N° 27 / 2024 du 08.02.2024 Numéro CAS-2023-00061 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit février deux mille vingt-quatre.
Composition:
Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Jeanne GUILLAUME, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre 1) la société de droit néerlandais SOCIETE1.) BV, établie et ayant son siège social à NL-ADRESSE1.), représentée par l’organe statutaire, inscrite auprès de la chambre de commerce néerlandaise sous le numéroNUMERO1.), 2) la société à responsabilité limitée SOCIETE2.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE2.), représentée par le conseil de gérance, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), demanderesses en cassation, comparant par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et 1) PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE3.), 2) PERSONNE2.), demeurant à F-ADRESSE4.), défendeurs en cassation, comparant par la société anonyme LUTHER, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Mathieu LAURENT, avocat à la Cour.
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Vu l’arrêt attaqué, numéro 162/22 - IX - COM, rendu le 22 décembre 2022 sous les numéros CAL-2020-00550 et CAL-2020-00635 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 24 avril 2023 par la société de droit néerlandais SOCIETE1.) BV (ci-après « la société SOCIETE1.) ») et la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) », selon la terminologie utilisée dans l’arrêt attaqué) à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.), déposé le 27 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;
Vu le mémoire en réponse intitulé « mémoire en défense » signifié le 29 juin 2023 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à la société SOCIETE1.) et à la société SOCIETE2.), déposé le 3 juillet 2023 au greffe de la Cour ;
Ecartant le nouveau mémoire intitulé « mémoire en réplique », signifié le 11 septembre 2023 par la société SOCIETE1.) et la société SOCIETE2.) à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.), déposé le 14 septembre 2023 au greffe de la Cour, pour ne pas répondre, quant à son objet, aux prescriptions de l’article 17, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation;
Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait dit que la distribution de dividendes intervenue en 2018 a eu lieu en violation de l’article 22.7 des statuts de la société SOCIETE2.) et avait dit fondée, en son principe, la demande en indemnisation formulée à ce titre par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) contre la société SOCIETE1.), en sa qualité d’associée majoritaire de la société SOCIETE2.). La Cour d’appel, saisie de l’appel principal interjeté par les sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), ainsi que de l’appel incident interjeté par PERSONNE1.) et PERSONNE2.), a confirmé le jugement entrepris.
2 Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 89 de la constitution, de l’article 53 du Nouveau Code de procédure civile, de l’article 54 du Nouveau Code de procédure civile, de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile, de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lesquels disposent :
Article 89 de la Constitution :
en audience publique. » Article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne :
Article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : Article 53 du Nouveau Code de procédure civile :
déterminé par les prétentions respectives des parties ».
Article 54 du Nouveau Code de procédure civile :
prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».
Article 249 du Nouveau Code de procédure civile :
jugements contiendra les noms des juges, du procureur d'Etat, s'il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements ».
3 Article 587 du Nouveau Code de procédure civile :
établies pour les tribunaux inférieurs sont observées en instance d’appel ».
En ce que, pour déclarer non fondé l’appel principal limité de la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et de la société à responsabilité SOCIETE2.) et confirmer le jugement entrepris, ayant dit que la distribution intervenue à la suite de la décision du conseil de gérance de la société SOCIETE2.), (SOCIETE2.)) a été prise en violation de l’article 22.7 des statuts de la société et dit la demande en allocation de dommages et intérêts sur la base de la violation de l’article 22.7 fondée en son principe à l’égard de la société SOCIETE1.) BV, la cour d’appel s’est prononcée Aux motifs que (…) Au fond, il convient de rappeler que seul reste à examiner le volet II relatif aux demandes de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) en allocation de dommages et intérêts à hauteur de ce qu’ils estiment leur revenir au titre de la distribution des dividendes en raison de la faute commise par SOCIETE1.) en sa qualité d'associé majoritaire de SOCIETE2.) ayant seule prise la décision incriminée de rachat des parts préférentielles et de distribution.
La Cour note cet égard que l’argumentation de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) au sujet du rachat des parts préférentielles et de la distribution des dividendes réalisée le 3 août 2018 est restée la même qu'en première instance.
En ce qui concerne le fond, les juges de première instance ont fait une exacte relation des faits à la base du litige, qui a été exposée ci-avant, et à laquelle la Cour se réfère.
C’est tout d’abord à juste titre que le tribunal a analysé les questions de l’existence d'une faute, d'un préjudice dans le chef de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) et enfin d'une relation causale entre faute et préjudice sous l’angle du droit commun, et plus précisément de l'article 1134 du Code civil, dès lors que ni la loi sur les sociétés commerciales, ni une autre loi, ne règle la situation d’un acte accompli en contravention aux statuts d’une société.
