GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49086C ECLI:LU:CADM:2024:49086 Inscrit le 27 juin 2023 Audience publique du 1er février 2024 Appel formé par les époux (A) et (B), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 mai 2023 (n° 45373 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49086C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 27 juin 2023 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux (A) et (B), demeurant ensemble à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 mai 2023 (n° 45373 du rôle) à travers lequel le tribunal a déclaré recevable en la forme mais non justifié au fond leur recours en annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 15 septembre 2020 portant approbation de la délibération du conseil communal de Hesperange du 18 novembre 2019 ayant porté adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Hesperange, en ce qu’ils contestent le bien-fondé du classement comme construction à préserver de leur maison d’habitation sise à Hesperange, …, rue de Bettembourg, inscrite au cadastre de la commune de Hesperange, section A de Hesperange, sous le numéro cadastral … ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luana COGONI, en remplacement de l’huissier de justice Véronique REYTER, les deux demeurant à Esch-sur-Alzette, immatriculées près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 6 juillet 2023 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Hesperange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale au 474, route de Thionville à L-5886 Hesperange ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-
1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, représentée par ses gérants en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265322, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au 1tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 octobre 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Hesperange ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 octobre 2023 par Maître Olivier LANG au nom des appelants ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2023 par Maître Steve HELMINGER au nom de l’administration communale de Hesperange ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 novembre 2023 par Maître Albert RODESCH, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Vu les accords respectifs des mandataires des parties avec une prise en délibéré de l’affaire sans autres formalités ;
Sur rapport du magistrat-rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 5 décembre 2023 ;
Vu la rupture du délibéré du 14 décembre 2023 portant fixation d’une visite des lieux ;
Vu la visite des lieux du 8 janvier 2024 à l’issue de laquelle l’affaire a été reprise en délibéré.
Lors de sa séance publique du 25 février 2019, le conseil communal de Hesperange, ci-après « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Hesperange qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier du 2 avril 2019, Madame (B) et son époux, Monsieur (A), ci-après « les époux (A-B) », soumirent au collège échevinal leurs observations et objections à l’encontre dudit projet d’aménagement général en ce qui concerne notamment le classement de leur maison sise à Hesperange, …, rue de Bettembourg, érigée sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Hesperange, section A de Hesperange, sous le numéro …, comme « construction à conserver ».
Lors de sa séance publique du 18 novembre 2019, le conseil communal adopta ledit projet d’aménagement général « […] tel qu’il a été modifié conformément à l’article 14 de la loi modifiée 2du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain » et « pri[a] les autorités supérieures compétentes de bien vouloir approuver la présente délibération ».
En ce qui concerne les objections introduites par les consorts (A-B), le conseil communal décida de suivre la prise de position du collège échevinal formulée comme suit : « […] Zusammenfassung der Reklamation […] …, rue de Bettembourg │Hesperange:
2. Ablehnung der Klassierung als SEPIC.
[…] Stellungnahme von … […] …, rue de Bettembourg│Hesperange :
2. Der Denkmalschutz wurde in mehreren Ortsbegehungen und einer ausführlichen Arbeitssitzung (2018) mit dem SSMN festgesetzt. Ziel ist der Erhalt der identitätsstiftenden Struktur und die Vermeidung der Überformung der Hauptachse der Gemeinde. Auf der in Rede stehenden Parzelle befindet sich eine identitätsstiftende Wohnbebauung, die für den Straßencharakter der rte. de Thionville von großer Bedeutung ist. […] ».
Par courrier de leur mandataire du 9 décembre 2019, les consorts (A-B) introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération, précitée, du conseil communal du 18 novembre 2019 portant adoption du projet d’aménagement général.
Par décision du 15 septembre 2020, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 18 novembre 2019 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du projet d’aménagement général. La réclamation introduite par les époux (A-B) fut cependant déclarée non fondée. Les passages afférents de la décision ministérielle en question sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamation (B) et (A) (rec 24) […] Les réclamants contestent en second lieu le classement de la maison d’habitation implantée sur la parcelle cadastrale n°…, sise à Hesperange, comme « construction à conserver » ainsi que son classement en « secteur protégé de type "environnement construit" », en invoquant l’inconstitutionnalité et l’illégalité du règlement du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général, sinon une erreur manifeste d’appréciation.
