GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49346C ECLI:LU:CADM:2024:49346 Inscrit le 23 août 2023
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Audience publique du 23 janvier 2024 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2023 (n° 46433 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de traitement
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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49346C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 23 août 2023 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), enseignant actuellement en retraite, demeurant à L-… …, …, rue ….. , dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 14 juillet 2023 (n° 46433 du rôle), par lequel il a été débouté de son recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du 9 juin 2021 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse refusant de « procéder à la rectification des décharges concernant les leçons données au SFA pour les années scolaires 2016/2017 à 2019/2020 »;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 octobre 2023;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 novembre 2023 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelant;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2023;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 19 décembre 2023.
Par courrier recommandé du 26 décembre 2020, Monsieur (A) adressa au directeur du Service de la formation des adultes, ci-après dénommé « SFA », la demande suivante :
1 « (…) J’ai donné des cours de (B) par voie de décharges en classes de …. de la 2e voie de qualification offerte par le service de la formation des adultes (SFA) pendant les années scolaires 2016/17 à 2019/20.
Vous - respectivement Madame la directrice adjointe (C) avant votre entrée en fonction - avez toujours prétendu que le nombre de leçons à mettre en compte pour une décharge auprès de mon lycée de nomination (D) à …. (D), s’élevait à un total de 10h hebdomadaires, càd 2x4h de cours et 2h de régence. Vous avez avancé que le SFA n’opère pas en tant que lycée du Ministère de l’éducation nationale et ne serait pas sujet aux instructions ministérielles du 17 octobre 2016 respectivement du 11 juillet 2018 portant sur l’organisation scolaire des lycées.
Cependant, les cours dont question ont été organisés en coopération avec des lycées nationaux (école de la deuxième chance - aujourd’hui école nationale pour adultes ENAD, le lycée technique de Bonnevoie LTB ainsi que le lycée technique du centre LTC). Les résultats des élèves ont été discutés et retenus dans des conférences semestrielles et annuelles au sein des lycées partenaires et les bulletins et certifications officielles issus aux élèves ont été établies par les lycées mentionnés.
De cette manière, il est évident que le calcul de mes décharges aurait bel et bien dû se faire suivant les instructions ministérielles mentionnées en haut suivant le tableau en annexe.
Par conséquent, je vous demande de procéder à une rectification des demandes de décharges pour les années scolaires en question auprès du (D) de manière à ce que je puisse bénéficier d’une rémunération (respectivement d’une comptabilisation du congé épargne temps) appropriée rétroactivement.
Dans l’attente d’une réponse affirmative de votre part dans les meilleurs délais, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments distingués. (…) ».
Par décision du 15 janvier 2021, le directeur du SFA refusa de faire droit à cette demande au terme de la motivation suivante :
« (…) J’ai en main votre lettre du 26 décembre 2020, par laquelle vous demandez que nous procédions à une rectification des demandes de décharges pour les années scolaires 2016/17 à 2019/20.
D’un commun accord avec la direction du Service de la formation des adultes et du Lycée (D), vos tâches ont été fixées pour les années en question. Le décompte de la tâche a été signé et approuvé par vous.
Le règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 stipule dans son article 6 (4) : « La somme des décharges qui peuvent être accordées à un enseignant ne peut pas dépasser la tâche normale ».
Comme vous étiez déchargé complétement de vos tâches à (D), une augmentation de tâche n’est pas possible.
Ainsi, il ne m’est pas possible de donner une suite à votre demande. (…) ».
2 Par courrier de son mandataire du 10 février 2021, Monsieur (A) forma un recours hiérarchique auprès du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après dénommé « le ministre », à travers lequel il sollicita l’application des coefficients aux 10 leçons de décharges dispensées auprès du SFA pour les années scolaires 2016/2017 à 2019/2020 sur base des instructions ministérielles respectivement du 17 octobre 2016 et du 11 juillet 2018 concernant l’organisation scolaire des lycées.
Le 9 juin 2021, le ministre confirma la décision du directeur du SFA du 15 janvier 2021.