C’est également à bon droit et pour des motifs qu’il y a lieu d’adopter que le tribunal a retenu que dans l’hypothèse du non-respect des clauses statutaires relatives à la distribution de dividendes et d’un préjudice en résultant pour certains associés, la responsabilité contractuelle de l’associé majoritaire, en l’occurrence, de SOCIETE1.), est susceptible d’être engagée.
La Cour rejoint ensuite l’analyse correcte des juges de première instance en ce qui concerne l’ordre de distribution prévu à l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), et plus particulièrement les paragraphes (i), (ii) et (iii), et leur application à la distribution de dividendes du 21 décembre 2017 ainsi qu’à celle subséquente du 3 août 2018 (cf. pages 39 42 du jugement entrepris).
C’est ainsi à juste titre que les juges de premier degré ont pu décider que les distributions intervenues le 21 décembre 2017 et le 3 août 2018 ont été effectuées en application de l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), avec la seule différence que la distribution de 2017 s’est arrêtée à l' étape 3, ( point iii) de l’article 22.7), seule 4 la prime d'émission étant à ce moment disponible pour distribution, alors que la distribution de 2018 tendait à distribuer le prix de cession de SOCIETE3.) aux associés de SOCIETE2.) suivant le schéma de distribution de l’article 22. 7 des statuts en se basant notamment sur des résolutions écrites des associés de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 auxquelles la Cour renvoie.
C’est encore à raison que le tribunal a rejeté l’argumentation de SOCIETE1.) et SOCIETE2.), basée sur le fait que dans la mesure ou les statuts utiliseraient le terme dans le cadre de l'article 22. 7 ( iii), et que l’opération de 2017 emploierait au contraire le terme , la distribution intervenue à ce moment ne rentrerait pas dans les prescriptions de l’article 22. 7 des statuts, dans la mesure ou l’emploi alternatif de ces termes (les résolutions écrites prises par l'assemblée générale des associés de SOCIETE2.) le 21 décembre 2017 faisant état indistinctement des deux termes et la troisième résolution du conseil de gérance de SOCIETE2.) tenu le 3 août 2018 utilisant ce terme de en relation avec la distribution litigieuse d'août 2018) ne fournit aucune indication quant à la nature des distributions opérées. Ces éléments permettent par contre de conclure à une indication claire de l’équivalence des termes utilisés contrairement à ce que plaident SOCIETE1.) et SOCIETE2.).
La Cour approuve enfin le tribunal d’avoir retenu que le fait que l’opération de rachat de décembre 2017 ait été doublée d’un signé entre SOCIETE1.) et SOCIETE3.) n'est pas de nature à modifier la nature de l’opération de rachat.
L’analyse faite à cet égard par les juges du premier degré, se basant sur le procès-verbal de la réunion du conseil de gérance de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 et des comptes sociaux de SOCIETE2.), et leur solution reste aussi, en l’absence de tout élément nouveau permettant d’énerver lesdites conclusions, correcte en appel.
L'avis juridique de Maître Thierry LOHEST versé par SOCIETE1.) et SOCIETE2.) n’est en l’état pas de nature à convaincre la Cour du contraire, ce d’autant plus que cet avis est énervé par celui du professeur CORBISIER versé par PERSONNE2.) et PERSONNE1.).
La projection établie par PERSONNE3.) et envoyée par courrier électronique du 2 février 2018 à PERSONNE2.) et PERSONNE1.) relève également, tel que l’a justement retenu le tribunal, d'une application de l’article 22.7 des statuts suivant l’interprétation défendue par PERSONNE2.) et PERSONNE1.) et tend encore à infirmer la position de SOCIETE1.) et SOCIETE2.). Cette estimation, comme l’a relevé le tribunal, constitue un indice parmi d’autres servant l’interprétation des clauses statutaires actuellement sujettes à divergences entre parties et il n’y a pas lieu de l’écarter des débats sous prétexte que PERSONNE3.) n'avait aucune fonction dirigeante dans SOCIETE2.) ou SOCIETE3.).
En effet, il appert des éléments soumis tant au tribunal qu’à la Cour que PERSONNE3.) a joué un rôle majeur au sein de SOCIETE4.) et qu’il est intervenu à tous les niveaux pendant le processus d’acquisition et de cession de SOCIETE1.) à SOCIETE5.).
5 La Cour, à l’instar du tribunal avant elle, constate que cette interprétation est encore renforcée par un document adressé le 11 février 2014 par PERSONNE3.) à PERSONNE2.) et PERSONNE1.), intitulé , et aux termes duquel les parties projetaient d'attribuer 30 % du capital de SOCIETE2.) à PERSONNE2.) et PERSONNE1.), mais aussi que SOCIETE4.) allait investir la somme de 25. 000. 000.- euros dans SOCIETE3.) et que cet investissement serait structuré par l’émission d’instruments préférentiels, donnant un droit de préférence sur toute autre distribution, jusqu’à remboursement intégral des montants investis.
