GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48715C ECLI:LU:CADM:2024:48715 Inscrit le 17 mars 2023
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Audience publique du 6 février 2024 Appel formé par la société en commandite par actions (A) S.C.A., …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 février 2023 (n° 45567 du rôle) dans un litige l’opposant à deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 48715C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2023 par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite par actions (A) S.C.A., ayant son siège social à L-… …, …, …, enregistrée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 10 février 2023 (n° 45567 du rôle), par lequel ledit tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 novembre 2020, répertoriée sous le numéro C …, ayant (1) déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt la réclamation introduite par ladite société contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015, (2) rejeté comme non fondées les réclamations introduites par cette société contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016, et (3) réformé in pejus le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 ; au fond, déclara ce recours non justifié et le rejeta ; dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre la décision directoriale précitée du 4 novembre 2020 ; rejeta le recours visant une « décision du Directeur de l’administration des contributions directes du 3 décembre 2020 relative à la demande de sursis à exécution sollicitée suivant le §251 de la loi générale des impôts (AO) sur la décision sur réclamation … du 4 novembre 2020 » ; rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse, et condamna cette dernière aux frais et dépens de l’instance ;
Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA déposé au greffe de la Cour administrative le 13 avril 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 mai 2023 par Maître Virginie BROUNS au nom de l’appelante ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Benoît MARÉCHAL et Maître Jean-Dominique MORELLI, en remplacement de Maître Virginie BROUNS, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 septembre 2023.
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La société anonyme (A) S.A., ayant le statut de fonds d’investissement alternatif au sens de la loi modifiée du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, et devenue entretemps la société en commandite par actions (A) S.C.A., ci-après la « société (A) », déclara lors de l’établissement de ses déclarations fiscales pour l’impôt sur la fortune des années 2015 et 2016, déposées respectivement en dates des 15 juillet 2015 et 17 octobre 2016, les titres prêtés par elle à divers emprunteurs et conclut à l’exonération de ceux-ci sur le fondement du § 60 de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs, appelée « Bewertungsgesetz », en abrégé « BewG ».
Par trois lettres du 12 novembre 2019, le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés 2 de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition », informa (A), sur base du § 205, alinéa (3), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il envisageait de s’écarter desdites déclarations d’impôt et lui fit parvenir des copies du projet d’imposition pour les deux années concernées.
Par lettre du 12 décembre 2019, (A) prit position par rapport auxdites lettres.
Le 11 mars 2020, le bureau d’imposition émit à l’égard de (A) les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2015, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et ceux de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016. Le bureau d’imposition y refusa respectivement l’application de l’article 166 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après la « LIR », – au motif que « la condition de pleine propriété pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois n’est pas respectée. (…) De l’examen et de l’avis rendu par la Commission des Décisions Anticipées, il résulte que le régime du privilège des sociétés mère et filiales selon l’article 166 L.I.R. en combinaison avec le paragraphe 11(2) StAnpG, n’est pas applicable aux titres prêtés » – et l’application du § 60 BewG, au motif que (A) « n’a pas été le propriétaire économique des titres prêtés » respectivement « au 31 décembre 2014 » et « au 31 décembre 2015 ».
Par lettre du 30 juin 2020, (A) adressa au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après le « directeur », une réclamation à l’encontre des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que des bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016, de même qu’un « Recours hiérarchique sous § 237 AO (Abgabenordnung) contre la décision matérialisée dans les bulletins pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal 2015 ».
Par lettre du 8 juillet 2020, le bureau d’imposition accorda à (A) un sursis à exécution des montants dus au titre de l’impôt sur la fortune des années 2015 et 2016 jusqu’à ce que le directeur statue sur sa réclamation.
Par décision du 4 novembre 2020, référencée sous le numéro C …., le directeur rejeta la réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 comme étant irrecevable pour défaut d’intérêt et les réclamations dirigées contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 comme étant non fondées, tout en réformant in pejus le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 et en fixant l’impôt sur le revenu des collectivités, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, de l’année 2015 au montant de …. euros, ladite décision étant formulée comme suit :
« (…) Vu la requête introduite le 30 juin 2020 par les sieurs Frédéric Feyten et Jean-Dominique Morelli, au nom de la société anonyme (A), avec siège social à L-… ….., d’une part, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016, et d’autre part, pour introduire un « Recours hiérarchique sous § 237 AO (Abgabenordnung) contre la décision matérialisée dans les bulletins pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal 2015 », tous émis le 11 mars 2020 ;
Considérant que la voie de recours contre un bulletin d’impôt au sens du § 210 de la loi générale des impôts (AO) n’est pas, comme le fait valoir la réclamante, le recours hiérarchique formel visé par les §§ 237 et 303 AO, mais la réclamation au sens du § 228 AO ;
que par application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1 et 2 AO, à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés, la présente requête est également à considérer comme réclamations dirigées contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu l’article 3, alinéa 3 de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, qui retient notamment que les délais relatifs à la réclamation, au sens du § 228 AO, sont suspendus du 18 mars 2020 jusqu’au 30 juin 2020 ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de lui avoir refusé l’application de l’article 166 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) et du § 60 de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs (BewG) (ensemble « le régime des sociétés mère et filiales ») à l’endroit des titres qu’elle a prêtés à des établissements bancaires dénommés (B) S.A. (ci-après : (B)) et (D) S.e.n.c. (ci-après : (D)) ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;
En ce qui concerne le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 Considérant qu’aux termes du paragraphe 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé ou conteste son assujettissement à l’impôt ;
Considérant que le montant de l’impôt commercial communal de l’année 2015 a été fixé à 0 (zéro) euro et que la requérante ne prétend pas à la fixation d’une cote d’impôt positive ;
Considérant qu’il en découle que la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 doit être déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt ;
En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ; qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l’espèce notamment contre les bulletins de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 (§ 232, alinéa 2 AO) ;
Considérant d’ailleurs que si le bulletin d’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa réformation entraîne d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin d’établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;
Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les réclamations dirigées contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 doivent être rejetées comme non fondées ;
Considérant de prime abord que « L’objet de la [réclamante] est la prise de participations, tant au Luxembourg qu’à l’étranger, dans toutes sociétés ou entreprises sous quelque forme que ce soit, et l’administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations » ;
Considérant qu’en date du 31 janvier 2014, la réclamante a adressé au bureau d’imposition une demande de décision anticipée afin de se voir confirmer l’application du régime des sociétés mère et filiales en ce qui concerne le prêt de titres ; que par la suite, le bureau d’imposition a avisé la réclamante qu’ « Il résulte de l’examen de votre demande ainsi que de l’avis rendu par la Commission des Décisions Anticipées, que le traitement fiscal relatif aux opérations décrites et tel qu’analysé par vos soins est contraire aux textes légaux et réglementaires actuellement en vigueur. » ;
Considérant que la réclamante a déposé les déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune des années 2014 et 2015 en dates du 15 juillet 2015 et du 17 octobre 2016 ;
Considérant qu’en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition a informé la réclamante en date du 12 novembre 2019, que le régime des sociétés mère et filiales lui serait refusé au motif que « la condition de pleine propriété pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois n’est pas respectée » respectivement que la réclamante « n’a pas été le propriétaire économique de ces titres donnés en prêt » ;
Considérant qu’aux termes du § 205, alinéa 3 AO des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu’elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l’émission du bulletin ; que le but du § 205, alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d’éventuels malentendus ;
Considérant que suite au prédit courrier, la réclamante s’est montrée insatisfaite quant aux divergences en sa défaveur à travers un courrier du 12 décembre 2019 ; que le bureau d’imposition a procédé à l’imposition des années 2015 et 2016 en se référant aux redressements communiqués à la réclamante ; qu’il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
En ce qui concerne les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 Considérant que la valeur unitaire de la fortune d’exploitation constitue la valeur unitaire de l’entreprise (§§ 20 et 21 BewG) ; que la valeur unitaire des entreprises commerciales est fixée par un bulletin d’établissement séparé ; que pour les sociétés de capitaux résidentes, la fortune d’exploitation des entreprises commerciales comprend en principe tous les éléments formant une unité économique et destinés principalement à l’entreprise (§ 54 BewG) ;
Considérant encore que la valeur totale d’une entreprise commerciale est obtenue par la somme de toutes les valeurs individuelles des biens susceptibles d’évaluation, diminuée par les dettes et les provisions de l’entreprise (§§ 62 et 66 BewG) ;
Considérant que les valeurs unitaires de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 ont été établies par le bureau d’imposition à respectivement …. euros et …. euros ; que le bureau d’imposition n’a pas exonéré de l’impôt sur la fortune les titres prêtés, en l’occurrence … titres (F) (1er janvier 2015), respectivement …. titres (F), ainsi que les titres (G), (H), (I), (J), (K), (L) et (M) (1er janvier 2016) ;
Considérant qu’en vertu du régime des sociétés mère et filiales visé au § 60 BewG, les participations importantes détenues à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de fixation et s’élevant à au moins 10 pour cent ou à un prix d’acquisition d’au moins ….
euros, sont exonérées de l’impôt sur la fortune ;
Considérant qu’aux termes de l’alinéa 2 du § 60 BewG : « L’exonération s’applique uniquement à une participation détenue directement dans le capital social :
1. d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, 2. d’une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités. » ;
Considérant qu’il suit d’un arrêt de la Cour administrative que « l’article 166 LIR ne bénéficie qu’à une participation directe détenue dans le capital d’une autre société et qu’à défaut de définition précise de la notion de « détention » à l’article 166 LIR, il y a lieu de se référer à la disposition générale du § 11 StAnpG concernant l’imputation personnelle de revenus et de biens. » ; que bien que l’arrêt sus-énoncé ne mentionne que l’article 166 L.I.R., force est de constater que le § 60 BewG fait également référence à la notion de « détention » de participations ; qu’au sujet de l’attribution des titres, tout comme en général l’attribution de biens, il y a lieu d’analyser le § 11 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) ;
Considérant que le § 11 StAnpG se lit comme suit :
« Für die Zurechnung bei der Besteuerung gelten, soweit nichts anderes bestimmt ist, die folgenden Vorschriften :
1. Wirtschaftsgüter, die zum Zweck der Sicherung übereignet worden sind, werden dem Veräußerer zugerechnet.
2. Wirtschaftsgüter, die zu treuen Händen (entgeltlich oder unentgeltlich) übereignet worden sind, werden dem Treugeber zugerechnet.
3. Wirtschaftsgüter, die durch einen Treuhänder zu treuen Händen für einen Treugeber erworben worden sind, werden dem Treugeber zugerechnet.
4. Wirtschaftsgüter, die jemand im Eigenbesitz hat, werden dem Eigenbesitzer zugerechnet. Eigenbesitzer ist, wer ein Wirtschaftsgut als ihm gehörig besitzt.
5. (…) » ;
que le § 11, n° 4 StAnpG, ayant trait à l’approche économique, l’emporte de plein droit sur l’approche purement juridique ; qu’il s’ensuit qu’au cas où un propriétaire, juridique ou économique, ne peut être déterminé avec certitude, le § 11, n° 4 StAnpG sort ses effets en disposant que c’est la propriété économique qui l’emporte ;
Considérant que la question pertinente en l’espèce est donc celle de savoir si la réclamante est restée propriétaire économique des titres durant la période de prêt afin de trancher si le régime des sociétés mère et filiale lui est applicable ;
Considérant que dans son placet, la réclamante expose que le Code civil distingue deux types de prêt de biens, à savoir le prêt à usage et le prêt de consommation ; qu’elle estime que les contrats de prêt de titres en question seraient à considérer comme des prêts à usage de sorte que le prêteur resterait le propriétaire des titres ; qu’il s’ensuivrait que les titres prêtés seraient à comptabiliser dans les livres de la réclamante étant donné que le traitement comptable d’une transaction suit la qualification juridique de celle-ci ; qu’en application de l’article 40 L.I.R. retenant le principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, la réclamante serait à considérer comme propriétaire des titres (prêtés) et partant ces derniers seraient à exonérer de l’impôt sur la fortune ;
Considérant qu’en ce qui concerne le prêt à usage, le Code civil dispose ce qui suit :
« Art. 1875.
Le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.
Art. 1876.
Ce prêt est essentiellement gratuit.
Art. 1877.
Le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée.
Art. 1878.
Tout ce qui est dans le commerce, et qui ne se consomme pas par l’usage, peut être l’objet de cette convention.
Art. 1879.
Les engagements qui se forment par le commodat, passent aux héritiers de celui qui prête, et aux héritiers de celui qui emprunte.
Mais si l’on n’a prêté qu’en considération de l’emprunteur, et à lui personnellement, alors ses héritiers ne peuvent continuer de jouir de la chose prêtée. (…) » ;
Considérant que le Code civil retient ce qui suit au sujet du prêt de consommation :
« Art. 1892.
Le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.
Art. 1893 Par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c’est pour lui qu’elle périt, de quelque manière que cette perte arrive.
Art. 1894.
On ne peut pas donner à titre de prêt de consommation des choses qui, quoique de même espèce, diffèrent dans l’individu, comme les animaux : alors c’est un prêt à usage.
Art. 1895.
L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat.
S’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement.
Art. 1896.
La règle portée en l’article précédent n’a pas lieu, si le prêt a été fait en lingots. » ;
Considérant que l’article 1876 du Code civil dispose que le prêt à usage est essentiellement gratuit ; qu’il se dégage toutefois des contrats de prêt en cause que l’emprunteur est tenu de rémunérer le prêteur respectivement de lui verser des commissions et des distributions ; qu’il y a lieu d’entendre que les prêts en question ne sont pas essentiellement gratuits de sorte qu’ils ne peuvent être qualifiés de prêts à usage ; que par déduction le prêt de titres est donc à considérer comme prêt de consommation ; qu’aux termes de l’article 1893 du Code civil l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée, ou autrement dit, les établissements bancaires (B) et (D) sont à considérer comme propriétaires des titres pendant la période de prêt ;
Considérant que la réclamante se réfère à un avis de la Commission des normes comptables belge (CNC) daté au 1er février 1995 et portant sur le traitement dans les comptes des entreprises des opérations de prêt et d’emprunt de titres ; qu’elle expose que « La CNC en déduit qu’il n’y a donc pas, dans une opération de prêt de titres, pour l’application de la réglementation comptable, réalisation de titres. » ; qu’en analysant ledit avis, force est toutefois de constater qu’y figure à plusieurs reprises qu’en cas de prêt de titres il y a transfert de propriété :
« L’opération de prêt de titres présente la caractéristique essentielle qu’elle comporte et implique pour l’emprunteur le pouvoir de disposer du titre en cause pour le céder (en pleine propriété) à un tiers (…) » ;
« Il en résulte que l’opération de prêt de titres implique qu’il y a transfert de la propriété du titre du prêteur à l’emprunteur » ;
« (…) la propriété du titre prêté et le risque de perte par cas fortuit sont transférés à l’emprunteur », « Etant donné qu’une convention de prêt de titres emporte le transfert de la propriété du titre en cause et la naissance simultanée d’une créance-titres, représentant les titres prêtés à récupérer, la conclusion d’une telle convention se traduira : par une sortie de titres prêtés de la rubrique sous laquelle ils étaient comptabilisés » ;
qu’en vertu du droit comptable belge les titres prêtés sont à comptabiliser dans un compte dénommé « Titres prêtés, créance-titres » de sorte qu’ils ne doivent plus figurer en tant que titres, actions ou participations à l’actif du bilan de la société prêteuse ;
Considérant qu’il se dégage d’un bulletin officiel émis par la direction générale des finances publiques de la République françaises que « Le prêt de titres doit être réalisé dans le cadre des dispositions des articles 1892 à 1904 du Code civil qui définissent les règles applicables aux « prêts de consommation ».