Cette décision est libellée comme suit :
« (…) En main vos courriers datés du 10 février et du 19 mai 2021 portant recours hiérarchique, pour le compte de votre mandant, Monsieur (A), à l’encontre de la décision du 15 janvier 2021 de Monsieur (F), Directeur du service de la formation pour adultes, par laquelle il a été refusé de procéder à la rectification des décharges de Monsieur (A) concernant ses leçons données au SFA pour les années scolaires 2016/2017 à 2019/2020.
Il s’avère que la rétribution de Monsieur (A) s’est faite moyennant l’attribution de décharges et que cela a été accepté par lui.
Or, Monsieur (A) sait pertinemment que les décharges ne sont pas affectées de coefficients. En acceptant cette façon de procéder, et de surcroît pendant une période considérable, celui-ci a marqué son accord à ce que les cours qu’il a donnés ne soient pas affectés de coefficients.
Je vous renvoie également aux dispositions du règlement grand-ducal modifié du 24 juillet 2007 portant fixation de la tâche des enseignants des lycées et lycées techniques, et notamment à l’article 6(4).
Partant, je vous informe que je confirme la décision du 15 janvier 2021. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2021, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 9 juin 2021 refusant de « procéder à la rectification des décharges concernant les leçons données au SFA pour les années scolaires 2016/2017 à 2019/2020 ».
Par jugement du 14 juillet 2023, le tribunal déclara le recours principal en réformation recevable mais non fondé et en débouta le demandeur, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure du demandeur et condamna celui-ci aux frais de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 23 août 2023, Monsieur (A) a fait régulièrement entreprendre ce jugement.
A l’appui de son appel, il soutient que la décision litigieuse serait entachée d’un défaut de motivation, voire d’une motivation contradictoire, en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », ce qui aurait eu pour effet de porter atteinte à ses droits de la défense. Il reproche au tribunal, à défaut pour l’Etat d’avoir déposé de mémoire en réponse en première instance, d’avoir tenté, via la 3substitution de motifs, à donner lui-même une motivation à la décision litigieuse. Il fait valoir que le directeur du SFA et le ministre auraient fourni des motivations contradictoires voire incompréhensibles à l’appui de leurs décisions respectives et que la motivation en droit ne correspondrait pas à la motivation en fait, de sorte qu’il se serait vu dans l’impossibilité de comprendre les raisons à l’origine du refus litigieux. Il critique également les premiers juges pour ne pas avoir contrôlé la motivation avancée par le ministre et fondée sur son prétendu accord avec la rétribution perçue moyennant l’attribution de décharges.
En deuxième lieu, l’appelant réitère son moyen tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal modifié du 24 juillet 2007 portant fixation de la tâche des enseignants des lycées et lycées techniques, ci-après dénommé « le règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 », selon lequel la somme des décharges qui peuvent être accordées à un enseignant ne peut pas dépasser la tâche normale, en ce que cette disposition ne trouverait pas application en l’espèce. Il soutient que la somme des décharges qui lui ont été accordées, même en tenant compte des 4 leçons au titre de la décharge pour ancienneté, ne dépasserait pas la tâche normale, fixée à l’équivalent de 22 leçons à travers l’article 2, paragraphe (1), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 et que l’application des coefficients ne serait pas de nature à augmenter la tâche normale de 22 leçons. Admettre le contraire reviendrait à reconnaître que tout enseignant devant au minimum prester 22 leçons ne pourrait pas se voir appliquer de coefficients, contrairement aux collègues prestant 22 leçons sans décharges. Il fait encore valoir que si le législateur avait voulu que les leçons effectuées dans le cadre des décharges ne bénéficient pas des coefficients visés à l’article 9 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, il l’aurait expressément prévu. Or, tel ne serait pas le cas. Il ajoute que les coefficients ne seraient attachés qu’aux leçons qui correspondent à un enseignement donné devant une classe, puisqu’ils augmenteraient en raison du nombre d’élèves par classe.