Même si ce document a été transmis avec la mention purposes only » et que les du 30 mai 2014 signés entre SOCIETE6.), d’une part, et PERSONNE2.) et PERSONNE1.), d’autre part, n’en font effectivement pas mention ainsi que l’a relevé le tribunal, il n’ y a pas lieu de ne lui accorder aucun crédit à l’instar de ce que soutiennent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), dans la mesure où ce document fournit, comme la projection critiquée de PERSONNE3.) d’ailleurs, des éléments non négligeables permettant de cerner l’intention des parties et notamment de SOCIETE4.) quant à la finalité de l’émission des parts préférentielles, à savoir, comme l’ont retenu les juges du premier degré, celle de garantir à l'investisseur de pouvoir récupérer les fonds injectés dans SOCIETE3.) par préférence à une distribution de bénéfices aux associés porteurs de parts ordinaires.
Pour rejeter le soutènement de SOCIETE1.) et SOCIETE2.), repris en appel et suivant lequel les parts préférentielles devraient être prises en compte pour déterminer la participation de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) au capital, parts qui établiraient que cette participation s’élèverait tout au plus à 0,83 % pour chacun d' eux, la Cour renvoie à l’examen fait par le tribunal des comptes consolidés de SOCIETE6.) relatifs aux exercices 2016 et 2017, ainsi que du document établissant la liste des filiales de ladite société, qui pour rappel n’est autre que la société mère de SOCIETE1.), que cette dernière déclare détenir directement ou indirectement 70 % des participations dans SOCIETE2.) et SOCIETE3.), les 30 % restants étant détenus par . II ne saurait dès lors faire de doutes pour la Cour que sont expressément visés PERSONNE2.) et PERSONNE1.).
La Cour partage pour le surplus l’appréciation faite par les juges de première instance quant à l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés aux deux catégories de parts. Si la volonté des parties était de leur accorder les mêmes droits, tel que l’interprètent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait.
C'est dès lors par une saine appréciation que la Cour fait sienne et contrairement aux arguments développés par SOCIETE1.) et SOCIETE2.) lesquels sont restés inchangés en appel que le tribunal a décidé que la décision de distribution intervenue le 3 août 2018 est constitutive d’une violation des statuts de SOCIETE2.), dont la responsabilité incombe à l'associé majoritaire SOCIETE1.), et que s'agissant d’une décision prise au détriment de certains associés qui ont ainsi été lésés, ces derniers sont dès lors en droit de réclamer la réparation de leur préjudice qui en a résulté.
6 Il n’y a en conséquence pas lieu d’examiner plus avant les autres arguments des parties au soutien de leurs moyens.
1°) Alors que dans leurs conclusions, les sociétés SOCIETE1.) BV, (SOCIETE1.)) et SOCIETE2.), (SOCIETE2.)), faisaient valoir, pour la première fois en cause d’appel, que tant le registre des associés de la société que l’acte notarié du 4 juin 2014 établissaient que MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ne détenaient, chacun, que 1 500 parts ordinaires, soit 0,83% du capital social ; qu’elles produisaient, également pour la première fois en cause d’appel, une consultation de Maître Alex Schmitt le confirmant, et elles observaient que c’était à tort que le tribunal, pour retenir une participation de 30% de MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) au capital de la société SOCIETE2.), s’était fondé sur l’extrait des comptes d’SOCIETE6.), dès lors que cet extrait mentionnait expressément que les deux salariés détenaient, non pas 30% des parts sociales, mais 30% des parts ordinaires ; que les deux sociétés appelantes faisaient valoir, toujours pour la première fois en cause d’appel, que les paiements effectués par la société SOCIETE2.), en décembre 2017, ne constituaient pas une distribution de dividendes, qu’aucun état comptable intérimaire, exigé, aux termes de l’article 710-25 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, pour une distribution de dividendes n’avait alors été effectué, que ces paiements s’analysaient, ainsi qu’il résultait des résolutions écrites du conseil de gérance et des associés, en date du 21 décembre 2017, d’une part, en une distribution exceptionnelle de prime d’émission et, d’autre part, en un rachat par la société d’une partie des parts préférentielles, de sorte que les modalités de cette distribution particulière ne pouvaient être transposées à la distribution intervenue le 3 août 2018 et qu’en l’absence de prix de rachat spécifié par les statuts, celui-ci était librement fixé par la société et l’associé concerné, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 710-5 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, le principe d’égalité de traitement des associés a été respecté ; qu’en affirmant cependant, pour confirmer le jugement entrepris que La Cour note cet égard que l’argumentation de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) au sujet du rachat des parts préférentielles et de la distribution des dividendes réalisée le 3 aout 2018 est restée la même qu’en première instance » et que les arguments développés par SOCIETE1.) et SOCIETE2.) (…) sont restés inchangés en appel », la cour d’appel a dénaturé les conclusions des sociétés SOCIETE1.) BV, (SOCIETE1.)) et SOCIETE2.), (SOCIETE2.)) ;