3A cet égard, il y a tout d’abord lieu de constater que le « secteur protégé de type "environnement construit" » à cet endroit est cohérent et que son étendue s’avère justifiée alors qu’il couvre le noyau historique d’Hesperange, son centre-ville, le quartier de l’Eglise et sa rue principale.
De même, la maison d’habitation est effectivement à classer comme « construction à préserver », alors que les critères de l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune sont réunis.
Cependant, en présence d’un projet plus concret couvrant les fonds litigieux et permettant de répondre à l’objectif ayant trait à une densification adaptée et d’un renforcement de la mixité des fonctions urbaines en ces lieux, une suppression de ladite servitude pourra à moyen ou long terme être envisagée.
Au niveau de la prétendue inconstitutionnalité de ce type de servitude, il y a lieu de rappeler que les juridictions administratives ont à plusieurs reprises rejeté l’argumentation tirée de la violation de l’article 16 de la Constitution. Il a ainsi été retenu que l’article 16 de la Constitution n’érige pas le droit de propriété en tant que tel en matière réservée à la loi, mais seulement les expropriations pour cause d’utilité publique. Or, s’il est exact que les servitudes du plan d’aménagement général sont susceptibles de restreindre l’usage du droit de propriété en interdisant, par exemple, la démolition pure et simple des immeubles concernés ou en soumettant leur transformation à certaines contraintes, elles n’entravent néanmoins pas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation. Ces servitudes ne tombent, dès lors, pas dans le champ d’application de l’article 16 de la Constitution et peuvent être prévues par voie réglementaire.
La réclamation est donc non fondée sur ce point. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2020, les époux (A-B) firent introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 15 septembre 2020 approuvant la délibération du conseil communal de la du 18 novembre 2019 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de Hesperange.
Par jugement du 17 mai 2023, le tribunal déclara ce recours recevable, mais non fondé et en débouta les demandeurs, tout en rejetant leur demande en allocation d’une indemnité de procédure et en les condamnant aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 27 juin 2023, les époux (A-B) ont fait entreprendre ce jugement du 17 mai 2023 dont ils sollicitent la réformation dans le sens de voir annuler la décision ministérielle attaquée avec renvoi devant le ministre et de condamnation de l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000.- €, ainsi qu’aux dépens des deux instances.
Les parties publiques se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel.
L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
4 Il convient de noter tout d’abord que le recours de première instance était dirigé contre la seule décision ministérielle d’approbation et qu’également en instance d’appel l’annulation de cette seule décision ministérielle est requise, même si certains éléments des moyens invoqués s’adressent également, ne fût-ce qu’indirectement ou implicitement, contre la décision communale d’adoption du classement à la base.
Tout comme en première instance, les appelants invoquent trois séries de moyens.
En premier lieu, ils réitèrent leur moyen suivant lequel la décision ministérielle d’approbation critiquée serait à annuler pour défaut de motivation suffisante.
En second lieu, ils critiquent le classement de leur immeuble en « secteur protégé de type « environnement construit C » ». Pareil classement ne se justifierait pas en l’espèce, de sorte qu’ici encore la décision ministérielle d’approbation encourrait l’annulation.
En troisième lieu, les appelants critiquent le classement de leur immeuble en « construction à conserver ».
En ordre principal, ils concluent à l’annulation de la décision ministérielle d’approbation critiquée en conséquence de l’annulation à prononcer par rapport à l’inclusion de ce même immeuble en secteur protégé de type « environnement construit C ».
En ordre subsidiaire, ils estiment que les conditions prévues par la réglementation communale d’urbanisme en vigueur ne permettraient aucunement le classement de leur immeuble en « construction à conserver », celui-ci ne comportant nullement des éléments suffisants justifiant pareil classement.
Les parties publiques, chacune en ce qui la concerne, sollicitent la confirmation du jugement dont appel, en substance sur base des motifs et considérations y déployés.
Le juge administratif n’est pas le notaire des arguments des parties, mais il lui appartient de dégager des réponses pertinentes aux moyens soulevés en prenant en considération les éléments de fait et de droit pertinents de nature à sous-tendre la solution dégagée.