Un prêt de consommation s’entend du contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. Lorsque ce contrat s’applique à des titres, il entraîne :
- le transfert de propriété des titres au profit de l’emprunteur qui peut ainsi les céder à un tiers ; » ;
Considérant que du côté de l’Allemagne, par écrit du 11 novembre 2016, le « Bundeszentralamt für Steuern » précise qu’en principe les titres cédés dans le cadre d’un prêt sont à attribuer juridiquement et économiquement à l’emprunteur ; que dès lors les autorités allemandes considèrent également qu’il y a transfert de propriété vers l’emprunteur dans le cadre d’une prêt de titres ;
Considérant qu’en l’espèce, il s’impose encore d’analyser les contrats de prêt de titres que la réclamante a conclu avec les établissements bancaires (B) et (D) ;
Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et (B) Considérant que les parties susmentionnées ont conclu un « CONTRAT DE PRET DE TITRES NANTIS » en date du 8 mai 2012 ; que préliminairement, il convient de relever que (B), la partie emprunteuse, est en même temps le créancier gagiste des titres en question disposant d’un droit d’utilisation des titres nantis et ayant marqué son accord au prêt des titres nantis ;
Considérant que le point 3.2. stipule que « La propriété des titres prêtés est transférée à l’Emprunteur lors de leur livraison. Ce dernier peut alors en disposer librement jusqu’à l’échéance du prêt, sous réserves des dispositions prévues à l’article 6 ainsi que dans les conditions de la Confirmation de l’Opération. » ;
Considérant que le point 5.1. dispose que « Chaque Opération est conclue pour une durée telle que précisée dans la Confirmation y afférente et se termine à la Date de Restitution telle qu’indiquée dans cette même Confirmation. » ; que justement la « Date de Restitution signifie la date à laquelle l’Emprunteur restitue les titres au Prêteur en pleine propriété. » ;
qu’il est d’une évidence absolue que pour qu’il y ait restitution de titres en pleine propriété, il faut qu’antérieurement la pleine propriété ait été transférée par le prêteur à l’emprunteur, i.e. par la réclamante à (B) ;
Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et (D) Considérant que dans son placet, la réclamante s’exprime comme suit : « Pour la convention avec la (D), il s’agit d’une convention cadre relative aux opérations sur instruments financiers en date du 4 mai 2007 (annexe 9) modifiée par plusieurs avenants dont celui en date du 8 mai 2015 (annexe 10). Cette convention renvoie aux conditions générales publiées par la FBE (Fédération Bancaire de l’Union Européenne) (Edition 2004) (annexe 11) et l’Annexe produite relative aux prêts de titres (Edition Janvier 2001) (annexe 12). Les prêts ont donné lieu à l’émission d’une confirmation d’opération (annexe 13). » ;
Considérant que la « CONVENTION-CADRE RELATIVE AUX OPERATIONS SUR INSTRUMENTS FINANCIERS » de la FBE dispose au point 2, lettre a) de la section « 3. Paiements, Livraisons et Définitions Spécifiques » que « Sauf accord contraire des parties, toute livraison ou transfert de titres ou de tous autres instruments financiers (Titres) ou de tous autres actifs (…) par une partie à l’autre partie en application de la Convention constitue une cession en pleine propriété ou, selon les usages du marché sur lequel la livraison doit s’effectuer, constitue un droit assimilable à l’équivalent économique de cette cession en pleine propriété » ; qu’au 1er point de la section 2 de « ANNEXE PRODUIT RELATIVE AUX OPERATIONS DE PRET DE TITRES » est fait référence à la « Livraison de titres », donc, à la cession de la pleine propriété des titres prêtés ;
Considérant qu’il ne ressort ni de la « CONVENTION-CADRE RELATIVE AUX OPERATIONS SUR INSTRUMENTS FINANCIERS » du 4 mai 2007, ni de l’avenant du 8 mai 2015 que la réclamante resterait propriétaire (économique) pendant la période de prêt des titres ;
Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que l’emprunteur est à considérer comme propriétaire dans le cadre d’un prêt de titres ; que les titres prêtés ne doivent plus figurer à l’actif du bilan de la société prêteuse étant donné que l’opération de prêt interrompt l’appartenance des titres au patrimoine de cette dernière ; que par voie de conséquence les titres prêtés sont à remplacer par une créance sur la société emprunteuse, tel que cela est d’ailleurs expressément prévu par la CNC belge ; qu’il convient de mentionner qu’une fois le contrat de prêt arrivé à échéance, la créance est extournée et les titres restitués rentrent de nouveau dans le patrimoine de la société prêteuse ;
Considérant, à titre de rappel, que la finalité de l’article 40 L.I.R. est de prendre toujours comme point de départ afin de dresser les bilans fiscaux, l’ensemble des valeurs contenues dans les bilans commerciaux, sauf à y détecter des valeurs qui s’avèrent contraires aux dispositions régissant en matière fiscale (principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial), impliquant le cas échéant des redressements extra-bilantaires ; que, tel que cela a été développé supra, la notion du § 11 StAnpG trouve application en l’espèce de sorte que la réclamante n’est pas à considérer comme propriétaire (économique) des titres prêtés ; que ces derniers sont à remplacer par des créances correspondantes dans les livres de la réclamante ; que pour les besoins de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 les créances correspondantes ne sont pas à exempter en vertu du § 60 BewG ;
Considérant que le bureau d’imposition a fait une juste appréciation des faits en refusant l’exemption prévue au § 60 BewG en faveur des titres (F), (G), (H), (I), (J), (K), (L) et (M) pendant leur période de prêt ;
En ce qui concerne le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 Considérant que la réclamante reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir exonéré les revenus perçus en contrepartie des titres donnés en prêt ;
Considérant que suivant l’alinéa 1er, n° 1 de l’article 166 L.I.R., les revenus d’une participation détenue par une société anonyme résidente pleinement imposable sont exonérés lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de …. euros ; que l’exonération s’applique aux revenus qui proviennent d’une participation détenue directement dans le capital social d’une société de capitaux résidente pleinement imposable ;
Considérant, tel que cela a été retenu supra, que la réclamante n’est pas à considérer comme propriétaire (économique) des titres en question ; qu’accessoirement il convient de relever quelques points contenus dans les contrats de prêt démontrant que la réclamante n’a pas touché des revenus provenant d’une participation détenue directement par elle ;
Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et (B) Considérant que les points 4.1. et 4.2. du « CONTRAT DE PRET DE TITRES NANTIS » retiennent que « L’Emprunteur versera au Prêteur une rémunération telle que définie dans la Confirmation de l’Opération. » respectivement que « L’Emprunteur versera, en outre, au Prêteur une indemnité correspondant à tout ou partie du dividende ou de l’intérêt net perçu sur les titres en cours de prêt, à sa date de mise en paiement, valeur ce jour. » ; que, partant, durant toute le période de prêt, (B) peut librement disposer du titre en question en contrepartie d’une rémunération et d’une indemnité qu’elle est tenue de verser à la réclamante ;
Considérant que la réclamante a annexé à sa requête trois « AVIS D’EXECUTION D’UNE OPERATION DE PRET DE TITRES » ; qu’il se dégage de ces trois avis que (B) doit payer à la réclamante, d’une part, une indemnité « en pourcentage du dividende ou de l’intérêt net perçu » allant de 85 pour cent à 94,75 pour cent, et d’autre part, des intérêts calculés sur base de la valeur du marché du titre en question en tant que rémunération ;
Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et (D) Considérant que la réclamante affirme qu’ « A partir de l’année 2015, l’annexe 10 [avenant du 8 mai 2015] prévoit que le paiement des dividendes sur actions se fera directement entre les mains de (A) » ; qu’il ressort toutefois dudit avenant, d’une part, au sujet des distributions en espèces, que « l’Emprunteur versera au Prêteur un montant libellé dans la même devise égal à la somme en espèces reçue par les porteurs au titre de cette Distribution », et d’autre part, en ce qui concerne les distributions autres qu’en espèces, que « l’Emprunteur versera au Prêteur un montant libellé dans la même devise correspondant au dividende en espèces devant être versé par cet émetteur au titre de cette Distribution » ; que contrairement à ce que prétend la réclamante dans sa requête, les distributions afférentes aux titres prêtés reviennent d’abord à (D) et pas « directement » à la réclamante ; que cette interprétation des faits est confortée par une « CONFIRMATION D’OPERATION DE PRET DE TITRES » dont il se dégage que (D) doit payer à la réclamante, à côté d’une commission de prêt, « 85% du dividende brut versé par l’Emetteur des Titres Prêtés au jour du paiement effectif dudit dividende sur les comptes de (D) » ;
Considérant qu’aux termes des deux contrats de prêt la réclamante ne bénéficie pas directement des revenus en relation avec les titres prêtés ; qu’il en découle qu’il ne saurait être question de « dividendes reçus [par la réclamante] sur les titres prêtés au titre de l’année 2015 » étant donné que ce sont (B) et (D) qui touchent d’abord les dividendes et autres distributions afférents aux titres prêtés ;
Considérant que le régime des sociétés mère et filiales ne s’applique pas à une société prêteuse de titres ; que la rémunération du prêt sous forme notamment d’intérêts, de commissions ou de rétrocession de dividendes ou d’intérêts émanant des titres prêtés est pleinement imposable dans le chef de la société prêteuse, en l’occurrence, de la réclamante ;
Considérant que le bureau d’imposition a fixé l’impôt minimum sur pied de l’article 174, alinéa 6 L.I.R. ; que dans un souci d’exhaustivité il échoit de vérifier la juste fixation de l’impôt minimum ;
Considérant que dans sa version applicable à l’année 2015, l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R., vise, d’une part, les organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg dans le chef desquels la somme des immobilisations financières, des créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, des valeurs mobilières et des avoirs en banque, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse dépasse 90 pour cent du total du bilan et 350.000 euros ; que pour cette catégorie l’impôt minimum s’élève à 3.000 euros ;
Considérant que s’y juxtapose le n° 2 de l’article 174, alinéa 6 L.I.R., retenant notamment que par dérogation aux alinéas 1er, 3 et 4 du même article 174 L.I.R., l’impôt sur le revenu des collectivités est fixé :
- à 500 euros au minimum lorsque le total du bilan est inférieur ou égal à 350.000 euros, - à 1.500 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 350.000 euros et inférieur ou égal à 2.000.000 euros, - à 5.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 2.000.000 euros et inférieur ou égal à 10.000.000 euros, - à 10.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 10.000.000 euros et inférieur ou égal à 15.000.000 euros, - à 15.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 15.000.000 euros et inférieur ou égal à 20.000.000 euros, - à 20.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 20.000.000 euros ;
Considérant que l’impôt minimum visé à l’article 174, alinéa 6, numéros 1 et 2 L.I.R.
est encore à majorer du fonds pour l’emploi de 7 pour cent ;
Considérant que l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R. a comme critères, d’une part, la structure du bilan, et, d’autre part, le total du bilan supérieur à 350.000 euros ;
Considérant qu’il résulte de la page 15 de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2015 que la réclamante a renseigné les postes suivants pour la détermination de l’impôt minimum :
Financial fixed assets (23*) …. euros Amounts owed by affiliated undertakings and by …. euros undertakings with which the corporation is linked by virtue of participation interests (41*) Transferable securities (50*) …. euros Cash at bank, cash in postal cheques accounts, …. euros cheques and cash in hand (51*) Sum of accounts (23, 41, 50, 51 of the standard …. euros chart of accounts) Considérant que parmi les valeurs mobilières figurent les titres (G), (H), (I), (J), (K), (L) et (M), ainsi que …. titres (F), pour un montant total de …. euros ; que la note 9 de l’annexe aux comptes annuels au 31 décembre 2015 informe que les titres (G), (H), (I), (J), (K), (L) et (M), ainsi que …. titres (F) ont été prêtés à (D) ; que ….titres (F) sont restés en dépôt auprès de la (N) (N) ;
Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les titres prêtés auraient dû être comptabilisés en tant que créances-titres et ne peuvent donc être affectés au compte n° 50 (valeurs mobilières) ; qu’il ne ressort pas des comptes annuels de la réclamante pour quel montant les ….. titres (F) ont été acquis ;
Considérant que le modèle 506a « Details of the shareholdings referred to in Article 166 L.I.R. » afférant à la participation (F) fait état de …. titres correspondant à un prix d’acquisition total de …. euros ; que le § 217 AO prévoit dès lors le procédé de la taxation, lorsque les bases d’imposition ne peuvent pas être déterminées autrement ; qu’il s’ensuit que le prix d’acquisition des …. titres (F) est taxé à (…. / …. x …. i.e.) …. euros ; que le montant afférent aux valeurs mobilières s’élève donc à (…. - …. + …. i.e.) …. euros ;
Considérant que les actifs éligibles pour la détermination de l’impôt minimum se présentent dès lors comme suit :
Immobilisations financières (23*) …. euros Créances sur des entreprises liées (41*) …. euros Valeurs mobilières (50*) …. euros Avoirs en banque (51*) …. euros Total …. euros qu’en l’occurrence, la somme des comptes d’actifs visés par l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R., i.e. la somme des actifs éligibles ne dépasse pas le seuil requis de 90 pour cent du total du bilan, étant donné que le total du bilan s’élève à …. euros ; qu’en l’espèce, l’impôt minimum est fixé en vertu de l’article 174, alinéa 6, numéro 2 L.I.R. et s’élève donc à …. euros majoré de la contribution au fonds pour l’emploi, i.e. à un montant total de (…. + (7% x ….) i.e.) …. euros ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS dit la réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 irrecevable pour défaut d’intérêt, reçoit les autres réclamations en la forme, rejette les réclamations dirigées contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 comme non fondées, réformant in pejus en ce qui concerne le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015, fixe l’impôt sur le revenu des collectivités, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, de l’année 2015 à …. euros, renvoie au bureau d’imposition pour exécution. (…) ».
Par lettre de son mandataire du 1er décembre 2020, (A) sollicita encore du directeur le bénéfice d’un sursis à exécution sur base du § 251 AO. Le 3 décembre 2020, le directeur y répondit comme suit :
« Suite à votre courriel du 1er décembre 2020 ayant pour objet l’obtention d’un sursis à exécution suivant § 251 AO de la décision sur réclamation …. du 4 novembre 2020, je me permets de vous faire savoir qu’aucun sursis à exécution ne saura vous être accordé.
Le § 251 AO ne fait en effet que permettre au bureau d’imposition, et non pas au directeur des contributions, d’accorder un sursis à exécution à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait de sérieuses chances de prospérer.
