignation d’une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable à leur régime matrimonial, les juges ont violé les articles 6, 11 et 13 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. » Suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2021, la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, a par arrêt du 13 juillet 2022, dit les appels principal et incident recevables, et les a dits non fondés. Elle a partant confirmé le jugement entrepris du 25 avril 2019.
Le pourvoi sous examen est dirigé contre cet arrêt du 13 juillet 2022.
Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré « de la violation de l’article 1351 du code civil qui dispose que « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » En ce que à l’arrêt attaqué a « dit les appels principal et incident recevables, les dit non fondés, confirme le jugement entrepris », Alors que par application de l’article 1351 du code civil autorité de la chose jugée est attachée aux jugements rendus précédemment entre les mêmes parties dans le cadre d’une affaire ayant le même objet et la même cause ; qu’un premier jugement du 24 juin 2014 ayant « dit qu’il sera procédé à la liquidation et au partage de l’indivision de biens existant entre les parties », qu’ensuite l’arrêt entrepris a confirmé le jugement du 25 avril 2019 ayant « ordonné la liquidation et le partage de la communauté de biens existant entre parties et la reprise de leurs biens propres » de sorte qu’il est établi que l’arrêt entrepris ne pouvait confirmer ce jugement sans violer l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement du 24 juin 2014 qui a ordonné la liquidation et le partage d’une indivision de biens de droit catalan ; » Sur le point critiqué de l’arrêt, la Cour a retenu2 :
« Il résulte des éléments du dossier que dans son jugement du 24 juin 2014, le tribunal a donné acte aux parties qu’elles déclaraient être mariées sous les effets du régime légal catalan et a commis un notaire pour procéder à la liquidation de leur indivision.
L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause.
Or, les demandes de donner acte ne sont pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droits à la partie qui les requiert.
Le tribunal n’ayant en l’espèce pas tranché un différend, mais simplement donné acte aux parties de leurs déclarations, l’argument tiré de l’autorité de chose jugée du jugement du 24 juin 2014 quant à la détermination du régime matrimonial des parties, n’est pas fondé. » Selon l’article 1351 du Code civil, visé au moyen:
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. » L’existence de l’autorité de chose jugée est donc subordonnée en premier lieu à l’existence d’un jugement. Selon la jurisprudence l’autorité de la chose jugée ne serait pleinement conférée par 2 Page 4 de l’arrêt dont pourvoi principe qu’aux décisions contentieuses qui tranchent au moins une partie du principal.
L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement3.
La partie du dispositif du jugement du 24 juin 2014, dont la partie demanderesse en cassation tire son argument de l’autorité de chose jugée se lit comme suit :
« donne acte aux parties de ce qu’elles déclarent être mariées sous les effets du régime légal catalan;
dit qu’il sera procédé à la liquidation et au partage de l’indivision de biens existant entre parties;
commet à ces fins Maître Paul DECKER, notaire de résidence à Luxembourg;
désigne Madame le vice-président Alexandra HUBERTY pour surveiller les opérations de liquidation et de partage et faire rapport au tribunal le cas échéant;
dit qu’en cas d’empêchement du notaire ou du magistrat commis, il sera pourvu à leur remplacement par Madame/Monsieur le Président du siège, sur simple requête à lui présentée; » En principe, le jugement de donné acte n'a pas l'autorité de la chose jugée, car il ne s'agit pas d'une décision judiciaire4. Il en va ainsi de l'arrêt qui donne acte d'un désistement intervenu en appel, sans résoudre aucune contestation à propos de ce désistement, et qui ne saurait être, en conséquence, revêtu de l'autorité de la chose jugée. Dès lors, une telle décision ne peut faire obstacle à l'exercice d'une action en nullité à l'encontre dudit désistement, s'il apparaît que ce dernier est irrégulier5. Il en va de même de la décision donnant acte d'une renonciation6.
Dans ces différentes hypothèses, le juge ne décide pas, il ne juge pas. Il se contente de constater un fait susceptible d'avoir des conséquences juridiques. Mais ce constat ne saurait constituer un titre. Comme pour un contrat judiciaire, l'absence d'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle à l'autorité du jugement de donné acte, les constatations du magistrat ayant force probante ; de plus, si le juge a pris parti sur des points litigieux, on considère qu'il a exercé son activité juridictionnelle et les points litigieux qu'il a tranchés sont revêtus de l'autorité de la chose jugée.
Au vu des développements qui précèdent, les juges d’appel ont pu retenir, sans violer la disposition visée au moyen, que « le tribunal n’ayant en l’espèce pas tranché un différend, mais simplement donné acte aux parties de leurs déclarations, l’argument tiré de l’autorité de chose jugée du jugement du 24 juin 2014 quant à la détermination du régime matrimonial des parties, n’est pas fondé. » Il en suit que le moyen est non fondé.