Il souligne encore qu’il ne demanderait pas à avoir plus d’heures de décharges qu’il en a actuellement, mais simplement qu’on lui applique, comme pour tout autre enseignant, les coefficients pour les leçons qu’il donne devant des classes où le nombre d’élèves donne droit aux coefficients, à savoir les coefficients « différenciation interne » (enseignement de 2 niveaux) et les coefficients pour « instruction en 2 langues » (à savoir 10 décharges auprès du SFA).
L’appelant reproche également aux premiers juges d’avoir retenu, en se fondant sur l’annexe du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 qui prévoirait, en vingt-cinquième position, la « décharge accordée pour assurer une tâche d’enseignement dans le cadre de la formation pour adultes » (code COUSO), que les cours donnés au SFA sont nécessairement rémunérés au moyen de décharges, en application de l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007. Or, la question ne serait pas celle de savoir si les cours donnés au SFA sont rémunérés au moyen de décharges, mais si ces cours donnés moyennant décharges peuvent bénéficier des coefficients de l’article 9 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, alors qu’aucune disposition de ce règlement ne l’exclurait. D’ailleurs, les coefficients n’augmenteraient pas le volume du nombre de leçons et donc des décharges accordées.
En troisième lieu, l’appelant critique les premiers juges pour avoir rejeté son moyen tiré d’une violation des instructions ministérielles des 17 octobre 2016 et 11 juillet 2018 concernant l’organisation scolaire des lycées, sinon du principe général de confiance légitime. Il souligne que ces deux instructions ministérielles auraient pour objet notamment de réglementer les coefficients correcteurs applicables aux leçons et le système des décharges et qu’aucune de ces 8 4deux instructions ministérielles n’exclurait expressément les professeurs enseignant dans le cadre de la formation des adultes sous la forme de décharges du bénéfice des coefficients correcteurs. Au contraire, ces deux textes prévoiraient clairement que les décharges accordées pour les activités d’enseignement dans le cadre de la formation des adultes et de l’e-bac peuvent bénéficier des coefficients prévus à l’article 9 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
Selon l’appelant, il serait dès lors évident que les 10 décharges prestées pour le SFA devraient être augmentées des coefficients applicables en fonction des effectifs d’élèves. Il rappelle encore qu’il serait de jurisprudence bien établie que les directives internes d’une autorité administrative, émises dans le cadre de son champ de compétence, s’imposeraient à elle en vertu de l’adage « tu patere legem quam ipse fecisti ».
En dernier lieu, l’appelant reprend le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, tel que prévu par l’article 15 de la Constitution révisée, en ce qu’il se trouverait incontestablement dans une situation similaire à tous ses collègues enseignant au sein des lycées luxembourgeois, en effectuant le même travail, dans les mêmes conditions et selon le même calcul des tâches conformément à l’article 2, paragraphe (1), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, sans pour autant bénéficier des coefficients correcteurs, contrairement à tous ses collègues exerçant la même fonction et ce, en l’absence de toute cause objective, rationnelle et proportionnée susceptible de justifier une telle différence de traitement.
Il reproche aux premiers juges d’avoir rejeté son moyen au motif qu’il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité et qu’il serait resté en défaut d’établir que d’autres enseignants, se trouvant dans la même situation que lui, seraient traités différemment. Il fait valoir qu’il aurait établi qu’accorder le bénéfice des coefficients correcteurs de l’article 9 du règlement grand-
ducal du 24 juillet 2007 aux enseignants donnant des cours via des décharges ne serait pas illégal, mais résulterait dudit règlement lui-même, ainsi que des instructions ministérielles des 17 octobre 2016 et 11 juillet 2018.
D’autre part, à défaut d’avoir accès aux données de rémunération de l’ensemble des enseignants donnant des cours moyennant des décharges, il ne serait pas en mesure de démontrer qu’il est moins bien traité en ne bénéficiant pas des coefficients correcteurs.