« Le sursis à exécution au sens du paragraphe 251 AO ne se conçoit que lorsqu’une décision de l’administration des Contributions directes, susceptible d’être exécutée, a fait l’objet d’un recours contentieux lequel n’a pas encore été toisé, ledit sursis consistant ainsi en une mesure provisoire, permettant au fisc de suspendre à titre de précaution l’exécution d’une décision en attendant l’issue du recours afférent, de sorte que, par définition, le sursis éventuellement accordé, cesse ses effets dès que la réclamation a été définitivement tranchée.» (TA du 21 janvier 2013, n° 29812 du rôle) (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2021, inscrite sous le numéro 45567 du rôle, (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées du directeur des 4 novembre et 3 décembre 2020.
Par requête déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 45568 du rôle, elle fit encore introduire une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution de ces deux actes, requête qui fut déclarée non fondée par ordonnance du 8 février 2021.
Par jugement du 10 février 2023, le tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur du 4 novembre 2020, au fond, le déclara non justifié, partant, le rejeta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre ladite décision directoriale, rejeta le recours visant la décision du directeur du 3 décembre 2020, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse et condamna cette dernière aux frais et dépens de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2023, inscrite sous le numéro 48715C du rôle, (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Quant à la portée de l’appel A titre liminaire, il convient de clarifier la portée du présent appel.
D’un côté, l’appelante déclare que son appel est général, de sorte que celui-ci devrait a priori être compris comme visant les deux volets du recours de première instance : d’une part, celui dirigé contre la décision directoriale du 4 novembre 2020, et d’autre part, celui concernant « l’acte du directeur du 3 décembre 2020 », suivant la terminologie employée par les premiers juges.
D’un autre côté, l’appelante ne semble diriger son appel que contre le volet du recours concernant la décision directoriale du 4 novembre 2020. En effet, dans le corps de sa requête d’appel, elle avance que le jugement entrepris lui cause grief « en ce qu’il n’a pas fait droit aux conclusions prises par lui [sic] en première instance et plus particulièrement en ce qu’il a déclaré le recours en réformation au fond non-justifié et subsidiairement n’a pas statué sur le recours en annulation et l’a débouté[e] de ses demandes en réformation de la décision du Directeur de l’Administration des contributions directes du 4 novembre 2020 ». Ensuite, au dispositif de sa requête d’appel, l’appelante demande notamment à la Cour, « par réformation du jugement entrepris, [de] déclarer recevable [son] recours », « au fond [, de] le dire fondé et justifié » et « partant, [de] réformer la décision du 4 novembre 2020 (…) sinon annuler la décision précitée ».
Or, il ressort du dispositif du jugement entrepris que le tribunal administratif a déclaré recevable le recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 4 novembre 2020, de sorte qu’il n’y avait effectivement pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre cette même décision. La demande de l’appelante de voir « déclarer recevable [son] recours » ne devrait donc logiquement pas viser le recours dirigé contre la décision directoriale du 4 novembre 2020. Cette demande pourrait éventuellement être comprise comme visant le recours dirigé contre « l’acte du directeur du 3 décembre 2020 », les premiers juges ayant décidé qu’« indépendamment de la question du caractère décisionnel de l’acte attaqué et des problèmes de recevabilité de ce volet du recours », ce dernier devait être rejeté pour être devenu sans objet. Mais quand bien même il y aurait lieu d’interpréter le dispositif de la requête d’appel comme visant aussi le volet du recours dirigé contre « l’acte du directeur du 3 décembre 2020 », force est de constater que l’appelante ne développe aucun moyen par rapport à cet « acte du directeur du 3 décembre 2020 ».
Aussi, au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le présent appel ne vise que le volet du recours introduit contre la décision directoriale du 4 novembre 2020.
Quant à la demande de production forcée d’un « mémoire supplémentaire » Invoquant l’article 7, alinéa (3), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 », l’appelante a demandé à la Cour d’ordonner au délégué du gouvernement de produire un « mémoire supplémentaire » pour le cas où l’Etat n’aurait pas versé de mémoire en duplique.
Cette demande est cependant à rejeter. En effet, l’article 5, alinéa (5), de la loi du 21 juin 1999 prévoit que « [l]e demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ». Le dépôt d’un mémoire en duplique, quoiqu’évidemment souhaitable afin de mener de la manière la plus approfondie possible un débat contradictoire, est donc une faculté et non une obligation. De même, le « mémoire supplémentaire » visé à l’article 7, alinéa (3), de la loi du 21 juin 1999 est un mémoire additionnel que l’instance juridictionnelle saisie peut certes « ordonner d’office », mais dont la soumission effective relève de la discrétion de la partie au procès et ne saurait être imposée sous peine de sanction par la juridiction saisie en l’absence d’une disposition légale en ce sens.
Quant au fond Selon l’appelante, le tribunal administratif aurait dû reconnaître qu’en rendant sa décision litigieuse, le directeur :
- aurait fait une application erronée du § 11 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », et de la notion de propriété économique d’un bien appliquée aux titres prêtés ;
- aurait violé les principes constitutionnels de légalité de l’impôt et d’égalité devant l’impôt ;
- aurait violé le § 243, alinéa (1), AO, le principe de la détermination exacte des bases d’imposition, le principe de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- n’aurait pas respecté le principe du contradictoire du § 205, alinéa (3), AO ni le régime de la preuve de l’article 59, alinéa (1), de la loi du 21 juin 1999.
De plus, dans son mémoire en réplique, l’appelante estime que le délégué du gouvernement n’a pas pris position par rapport aux moyens qu’elle a avancés, ce qui, selon elle, constituerait une nouvelle atteinte au principe du contradictoire prévu par l’article 51, alinéa (2), de la loi du 21 juin 1999 ainsi qu’aux principes de bonne administration et de confiance légitime, et devrait entraîner la reconnaissance du bien-fondé de son recours.
En vue d’obtenir in fine la réformation, sinon l’annulation de la décision sur réclamation du 4 novembre 2020, l’appelante avance un moyen fondé sur le non-respect des §§ 205, alinéa (3), et 243, alinéa (1), AO, des moyens relatifs au non-respect de certains principes et un moyen d’ordre substantiel, relatif à la détermination du propriétaire économique des titres prêtés et aux conséquences à en tirer en l’espèce.
De son côté, l’Etat n’a pas pris position sur les moyens d’illégalité soulevés par l’appelante.
La Cour n’étant pas liée par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent, il convient d’examiner en premier lieu le moyen ayant trait à la violation alléguée du § 205, alinéa (3), AO.
Quant à la violation alléguée des §§ 205, alinéa (3), et 243, alinéa (1), AO Selon (A), puisque le directeur aurait décidé que, dans son bilan, les titres prêtés auraient été remplacés par une créance, la motivation des bulletins d’impôt litigieux aurait été changée. De plus, la créance venant remplacer les titres prêtés dans sa fortune d’exploitation n’aurait pas été retenue ni évaluée dans les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015 et 2016, bien que cette opération de substitution ait permis au directeur de réformer in pejus le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015. A cet égard, l’appelante insiste sur le fait qu’avant de réformer in pejus ledit bulletin et de changer le fondement de la modification des bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier des années 2015 et 2016 – modification qui, selon l’appelante, aurait dû conduire à une réformation in melius desdits bulletins –, le directeur ne l’aurait pas informée préalablement, comme le principe du contradictoire prévu par le § 205, alinéa (3), AO, aurait dû l’y contraindre.
De surcroît, en vertu du § 243, alinéa (1), AO, saisi d’une réclamation, le directeur serait tenu de procéder d’office au réexamen intégral de la cause, tant en faveur qu’en défaveur du réclamant, et le principe de droit public de la détermination exacte des bases d’imposition l’obligerait à tout mettre en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases correspondant le plus exactement possible à la réalité. Or, en rejetant la réclamation au seul motif que le § 60 BewG n’était pas applicable, au motif que l’appelante ne serait pas le propriétaire économique des titres prêtés, mais en maintenant une imposition non cohérente ni justifiée par rapport aux titres prêtés, le directeur n’aurait pas procédé à un réexamen du dossier, aurait apprécié la situation uniquement en défaveur de l’appelante et aurait commis une erreur en ne déterminant pas les bases d’imposition avec exactitude.
En outre, l’appelante estime que les premiers juges auraient procédé à une appréciation erronée des faits et circonstances de l’espèce en ne retenant pas une atteinte au principe du contradictoire.
C’est à juste titre que l’appelante se prévaut, en son principe, de l’applicabilité du § 205, alinéa (3), AO dans le cadre de la procédure de réclamation devant le directeur.
A cet égard, comme indiqué par la Cour dans un arrêt du 20 décembre 2022 (n° 47189C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1165), il y a lieu de se référer au § 243 AO, disposant que « (1) Soweit die Rechtsmittelbehörden zur Nachprüfung tatsächlicher Verhältnisse berufen sind, haben sie den Sachverhalt von Amts wegen zu ermitteln. (2) Sie sind an die Anträge dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, nicht gebunden. (3) Sie können die Entscheidung auch zum Nachteil dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, ändern », ainsi qu’au § 244 AO disposant que « Die Rechtsmittelbehörden haben die Befugnisse, die den Steuerkontrollstellen im Besteuerungsverfahren gegeben sind. Soweit die Ausübung dieser Befugnisse an die Genehmigung des Steuerdirektors gebunden ist, bedarf es dieser nur, wenn Steuerkontrollstellen als Rechtsmittelbehörden tätig werden ».
Le § 243 AO consacre dans ses trois alinéas les différents volets du principe de l’examen d’office d’une réclamation par le directeur, la raison d’être de ce principe étant ancrée dans le caractère d’ordre public de la loi fiscale mettant le contribuable dans une situation statutaire et établissant à sa charge une créance de droit public, de manière qu’on ne peut réclamer de lui ni plus, ni moins d’impôt que celui légalement dû. Le § 243 AO est considéré comme faisant de la voie de recours de la réclamation la continuation de la procédure d’imposition et comme le prolongement du principe inscrit au § 204, alinéa (1), AO, en vertu duquel le bureau d’imposition doit également instruire en faveur du contribuable (Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes Fiscales nos 81-85, n° 184 ; Alain Steichen, Manuel de droit fiscal, 2023, p. 438 ; Hübschmann, Hepp, Spitaler, RAO-Kommentar, ad § 243, Anm. 2: « … stellt sich das Rechtsmittelverfahren als fortgesetztes Steuerermittlungsverfahren dar »).
Dès lors, le directeur, saisi d'une réclamation contre un bulletin d’impôt ou un bulletin d’établissement en vertu du § 228 AO, se voit attribuer par le § 243, alinéa (1), AO la mission d’instruire d’office le cas d’imposition lui soumis et la situation factuelle à sa base, tandis que le § 244 AO lui confère, dans le cadre de l’instruction de la réclamation, les mêmes pouvoirs que ceux dont disposent les bureaux d'imposition pour la fixation de la cote d'impôt ou des bases d’imposition. Il s’ensuit que, saisi d’une réclamation, le directeur fait acte d’administrateur et dispose du pouvoir d’imposition, de manière qu’il y a « changement des organes appelés à administrer, mais non pas changement de la nature de leurs fonctions respectives » (Alain Steichen, Manuel de droit fiscal, 2023, p. 438), et qu’il a l’obligation d’établir l’impôt en lieu et place du bureau d'imposition.
Ainsi, d’un côté, le directeur dispose de la plénitude des pouvoirs alloués au bureau d'imposition et ne se trouve pas lié par les conclusions des parties, le § 243, alinéa (3), AO lui conférant à cet égard le pouvoir de modifier l'imposition même en défaveur du contribuable.
D’un autre côté, le directeur, qui doit instruire à charge et à décharge du contribuable, dispose encore des mêmes droits et obligations que le bureau d'imposition en ce qui concerne l'appréciation des preuves et les moyens d'investigation pour s'assurer d'une détermination juste des bases d’imposition imputables au contribuable et il est tenu de prendre en compte tous les faits et circonstances susceptibles de modifier la cote d’impôt, de sorte qu’il doit tenir compte de toutes les demandes et de tous les moyens nouveaux produits en cours d’instance (Cour adm. 7 mai 2020, n° 43338C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1219).
Le renvoi, par le § 244 AO, à la procédure d’imposition (« Besteuerungsverfahren ») doit s’entendre des §§ 160 à 227 AO qui constituent la deuxième section de la deuxième partie de l’AO relative à l’imposition (Hübschmann, Hepp, Spitaler, RAO-Kommentar, § 244, Anm. 1 ; Kühn, Abgabenordnung, 9. Ausg., ad § 246, Anm. 1).
Le principe général consacrant le droit du contribuable d'être informé et entendu avant la prise d'une décision administrative lui fixant une obligation patrimoniale plus lourde que celle par lui escomptée à travers les informations par lui soumises à l’autorité compétente (« Recht auf Gehör »), découlant du § 204, alinéa (1), AO, articule un droit élémentaire au profit du contribuable face à l'administration fiscale.
Le § 205, alinéa (3), AO, disposant que « wenn von der Steuererklärung abgewichen werden soll, sind dem Steuerpflichtigen die Punkte, in denen eine wesentliche Abweichung zu seinen Ungunsten in Frage kommt, zur vorherigen Äußerung mitzuteilen », constitue une application particulière de ce principe général.
Cette disposition met en substance à charge du bureau d’imposition, préalablement à l’émission du bulletin d’impôt, une obligation positive de communication des éléments au sujet desquels il décide de ne pas s’en tenir à la déclaration du contribuable, pour autant que ces éléments représentent une modification substantielle (« wesentliche Abweichung ») en défaveur du contribuable par rapport à sa déclaration, et d’ouverture à ce dernier d’un droit de prendre utilement position par rapport à ces mêmes éléments.
En raison du renvoi opéré par le § 244 AO et de la nature fondamentale du droit prévu par le § 205, alinéa (3), AO, ce dernier constitue une disposition de principe de la procédure d’imposition qui est d’application correspondante dans le cadre de la procédure de réclamation, alors même que son libellé est axé sur la procédure d’imposition (Kühn, Abgabenordnung, 9. Ausg., ad § 246, Anm. 1 et 4).
La Cour rejoint partant entièrement la conclusion de l’appelante que le directeur est tenu de respecter le § 205, alinéa (3), AO dans le cadre de son examen d’une réclamation. Ce principe n’a d’ailleurs pas été remis en cause par les premiers juges : il n’a tout simplement pas été débattu. En effet, en première instance, (A) a soulevé la question de la violation du § 205, alinéa (3), AO par rapport au seul bureau d’imposition et non, comme en appel, au niveau du directeur et le tribunal administratif a répondu à ce grief en concluant que « la demanderesse est malvenue d’affirmer qu’elle n’aurait pas été informée au préalable des divergences notables par rapport à ses déclarations relatives à l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal que le bureau d’imposition allait procéder [sic], de sorte que le moyen relatif à une prétendue violation du paragraphe 205 (3) AO et à une prétendue violation du principe du contradictoire laisse d’être fondé ».
Cela dit, le moyen consistant à invoquer pour la première fois en appel une violation du § 205, alinéa (3), AO est admissible. En effet, cette argumentation ne tend pas à obtenir la réformation ou l’annulation d’un acte séparé non encore déféré, mais elle s’analyse en un moyen supplémentaire à l’appui de la demande formulée par (A) au dispositif de sa requête d’appel. Il s’agit donc d’un moyen nouveau et non d’une demande nouvelle. Or, conformément à l’article 41, alinéa (2), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 », « [l]es demandes nouvelles en instance d’appel sont prohibées. En revanche, les moyens nouveaux sont admis ».