2°) Alors que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme ; qu’en retenant, pour dire, par confirmation du jugement entrepris, que la distribution intervenue à la suite de la décision du conseil de gérance de la société SOCIETE2.), (SOCIETE2.)) a été prise en violation de l’article 22.7 des statuts de la société et que la demande en allocation de dommages et intérêts sur la base de la violation de l’article 22.7 fondée en son principe à l’égard de la société SOCIETE1.) BV, une participation de 30% de MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) au capital de la société SOCIETE2.), sans répondre aux moyens des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), tirés de ce que le registre des associés de la société et les statuts de la société établissaient que MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ne détenaient, chacun, que 1 500 parts ordinaires, soit 0,83% du capital social et que les comptes consolidés de SOCIETE6.), sur lesquels s’étaient fondés le tribunal, mentionnaient expressément que les deux salariés détenaient 30% 7 des parts sociales ordinaires et non 30% du capital social, ni examiner la consultation de Maître Alex Schmitt confirmant la répartition du capital social de la société SOCIETE2.), la cour d’appel a violé les articles 89 de la Constitution, 54 du Nouveau Code de procédure civile, et 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile ;
3°) Alors que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme ; qu’en retenant, pour dire, par confirmation du jugement entrepris, que la distribution intervenue à la suite de la décision du conseil de gérance de la société SOCIETE2.), (SOCIETE2.)) a été prise en violation de l’article 22.7 des statuts de la société et que la demande en allocation de dommages et intérêts sur la base de la violation de l’article 22.7 fondée en son principe à l’égard de la société SOCIETE1.) BV, que c’est ainsi à juste titre que les juges de premier degré ont pu décider que les distributions intervenues le 21 décembre 2017 et le 3 août 2018 ont été effectuées en application de l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), avec la seule différence que la distribution de 2017 s'est arrêtée à l'étape 3, ( point iii) de l'article 22.7), seule la prime d’émission étant à ce moment disponible pour distribution, alors que la distribution de 2018 tendait à distribuer le prix de cession de SOCIETE3.) aux associés de SOCIETE2.) suivant le schéma de distribution de l’article 22. 7 des statuts en se basant notamment sur des résolutions écrites des associés de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 auxquelles la Cour renvoie » et que l’analyse faite à cet égard par les juges du premier degré, se basant sur le procès-verbal de la réunion du conseil de gérance de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 et des comptes sociaux de SOCIETE2.), et leur solution reste aussi, en l’absence de tout élément nouveau permettant d’énerver lesdites conclusions, correcte en appel », sans répondre aux moyens des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), tirés de ce que l’absence d’état comptable en décembre 2017 excluait que la distribution puisse s’analyser en une distribution de dividendes comparable à celle effectuée le 3 août 2018 et qu’en l’absence de prix de rachat spécifié par les statuts, celui-ci était librement fixé par la société et l’associé concerné, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 710-5 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, le principe d’égalité de traitement des associés avait été respecté, la cour d’appel a violé les articles 89 de la Constitution, 54 du Nouveau Code de procédure civile, et 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile ;
4°) Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ; qu’il en résulte que le juge se doit d’examiner et de se prononcer sur les moyens et éléments de preuve invoqués par chacune des parties ; que, dans leurs conclusions, les sociétés SOCIETE1.) BV, (SOCIETE1.)) et SOCIETE2.), (SOCIETE2.)), faisaient valoir, pour la première fois en cause d’appel, que tant le registre des associés de la société que l’acte notarié du 4 juin 2014 établissaient que MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ne détenaient, chacun, que 1 500 parts ordinaires, soit 0,83% du capital social ; qu’elles produisaient, également pour la première fois en cause d’appel, une consultation de Maître Alex Schmitt le confirmant, et elles observaient que c’était à tort que le tribunal, pour retenir une participation de 30% de MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) au capital de la société SOCIETE2.), s’était fondé sur l’extrait des comptes d’SOCIETE6.), dès lors que cet extrait mentionnait expressément que les deux salariés détenaient, non pas 30% des parts sociales, mais 30% des parts ordinaires ; que les deux sociétés 8 appelantes faisaient valoir, toujours pour la première fois en cause d’appel, que les paiements effectués par la société SOCIETE2.), en décembre 2017, ne constituaient pas une distribution de dividendes, qu’aucun état comptable intérimaire, exigé, aux termes de l’article 710-25 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, pour une distribution de dividendes n’avait alors été effectué, que ces paiements s’analysaient, ainsi qu’il résultait des résolutions écrites du conseil de gérance et des associés, en date du 21 décembre 2017, d’une part, en une distribution exceptionnelle de prime d’émission et, d’autre part, en un rachat par la société d’une partie des parts préférentielles, de sorte que les modalités de cette distribution particulière ne pouvaient être transposées à la distribution intervenue le 3 août 2018 et qu’en l’absence de prix de rachat spécifié par les statuts, celui-ci était librement fixé par la société et l’associé concerné, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article 710-5 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, le principe d’égalité de traitement des associés a été respecté ; qu’en s’abstenant de répondre aux moyens essentiels des sociétés appelantes, soumis pour la première fois au juge et d’examiner les éléments de preuve nouvellement fournis, la cour d’appel a encore méconnu le droit des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) à un procès équitable, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. » Réponse de la Cour Sur les deuxième et troisième branches du moyen réunies, qui sont préalables Vu l’article 89 de la Constitution, dans sa version en vigueur avant le 1er juillet 2023, et les articles 249 et 587 du Nouveau Code de procédure civile.