La Cour a organisé une visite des lieux avec comparution des parties ensemble leurs mandataires, lors de laquelle elle a pu recueillir les explications respectives des représentants des parties dont les positions se trouvent à tel point opposées qu’aucun solutionnement ni aucune conciliation permettant de joindre au diapason les parties respectives n’ont été possible.
En ce qui concerne le moyen de légalité externe soulevé par les appelants consistant dans le fait par eux invoqué d’une motivation insuffisante de la décision ministérielle d’approbation critiquée concernant le double classement de leur immeuble en secteur protégé de type « environnement construit C » et en « construction à conserver », il y a tout d’abord lieu de retenir que cette décision concrétise l’approbation du PAG refondu de la commune de Hesperange dont la procédure d’adoption et d’approbation s’analyse globalement en acte à caractère réglementaire.
5 S’il est entendu d’après une jurisprudence constante que pour les actes à caractère réglementaire les règles de procédure administrative non contentieuse se dégageant de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ne s’appliquent pas directement, dont plus particulièrement les articles 6 et 7 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 concernant l’existence et l’indication de motifs légaux à la base des décisions administratives prises, il n’en reste pas moins qu’une retraçabilité des éléments ayant justifié un classement d’un immeuble au niveau d’un acte à caractère réglementaire, tel le PAG refondu, s’impose néanmoins en la matière.
Même si au niveau du déroulement de la procédure d’adoption et d’approbation du PAG refondu de la commune de Hesperange concernant plus particulièrement le classement de l’immeuble des appelants, la retraçabilité des éléments ayant justifié le double classement actuellement critiqué n’a pas été entièrement limpide à tous les niveaux de la procédure, il n’en reste pas moins, compte tenu de l’ensemble des explications fournies notamment en phase contentieuse, le cas de figure n’est pas tel que les déficiences mises en exergue par les appelants justifient l’annulation de la décision ministérielle critiquée, ce d’autant plus qu’à un niveau quelque peu parallèle de la procédure administrative non contentieuse, un défaut d’indication des motifs n’entraînerait ici encore qu’une suspension des délais de recours.
Le jugement dont appel est dès lors à confirmer en ce que le moyen des appelants tenant à un défaut de motivation suffisante s’analysant concrètement en un défaut d’indication des motifs, a été rejeté.
En ce qui concerne le classement de l’immeuble des appelants en secteur protégé de type « environnement construit C », la Cour peut retracer, à partir des arguments valables mis en avant par les parties publiques qu’une approche sectorielle a été favorisée en ce qui concerne à la fois le noyau de la localité de Hesperange constitué par l’église et les immeubles avoisinants, d’un côté, situé à moins d’une centaine de mètres de l’immeuble des appelants, ainsi que, surtout, la proximité, certes en hauteur mais en situation de vue directe par rapport audit immeuble, des ruines subsistantes du Château de Hesperange et de ses fortifications.
Il se dégage de l’ensemble des éléments du dossier que c’est la relative proximité de l’immeuble litigieux par rapport au centre de la localité constitué par l’église et les immeubles directement environnants, d’un côté, et celle par rapport aux ruines du Château, élément historique essentiel et emblématique que de la localité, qui justifient cette approche sectorielle également pour l’immeuble des appelants.
Cette première conclusion étant retenue, c’est de manière dissonante que la Cour a dû constater à la fois à partir des éléments du dossier et lors de la visite des lieux que certains immeubles des alentours, dont surtout plusieurs immeubles de l’autre côté de la rue de Bettembourg quasiment vis-à-vis de l’immeuble litigieux des appelants, n’ont pas été inclus dans le secteur protégé sous discussion, encore que ceux-ci fassent partie du pourtour direct du site des ruines du Château avec lequel ils font en quelque sorte corps. De même, une grande partie des immeubles directement adjacents à l’immeuble litigieux faisant partie d’une zone de bâtiments et 6équipements publics n'ont pas été inclus dans le secteur protégé en question. Cependant, une certaine cohérence doit être dénotée en ce que l’immeuble des appelants fait partie de la zone mixte villageoise [mix-v] laquelle se trouve incluse intégralement dans le secteur protégé à l’endroit.