L’Etat conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Quant à la légalité externe de la décision contestée En ce qui concerne le moyen tiré d’un défaut de motivation suffisante de la décision ministérielle déférée, les premiers juges sont tout d’abord à confirmer en ce qu’ils ont relevé, au-delà du fait qu’un défaut de motivation formelle d’une décision administrative n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette dernière, mais seulement la suspension des délais de recours, étant donné que l’autorité administrative peut toujours compléter sa motivation, même en cours d’instance, que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’impose pas une motivation exhaustive et précise de la décision de refus, mais n’exige expressément qu’une motivation sommaire des circonstances de fait à sa base et de la cause juridique qui lui sert de fondement.
S’il est vrai, ainsi que les premiers juges l’ont relevé à juste titre, que la motivation de la décision litigieuse du 9 juin 2021 n’a pas été complétée ou précisée par la partie étatique, faute pour celle-ci d’avoir déposé de mémoire en réponse, la Cour rejoint cependant les 5premiers juges en leur constat que la décision querellée est motivée à suffisance de droit, étant donné qu’elle se réfère au règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, et notamment à son article 6, paragraphe (4), et au fait que la rétribution de l’appelant s’est faite moyennant l’attribution de décharges, ce qui aurait été accepté par ce dernier qui aurait été au courant que les décharges ne sont pas affectées de coefficients et qu’il aurait marqué son accord, de surcroît pendant une période considérable, à ce que les cours qu’il a donnés ne soient pas affectés de coefficients.
S’y ajoute que la décision ministérielle querellée a été prise sur recours hiérarchique et qu’elle confirme la décision du directeur du SFA du 15 janvier 2021, de sorte qu’elle fait nécessairement siens les motifs encore invoqués par ledit directeur.
Si l’appelant prétend encore, en termes de réplique, que la simple référence à un article d’un règlement grand-ducal ne serait pas suffisante au regard des exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il convient de relever que la reproduction intégrale des dispositions légales ou règlementaires invoquées dans une décision n’est pas requise par l’article 6 en question.
En ce qui concerne le reproche de l’appelant suivant lequel les premiers juges auraient procédé à une substitution de motifs, la Cour est amenée à constater que ce reproche manque en fait, alors qu’ils n’ont fait que reprendre les considérations de fait et de droit mentionnées par la décision déférée, de sorte qu’aucune atteinte au principe du contradictoire ne saurait être retenue en l’espèce.
Quant au reproche de l’appelant lié à une motivation contradictoire, il ne saurait pas non plus valoir. En effet, il convient de relever que les réponses du directeur du SFA et du ministre donnent suite aux demandes successives de l’appelant, lesquelles ont été précisées au fil de la procédure précontentieuse. Si, à première vue, les réponses du directeur du SFA et du ministre peuvent paraître contradictoires, tel n’est toutefois pas le cas, étant donné qu’ils ne font chacun que répondre aux demandes successives de l’appelant. Ainsi, la décision confirmative peut ajouter des éléments de motivation non contenus dans la première décision.
S’agissant des critiques de l’appelant qui ont plutôt trait à la pertinence ou à la cohérence des motifs invoqués, ces contestations concernent le bien-fondé de la décision déférée et seront examinées ci-après dans le cadre de l’examen du fond du litige.
Le moyen tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 laisse partant d’être fondé sous tous ses aspects.
Quant à la légalité interne de la décision déférée Le litige soumis à la Cour porte essentiellement sur la question de l’applicabilité des coefficients aux décharges accordées à l’appelant pour assurer une tâche d’enseignement dans le cadre de la formation des adultes.
La Cour est ensuite amenée à constater qu’il est constant que l’appelant, bien qu’affecté au Lycée (D) …, n’y a pas exercé de tâche d’enseignement au cours des années scolaires 2016/2017 à 2019/2020, puisqu’il a bénéficié, pour les années en question, de 22 décharges hebdomadaires, correspondant à 4 leçons de décharge pour ancienneté (code ANCIE), à 8 leçons de décharge au bénéfice du ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse (code MINED) et à 10 leçons de décharge pour le SFA (code COUSO), de sorte à 6atteindre le quantum de la tâche normale des professeurs, laquelle est fixée, en application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, à l’équivalent de 22 leçons hebdomadaires.