Il résulte des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que les demanderesses en cassation avaient présenté, en instance d’appel, plusieurs moyens non formulés en première instance et avaient appuyé leurs moyens par des pièces spécialement invoquées.
En retenant que « l’argumentation de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) au sujet du rachat des parts préférentielles et de la distribution des dividendes réalisée le 3 août 2018 est restée la même qu’en première instance » et que les « arguments développés par SOCIETE1.) et SOCIETE2.) (…) sont restés inchangés en instance d’appel », les juges d’appel n’ont pas répondu aux conclusions, nouvelles en instance d’appel, visées aux deux branches.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Les défendeurs en cassation étant à condamner aux frais et dépens de l’instance de cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
9 PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches et moyens, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt attaqué, numéro 162/22 - IX - COM, rendu le 22 décembre 2022 sous les numéros CAL-2020-00550 et CAL-2020-00635 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, autrement composée ;
condamne les défendeurs en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Lydie Lorang, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du Procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.
10 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et société à responsabilité limitée SOCIETE2.) contre PERSONNE1.) et PERSONNE2.) (CAS-2023-00061) Le pourvoi en cassation, introduit par la société de droit néerlandais SOCIETE1.) B.V. et par la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) par un mémoire en cassation signifié le 24 avril 2023 aux défendeurs en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 27 avril 2023, est dirigé contre un arrêt rendu par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale, statuant contradictoirement, en date du 22 décembre 2022 (arrêt n°162/22) dans une affaire portant le numéro du rôle CAL-2023-00041. Cet arrêt a été signifié aux deux parties demanderesses en cassation en date du 2 mars 2023.
Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Les défendeurs en cassation ont signifié un mémoire en réponse le 29 juin 2023 et elles l’ont déposé au greffe de la Cour le 3 juillet 2023.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois, augmenté de quinze jours conformément à l’article 167 du Nouveau code de procédure civile, à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.
Les parties demanderesses en cassation ont signifié un mémoire en réplique le 11 septembre 2023 et l’ont déposé au greffe de la Cour le 14 septembre 2023.
Ce mémoire est recevable en ce qu’il a trait à la présentation des faits servant de base au recours, mais il est irrecevable pour le surplus, conformément à l’article 17, alinéa 2, de la loi précitée du 18 février 1885.
Sur les faits et antécédents :
Un premier pourvoi contre l’arrêt n°162/22 rendu par la Cour d’appel, neuvième chambre, en date du 22 décembre 2022 a été introduit par les actuels défendeurs en cassation, PERSONNE1.) et PERSONNE2.), par un mémoire en cassation signifié le 13 mars 2023 et déposé au greffe de la Cour le 27 mars 2023. Ce pourvoi a été enrôlé sous le n° CAS-2023-
00041.
11 Les faits et antécédents sont identiques à ceux exposés dans les conclusions de la soussignée relatives à l’affaire n° CAS-2023-00041.
Dispositions attaquées :
Tous les moyens sont dirigés contre l’arrêt entrepris en ce qu’il a déclaré non fondé l’appel principal limité des parties demanderesses en cassation et a confirmé le jugement entrepris, ayant dit que la distribution inter venue le 3 août 2018 est intervenue en violation de l’article 22.7 des statuts de la société et dit que la demande en allocation de dommages et intérêts sur la base de la violation de l’article 22.7 fondée en son principe à l’égard de la société SOCIETE1.) B.V. (ci-après SOCIETE1.)).
Sur le premier moyen de cassation:
Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile, de l’article 54 du Nouveau code de procédure civile, de l’article 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Le moyen est articulé en 4 branches.
Sur la première branche :
La première branche reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les conclusions des parties demanderesses en cassation en constatant que « la Cour note à cet égard que l’argumentation de SOCIETE1.) et SOCIETE2.) au sujet du rachat des parts préférentielles et de la distribution des dividendes réalisée le 3 août 2018 est restée la même qu’en première instance 1» et que les « arguments développés par SOCIETE1.) et SOCIETE2.) lesquels sont restés inchangés en appel2».