Dès lors, malgré les éléments dissonnants décrits ci-avant, l’essentiel des facteurs décrits justifie néanmoins globalement l’inclusion de la parcelle litigieuse dans le secteur protégé environnement de type « environnement construit – C ».
Dès lors, le moyen des appelants est à rejeter et le jugement dont appel est à confirmer sous cet aspect encore.
En ce que la Cour n’a pas retenu l’annulation du classement de l’immeuble litigieux des appelants en secteur protégé « environnement construit – C », le troisième moyen est également à rejeter de plano en son volet principal basé sur l’automaticité d’une annulation du classement de celui-ci en tant que « construction à conserver ».
Au niveau du volet subsidiaire toutefois, la Cour n’entrevoit pas, compte tenu de l’ensemble des éléments fournis au dossier ensemble les explications recueillies lors de la visite des lieux, suffisamment d’éléments justifiant le classement de l’immeuble litigieux des appelants en tant que « construction à conserver ».
Tout d’abord, dans une approche sectorielle plus globale, il apparaît très clairement, après avoir pris connaissance de la situation des lieux de visu, que celle-ci se dénote comme étant des plus hétéroclites. En se plaçant devant l’immeuble des appelants dans la rue de Bettembourg, le spectateur ne saurait se défaire d’une impression de dysharmonie à de multiples niveaux.
Vers la gauche l’immeuble des appelants jouxte des bâtiments résidentiels de facture relativement récente et d’un intérêt architectural des plus limités. Aucune relation harmonieuse ne saurait être vérifiée entre l’immeuble des appelants et ses voisins de gauche.
Vers la droite, si le chantier en cours à l’endroit est en voie de terminaison, aucune correspondance valable par rapport aux éléments de bâtiments en terminaison de construction ne saurait non plus être dénotée.
En confrontant l’immeuble des appelants par rapport à ceux se trouvant au même niveau de la rue de Bettembourg de l’autre côté de celle-ci, à nouveau un manque complet d’éléments d’harmonie doit être dénoté. Les immeubles construits de l’autre côté de la rue, à la hauteur de celui des appelants, se résument en constructions relativement récentes revêtant elles aussi un intérêt architectural peu soutenu, tandis que du côté des volumes et configurations aucun élément d’harmonie véritable ne saurait être trouvé, là non plus.
L’immeuble des appelants se retrouve à l’endroit quasiment en dernier des témoins, à ce niveau de la rue de Bettembourg, des constructions de l’époque des années 1950 caractérisée, tel que valablement mis en avant par les parties publiques, d’un passage d’un monde agricole, ayant donné à l’époque encore son cachet à la localité d’Hesperange, vers une société en voie d’embourgeoisement, se détachant de plus en plus de son milieu originaire.
7 Il est vrai que la maison des appelants est un témoin de cette époque. Il est vrai encore qu’elle n’a subi que relativement peu de transformations par rapport à son état d’origine, de manière visible du moins, sans qu’à ce stade il ne faille non plus rentrer dans le détail des éléments d’architecture la composant, vu la situation du cas d’espèce.
Si à première vue, il est plutôt banal qu’une construction revête les éléments architecturaux typiques de son époque de construction, tel est également le cas pour la construction des appelants qui correspond à un type de construction typique des années 1950. Même si cette construction se trouve isolée en tant que telle au milieu de constructions plus récentes à l’endroit qui ne lui correspondent plus guère, il n’en reste pas moins qu’il s’agit toutefois pour elle d’un type de construction relativement courant et, pour le surplus dénombrable en de centaines d’exemplaires au moins au Grand-Duché actuellement encore.
Si dans une approche sectorielle, telle celle déployée en principe par la commune, approuvée en cela par le ministre, un ensemble de constructions des années 1950 resté quasiment conservé en sa substance dans sa configuration originaire, un classement suivant la catégorie la plus poussée possible dans ce contexte, c’est-à-dire en tant que construction à conserver, pourrait aisément s’envisager, tel ne saurait être le cas pour un immeuble isolé en dysphase complète par rapport à son environnement sans qu’il ne revête des caractéristiques propres en dehors de ce qui est commun pour les constructions de cette période afin de justifier pareil classement.