C’est à juste titre que l’appelante affirme que c’est le directeur qui, le premier, a indiqué qu’il convient de remplacer, dans le bilan de l’appelante, les titres prêtés par des créances-titres. En effet, les courriers que le bureau d’imposition a envoyés à (A) sur le fondement du § 205, alinéa (3), AO, ne contiennent aucune mention expresse d’un tel retraitement du bilan pour les besoins fiscaux. Ils font simplement référence aux projets d’imposition respectifs, lesquels incluent un poste intitulé « Valeur estimée de réalisation des valeurs mobilièr[es] » pour un montant de … euros dans le projet relatif au 1er janvier 2015 et un montant de … euros dans le projet relatif au 1er janvier 2016. Par ailleurs, dans chacun desdits projets figurent quelques détails chiffrés sur ce poste : « Valeur estimée de réalisation des valeurs mobilières : ….- [(](F)) + ….- ((B)) + ….- (M) = ….- » dans le projet de bulletin d’imposition relatif au 1er janvier 2015 et « Valeur estimée de réalisation des valeurs mobilières : ….- ((F)) + … ((G)) + ….- ((K)) + ….- ((L)) + ….- ((4) SA) + ….- ((5) SA) + … ((6) SA) + ….- ((7) SA) = … euros » dans le projet de bulletin d’imposition relatif au 1er janvier 2016. Les bulletins d’établissement de la valeur unitaire respectivement au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016 ont ensuite été émis conformément à ces projets de bulletin d’impôt, mais ce n’est que dans la décision sur réclamation que le directeur a explicitement énoncé qu’en raison du prêt de titres ayant pour effet que l’appelante ne serait plus à considérer comme le propriétaire économique desdits titres, ces derniers seraient à remplacer par des créances-titres dans le bilan fiscal du prêteur.
Il convient donc d’examiner si le directeur était tenu, par l’effet du § 205, alinéa (3), AO, de communiquer en l’espèce à l’appelante son intention de remplacer, dans le bilan fiscal de cette dernière, les titres prêtés par des créances, de même que la valeur à laquelle ces créances allaient être mises en compte, et de lui accorder en conséquence la faculté de prendre position y relativement.
A cet égard, la Cour rappelle que le § 205, alinéa (3), AO trouve ses limites en ce qu’il s’applique uniquement aux modifications substantielles en défaveur du contribuable, cette notion devant être interprétée de façon objective et appliquée in concreto en ce sens qu’elle englobe toutes les hypothèses où l’autorité compétente envisage de retenir un élément de droit ou de fait de nature à influer sur la décision d’imposition et qui s’écarte de la situation telle que déclarée par le contribuable, pourvu que cet élément soit de nature à affecter le principe d’imposabilité ou la cote d’impôt tels qu’envisagés par le § 232, alinéa (1), AO.
En outre, la modification substantielle en défaveur du contribuable doit provenir d’une divergence au sujet des informations et documents qu’il a communiqués au bureau d’imposition et ensuite au directeur et ne doit pas s’analyser, en substance, purement en une question d’application et d’interprétation de la loi, qui relève de la compétence du bureau d’imposition et, à un deuxième stade, du directeur (cf. Cour adm., 14 juillet 2015, n° 35428C, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 925).
Finalement, la question du respect du § 205, alinéa (3), AO ne saurait se poser en principe au niveau du directeur en ce qui concerne les éléments de l’imposition ayant fait l’objet de la réclamation, étant donné que par rapport à ces éléments, le contribuable a nécessairement pu faire valoir ses explications à travers la réclamation. Une information préalable, avant la prise de la décision du directeur sur réclamation, de l’intention de ne pas tenir compte de cette argumentation, n’est donc pas requise pour préserver les droits de la défense du contribuable.
En l’espèce, la Cour constate que la décision directoriale litigieuse a certes entraîné un changement de qualification des faits pris en compte pour déterminer l’imposition de l’appelante, étant donné qu’à travers cette décision, en ce qui concerne la composition de l’actif de (A), le directeur a considéré que ce dernier incluait des créances au lieu des titres prêtés. Néanmoins, force est également de constater que pour la détermination de la valeur unitaire au 1er janvier 2015, pour évaluer ces créances, le directeur a repris la valorisation des titres prêtés déterminée par le bureau d’imposition, et qu’il en a été de même pour la détermination de la valeur unitaire au 1er janvier 2016. Quant à la taxation d’office effectuée par le directeur par rapport à la participation (O) pour déterminer l’impôt sur le revenu des collectivités minimum de l’année 2015, force est de constater que le directeur a fondé sa valorisation sur des données fournies par l’appelante elle-même dans sa déclaration fiscale.
Par conséquent, en l’absence d’impact sur la cote d’impôt fixée par le bureau d’imposition dans les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et ceux de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016, et puisque la modification de la cote d’impôt du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 provient des données fournies par le contribuable, les modifications opérées par le directeur ne sauraient être qualifiées de modifications substantielles au sens du § 205, alinéa (3), AO, de sorte qu’aucune violation de cette disposition ne saurait être retenue en l’espèce.
Le moyen tiré de la violation, par le directeur, du principe du contradictoire tel qu’il est notamment consacré au § 205, alinéa (3), AO, ainsi que du § 243, alinéa (1), AO, lequel impose au directeur de déterminer d’une manière exacte la base d’imposition du contribuable, est donc à rejeter.
Quant à la violation alléguée de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 En vertu de l’article 59, alinéa (1), de la loi du 21 juin 1999, « [l]a preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. ».
L’appelante avance que cette disposition l’a conduite à prouver qu’elle est bien le propriétaire économique des titres prêtés afin de pouvoir bénéficier de l’exonération prévue par le § 60 BewG et l’article 166 LIR.
Il n’en resterait pas moins que la décision directoriale litigieuse, en remplaçant l’actif « titres prêtés » par un actif « créance », aurait modifié de facto la valeur unitaire de la fortune d’exploitation de (A). Ceci aurait déclenché une nouvelle obligation fiscale, dont la preuve serait à la charge du directeur. Or, la décision directoriale litigieuse n’aurait pas été en mesure de prouver l’existence et le fondement légal de cette créance, ni de l’évaluer.
Comme mentionné ci-avant, le directeur a bien motivé en fait et en droit sa décision sur réclamation, de sorte que, malgré le désaccord opposant l’appelante à l’administration des Contributions directes sur le bien-fondé de cette motivation, il y a lieu de retenir que d’un point de vue formel, le directeur a satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de l’article 59, alinéa (1), de la loi du 21 juin 1999.
Le moyen afférent est donc à rejeter.
Quant à la violation alléguée de divers principes par le délégué du gouvernement Indépendamment de la pertinence des allégations de l’appelante quant à une éventuelle violation, par le délégué du gouvernement, des principes du contradictoire, de bonne administration de la justice et de confiance légitime, force est de constater qu’une telle violation postérieure à l’adoption de la décision directoriale litigieuse ne saurait affecter la légalité de celle-ci.
Le moyen afférent est donc à rejeter.
Quant à la violation alléguée du principe constitutionnel de légalité de l’impôt Après avoir rappelé les faits énoncés ci-avant, l’appelante souligne que dans la décision du 4 novembre 2020, le directeur aurait considéré que la propriété économique des titres prêtés aurait été transférée à l’emprunteur en application du § 11, alinéa (4), StAnpG et que, dans le bilan du prêteur – donc de l’appelante –, les titres prêtés auraient été remplacés par une créance.
Selon l’appelante, si la propriété économique des titres prêtés ne lui appartenait plus, alors elle ne devrait pas être considérée comme le bénéficiaire des dividendes provenant de ces titres, de sorte que ces derniers auraient dû être exclus de la base imposable de l’année 2015. Or, en l’espèce, la créance n’aurait aucun fondement légal, les dividendes ou revenus issus de cette créance n’auraient pas été qualifiés fiscalement et leur imposition n’aurait pas été justifiée. En procédant ainsi, la décision attaquée aurait porté atteinte au principe constitutionnel de légalité de l’impôt, qui serait défini comme la règle selon laquelle aucun impôt ne peut être opposé à une personne sans que cet impôt ait été prévu par la loi, entendue comme acte adopté par le pouvoir législatif. En effet, l’existence de la créance litigieuse ne pourrait être justifiée par le seul § 11 StAnpG, lequel ne pourrait que justifier l’exclusion des titres prêtés de la fortune d’exploitation de (A). En outre, le § 2 StAnpG rappellerait le principe de la légalité de l’impôt, en vertu duquel aucune décision administrative ne pourrait être fondée sur des motifs étrangers à la loi.
La Cour rappelle que le principe constitutionnel de la légalité de l’impôt, consacré à la date des bulletins litigieux par l’article 99 et actuellement par l’article 116 de la Constitution révisée, implique que les procédures prévues en matière d’impôts aboutissent dans toute la mesure du possible à soumettre un contribuable à l’impôt dont il est redevable légalement d’après les bases d’imposition lui imputables (Cour adm., 19 octobre 2023, nos 48278C et 48283C du rôle).
En l’espèce, contrairement à ce qu’avance l’appelante, le directeur a bien fondé l’imposition litigieuse sur plusieurs bases légales expressément mentionnées dans la décision directoriale litigieuse, à savoir les articles 40 et 166 LIR, le § 11 StAnpG et le § 60 BewG. Le fait que l’appelante ne partage pas l’interprétation que le directeur a faite de ces dispositions légales ne signifie pas pour autant que la décision directoriale litigieuse n’a pas de fondement légal.
Par conséquent, le moyen afférent est à rejeter.
Quant à la violation alléguée des principes à valeur constitutionnelle de la sécurité juridique et de la confiance légitime L’appelante estime qu’en adoptant la décision directoriale litigieuse, le directeur a porté atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.
La Cour rappelle que le principe de confiance légitime répond au souci du respect de la sécurité juridique ayant pour objectif d’assurer la prévisibilité de l’administration. C’est ce principe de confiance légitime qui protège l’administré contre les changements brusques et imprévisibles de l’administration en lui reconnaissant le droit de se fier à un comportement habituellement adopté par cette dernière ou à des engagements pris par elle (Cour adm., 28 avril 2015, n° 35430C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et Règlements, n° 61 et les autres références y citées).
En cas d’existence d’une relation étroitement personnelle entre le contribuable et l’administration, notamment à l’occasion d’une demande de renseignements individuelle dans le cadre d’un cas d’imposition, le contribuable peut requérir de la part de l’autorité compétente ayant fourni, suite à cette demande, une réponse quant au traitement fiscal de la situation factuelle décrite dans la demande, le respect de ce « pré-comportement » objectif de la personne publique auquel il s’est raisonnablement fié, et la légitimité de sa confiance subjective peut être présumée et ce avec d’autant plus de force lorsqu’il existe des dispositions concrètes et objectives indéniablement prises dans la confiance. En effet, pour des raisons tenant au respect du principe de sécurité juridique, il faut que les autorités fiscales qui ont donné des assurances ou fait une promesse soient tenues d’honorer les expectatives ainsi créées. Dans cette hypothèse, la réponse personnelle que l’administration fiscale aura donné le cas échéant au contribuable liera celle-ci à ce dernier si des conditions déterminées sont réunies (Cour. adm., 12 juillet 2016, n° 37448C du rôle, Pas. adm. 2023, v° Impôts, n° 30 et les autres références y citées).
Force est cependant de constater qu’en l’espèce, l’appelante se contente d’alléguer une violation des principes à valeur constitutionnelle de la sécurité juridique et de la confiance légitime, puisqu’elle n’établit pas avoir reçu de la part d’une autorité compétente la confirmation que le traitement fiscal espéré de ses opérations de prêt de titres lui serait accordé.
Par conséquent, le moyen afférent laisse d’être fondé.
Quant à la violation alléguée du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt Selon l’appelante, le fait que le directeur ne retienne pas le traitement comptable luxembourgeois des titres prêtés comme indice ou présomption de propriété économique constituerait un traitement inéquitable. L’administration qui use d’un pouvoir discrétionnaire devrait procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et, en l’absence de circulaire administrative ou de position officielle sur la question du prêt de titres, (A) ne pourrait que constater une violation du principe constitutionnel de l’égalité de traitement des contribuables.
Le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt, consacré à la date des bulletins litigieux par l’article 101 et actuellement par l’article 116 de la Constitution révisée, exige que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de droit et de fait soient traités de façon identique. C’est donc à juste titre que l’appelante revendique le droit d’être traitée d’une manière identique à d’autres contribuables qui seraient dans la même situation de droit et de fait.
Néanmoins, ce principe n’impose pas à l’administration des Contributions directes de publier une circulaire sur un point spécifique tel que le traitement fiscal d’une opération de prêt de titres, étant par ailleurs rappelé que les circulaires du directeur s’adressent aux fonctionnaires quant à la manière d’interpréter les textes de loi en vigueur, sans pouvoir fixer des règles nouvelles, qu’elles n’ont pas de caractère légal et que les contribuables ne peuvent donc contester la légalité d’une décision par le motif de sa contrariété à une circulaire (Cour adm., 25 février 2016, n° 36612C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 921).
De plus, force est de constater que l’appelante n’établit pas avoir été traitée d’une manière différente par rapport à d’autres contribuables qui seraient dans la même situation de droit et de fait. La violation du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt reste donc au stade d’une simple allégation.
Ainsi, le moyen afférent est à rejeter.
Quant à l’attribution de la propriété économique des titres prêtés et à ses conséquences Moyens des parties L’appelante critique les premiers juges pour avoir retenu que « le prêt de titres est a priori considéré comme prêt de consommation donnant lieu à un transfert de pleine propriété et partant à un transfert des titres au bilan de l’emprunteur, les titres en question ne restant ainsi pas à l’actif du bilan du prêteur tel que préconisé par la demanderesse » et que « si les critères ainsi mis en avant par la demanderesse sont certes des indices quant à la qualité de propriétaire économique dans son chef, force est toutefois de constater, à l’instar de la partie étatique, qu’il ressort sans équivoque des contrats de prêt de titres sous analyse qu’en l’espèce le transfert de propriété économique a été opéré au profit des emprunteurs respectifs ».
Cette conclusion traduirait une application erronée du § 11, alinéa (4), StAnpG.
A cet égard, l’appelante explique d’abord que le prêt de titres serait l’opération par laquelle une partie, le prêteur, prête des titres à une autre partie, l’emprunteur, pour une période déterminée, à charge pour l’emprunteur de restituer au prêteur, à l’expiration de cette période, des titres ayant les mêmes caractéristiques, sans identité toutefois de numéros et peu importe leur valeur au moment de la restitution. Le prêteur supporterait de ce fait, par définition, les chances d’accroissement et les risques de diminution de la valeur des titres prêtés, puisqu’il devrait recevoir le même nombre de titres à la fin du contrat de prêt, quel que soit leur cours.