L’exposé de la branche ne comporte aucune indication concernant la disposition légale visée, mais il ressort des développements relatifs à cette branche qu’elle est tirée d’une violation de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter 1 Arrêt du 22 décembre 2022, page 25, deuxième paragraphe 2 ibidem, page 27, avant-dernier paragraphe 12 l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.3 Faute de préciser le texte de loi qui aurait été violé, la première branche est irrecevable.4 Subsidiairement :
L’article 53 du Nouveau code de procédure civile dispose que «l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties» et oblige le juge à statuer sur tous les chefs de la demande.
Cette disposition est étrangère au grief invoqué et la branche est irrecevable.
Plus subsidiairement :
Sous le couvert du grief tiré de la violation sinon de la dénaturation d’un écrit clair, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par la Cour d’appel, des arguments présentés par les parties demanderesses en cassation à l’appui de leur appel, appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur les deuxième et troisième branches réunies :
Ces branches sont tirées de la violation des articles 89 de la Constitution, 54 du Nouveau code de procédure civile, et 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs.
L’article 54 du Nouveau code de procédure civile dispose que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé». Le grief tiré de la violation de l’article 54 du Nouveau code de procédure civile en ce que la Cour d’appel aurait statué infra petita, en omettant de se prononcer sur l’un des chefs de demande, ne donne pas lieu à ouverture à cassation, mais, aux termes de l’article 617, point 5°, du même code, à requête civile.
En tant que tirées de la violation de l’article 89 de la Constitution et des article 249, alinéa 1, et 587 du Nouveau Code de procédure civile, les deux branches visent le défaut de motivation.
Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture. Les deux branches articulent, d’une part, le grief tiré de 3 Cass. n° 123 / 2022 du 20.10.2022, n°CAS-2021-00125 du registre ; Cass. n° 64 / 2022 du 12.05.2022, n° CAS-2021-00089 du registre 4 n° 154 / 2019 du 21.11.2019, n° CAS-2019-00003 du registre 13 la violation de l'article 54 du Nouveau code de procédure civile qui traite de l’objet du litige, et, d’autre part, le grief tiré de la violation des articles 249 et 587 du Nouveau code de procédure civile qui traite du défaut de motifs qui est un vice de forme, partant deux cas d’ouverture distincts.
Les deuxième et troisième branches sont irrecevables.
Subsidiairement :
A supposer que le grief invoqué dans les deux branches s’analyse exclusivement en un défaut de réponse à conclusions tiré des articles 249 en combinaison avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, qui constitue un vice de forme :
Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
Aux termes d’une jurisprudence constante, les juges du fond « ne sont pas obligés de suivre les parties dans le détail de leur argumentation »5.
La deuxième branche fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir répondu aux moyens des parties demanderesses en cassation tirés de ce que le registre des associés de la société et les statuts de la société établissaient que MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ne détenaient, chacun, que 1500 parts ordinaires, soit 0,83% du capital social et que les comptes consolidés de SOCIETE6.), sur lesquels s’était fondé le tribunal, mentionnaient expressément que les deux salariés détenaient 30 % des parts sociales ordinaires et non 30 % du capital social, ni examiner la consultation de Maître Alex Schmitt confirmant la répartition du capital social de la société SOCIETE2.).
En ce qui concerne la participation des défendeurs en cassation dans le capital social, l’arrêt dont pourvoi est motivé comme suit :
« Pour rejeter le soutènement de SOCIETE1.) et SOCIETE2.), repris en appel et suivant lequel les parts préférentielles devraient être prises en compte pour déterminer la participation de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) au capital, parts qui établiraient que cette participation s’élèverait tout au plus à 0,83 % pour chacun d’eux, la Cour renvoie à l’examen fait par le tribunal des comptes consolidés de SOCIETE6.) relatifs aux exercices 2016 et 2017, ainsi que du document établissant la liste des filiales de ladite société, qui pour rappel n’est autre que la société mère de SOCIETE1.), que cette dernière déclare détenir directement ou indirectement 70 % des participations dans SOCIETE2.) et SOCIETE3.), les 30 % restants étant détenus par « two key employees of SOCIETE1.) ». Il ne saurait dès lors faire de doutes pour la Cour que sont expressément visés PERSONNE2.) et PERSONNE1.). » 5 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 6e éd. 2023/2024, n°77.215 14 Par ces motifs, l’arrêt s’est clairement prononcé sur la participation des défendeurs en cassation dans le capital social et a ainsi répondu aux moyens invoqués par les parties demanderesses en cassation.
La deuxième branche n’est pas fondée.