Or, les éléments de l’espèce ne permettent pas de vérifier cette caractéristique d’être hors du commun, dans la situation donnée, par rapport au plerumque fit des constructions érigées à l’époque, c’est-à-dire au courant des années 1950 au Luxembourg, la construction des appelants datant, d’après les indications non contestées fournies en cause, de l’année 1954.
La situation particulière de l’espèce, en ce que l’immeuble des appelants est, de manière isolée, le dernier de sa catégorie subsistant à l’endroit, en dysphase complète par rapport à son environnement, ne justifie cependant pas, à défaut de qualités intrinsèques hors du commun, le classement intervenu en tant que construction à conserver.
Cette conclusion est encore corroborée sur base de considérations de proportionnalité en ce que le classement imposé à l’immeuble des appelants en tant que construction à conserver est sans commune mesure avec les contraintes en découlant, actuellement au niveau communal, potentiellement au niveau national, pour une construction dont non seulement des caractéristiques hors du commun pour sa catégorie n’ont pas pu être valablement vérifiées et qui, dans l’environnement construit où elle se trouve, se dénote principalement en ce qu’elle est la dernière de sa catégorie y subsistant, sans que toutefois cet élément ne soit suffisant pour justifier le classement intervenu.
C’est dès lors encore pour dépassement de sa marge d’appréciation que l’annulation de décision ministérielle d’approbation est à prononcer par voie de conséquence.
Si dès lors cette conclusion justifiait l’annulation à la fois de la délibération communale et de la décision ministérielle d’approbation afférente, concernant le classement de l’immeuble des 8appelants en tant que construction à conserver, ceux-ci ne sollicitent cependant, à travers leur requête d’appel et plus particulièrement le dispositif clair et précis de cette dernière à cet égard, que l’annulation de la seule décision ministérielle attaquée.
Sous peine de statuer ultra petita, la Cour sera dès lors amenée à suivre la demande des appelants telle que formulée, étant entendu qu’alors que la décision d’approbation ministérielle se trouve annulée pour avoir approuvé à tort le classement de l’immeuble litigieux des appelants en tant que construction à conserver, la conclusion s’impose au niveau ministériel qu’un refus d’approbation de la délibération communale visée devrait logiquement s’ensuivre et que ce serait au ministre de renvoyer la balle devant le conseil communal afin de statuer en conformité par rapport au présent arrêt.
Les appelants sollicitent encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000.- € pour la première instance, ainsi que de 5.000.- € pour l’instance d’appel à supporter à chaque fois par la partie étatique.
Cette double demande est à écarter en ce que les conditions légales justifiant pareille allocation ne se trouvent pas réunies en l’espèce.
La partie étatique sollicite la distraction au profit de son mandataire des frais et dépens de l’instance. Cette demande est cependant à rejeter, pareille distraction n’étant pas prévue en matière de procédure administrative contentieuse.
L’appel n’étant que partiellement justifié et les parties publiques ayant toutes les deux succombé dans leurs conclusions concernant le classement de la maison litigieuse des appelants en tant que construction à conserver, il convient de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer pour un tiers aux appelants, un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et un tiers à la commune de Hesperange.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel recevable ;
le dit partiellement justifié ;
partant, par réformation du jugement dont appel, annule la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 15 septembre 2020 en ce qu’elle porte approbation du classement par le conseil communal de Hesperange du 18 novembre 2019 de l’immeuble des appelants sis …, rue de Bettembourg à Hesperange, inscrit au cadastre de la commune de Hesperange, section A de Hesperange, sous le numéro cadastral … en tant que construction à conserver et renvoie le dossier devant le ministre aux Affaires intérieures, actuellement en charge, aux fins d’exécution ;
confirme le jugement dont appel pour le surplus ;
9rejette la demande en distraction de la commune de Hesperange au profit de leur mandataire concernant les frais et dépens de l’instance ;
rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par les appelants ;
fait masse des dépens des deux instances et les impose pour un tiers aux appelants, un tiers à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et un tiers à la commune de Hesperange.
Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….
s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er février 2024 Le greffier de la Cour administrative 10