Une commission serait prévue en faveur du prêteur, lui permettant ainsi d’obtenir un rendement additionnel. L’appelante précise encore que les prêteurs de titres seraient généralement de grands investisseurs institutionnels souhaitant améliorer le rendement de leurs portefeuilles d’investissement. En l’espèce, le prêt de titres ne viserait pas à bénéficier d’un avantage fiscal au Luxembourg ou en France, mais serait motivé par la possibilité, pour l’appelante, d’obtenir des revenus supplémentaires sur ses titres.
L’appelante donne ensuite à considérer qu’il n’existerait aucun texte qui traiterait spécifiquement du prêt de titres en droit luxembourgeois, de sorte que les principes généraux de droit civil, de comptabilité et de droit fiscal seraient applicables.
En matière fiscale, la notion de « Eigenbesitzer » du § 11, alinéa (4), StAnpG viserait en principe le propriétaire juridique d’un bien, à moins qu’il ne se dégage de la réalité économique que la propriété économique a été transférée à un tiers, hypothèse dans laquelle celui-ci serait à considérer comme possesseur au sens du § 11 StAnpG. La définition du « Eigenbesitzer » constituerait un concept fiscal sui generis, donc propre à la matière fiscale et ne se confondant pas avec les catégories du droit civil ou du droit commercial. La loi fiscale envisagerait ainsi la situation d’un possesseur plutôt que d’un propriétaire juridique, de sorte qu’elle n’exigerait pas que tous les attributs du propriétaire soient réunis dans la personne de ce possesseur. Pour le surplus, les qualifications juridiques avancées par les parties ne seraient retenues que dans la mesure où elles correspondraient à l’intention réelle des parties.
En conséquence, en matière fiscale et dans le cadre du prêt de titres, en application du § 11, alinéa (4), StAnpG, le propriétaire d’un bien au sens du droit fiscal pourrait être soit le prêteur, soit l’emprunteur dès lors qu’il est propriétaire économique des titres.
L’appelante concède que la propriété juridique serait généralement transférée à l’emprunteur avec le pouvoir de disposer des titres. Cependant, lorsque le prêt des titres est effectué avec une banque, comme dans le cas de l’appelante, le détenteur des titres resterait le prêteur, car la banque n’entrerait nullement dans l’opération pour contrôler la société émettrice des titres prêtés, exercer son droit de vote ou percevoir des dividendes : la banque conclurait un prêt de titres pour disposer de liquidités suffisantes sur le titre en question afin de remplir ses obligations de couverture sur les marchés.
L’appelante critique donc la décision directoriale litigieuse pour avoir retenu qu’elle n’était pas le propriétaire économique des titres prêtés, que la propriété juridique de ces titres avait été transférée et que ces derniers ne devaient alors plus figurer à son bilan, et que le transfert de la pleine propriété des titres dans les contrats de prêt signifiait que la propriété économique était également transférée à l’emprunteur. La pleine propriété serait à opposer au démembrement de propriété, acte juridique consistant à diviser la pleine propriété en nue-propriété et usufruit, lesquels ne seraient nullement à rapprocher de la notion de propriété économique. Ce dernier concept, purement fiscal, n’aurait pas sa place dans le corps d’un contrat et à plus forte raison dans un contrat conclu, comme en l’espèce, avec des banques françaises, puisque ces dernières ignoreraient ce concept, y compris d’un point de vue fiscal français. Ce concept n’existerait pas dans le droit de plusieurs pays de l’Union européenne, de sorte que c’est à tort que le directeur l’aurait recherché dans une convention-cadre émise par la Fédération bancaire de l’Union européenne.
L’appelante reproche également au directeur de s’être fondé sur de la doctrine et de la jurisprudence allemande, de la doctrine comptable belge et française, tout en soulignant ce qui, dans ces dernières, viendrait à l’appui de sa thèse.
De plus, selon (A), lorsqu’un contribuable dispose d’une « comptabilité régulière (en partie double) » et qu’il n’est pas le propriétaire juridique d’un bien, l’inscription de ce bien à l’actif de son bilan serait un fort indice permettant de présumer de la propriété économique de ce bien. En effet, le bilan comptable permettrait de recenser ce qu’une entreprise possède et doit, et serait fondé sur la « notion voisine » de prééminence du fond sur la forme. Si le directeur estimait que les comptes de l’appelante étaient incorrects, il aurait dû motiver sa position, étant donné qu’en vertu du § 208, alinéa (1), AO, ces comptes seraient présumés exacts et serviraient de point de départ pour déterminer les bilans fiscaux.
Plus particulièrement par rapport aux bulletins de l’établissement séparé de la fortune d’exploitation respectivement au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016, l’appelante s’insurge de ce que malgré l’inscription dans ses comptes des titres prêtés, le directeur considère que l’article 40 LIR – lequel consacrerait le principe d’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial –, devrait s’effacer devant le § 11 StAnpG et que ces titres devraient donc être remplacés par des créances correspondantes. Un tel traitement fiscal ne reposerait sur aucun texte de loi, aucune jurisprudence et aucune circulaire, et aurait dû être motivé.
(A) avance encore que si elle n’était ni le propriétaire juridique, ni le propriétaire économique des titres prêtés, ces derniers devraient être exclus de son bilan fiscal et donc, de sa fortune d’exploitation, afin de ne plus être soumis à l’impôt sur la fortune.
En outre, le directeur aurait dû refixer la valeur unitaire de la fortune d’exploitation pour les années 2015 et 2016 comme il l’aurait fait dans le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année 2015, ce dernier reposant sur une prise en compte des créances-titres à une valeur correspondant à la valeur d’acquisition des titres. Le principe en matière d’évaluation des actifs énoncé au § 10 BewG serait celui de l’évaluation à la valeur d’exploitation, mais les créances seraient à évaluer à leur valeur nominale – sauf si leur valeur d’exploitation est moindre –, tandis que les titres cotés seraient à retenir à leur valeur de cotation en bourse au 1er janvier de l’année, laquelle correspondrait à leur valeur de marché.
En ce qui concerne le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015, (A) critique le directeur pour avoir déclaré irrecevable pour défaut d’intérêt à agir sa réclamation à l’encontre dudit bulletin. Elle fait en effet valoir que sa réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 aurait été déclarée recevable et que les bases d’imposition de l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial communal seraient très proches, et que la question de la propriété économique à trancher en matière d’impôt sur la fortune serait également de nature à résoudre celle en matière d’impôt sur le revenu et donc, d’impôt commercial communal.
L’appelante revendique l’exonération des dividendes sur les titres prêtés en se prévalant de l’article 166 LIR, d’un arrêt de la Cour du 26 juin 2008 (n° 24061C du rôle), de la Convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958, telle qu’en vigueur pendant la période litigieuse, de ses propres comptes et du fait que « 100% du dividende » lui aurait été versé en 2015. Elle souligne aussi qu’une partie substantielle des dividendes pour lesquels l’exonération a été refusée proviendrait d’une participation dans la société (F) dont seulement une partie des titres aurait été prêtée. Les ….. titres non prêtés auraient été détenus de manière continue pendant plus de 12 mois et auraient un prix d’acquisition supérieur à ….d’euros, de sorte à remplir les conditions de l’article 166 LIR, et leur exonération aurait été confirmée implicitement par le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015, puisque seule la partie des dividendes (F) correspondant aux titres prêtés n’aurait pas été exonérée. Par conséquent, cette exonération devrait s’appliquer à tous les dividendes sur les titres prêtés, ceux-ci devant être considérés comme revenus de remplacement de la participation par l’application combinée des articles 11, alinéa (1), et 97, alinéa (7), LIR. L’exonération partielle prévue par l’article 115, alinéa (15a), LIR, lu en combinaison avec l’article 146, alinéa (2), LIR, serait également applicable aux revenus provenant des titres prêtés.
Par ailleurs, elle estime que si elle n’était ni le propriétaire juridique, ni le propriétaire économique des titres prêtés, les dividendes perçus devraient être déduits extra-comptablement de sa base imposable et ne pas être soumis dans son chef à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal, une telle imposition devant intervenir au contraire dans le chef des banques emprunteuses.
L’appelante critique encore le tribunal pour lui avoir refusé l’exonération d’impôt sur la fortune sur les titres prêtés, ainsi que l’exonération d’impôt sur le revenu des collectivités des revenus provenant des titres prêtés, « sans même rechercher ou confirmer la qualification fiscale des revenus en cause », sans avoir confirmé que les titres prêtés devaient être remplacés par une créance comme le directeur l’aurait soutenu sans fondement légal dans sa décision sur réclamation, et sans avoir répondu à la question de l’évaluation de cette créance en matière d’impôt sur la fortune.
Au contraire, en soumettant notamment les contrats de prêt signés, (A) aurait bien démontré qu’elle avait conservé la propriété économique des titres prêtés, puisqu’elle aurait ainsi apporté tous les indices de propriété économique pouvant exister dans le cadre des contrats de prêt de titres. A cet égard, elle souligne que les chances d’accroissement de valeur seraient uniquement à son bénéfice, qu’elle supporterait seule le risque de dépréciation des titres, qu’elle aurait eu un contrôle total des titres, qu’en 2015, elle aurait perçu directement et comptabilisé comme tels les dividendes sur les titres prêtés, qu’il n’y aurait pas eu de retenue à la source sur les dividendes versés pour les années concernées ni d’avantage fiscal pour aucune des parties, qu’il n’y aurait pas d’avantage de liquidités pour les banques emprunteuses résultant du paiement des dividendes, que ces banques n’auraient pas exercé de droits de vote, qu’elles auraient été dans une « position juridiquement faible » conformément à l’un des critères de la doctrine allemande, que les titres prêtés auraient bien été comptabilisés dans ses propres comptes et qu’en droit français, le prêteur serait exonéré de son obligation de déclarer un franchissement de seuil à la baisse, les titres prêtés restant assimilés à ceux qu’il possède.
De son côté, l’Etat demande la confirmation intégrale du jugement entrepris.
Analyse de la Cour Quant au cadre factuel et juridique pertinent A titre liminaire, la Cour fait sienne l’analyse des premiers juges concernant le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015. Comme rappelé par le tribunal, au vœu du § 232, alinéa (1), AO, un contribuable ne peut réclamer contre un bulletin que pour autant que la cote d’impôt ou l’affirmation de l’imposabilité y contenues lui causent grief. Ladite disposition ne reconnaît ainsi au contribuable un intérêt à agir que pour autant que la modification des bases d’imposition retenues dans la motivation du bulletin a une incidence sur la cote d’impôt retenue. Dans la mesure où un tel intérêt à agir n’existe en principe pas dans l’hypothèse où le bulletin attaqué retient une cote d’impôt zéro, c’est à juste titre que le directeur a déclaré la réclamation lui soumise par l’appelante irrecevable pour autant qu’elle vise le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015.
Par conséquent, le présent litige est relatif au traitement fiscal de certaines participations prêtées par l’appelante et de leurs revenus, pour les besoins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015. Il convient donc d’examiner la situation factuelle ayant existé au 1er janvier 2015, au cours de l’année 2015 ainsi qu’au 1er janvier 2016.
Il ressort des explications de l’appelante et des pièces versées qu’elle a prêté à la (B), ci-après la « (B) », des actions « (O) », et à la société (D) SNC, ci-après la « (D) », des titres « (J) », « (I) », « (M) », « (K) », « (F) », « (L) », « (G) » et « (H) ». L’identité de l’émetteur et la nature de ces titres ne sont pas clairement établies, mais en l’absence de contestation de la partie étatique et au vu du contenu des déclarations fiscales des années 2014 et 2015 de l’appelante mentionnant la détention de participations susceptibles de correspondre aux titres susvisés, il y a lieu d’admettre que les titres en question sont des actions.
Par ailleurs, le nombre exact d’actions prêtées ainsi que la durée pendant laquelle elles ont effectivement été prêtées ne ressortent pas clairement du dossier. En effet, l’appelante a versé un « avis d’exécution d’une opération de prêt de titres » (pièce n° 13) établissant qu’elle s’est engagée à prêter ….. actions (O) à la (B) pour la période du 10 mai 2012 au 12 novembre 2012, soit une période non pertinente en l’espèce ; deux avis similaires (pièce n° 17) établissant qu’elle s’est engagée à prêter respectivement ,,,, actions et ,,,, actions (O) à la (B) pour la période du 18 avril 2013 au 17 avril 2015 ; une « confirmation d’opération de prêt de titres » du 22 avril 2014 (pièce n° 15) établissant qu’elle s’est engagée à prêter …. actions (O) à la (D) pour la période du 29 avril 2014 au 4 mai 2015 ; et une « Confirmation d’une série d’Opérations de Prêt de Titres » datée du 8 mai 2015 (pièce n° 16) établissant qu’elle s’est engagée à prêter à la (D) des titres (J), (I), (M), (K), (F), (L), (G) et (H), indiquant une période de prêt du 8 mai 2015 au 30 juin 2017, mais précisant que les dates de livraison et de restitution, ainsi que le nombre de titres prêtés, seront définis « dans la Confirmation correspondante ». Or, les confirmations en question font défaut au dossier.