La troisième branche reproche à l’arrêt entrepris de ne pas avoir répondu au moyen des parties demanderesses en cassation tiré de ce que l’absence d’état comptable en décembre 2017 excluait que la distribution puisse s’analyser en une distribution de dividendes comparable à celle effectuée le 3 août 2018 et qu’en l’absence de prix de rachat spécifié par les statuts, celui-
ci était librement fixé par la société et l’associé concerné, dès lors que, conformément à l’article 710-5 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, le principe de l’égalité de traitement des associés avait été respecté.
En ce qui concerne les distributions intervenues le 21 décembre 2017 et le 3 août 2018, l’arrêt dont pourvoi est motivé comme suit :
« La Cour rejoint ensuite l’analyse correcte des juges de première instance en ce qui concerne l’ordre de distribution prévue à l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), et plus particulièrement les paragraphes (i), (ii) et (iii), et leur application à la distribution de dividendes du 21 décembre 2017 ainsi qu’à celle subséquente du 3 août 2018 (cf. pages 39 à 42 du jugement entrepris).
C’est ainsi à juste titre que les juges de premier degré ont pu décider que les distributions intervenues le 21 décembre 2017 et le 3 août 2018 ont été effectuées en application de l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), avec la seule différence que la distribution de 2017 s’est arrêtée à l’étape 3 (point (iii) de l’article 22.7), seule la prime d’émission étant à ce moment disponible pour distribution, alors que la distribution de 2018 tendait à distribuer le prix de cession de SOCIETE3.) aux associés de SOCIETE2.) suivant le schéma de distribution de l’article 22.7 des statuts en se basant notamment sur des résolutions écrites des associés de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 auxquelles la Cour renvoie. » Par ces motifs, l’arrêt a donc retenu que les deux distributions ont été effectuées en application de l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.) et que la distribution du 3 août 2018 tendait à distribuer le prix de cession de SOCIETE3.) aux associés de SOCIETE2.) suivant le schéma de distribution de l’article 22.7 des statuts. En statuant ainsi, la Cour d’appel a répondu au moyen des parties demanderesses en cassation tendant à voir fixer librement le prix de rachat des parts préférentielles et a retenu que ce rachat devait se faire conformément au schéma de distribution de l’article 22.7 des statuts, plus particulièrement l’article 22.7 (iii).
La troisième branche n’est pas fondée.
Sur la quatrième branche :
La quatrième branche est tirée de la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’article 47 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne.
15 Le litige ne présente aucun lien avec la mise en œuvre par le Luxembourg du droit de l’Union européenne6.
Le grief tiré de l’article 47 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée à Nice en date du 7 décembre 2000 est dès lors étranger au litige7.
La branche est inopérante en ce qu’elle tirée de la violation de l’article 47 de la Charte.
En ce qu’elle tirée de la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention, la quatrième branche vise une absence de réponse à conclusions valant défaut de motifs.
Le grief invoqué se confond avec ceux invoqués dans le cadre des deuxième et troisième branches :
- Les parties demanderesses en cassation soutiennent avoir fait valoir pour la première fois en cause d’appel que tant le registre des associés de la société que l’acte notarié du 4 juin 2014 établissaient que MM. PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ne détenaient, chacun, que 1500 parts ordinaires, soit 0,83% du capital social ; avoir produit pour la première fois en cause d’appel une consultation de Maître Alex Schmitt le confirmant, et elles observaient que les comptes consolidés de SOCIETE6.), sur lesquels s’étaient fondé le tribunal, mentionnaient expressément que les deux salariés détenaient 30 % des parts sociales ordinaires et non 30 % du capital social.
Ce grief a déjà été soulevé dans le cadre de la deuxième branche, de sorte que ce volet de la quatrième branche ne requiert pas de nouvelle analyse, mais doit être traité ensemble avec la deuxième branche et suivre le même sort que celle-ci.
- Les parties demanderesses soutiennent encore avoir fait valoir pour la première fois en cause d’appel que les paiements effectués en décembre 2017 ne constituaient pas une distribution de dividendes, qu’aucun état comptable intérimaire, exigé aux termes de l’article 710-25 de la loi du 10 août 2015 sur les sociétés commerciales pour une distribution de dividendes n’avait alors été effectué, de sorte que les modalités de cette distribution particulière ne pouvaient pas être transposées à la distribution du 3 août 2018 et qu’en l’absence de prix de rachat spécifié par les statuts, celui-ci était librement fixé par la société et l’associé concerné, dès lors que, conformément à l’article 710-5 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, le principe de l’égalité de traitement des associés a été respecté.
6 Article 51, paragraphe 1er, 1re phrase, de la Charte : « Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux Etats membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. » 7 Cass. n° 20 / 13 du 21.3.2013, n° 3127 du registre ; Cass. n° 5 / 2012 pénal du 12.1.2012, not. 3267/08/XD, n° 3001 du registre ; Cass. n° 7 / 2013 pénal du 31.1.2013, not.