3 Cass., ass. plén., 13 mars 2009, no 08-16.033 , D. 2009. 879 , et les obs. ; D. 2009. 2010 . 169, obs. N. Fricero;
RDI 2009. 429, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2009. 366, obs. R. Perrot 4 Colmar, 13 oct. 1950, D. 1951. 145. – Civ. 1re, 18 juin 1963, Bull. civ. I, no 324. – Civ. 2e, 3 févr. 1965, Bull.
civ. II, no 108. – Civ. 2e, 19 janv. 1967, Bull. civ. II, no 28. – Civ. 2e, 28 nov. 1968, Bull. civ. II, no 288. – Crim. 11 juill. 1973, Bull. crim. no 325. – Civ. 3e, 16 juin 2016, no 15-16.469.
5 Civ. 11 août 1885, DP 1886. 1. 166 6 Civ. 2e, 15 oct. 2009, no 07-20.129 , D. 2010. 173, obs. N. Fricero Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de « de la violation du principe de cohérence, plus communément nommé estoppel ;
En ce que à l’arrêt attaqué a « dit les appels principal et incident recevables, les dit non fondés, confirme le jugement entrepris », Alors que qu’il résultait clairement d’un jugement 24 juin 2014 que les deux parties avaient déclaré être mariées sous le régime de séparation de biens de droit catalan ayant conduit à ordonner la liquidation de leur régime d’indivision sur cette base, puis dans le cadre des opé-
rations de liquidation, PERSONNE2.) a déclaré que tel ne serait pas le cas et qu’elle serait mariée sous le régime de la communauté légale de droit luxembourgeois, cette volte-face étant contraire au principe de cohérence et aurait dû se voir opposer une fin de non-recevoir ; qu’en confirmant le jugement du 25 avril 2019, l’arrêt entrepris a violé le principe d’estoppel » Votre Cour retient que la violation d’un principe général du droit ne donne ouverture à cassation que si ce dernier trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par une juridiction supranationale. Telle a été la jurisprudence constante de votre Cour 7.
Il y a lieu de noter que dans le cadre d’un arrêt no 82/2021 (no CAS-2020-00087) du 6 mai 2021, votre Cour a cependant accepté d’examiner de manière indirecte le principe de cohérence, mais ne s’est pas encore prononcée de manière directe sur la question.
Si votre Cour décide de maintenir sa jurisprudence, il y a lieu de que constater que le demandeur en cassation n’invoque pas de texte de loi qui exprimerait le principe énoncé au moyen, ni une jurisprudence d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe et le moyen serait à déclarer irrecevable.
Si votre Cour devait par contre décider de continuer sur la voie amorcée par l'arrêt du 6 mai 2021 et de suivre la voie de la Cour de cassation française sur ce point, il y a lieu d’en examiner le bien-fondé du moyen.
La Cour de cassation française y voit en effet, en procédure civile, une cause d’irrecevabilité, une nouvelle fin de non-recevoir, plutôt qu’une défense au fond8.
Cette compréhension du principe en délimite la portée : puisqu'il s'agit d'une fin de non-recevoir opposée à la recevabilité des prétentions, l'exigence de cohérence est limitée aux seules 7 Cass. du 15 novembre 2018, n° 109/2018, n° 4017 du registre ; Cass. du 9 juillet 2015, n°71/15, n°3514 du registre ; Cass. du 18 décembre 2014, n°87/14, n°3405 du registre ; Cass. du 26 octobre 2017, n° 74/2017, numéro 3850 du registre, Cass. du 22 mai 2003, no 33/03, n° 1983 du registre 8 Civ. 1re, 6 juill. 2005, no 01-15.912 , D. 2006. 1424, note E. Agostini ; D. 2005. 3050, obs. Th. Clay ; Rev. crit.
DIP 2006. 602, note H. Muir Watt ; RTD com. 2006. 309, obs. E. Loquin ; JCP 2005. I. 179, no 6, obs. J.
Ortscheidt ; Gaz. Pal. 24 févr. 2006, p. 18, note F. Train ; Rev. arb. 2005. 993, note P. Pinsolle ; JDI 2006. 608, note M. Béhar-Touchai prétentions objet du litige; elle ne s'étend pas aux allégations formulées par le plaideur au soutien de ses prétentions. Moyennant quoi, pour demander la même chose, un plaideur est parfaitement en droit d'invoquer en appel des moyens nouveaux, même si ces moyens nouveaux contredisent, ceux qu'il avait développés en première instance910.