C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les 4 leçons de décharge pour ancienneté sont à comptabiliser dans le calcul de la tâche normale, puisqu’une décharge pour années d’âge, correspondant à une dispense de travail équivalente, doit nécessairement être comprise dans le décompte des leçons à prendre en compte pour le calcul du volume de la tâche normale, sous peine de ne pas pouvoir avoir l’effet escompté, étant relevé par ailleurs que l’article 8 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, qui traite de la décharge pour ancienneté, se trouve dans la section 4 intitulée « Les modulations de la tâche » du chapitre 3 intitulé « Les éléments de la tâche », ce qui est de nature à conforter l’analyse que cette décharge est prise en compte dans la modulation de la tâche, de même que le fait que l’annexe dudit règlement reprend, parmi le « tableau des décharges prévues à l’article 6 (4) », en dixième position, la décharge accordée pour ancienneté (code ANCIE).
Il s’ensuit que la limite prévue par l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, qui dispose que : « La somme des décharges qui peuvent être accordées à un enseignant ne peut pas dépasser la tâche normale », est respectée en l’espèce, l’appelant ne paraissant plus sérieusement contester en appel que les 4 leçons de décharges pour ancienneté sont à comptabiliser dans le calcul de sa tâche normale.
Il convient partant d’examiner si l’appelant est fondé à prétendre à l’application des coefficients visés à l’article 9 du règlement grand-ducal du 27 juillet 2004 aux leçons d’enseignement données au SFA, Monsieur (A) affirmant ne pas avoir demandé plus d’heures de décharges, mais seulement qu’on lui applique, comme pour tout autre enseignant, les coefficients correcteurs pour les leçons qu’il a données devant des classes où le nombre d’élèves donne droit auxdits coefficients, ainsi que les coefficients « différenciation interne » (enseignement de deux niveaux) et les coefficients pour « instruction en deux langues », correspondant aux 10 décharges auprès du SFA.
Les premiers juges ont valablement dégagé, en ce qui concerne le mode de rétribution des cours donnés par l’appelant au SFA, à partir de l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 qui dispose en son premier alinéa, première phrase, que : « Les activités connexes sont rémunérées soit par indemnités, soit moyennant décharge de la tâche d’enseignement », et de l’annexe dudit règlement grand-ducal où figure, parmi le « tableau des décharges prévues à l’article 6(4) », en vingt-cinquième position, « la décharge accordée pour assurer une tâche d’enseignement dans le cadre de la formation des adultes » (code COUSO), que les cours donnés au SFA sont nécessairement rémunérés au moyen de décharges.
La Cour est ensuite amenée à retenir, tel que le soutient la partie intimée, que les décharges sont un mode de rémunération de la tâche d’enseignant et les coefficients un mode de calcul de la rémunération en fonction du nombre d’élèves par classe, du nombre de niveaux (« différenciation interne ») et de l’enseignement donné en plusieurs langues (« instruction en 2 langues »).
Il s’ensuit que, contrairement à ce qui est affirmé par l’appelant, par l’application des coefficients, la tâche de l’enseignant se trouve affectée dans son volume et c’est exactement pour ce motif que, lors de la computation des éléments de la tâche, sont tout d’abord comptabilisés les cours avec coefficients et dans un deuxième temps seulement les décharges, 7conformément aux dispositions de l’article 12 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, qui régit le mode de computation des différents éléments de la tâche et qui est libellé comme suit :
« Pour établir le volume de la tâche, les différents éléments sont mis en compte dans l’ordre suivant :
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en premier lieu figurent les leçons d’enseignement qui sont à grouper en commençant par les cours qui comportent les coefficients les plus élevés;
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en second lieu figurent les leçons de décharge (…) ».