En outre, les pièces versées permettent de constater certaines imprécisions, voire des incohérences :
- d’après la pièce n° 15, l’appelante a prêté …. actions (O) à la (D), et c’est bien la (D) qui est partie à la « Convention-cadre relative aux opérations sur instruments financiers » du 4 mai 2007 (pièce n° 12 versée par l’appelante) et qui est désignée comme emprunteur dans la confirmation d’opération de prêt de titres du 22 avril 2014 susmentionnée. La Cour en déduit que les références à la société (P) comme emprunteur dans la note 9 de l’annexe aux comptes annuels de l’appelante de l’année 2014 sont erronées et s’interroge sur la raison pour laquelle toujours d’après cette note 9, « [s]uivant la convention d’arbitrage convenue entre (P) et [l’appelante] », ce serait à la société (T) et non à la (D) de verser à l’appelante « une indemnité correspondant à 85% du montant brut du dividende perçu » ;
- quant au nombre d’actions (O) ayant été prêtées au 31 décembre 2014, la Cour constate qu’aux termes de la pièce n° 15 précitée, ce sont …. actions qui auraient été prêtées à la (D) jusqu’au 4 mai 2015, tandis que dans son descriptif des faits en appel (notamment à travers sa pièce n° 14) et dans la note 9 de l’annexe à ses comptes annuels de l’année 2014, l’appelante avance qu’au 31 décembre 2014, seules …. actions (O) auraient été prêtées à la (D) et que les …. actions (O) restantes auraient été conservées en dépôt auprès de la (N), ci-après la « (N) ». De plus, dans un échange de courriels en dates des 28 et 30 août 2019 entre l’appelante et la banque (T), au sujet de dividendes et de la commission de prêt de titre concernant l’année 2015 et les actions (O), l’appelante a mentionné « une quantité globale de …. [sic] titres », tandis que son interlocuteur lui a expliqué avoir déterminé le montant de la commission de prêt de titres de juillet 2015 « sur un total de …. actions (O) », qu’« [e]n mai 2015, une nouvelle transaction de prêt-
emprunt de titres portant sur …. titres (O) est réalisée » et qu’ « [e]n novembre puis décembre 2015, deux nouvelles tranches sont ajoutées (… et …. titres respectivement) ». Il ressort donc clairement que les documents fournis par l’appelante sont insuffisants pour retracer l’évolution du nombre de titres (O) prêtés. Néanmoins, étant donné que dans le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015, le bureau d’imposition a évoqué « [l]es …. titres (F), donnés en prêt à la (B) et à la BNP Paribas au 31.12.2014 » – nombre qui correspond bien à la somme de …. et … – et « …. titres (O) non prêtés », il y a lieu d’admettre, en l’absence de contestation de la partie étatique, que sur un total de … actions (O) prêtées à la (D) à partir du 29 avril 2014, … de ces actions n’étaient plus prêtées au 31 décembre 2014 ;
- si dans la pièce n° 14 qu’elle a versée en appel, l’appelante affirme avoir également prêté au 1er janvier 2015 des titres « (B) » et « (M) », elle n’a versé aucune preuve en ce sens. D’un côté, la note 9 de l’annexe aux comptes annuels de l’année 2014 indique qu’au 31 décembre 2014, l’appelante aurait possédé … titres dans la (B), mais la déclaration de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015 ne mentionne que 12 titres détenus dans « (B) », et la note 9 précitée ne fait référence qu’au prêt des titres (O). De surcroît, la pièce n° 16 versée par l’appelante (la confirmation d’une série d’opérations de prêt de titres conclue le 8 mai 2015 avec la (D)) fait certes état du prêt de titres « (G) » et « (M) », mais précise que la période du prêt est celle du 8 mai 2015 au 30 juin 2017, de sorte que la date de début du prêt visé par cette confirmation était nécessairement postérieure au 31 décembre 2014. D’un autre côté, dans le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015, le bureau d’imposition a retenu une valorisation de la participation dans la (B) qui est fondée sur un nombre d’actions (B) correspondant à celui déclaré dans la note 9 de l’annexe aux comptes annuels de l’année 2014 : la « valeur estimée de réalisation » retenue par le bureau d’imposition dans ledit bulletin s’élève à …. euros, soit ….
titres valant chacun …. euros, ce dernier prix correspondant au cours de bourse par titre indiqué par l’appelante dans sa déclaration de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015. Quant à la participation (M), le bureau d’imposition a retenu dans le bulletin d’impôt susmentionné qu’elle aurait une valeur estimée de réalisation de …. euros – soit une valeur légèrement supérieure au coût d’acquisition de … euros indiqué par l’appelante dans sa déclaration fiscale afférente –, et il a décidé de refuser le bénéfice de l’exonération du § 60 BewG pour l’intégralité de ce montant en arguant que « le régime des sociétés mère et filiales n’est pas applicable aux titres prêtés », c’est-à-dire qu’il a considéré que l’intégralité de la participation (M) était prêtée au 1er janvier 2015. En l’absence de contestation de la partie étatique, il y a donc lieu de retenir qu’au 1er janvier 2015, l’appelante avait bien prêté l’intégralité de ses participations dans la (G) et (M) ;
- il ressort encore des explications de l’appelante et des pièces versées qu’au 1er janvier 2016, elle détenait …. actions (O). Selon la note 9 de l’annexe à ses comptes annuels de l’année 2015, … de ces actions auraient été prêtées à la (D) (à nouveau, il y a lieu de considérer que la référence dans cette note à la société (P) comme emprunteur est erronée), tandis que les …. actions (O) restantes auraient été en dépôt auprès de la (N). Si l’appelante n’a pas fourni de preuve d’une telle répartition, force est de constater que l’Etat n’a pas remis en cause ce descriptif des faits, de sorte qu’il y a lieu d’admettre ces faits comme étant établis ;
- toujours selon la note 9 de l’annexe à ses comptes annuels de l’année 2015, l’appelante aurait prêté à la (D), au 31 décembre 2015, (i) …. actions (B), tandis que dans le formulaire 506A joint à sa déclaration fiscale de l’année 2015, l’appelante a indiqué que les …. actions en question avaient été émises par la (2) S.A., soit a priori une autre entité que la (B); (ii) …. titres dans la société (1) S.A., alors que d’après le formulaire 506A joint à sa déclaration fiscale de l’année 2015, au 31 décembre 2015, l’appelante ne possédait que …. actions dans cette société, suite à leur acquisition le 29 avril 2015 ; (iii) …. actions dans la société (3) S.A. ;
(iv) …. actions dans la société (4) S.A. ; (v) …. actions dans la société (5) S.A. ;
(vi) … actions dans la société (6) S.A., alors que dans le formulaire 506A joint à sa déclaration fiscale de l’année 2015, l’appelante mentionne avoir acquis … actions émises par cette société ; et (vii) … actions dans la société (7) S.A., tandis que dans le formulaire 506A joint à sa déclaration fiscale de l’année 2015, l’appelante ne mentionne avoir acquis que … actions émises par cette société ;
- enfin, la Cour note que la pièce n° 14, censée mettre en évidence « l’erreur matérielle dans le calcul de la valeur unitaire de l’appelant[e] au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016 », contient une autre approximation. En effet, le tableau visant à récapituler quels titres ont été prêtés par l’appelante au 1er janvier 2015 fait référence à des titres « (M) », alors qu’il ressort des formulaires 506A joints à la déclaration fiscale de l’année 2015 que ce n’est que le 31 juillet 2015 que l’appelante a acquis une participation dans la société (S) S.A., mais qu’elle a par ailleurs détenu au 1er janvier 2015 …. actions dans la société (S) S.A. qu’elle a vendues le 13 juillet 2015. Les titres visés dans la partie de la pièce n° 14 consacrée à la situation au 1er janvier 2015 étaient donc vraisemblablement des actions dans la société (S) S.A., contrairement à ce que la dénomination employée par l’appelante laisserait supposer.
Le cadre factuel ayant été ainsi délimité avec la précision que les désignations partiellement divergentes des parties impliquées et des actions en cause ont été reprises par la Cour telles quelles à partir des pièces lui soumises par les parties et partant avec toutes les réserves qu’imposent les approximations et incohérences relevées ci-avant, il convient à présent d’examiner les règles juridiques pertinentes pour trancher la problématique de l’espèce.
L’appelante revendique l’exonération des titres prêtés au titre de l’impôt sur la fortune, ainsi que des dividendes ou revenus de substitution liés aux titres prêtés, au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités.
Comme relevé à bon droit par les premiers juges, l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 attribue au contribuable la charge de la preuve des faits le libérant de son obligation fiscale ou réduisant sa cote d’impôt. Etant donné que (A) revendique une diminution des impôts dont elle est redevable, c’est à elle de prouver que les conditions des exonérations sollicitées sont remplies.
En l’espèce, la condition litigieuse – commune à l’exonération de l’impôt sur la fortune, prévue au § 60 BewG, et de l’impôt sur le revenu des collectivités, prévue à l’article 166 LIR – est celle de la qualité de détenteur des participations.
Même si la notion de détention ne se trouve pas autrement définie par les dispositions légales précitées, de manière que l’on pourrait se référer en principe à la disposition générale du § 11 StAnpG concernant l’imputation personnelle de revenus et de biens, la Cour a déjà retenu qu’il y a lieu d’interpréter l’exigence de la détention de la participation inscrite à l’article 166 LIR dans un même sens tant dans des situations intracommunautaires que dans des situations purement internes ou impliquant une société mère résidente d’un Etat tiers, et en tenant compte du principe de l’interprétation conforme d’une législation nationale ayant transposé une directive de l’Union européenne – en l’espèce, la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (Cour adm., 31 mars 2022, n° 45526C et n° 46289C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 539). Ceci vaut aussi pour l’interprétation du critère de la détention de la participation posé au § 60 BewG, puisque cette disposition s’insère dans le régime dit « mère-filiales ».
Comme déjà énoncé par la Cour dans les arrêts précités du 31 mars 2022, l’article 166 LIR doit être interprété en ce sens qu’une participation est en principe à considérer comme étant détenue par le bénéficiaire des revenus de participation lorsque ce dernier a la qualité de propriétaire juridique de la participation. Le détenteur de la participation est en effet celui qui est placé dans un rapport juridique direct avec la société filiale – sous la réserve de l’alinéa (3) de l’article 166 LIR – qui lui confère les droits inhérents à la qualité d’associé ou d’actionnaire de cette société. Un rapport juridique du bénéficiaire des revenus avec une personne morale tierce qui porte sur certains de ces droits reste sans influence sur la reconnaissance de la détention de la participation par le bénéficiaire tant que ce dernier rapport juridique n’a pas pour effet de transférer à la personne morale tierce l’exercice de l’essentiel des droits et risques inhérents à la qualité d’associé ou d’actionnaire par rapport à la société filiale. Ce ne serait que dans cette dernière hypothèse que la personne morale tierce pourrait se prévaloir de la qualité de détenteur de la participation, en tant que propriétaire économique, et se substituer de la sorte au propriétaire juridique en tant que détenteur de la participation.
Or, dans la présente affaire, la partie étatique refuse précisément de considérer l’appelante comme étant le détenteur des titres prêtés, arguant que la propriété juridique et la propriété économique de ces titres auraient été transférées à l’emprunteur.
Quant à l’allocation de la propriété juridique des titres prêtés Quant à l’effet du prêt d’actions sur la propriété juridique, la Cour relève que selon l’article 1874 du Code civil, il convient de distinguer le prêt à usage du prêt de consommation, le prêteur demeurant propriétaire de la chose prêtée dans le cadre du prêt à usage (article 1877 du Code civil), tandis que l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée dans le cadre du prêt de consommation (article 1893 du Code civil). Ainsi, l’article 1892 du Code civil définit le prêt de consommation comme « un contrat par lequel l'une des parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité », et en vertu de l’article 1893 du Code civil, « [p]ar l'effet de ce prêt, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c'est pour lui qu'elle périt, de quelque manière que cette perte arrive ».
D’après l’article de doctrine française versé par l’appelante, qui commente les opérations de prêt de titres au regard des dispositions du Code civil français correspondant aux dispositions pertinentes du Code civil luxembourgeois (pièce n° 7 – article de Franck AUCKENTHALER, Jurisclasseur Sociétés, traité, Fascicule Prêt de Titres n° 2125, à jour au 30 juin 2020), « [l]e prêt de titres est un prêt de consommation de l’article 1892 du Code civil, dont les effets satisfont parfaitement les objectifs des parties. En effet, cette convention transfère la propriété des titres à l’emprunteur qui peut donc en disposer pour couvrir un défaut de livraison ou réaliser une opération de marché » ; « [à] condition qu’il porte sur des choses fongibles, le prêt de titres revêt la nature d’un prêt à consommation » ; ce critère de la fongibilité « a été validé par la jurisprudence qui (…) a implicitement admis que le prêt de valeurs mobilières constituait un prêt de consommation », l’article renvoyant à deux arrêts de la Cour de cassation française des 8 mai 1950 (RTD civ. 1950, p. 376) et 5 décembre 1962 (Bull. civ. I, n° 253) ; et « [il] n’est pas nécessaire que l’objet du prêt [de consommation] soit un bien objectivement consomptible par nature. Il faut, en revanche, qu’il s’agisse de choses fongibles avec d’autres, c’est-à-dire interchangeables, et pouvant se substituer indifféremment les unes aux autres. C’est là une condition essentielle, car l’emprunteur doit pouvoir disposer de la chose empruntée dont il est propriétaire et restituer, par équivalent, une chose identique remplissant la même fonction libératoire. De cette fongibilité peut découler une consomptibilité, non pas objective au regard de la nature de la chose, mais appréciée subjectivement au regard de l’intention des parties ».
Au Luxembourg, alors que la doctrine plus ancienne plaidait encore en partie pour la qualification du prêt de titres comme prêt à usage (cf. André ELVINGER et Jacques ELVINGER, Le prêt de titres, in Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, Larcier 1994, p. 923), la doctrine plus récente plaide actuellement en faveur du suivi de la qualification comme prêt de consommation admise en France et en Belgique et de l’application du traitement comptable afférent (Thierry LESAGE, Yvan STEMPNIERWSKY, Réflexions sur les aspects comptables et fiscaux des opérations de prêt/emprunt et de mise en pension de titres, in Droit fiscal luxembourgeois - livre jubilaire de l'IFA, Legitech, 2018, p. 544).
Néanmoins, au vu de la liberté contractuelle dont bénéficient les parties, il convient d’examiner les stipulations concrètes des différents contrats de prêts conclus par l’appelante.
En l’espèce, la section 3 (2) (b) des dispositions générales de la « Convention-cadre FBE » applicable au prêt conclu avec la (D) (pièce n° 11) prévoit que « [l’]obligation de retourner ou de rétrocéder tout Titre constitue une obligation de livrer des Titres de la même nature que ceux qui ont été initialement livrés. Les Titres sont "de même nature" que d’autres s’ils ont été émis par le même émetteur, sont de même type, ont la même valeur nominale et confèrent des droits identiques à ceux des titres considérés (…) ». Cette section est à lire en combinaison avec la section 2. (2) de l’ « annexe produit relative aux opérations de prêts de titres » de la « Convention-cadre FBE » susmentionnée (également pièce n° 11), qui prévoit que « l’Emprunteur restitue au Prêteur un nombre identique de Titres de même nature que les Titres prêtés ». Ces mécanismes correspondent à ceux d’un prêt de titres fongibles et font donc pencher en faveur d’une qualification de ladite opération en prêt de consommation.
En outre, comme relevé à bon escient par les premiers juges, conformément à l’article 1876 du Code civil, le prêt à usage « est essentiellement gratuit ». Or, il ressort des documents versés en cause qu’une rémunération à charge respectivement de la (D) et de la (B) est prévue en faveur de l’appelante, de sorte qu’une telle rémunération s’oppose, a priori, à une qualification des prêts de titres en prêt à usage.
Enfin, et surtout, l’appelante elle-même a souligné, dans sa description des contrats de prêt (pièce n° 18), que le prêt conclu avec la (B) ainsi que celui conclu avec la (D) prévoient un transfert de la propriété juridique des titres, affirmation qui est par ailleurs corroborée par l’analyse de ces contrats.
Il y a donc lieu de conclure que les contrats de prêt avec la (D) et la (B) sont à qualifier de prêts de consommation et qu’ils ont eu pour effet de transférer aux emprunteurs respectifs, pendant la durée du prêt, la propriété juridique des titres prêtés.
Quant à l’allocation de la propriété économique des titres prêtés Cependant, du fait de la conclusion de ces opérations de prêt de titres, une dissociation entre la propriété juridique et la propriété économique des participations prêtées est susceptible d’avoir eu lieu en l’espèce, en fonction des dispositions contractuelles régissant lesdits prêts.
Il y a donc lieu d’examiner si, durant la période litigieuse, l’appelante s’était engagée, avec la (D) et avec la (B), dans un rapport juridique qui aurait eu pour effet de transférer à ces dernières, avec la propriété juridique, l’exercice de l’essentiel des droits inhérents à la qualité d’actionnaire par rapport aux participations prêtées ou si, par contre, elle a, malgré le transfert de la propriété juridique, réservé en sa faveur l’exercice desdits droits, étant par ailleurs rappelé que dans ses arrêts précités du 31 mars 2022, la Cour a constaté que la doctrine luxembourgeoise penche en faveur de l’attribution de la propriété économique des titres prêtés à l’emprunteur, alors que l’appelante se prévaut précisément de sa qualité de prêteur.