C'est ainsi que « la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir11.
À noter que cette jurisprudence en faveur de l’estoppel est aujourd’hui contestée dans son utilité et sa maturité.12 Sur le point considéré les juges du fond ont fait application de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation française du 6 juillet 2005, sans pour autant y appliquer les nuances développées postérieurement à 2005, et ont retenu :
« Concernant le principe de cohérence, il y a lieu de rappeler que l’estoppel est une fin de non-
recevoir fondée sur l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, autrement qualifiée d’exception d’indignité́ ou principe de cohérence. Ce principe s’oppose ainsi à ce qu’une partie puisse invoquer une argumentation contraire à celle qu’elle a avancée auparavant (JCL Procédure civile, Moyens de défense - Règles générales, fasc.128, n° 75)13.
Le principe de l’estoppel concerne essentiellement les relations contractuelles et il implique que deux éléments au moins soient réunis : il faut que dans un même litige opposant deux mêmes parties, il y ait, d’une part, un comportement sans cohérence de la partie qui crée une apparence trompeuse et revient sur sa position qu’elle avait fait valoir auprès de l’autre partie, trompant ainsi les attentes légitimes de cette dernière et, d’autre part, un effet du changement de position pour l’autre partie, qui est conduite elle-même à modifier sa position initiale du fait du comportement contradictoire de son adversaire qui lui porte préjudice.
Ces deux conditions doivent être réunies pour que l’on puisse faire application de l’estoppel, car il ne peut être question d’empêcher toutes les initiatives des parties et de porter atteinte au principe de la liberté́ de la défense, ni d’affecter la substance même des droits réclamés par un plaideur, en demandant au juge de devenir le censeur de tous les moyens et arguments des parties.
9 Com. 10 févr. 2015, no 13-28.262 , D. 2015. 439 ; D. 2016. 449, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2015. 452, obs. N.
Cayrol . – Civ. 1re, 24 sept. 2014, no 13-14.534 , D. 2014. 1945 ; D. 2015. 669, obs. M. Douchy-Oudot ; RTD civ. 2015. 452, obs. Cayrol ; JCP 2014. 1141, note D. Houtcieff ; JCP E 2014, 1608, note N. Dupont ; LPA 2014, no 237, note F. Brus. – Civ. 2e, 22 juin 2017, no 15-29.202 , RTD civ. 2017. 725, obs. N. Cayrol ; JAC 2017, no 50, p. 12, obs. P. Noual . – Civ. 2e, 15 mars 2018, no 17-21.991 , D. 2018. 623 ; D. actu. 6 avr. 2018, obs. M. Kebir ; 2018, no 138, obs. Y. Strickler ; JCP E 2018, 1311, note N. Dupont. – V. G.
BOLARD, Le droit de se contredire au détriment d'autrui ?, JCP 2015. 146 10 Références jurisprudentielles tirées du Répertoire de procédure civile, Action en justice – Intérêt sérieux et légitime – Nicolas CAYROL – Juin 2019 (actualisation : Septembre 2023) Cass., ass. plén., 27 févr. 2009, no 07-19.841 , D. 2009. 723, obs. X. Delpech ; D. 2009. 1245, note D. Houtcieff ; D. 2010. 169, obs. N. Fricero ; JCP 2009. II. 10073, note P. Callé ; RJ com. 2010. 383, obs. X. Lagarde. – V. N.
DUPONT, L'interdiction de se contredire au détriment d'autrui en procédure civile française, RTD civ. 2010. 459 11 12 Voir pour une analyse critique de la jurisprudence française de la Cour de cassation : Dalloz action Droit et pratique de la procédure civile,Chapitre 293 - Fins de non-recevoir – Serge Guinchard – 2021-2022 13 Ajout de la soussignée: JurisClasseur Procédure civile Fasc. 600-30 : MOYENS DE DÉFENSE. – Généralités §153 L’intimée ayant tout au long de l’instance, fait plaider que les parties étaient mariées sous le régime de la communauté légale, l’argument tiré de la violation du principe de cohérence n’est pas fondé. » Si la notion d’instance est à comprendre comme le litige relatif à la détermination du régime matrimonial applicable, les juges d’appel ont, sans violer le principe visé au moyen, pu retenir que l’intimée ayant tout au long de l’instance fait plaider que les parties étaient mariées sous le régime de la communauté légale, l’argument tiré de la violation du principe de cohérence n’est pas fondé.
Même à considérer l’instance à partir de l’assignation en divorce, la défenderesse en cassation n’a pas changé ses prétentions en cours de procédure.
Le moyen est dès lors à déclarer non fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’État, le premier avocat général Sandra KERSCH 12