Les coefficients supérieurs à 1 sont applicables jusqu’à concurrence de la tâche règlementaire. Au-delà de ce seuil, pour les cours dotés d’un coefficient supérieur à 1, le coefficient 1 est mis en compte. (…) ».
Il ressort ainsi de cette disposition que les leçons de décharge sont mises en compte différemment des leçons d’enseignement comportant des coefficients et uniquement après ces dernières, ce qui permet de conclure que la volonté du législateur était de différencier les leçons d’enseignement avec coefficients, des décharges, seules les premières étant affectées de coefficients.
C’est dès lors à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande de l’appelant et le moyen tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007 laisse d’être fondé.
Quant au moyen tiré d’une violation des instructions ministérielles des 17 octobre 2016 et 11 juillet 2018 et, plus particulièrement, du point 2.2.1 intitulé « MODULATION DE LA TACHE-COEFFICIENTS », indépendamment de la question de savoir si ces instructions sont applicables en l’espèce, étant donné qu’elles concernent l’organisation scolaire des lycées et des lycées techniques et que l’appelant était entièrement déchargé de sa tâche d’enseignement auprès du Lycée (D) … au profit du ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse et du SFA, ce dernier ne pouvant a priori être assimilé à un lycée, d’une part, et de la question de la force obligatoire de ces circulaires, d’autre part, il convient de relever que le point 2.2.1 en question ne fait que reprendre le texte de l’article 10, point e), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, selon lequel seuls « les cours assurés par les professeurs, professeurs d’enseignement technique, instituteurs et maîtres d’enseignement dans le cadre de la formation des adultes et préparant à un diplôme de l’enseignement secondaire classique ou de l’enseignement secondaire général, sont affectés des mêmes coefficients que les cours correspondants de l’enseignement de jour augmentés de 0,15. Ces coefficients varient en fonction des effectifs d’élèves suivant les tableaux reproduits à l’article 9 ci-dessus. Les autres cours sont affectés du coefficient 1 (…) ».
Or, dès lors qu’il n’est pas contesté en cause que les cours assurés par l’appelant dans le cadre de la formation des adultes n’ont pas préparé à un des deux diplômes de fin d’études secondaires, étant donné qu’il était chargé d’une classe de …..ème et d’une classe de …..ème et ne remplissait donc pas la deuxième condition cumulative prévue dans le cadre de la décharge COUSO, il n’est pas fondé à prétendre à l’application des coefficients de l’article 9 du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007.
Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation des instructions ministérielles des 17 octobre 2016 et 11 juillet 2018, voire du principe de la légitime confiance, est également à rejeter.
8 Enfin, concernant le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, tel que consacré par l’article 15 du texte révisé de la Constitution selon lequel les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, l’appelant faisant valoir en substance qu’il serait discriminé par rapports aux enseignants des lycées luxembourgeois qui auraient eux-mêmes droit à l’application des coefficients, il convient de relever que non seulement en appel l’appelant reste en défaut de démontrer que d’autres enseignants, se trouvant dans la même situation que lui, à savoir en donnant des cours exclusivement dans le cadre d’une décharge au sens de l’article 6, paragraphe (4), du règlement grand-ducal du 24 juillet 2007, seraient traités différemment, mais en plus la Cour se doit de relever que la situation de l’appelant dispensant des cours au SFA n’est pas suffisamment comparable aux professeurs qui enseignent dans les lycées, pour voir mettre en œuvre utilement l’application de l’article 15 de la Constitution révisée.
Le moyen tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement est partant à rejeter comme non fondé.
Il se dégage de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé sous tous ses aspects et que le jugement dont appel est à confirmer.
Au vu de l’issue du litige, les demandes en allocation d’une indemnité de procédure, telles que formulées par l’appelant tant pour la première instance, que pour l’instance d’appel, chaque fois d’un montant de 1.250 euros, sont à rejeter.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel recevable ;
au fond, dit l’appel non justifié ;
partant, en déboute l’appelant ;
confirme le jugement entrepris du 14 juillet 2023 ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par l’appelant ;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
9Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour …… ….
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