A cet égard, la Cour note que tant l’appelante que la partie étatique se prévalent d’une circulaire du ministère des Finances allemand consacrée à la question de l’imputation de la propriété économique d’actions en cas d’opérations sur titres (« Wirtschaftliche Zurechnung bei Wertpapiergeschäften », BMF-Schreiben vom 11. November 2016, document mis à jour le 9 juillet 2021), ci-après la « circulaire du 11 novembre 2016 », pour défendre leurs thèses respectives, et que l’appelante invoque aussi de la jurisprudence du Bundesfinanzhof allemand et en particulier un arrêt du 29 septembre 2021 (ECLI:DE:BFH:2021:U.290921.IR40.17.0).
Il est vrai que si la doctrine et la jurisprudence étrangères ne lient pas le juge administratif luxembourgeois, elles peuvent néanmoins apporter un éclairage édifiant sur l’interprétation de certaines notions telles que celle, en l’espèce, de propriété économique, qui trouve son origine dans le concept juridique allemand de la « wirtschaftliche Betrachtungsweise ».
En l’espèce, la circulaire du 11 novembre 2016 rappelle plusieurs lignes directrices dégagées par la jurisprudence du Bundesfinanzhof, à savoir qu’en principe, en cas de prêt de titres, la propriété économique est allouée à l’emprunteur. Par exception, malgré le transfert de la propriété juridique à l’emprunteur, la propriété économique reste allouée au prêteur lorsque les titres sont transférés au-delà de la date d’arrêté du dividende (« Dividendenstichtag ») pendant une courte période ou lorsque la position de propriétaire de l’emprunteur apparaît comme purement formelle dans le cadre d’une appréciation globale des éléments suivants, lesquels constituent des indices contre l’attribution de la propriété économique à l’emprunteur :
- le prêt de titres confère un avantage fiscal aux parties ou à des tiers et la rémunération totale de l’opération sur titres, y compris en tenant compte des opérations qui ont un lien matériel avec l’opération de prêt sur titres, est également calculée en fonction de cet avantage ;
- la réception et l’émission des paiements effectués dans le cadre de l’opération sur titres ne procurent pas d’avantage de trésorerie à l’emprunteur, par exemple parce que ces paiements sont effectués en même temps et pour le même montant ;
- l’exercice des droits de vote par l’emprunteur est contractuellement exclu ou limité, de sorte que ce dernier ne bénéficie pas d’un avantage au regard du droit des sociétés du fait de l’opération de prêt, ou encore, l’emprunteur n’a pas besoin d’exercer ses droits de vote ;
- l’emprunteur est dans une position juridique fragile, parce qu’il peut être privé de sa position juridique issue du contrat de prêt à tout moment ou endéans un délai très court (tel un délai de trois jours ouvrables), par exemple par la résiliation du contrat, ou encore parce qu’il n’est pas en mesure d’utiliser les titres empruntés d’une manière économiquement rationnelle, en raison d’autres droits contractuels du prêteur.
Dans un arrêt ultérieur à la version mise à jour de cette circulaire, à savoir l’arrêt susmentionné du 29 septembre 2021, le Bundesfinanzhof a conclu au transfert à l’emprunteur de la propriété économique des titres prêtés, malgré l’obligation de payer l’équivalent des dividendes au prêteur, malgré encore l’absence éventuelle d’exercice effectif des droits de vote par l’emprunteur, et malgré le droit du prêteur de demander la restitution des titres prêtés endéans trois jours, étant donné que l’emprunteur pouvait néanmoins profiter des modifications de valeur du cours de bourse des titres prêtés ou en subir des conséquences financières négatives (voir en particulier les paragraphes 37 à 39 de l’arrêt). En effet, dans cette affaire, les emprunteurs respectifs ont été en mesure de vendre les actions à la hausse et de se procurer sur le marché des capitaux, à la baisse, les actions nécessaires pour satisfaire à l'obligation de rétrocession, ce qui leur a permis de réaliser des bénéfices. Si le prix avait augmenté au moment de la restitution, ils auraient subi des pertes. Le Bundesfinanzhof a insisté sur le fait que la possibilité de bénéficier, le cas échéant, des fluctuations de cours en vendant ou en achetant des titres cotés en bourse à des moments différents est un pouvoir économiquement important qui avait été conféré aux emprunteurs en tant que propriétaires civils et dont l'exercice n’avait pas été limité par les dispositions contractuelles pendant la durée du prêt. Il a également souligné que la circonstance que les contrats-cadres de l’espèce accordaient au prêteur un droit de résiliation endéans respectivement trois et cinq jours ouvrables bancaires n'entraînait pas une érosion économique des opportunités et des risques de change attribués aux emprunteurs. Cette analyse infirme ainsi la position de l’appelante selon laquelle elle seule bénéficierait des chances d’augmentation de la valeur des titres et elle seule supporterait le risque de leur dépréciation, étant encore relevé qu’eu égard à la nature du prêt de consommation, c’est l’emprunteur qui supporte le risque en cas de perte des titres.
En outre, au paragraphe 47 de son arrêt du 2 février 2022 (ECLI:DE:BFH:2022:U.020222.IR22.20.0), le Bundesfinanzhof s’est prononcé contre l’attribution de la propriété économique des titres à l’emprunteur, lorsqu’aucune utilisation économiquement significative des actions et de la valeur qu'elles représentent n'a pu être constatée et qu’il ressort d’une appréciation globale des circonstances que le rôle de l’emprunteur se cantonne à celui d’une « coquille vide de propriété » (« eine leere Eigentumshülle ») en vue de l’obtention d’un avantage fiscal.
En l’espèce, les contrats de prêt de titres conclus respectivement avec la (D) et la (B) prévoyaient certes le versement de paiements de compensation au prêteur en relation avec les dividendes générés par les titres prêtés, ainsi que, dans certaines circonstances, la résiliation du prêt conduisant à avancer la date de restitution des titres. Cependant, cette faculté de résiliation n’était pas prévue exclusivement en faveur de l’appelante, ainsi que cela ressort des articles 7.2 et 7.3 du contrat de prêt de titres nantis conclu avec la (B). De plus, en cas d’exercice par l’appelante de sa faculté d’exiger la restitution anticipée des titres prêtés, l’article 6.4 du contrat de prêt de titres nantis conclu avec la (B) prévoyait que « [d]ans tous les cas où le Prêteur aura demandé la restitution anticipée des titres prêtés en application des paragraphes de l’article 6.2, le Prêteur s’engage à indemniser l’Emprunteur du coût de retournement dans le marché consécutif à la résiliation du prêt et de tous les frais, dommages et intérêts et pénalités dont l’Emprunteur serait redevable du fait de cette restitution et que l’Emprunteur serait capable de justifier ». La (B) a donc veillé à préserver ses intérêts financiers en cas de demande de restitution anticipée des titres prêtés par l’appelante.
Qui plus est, l’appelante elle-même a affirmé que ces contrats n’avaient pas été conclus en vue de l’obtention d’un avantage fiscal, l’objectif déclaré de l’appelante étant d’obtenir des revenus supplémentaires de ses titres et l’objectif attribué par l’appelante aux banques emprunteuses étant de « disposer de liquidités suffisantes sur le titre en question afin de remplir [leurs] obligations de couverture ».
L’existence d’une visée commerciale et non fiscale au moins dans le chef de la (D) est corroborée par la référence, dans la note 9 de l’annexe aux comptes annuels de l’année 2014 de l’appelante, à la « convention d’arbitrage convenue entre [la (D) et l’appelante], concernant le prêt de …. titres (F) ». En effet, comme l’explique l’auteur de la pièce n° 7 versée par l’appelante, « l’arbitrage consiste à tirer parti d’un écart de cours dans le temps entre le comptant et le terme ou dans l’espace entre deux places financières », de sorte que la conclusion d’une telle convention démontre la volonté de la (D), comme emprunteur, de tirer profit, économiquement, du prêt de titres grâce aux fluctuations du cours de ces derniers.
Cette capacité pour l’emprunteur de faire un usage économiquement raisonnable des titres empruntés (« eine wirtschaftlich sinnhafte ‘Benutzung’ der Aktien », pour reprendre la formule du Bundesfinanzhof dans son arrêt susmentionné du 2 février 2022), est également sous-tendue par la longue durée pour laquelle les contrats de prêt de titres ont été conclus, combinée avec la possibilité de principe, pour les emprunteurs, de disposer librement des titres jusqu’à l’échéance des prêts.
En effet, la clause 11.1 du contrat de prêt de titres nantis (pièce n° 13) conclu par l’appelante avec la (B) précise que ce contrat « est conclu pour une durée indéterminée ». La durée du prêt des titres même n’était certes pas indéterminée – la clause 5.1 de la pièce n° 13 précisant que « [c]haque Opération est conclue pour une durée telle que précisée dans la Confirmation y afférente et se termine à la Date de Restitution telle qu’indiquée dans cette même Confirmation » –, mais il ressort notamment des deux avis d’exécution relatifs à des actions (O) (pièce n° 17) que lesdites actions devaient être prêtées du 18 avril 2013 au 17 avril 2015, soit une période d’une durée bien supérieure à quelques jours ouvrables.
Le prêt de titres de l’appelante à la (D) documenté par la pièce n° 16 témoigne aussi de l’accord des parties de « conclure une série d’opérations de Prêt de Titres portant chacun sur une variété de Titre Eligible tels [sic] que défini ci-après sur une période de prêt allant du 8 mai 2015 au 30 juin 2017 ». Certes, les dates de livraison et de restitution devaient être précisées dans des confirmations qui n’ont pas toutes été versées au dossier, de sorte que la période effective de chaque opération de prêt peut avoir été plus courte que la date du contrat lui-même. Néanmoins, il ressort d’une confirmation versée au dossier et pertinente pour la période litigieuse (pièce n° 15) que l’appelante s’est engagée à prêter à la (D) des actions (O) du 29 avril 2014 au 4 mai 2015.
Un autre indice révèle encore l’intention d’effectuer des opérations de prêt de titres pendant une longue durée, à savoir la demande de décision fiscale anticipée du 29 janvier 2014 à laquelle l’administration des Contributions directes a réservé une suite défavorable par avis du 2 mars 2015. Dans cette demande figurant au dossier fiscal, l’appelante expliquait avoir conclu des contrats de prêt de titres (O) avec la (B) et la société (P), et qu’en vertu de ces contrats, elle s’engageait à prêter les actions (O) pendant une période fixe de deux ans (« LuxCo lends the Shares to the Borrowers for a fixed period of time (2 years) »).
Il appert ainsi que l’appelante a eu l’intention de rester dans la position de prêteur de titres – et donc de cesser d’être le propriétaire juridique desdits titres, soit la personne pouvant en principe exercer les droits de vote liés aux actions – pendant une longue période, étant par ailleurs relevé que l’analyse des documents soumis par l’appelante ne révèle pas de limitations particulières de l’exercice, par les emprunteurs respectifs, du droit de vote lié aux actions empruntées.
De surcroît, le fait que ce soit la (B), donc l’emprunteur, qui attire l’attention du prêteur sur certaines clauses (« Par la signature du présent contrat, le Prêteur reconnaît que l’Emprunteur a expressément attiré son attention sur les clauses 6, 7, 8, 10. 12.2., 12.3. et 12.4. », pièce n° 13) témoigne du fait que cette banque a joué un rôle actif dans la détermination des conditions des opérations de prêt et qu’elle ne saurait être considérée comme une simple « coquille vide de propriété » que l’appelante aurait interposée dans un montage.
Enfin, l’échange de courriels évoqué plus haut, entre (A) et la banque (T), au sujet de dividendes et de la commission de prêt de titres concernant l’année 2015 et les actions (O), conduit la Cour à constater, d’une part, que l’appelante s’intéressait à la rémunération lui revenant du fait des opérations de prêt, mais ne semblait pas vraiment au courant de l’évolution du nombre des titres prêtés, puisqu’elle-même mentionnait « une quantité globale de ….
titres », tandis que son interlocuteur lui a expliqué avoir déterminé le montant de la commission de prêt de titres de juillet 2015 « sur un total de …. actions (O) », qu’ « [e]n mai 2015, une nouvelle transaction de prêt-emprunt de titres portant sur …. titres (O) est réalisée » et qu’ »[e]n novembre puis décembre 2015, deux nouvelles tranches sont ajoutées (…. et ….
titres respectivement) ». Or, la capacité d’un actionnaire à influencer la prise de décision grâce aux droits de vote attachés à sa participation dépend de l’importance de cette participation. A travers cet échange, l’appelante n’a pas démontré – bien au contraire – qu’elle aurait été particulièrement attentive à l’exercice de ses droits d’actionnaire en termes de droit de vote.
Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que c’est à tort que l’appelante estime être demeurée propriétaire économique des titres prêtés. Par conséquent, c’est aussi à tort qu’elle estime pouvoir obtenir l’exonération d’impôt sur la fortune par rapport aux titres prêtés, ainsi que l’exonération d’impôt sur le revenu des collectivités par rapport aux dividendes ou revenus de substitution liés à ces titres. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce volet.
A l’instar des premiers juges, il y a encore lieu de retenir que cette conclusion n’est pas ébranlée par les affirmations non autrement développées de l’appelante selon lesquelles elle aurait encore gardé en dépôt plus de … titres (O) de façon continue pendant plus de 12 mois, de sorte que les dividendes sur les titres (O) prêtés devraient bénéficier des articles 11, paragraphe (1), et 97, paragraphe (1), LIR pour être considérés comme un revenu de remplacement assimilé à un revenu de participation pouvant bénéficier de l’exonération de l’article 166 LIR. En effet, le fait que (A) ait été le détenteur des titres (O) non prêtés – par rapport auxquels le bureau d’imposition a accepté d’accorder l’exonération prévue par le § 60 BewG et par l’article 166 LIR, ainsi qu’il ressort des bulletins d’impôt litigieux – ne permet pas de conclure, faute de développements circonstanciés pertinents de sa part, que les revenus générés par les titres (O) prêtés devraient bénéficier de l’exonération prévue à l’article 166 LIR, nonobstant le fait qu’elle n’était plus le propriétaire économique de ces titres.
Quant à la validité du principe de l’inscription de créances-titres à la place des titres prêtés La Cour venant de retenir que l’appelante n’est ni le propriétaire juridique, ni le propriétaire économique des participations prêtées, il convient encore d’examiner le moyen de l’appelante consistant à remettre en cause le bien-fondé de la position du directeur consistant à considérer que dans son bilan fiscal, les titres prêtés devraient être remplacés par des créances-titres.
Force est de constater que le traitement fiscal critiqué par l’appelante est celui qui résulte de l’application des règles comptables et fiscales découlant de la situation juridique de l’appelante, les prêts de titres ayant eu pour effet le transfert de la propriété juridique et économique des titres aux emprunteurs respectifs, tout en mettant à charge de ces derniers une obligation de restitution envers l’appelante.
A cet égard, la Cour relève en premier lieu que les parties ne se prévalent pas d’une analyse du régime comptable des prêts de titres de la part de la Commission des normes comptables (CNC) du Grand-Duché de Luxembourg, laquelle paraît effectivement ne pas encore s’être prononcée sur cette question.
En revanche, la position étatique est confortée par plusieurs pièces versées dans la présente affaire.
Ainsi, dans son avis CNC 169/1 du 1er février 1995 intitulé « Traitement dans les comptes des entreprises des opérations de prêt et d’emprunt de titres », la Commission des normes comptables belge explique que dans le chef du prêteur, « une convention de prêt de titres emporte transfert de la propriété du titre en cause et la naissance simultanée d'une créance-titres, représentant les titres prêtés à récupérer », de sorte que « la conclusion d'une telle convention se traduira :
par une sortie des titres prêtés de la rubrique sous laquelle ils étaient comptabilisés, selon le cas :
- 280 Participations dans des entreprises liées …. Titres à revenu fixe sur des entreprises liées 282 Participations dans des entreprises avec lesquelles il existe lien de participation …. Titres à revenu fixe sur des entreprises avec lesquelles il existe un lien de participation 284 Autres actions et parts …. Autres titres à revenu fixe … Actions propres … Actions et parts … Titres à revenu fixe - et, simultanément, par l'inscription de la créance-titres dans un ou plusieurs comptes ou sous-comptes distincts à ouvrir dans la rubrique susvisée dont le titre prêté est sorti, sous l'intitul[é] "Titres prêtés, créance-titres" » (la Cour souligne).
De même, dans sa circulaire du 11 novembre 2016, le ministère des Finances allemand indique que « Mit der zivilrechtlichen Übertragung des Eigentums ist dem Darlehensnehmer im Grundfall die Darlehensvaluta steuerlich zuzurechnen (…). Beim Darlehensgeber tritt an die Stelle der Wertpapiere eine Forderung auf Lieferung von Wertpapieren gleicher Art, Güte und Menge ».
Enfin, dans une section consacrée au régime fiscal du prêt de titres, l’auteur de l’article de doctrine française versé par l’appelante décrit deux approches possibles qui conduisent à chaque fois à reconnaître une créance à la place des titres prêtés dans le chef du prêteur (pièce n° 7, paragraphe 52).
Au vu de ces solutions convergentes admises dans les pays voisins dont les concepts pertinents en l’espèce sont suffisamment proches, il y a lieu d’appliquer la même solution par rapport aux opérations de prêts de titres litigieuses conclues par l’appelante. C’est donc à juste titre que le directeur a considéré que l’appelante aurait dû inscrire dans son bilan fiscal des créances-titres à la place des titres prêtés.
Quant à la valorisation des créances-titres Le principe de l’inscription de créances-titres ayant été confirmé, il y a encore lieu d’examiner la contestation de l’appelante portant sur la valorisation desdites créances pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016.
Il est constant que les créances en cause ont fait partie de la fortune d’exploitation (« Betriebsvermögen ») de l’appelante, telle qu’elle est définie par le § 54, alinéa (1), BewG.
Ce dernier énonce que « zum Betriebsvermögen gehören alle Teile einer wirtschaftlichen Einheit, die dem Betrieb eines Gewerbes als Hauptzweck dient, soweit die Wirtschaftsgüter dem Betriebsinhaber gehören (gewerblicher Betrieb) ».
Conformément au principe énoncé au § 18 BewG, les règles d’évaluation spécifiques aux différentes catégories de fortune, ancrées pour celle de la fortune d’exploitation d’une entreprise commerciale aux §§ 26, 27 et 54 à 66 BewG, sont d’application par priorité dans le cadre de l’impôt sur la fortune, les règles d’évaluation générales formulées aux §§ 1 à 17 BewG n’étant appelées à s’appliquer que de manière subsidiaire en cas d’absence de disposition spécifique.
Or, en l’espèce, aucune disposition spécifique ne trouve à s’appliquer. En effet, les créances-titres ne sont pas à ranger dans la catégorie des valeurs mobilières (« Wertpapiere ») visée au § 66, alinéa (3), AO, étant donné qu’il ne s’agit pas de « [t]itre[s] faisant partie d’une émission globale effectuée par une collectivité publique ou privée et qui, en raison de cette origine de [leur] négociabilité, [sont] susceptible[s] d’être coté[s] en bourse » (G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 12e éd., 2018), ni dans celle des parts sociales (« Anteile ») ou des certificats de jouissance (« Genussscheine ») également visés par cette disposition. Par conséquent, puisque les créances-titres litigieuses ne rentrent pas dans le champ d’application du § 66 BewG, elles ne se trouvent pas non plus visées par le renvoi opéré par cette disposition au § 70 BewG, au vœu duquel « für Wertpapiere, Anteile und Genussscheine an Kapitalgesellschaften können an Stelle der nach § 13 Absätzen 1 oder 2 oder § 14 massgebenden Werte besondere Werte festgesetzt werden (Steuerkurswerte). § 13 Absatz 3 gilt entsprechend ».
Par ailleurs, étant donné que les créances-titres litigieuses ne sont ni des titres cotés (bien que venant en remplacement de participations qui, selon l’affirmation de l’appelante non contredite par l’Etat, sont cotées en bourse), ni des actions, parts sociales ou actions de jouissance, elles ne rentrent pas non plus dans le champ d’application du § 13 BewG.
En outre, lesdites créances ne tombent pas sous l’empire du § 14 BewG. Ce texte s’applique en effet aux créances en capital (« Kapitalforderungen »), c’est-à-dire celles payables en numéraire, et non aux créances en nature (« Sachforderungen ») telles les créances-titres litigieuses. Cette analyse rejoint celle de la doctrine allemande (cf. STENGER/LOOSE, Bewertungsrecht – BewG ErbStG GrStG – Kommentar, Verlag Dr. Otto Schmidt KG, 2023, commentaire du § 12 du Bewertungsgesetz allemand, – disposition correspondant au § 14 BewG –, p. 10, Anm. 30 : « Forderungen, die auf andere Leistungen als auf Geld gerichtet sind, zählen nicht zu den "Kapitalforderungen". Ihre Bewertung richtet sich nach § 9 BewG [c’est-à-dire l’équivalent de droit allemand du § 10 BewG]. Hierher gehören insbesondere – die Ansprüche auf Sachleistungen, wie auf (…) Wertpapiere (…) »).
En conséquence, l’évaluation desdites créances est à effectuer conformément au § 10 BewG, lequel prévoit que :
« (1) Bei Bewertungen ist, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, der gemeine Wert zugrunde zu legen.
(2) Der gemeine Wert wird durch den Preis bestimmt, der im gewöhnlichen Geschäftsverkehr nach der Beschaffenheit des Wirtschaftsguts bei einer Veräußerung zu erzielen wäre. Dabei sind alle Umstände, die den Preis beeinflussen, zu berücksichtigen.
Ungewöhnliche oder persönliche Verhältnisse sind nicht zu berücksichtigen. (…) ».
Le § 10, alinéa (1), BewG pose le principe de l’évaluation des créances-titres à leur valeur estimée de réalisation (« gemeiner Wert »). Le deuxième alinéa du § 10 BewG définit ensuite la valeur estimée de réalisation comme étant le prix qui, dans le cours normal des affaires, serait obtenu en cas de vente de l’actif économique, compte tenu de la nature dudit actif, et précise qu’il convient de tenir compte de toutes les circonstances qui influent sur le prix, excepté les circonstances inhabituelles ou personnelles. A cet égard, comme indiqué par la doctrine et la jurisprudence allemandes, la notion en droit fiscal de « valeur estimée de réalisation » a la même signification que les termes « valeur marchande » ou « valeur de marché » utilisés dans la vie économique (STENGER/LOOSE, Bewertungsrecht – BewG ErbStG GrStG – Kommentar, précité, commentaire du § 9 du Bewertungsgesetz allemand, p. 2, Anm. 2 : « Der steuerrechtliche Begriff des gemeinen Werts ist gleichbedeutend mit den im Wirtschaftsleben verwendeten Begriffen „Verkehrswert“ oder „Marktwert“. »).
La question qu’il reste à trancher est donc celle de la détermination de la valeur estimée de réalisation des créances-titres. En l’occurrence, le litige s’inscrivant dans le cadre de l’établissement de la valeur unitaire pour les besoins de l’impôt sur la fortune, il ne s’agit pas de s’interroger sur la question d’une éventuelle découverte des plus-values latentes lors du remplacement, dans le bilan fiscal, des titres prêtés par les créances-titres, ni de l’imposition de telles plus-values, puisque ces problématiques relèvent de l’impôt sur le revenu des collectivités, lequel est non pertinent ici.
L’actif à valoriser en l’espèce est un actif qui remplace temporairement les actions prêtées et qui donne droit à la restitution de titres de même nature, c’est-à-dire émis par le même émetteur, de même type, ayant la même valeur nominale et conférant des droits identiques aux titres prêtés, pour reprendre les critères énoncés dans la section 3 (2) (b) des dispositions générales de la « Convention-cadre FBE » applicable au prêt conclu avec la (D) (pièce n° 11).
Eu égard à ce lien étroit entre les créances-titres et les titres prêtés, un tiers décidant d’acquérir auprès du prêteur les créances-titres prendra normalement en compte la valeur de marché des titres prêtés afin de déterminer le prix qu’il est prêt à payer pour acquérir ces créances. En l’espèce, comme indiqué ci-avant, l’appelante a affirmé d’une manière non contestée par l’Etat que les titres prêtés étaient des actions cotées, de sorte que leur valeur de marché correspond à leur cours de bourse. Certes, jusqu’à la date de restitution des titres, le titulaire de la créance-titres demeure dans l’incertitude quant au cours de bourse qu’auront les titres prêtés au moment de leur restitution. Cependant, cette valeur demeure un point de référence important en raison de la faculté de demander la restitution anticipée des titres. Le cours de bourse des titres prêtés respectivement au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015 peut ainsi être considéré comme une valeur-plancher qu’un tiers acquéreur prendrait en compte dans sa décision d’acheter respectivement au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016 les créances-titres et est une valeur objective, en ce qu’elle n’est pas déterminée par des circonstances inhabituelles ou personnelles propres à un potentiel acquéreur, pouvant facilement être vérifiée par l’administration des Contributions directes.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen de l’appelante selon lequel les créances-titres auraient dû être évaluées en principe à leur valeur nominale.
La Cour constate que l’appelante n’a pas expressément soulevé la question de savoir si l’administration des Contributions directes a bien utilisé le cours de bourse des titres prêtés pour évaluer les créances-titres. Une absence de contestation explicite de ce point est cependant logique, eu égard au raisonnement de l’appelante fondé d’abord sur une absence de reconnaissance de créances-titres dans son bilan fiscal et, à titre subsidiaire, sur une évaluation des créances-titres à la valeur nominale. En outre, à travers son argumentation que la Cour vient de rejeter, l’appelante a bien contesté la détermination correcte de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et 2016 et a sollicité, à titre subsidiaire, l’annulation de la direction directoriale litigieuse et le renvoi, « pour autant que besoin, au service compétent de l’administration des [C]ontributions directes ». Or, conformément à l’article 59, alinéa (1), de la loi du 21 juin 1999, « [l]a preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration ». Il convient donc encore de vérifier si l’administration des Contributions directes a bien utilisé le cours de bourse des titres prêtés pour évaluer les créances-titres.
Tel a bien été le cas par rapport aux actions « (G) » pour l’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015. En effet, pour cette participation, l’appelante a indiqué, dans sa déclaration de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2015, un cours de bourse de …. euros par titre, et, comme mentionné plus haut, dans le bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015, la « valeur estimée de réalisation » retenue par le bureau d’imposition dans ledit bulletin s’élève à … euros, soit … titres valant chacun … euros, ce dernier montant correspondant donc bien au cours de bourse par titre indiqué par l’appelante.
En revanche, en l’absence d’indication du cours de bourse des autres participations et de toute précision de la part de l’administration des Contributions directes et du délégué du gouvernement quant à la manière dont la valeur estimée de réalisation des créances-titres a été déterminée, la Cour n’est pas en mesure de s’assurer de la fixation correcte de cette valeur.
Sur ce point, l’administration des Contributions directes puis la partie étatique ont donc manqué de suffire à la charge de la preuve qui leur incombait.
Par conséquent, il convient d’annuler partiellement la décision directoriale en ce qu’elle a intégralement confirmé les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016 et de renvoyer le litige devant le directeur dans cette mesure, afin que celui-ci s’assure que la valeur unitaire a été fixée dans ces bulletins d’une manière conforme aux principes dégagés ci-avant. Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce sens.
Quant à la demande de condamner l’Etat à rembourser les intérêts de retard payés par l’appelante L’appelante demande que la partie étatique soit condamnée à lui rembourser les intérêts de retard qu’elle aurait payés entre la décision directoriale litigieuse et l’ordonnance présidentielle du 8 février 2021 (n° 45568 du rôle) ayant rejeté sa requête en obtention d’un sursis à exécution de ladite décision directoriale.
La partie étatique n’a pas pris position sur ce point.
Il convient néanmoins de rejeter cette demande, étant donné qu’elle est prématurée à ce stade.
Quant à la demande d’obtention d’une indemnité de procédure et de condamnation de l’Etat aux frais des deux instances Sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, l’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de … euros, tant pour la première instance que pour l’instance d’appel.
En effet, compte tenu des problématiques soulevées et du fait qu’elle a dû engager un mandataire pour défendre ses droits, il serait manifestement inéquitable de laisser tous les frais et dépens à sa seule charge. Par ailleurs, elle demande la condamnation de l’Etat aux frais des deux instances.
Le délégué du gouvernement, pour sa part, conteste la demande en allocation d’une indemnité de procédure tant en son principe qu’en son quantum. En effet, selon lui, l’appelante ne préciserait pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par elle. La partie étatique n’a pas pris position quant à la demande de l’appelante de condamner l’Etat aux frais de la première instance et demande que l’appelante soit condamnée aux frais de l’instance d’appel.
Nonobstant l’issue du litige, il y a lieu de rejeter comme non justifiée la demande en allocation d’une indemnité de procédure, étant donné qu’il n’appert point de l’ensemble des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de l’appelante les frais irrépétibles.
Enfin, au vu de la solution au fond dégagée par la Cour en appel, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison de trois quarts à l’appelante et d’un quart à l’Etat.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel en la forme, rejette la demande de la société (A) S.C.A. tendant à ce que la Cour ordonne à l’Etat la production d’un mémoire supplémentaire, au fond, déclare l’appel partiellement justifié, partant, par réformation du jugement entrepris, annule la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 novembre 2020, référencée sous le numéro C…. du rôle, mais uniquement en ce qu’elle a intégralement confirmé les bulletins d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2015 et au 1er janvier 2016, et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le directeur, afin que celui-ci s’assure que la valeur unitaire a été fixée dans ces bulletins d’impôt d’une manière conforme aux principes dégagés dans le présent arrêt ;
confirme le jugement entrepris pour le surplus, rejette la demande de la société (A) S.C.A. tendant à la condamnation de l’Etat à lui rembourser des intérêts de retard, rejette la demande de la société (A) S.C.A. tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de …. euros pour chacune des deux instances, fait masse des frais et dépens des deux instances et les impose à raison des trois quarts à la société (A) S.C.A. et d’un quart à l’Etat.
Ainsi délibéré et jugé par:
Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 6 février 2024 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier assumé de la Cour …..
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