1543/11/XD, n° 3108 du registre.
16 Ce grief a déjà été soulevé dans le cadre de la troisième branche, de sorte que ce volet de la quatrième branche ne requiert pas de nouvelle analyse, mais doit être traité ensemble avec la troisième branche et suivre le même sort que celle-ci.
Sur le deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 710-5,1° de la loi du 10 août 2015 sur les sociétés commerciales (ci-après LSC) et du défaut de base légale au regard de l’article 710-7, 5° 6° et 9° de la même loi et de l’article 1134 du Code civil.
L’article 710-5, paragraphe 1°, alinéa 1er, de la LSC dispose : «Le capital social doit être de 12 000 euros au moins. Il se divise en parts sociales, avec ou sans mention de valeur ».
L’article 710-7, paragraphe (1), points 5,6 et 9, de la même loi dispose :
« (1) L’acte de société indique :
[…] 5° le montant du capital souscrit ;
6° les catégories de parts, lorsqu’il en existe plusieurs, les droits afférents à chacune de ces catégories et le nombre de parts souscrites ;
[…] 9° le cas échéant, le nombre de titres ou de parts non représentatifs du capital exprimé ainsi que les droits y attachés, notamment le droit de vote aux assemblées générales ;
[…]. » L’article 1134 du Code civil dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » Le moyen est articulé en deux branches.
Sur la première branche :
La première branche est tirée de la violation de l’article 710-5, paragraphe 1°, de la LSC et reproche à l’arrêt dont pourvoi de ne pas avoir déduit les conséquences légales de ses constatations.
La déduction par le juge de conséquences légales erronées […] est un cas de violation de la loi provenant soit d’un refus d’application de la loi, soit d’une fausse interprétation de celle-
ci, et ne doit pas se confondre avec le défaut de base légale, ouverture à cassation distincte8.
La non-déduction des conséquences légales suppose des constatations de fait correctes et suffisantes dont le juge n’a pas su tirer des conséquences juridiques exactes9.
Dans la première branche, les parties demanderesses font valoir que «dans des motifs, adoptés par la cour d’appel, et ce point n’est pas contesté, le tribunal a expressément constaté que :
8 Jacques et Louis Boré précité, n° 66.22 9iIbidem 17 - PERSONNE2.) et PERSONNE1.) sont devenus, le 4 juin 2014, actionnaires de SOCIETE2.) en souscrivant à 1500 parts de 10 001 parts ordinaires composant son capital, les 7 001 parts restantes étant détenues par SOCIETE1.), laquelle a également souscrit à 361 931 parts préférentielles (jugement, p.6, al.5).
- par décision de l’assemblée générale des associés de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017, il a été décidé le rachat de 191 630 parts préférentielles détenues par SOCIETE1.), le capital de SOCIETE2.) étant composé suite à cette décision de distribution, de 10 001 parts ordinaires et de 170 301 parts préférentielles, SOCIETE1.) étant détentrice de toutes les parts préférentielles et de 7 001 parts ordinaires, tandis que PERSONNE2.) et PERSONNE1.) détenaient chacun 1 500 parts ordinaires.» Les deux extraits cités figurent dans le texte du jugement de première instance rendu en date du 3 avril 2020, plus précisément le premier extrait figure à la page 6 dans une rubrique intitulée « Faits », et le second extrait figure à la page 40.
Les parties demanderesses en cassation en concluent que « dit autrement, les salariés disposaient bien de 0,83 % du capital social de la société SOCIETE2.) chacun », de sorte qu’en rejetant « le soutènement de SOCIETE1.) et SOCIETE2.), repris en appel et suivant lequel les parts préférentielles devraient être prises en compte pour déterminer la participation de PERSONNE2.) et PERSONNE1.) au capital, parts qui établiraient que cette participation s’élèverait tout au plus à 0,83 % pour chacun d’eux », la Cour d’appel n’aurait pas déduit les conséquences légales de ses constatations.
Or, tout d’abord, les parties demanderesses en cassation ne fournissent aucune indication concernant l’adoption par les juges d’appel des « motifs » cités dans les deux extraits. Bien au contraire, l’arrêt entrepris comporte une rubrique intitulée « résumé des faits » qui ne se réfère pas à la rubrique intitulée « Faits » du jugement de première instance.
Ensuite, il ne découle pas des extraits cités que les juges de première instance auraient fixé à 0,83 % la part des défendeurs en cassation dans le capital social de SOCIETE2.). Bien au contraire, les juges de première instance ont retenu à la page 36 de leur jugement10 que « suivant procès-verbal de l’assemblée générale d’SOCIETE8.) (devenue par la suite SOCIETE2.)), PERSONNE2.) et PERSONNE1.) ont souscrit chacun à 1.500 parts, représentant en tout 30 % du capital social ». Le jugement de première instance n’a donc pas constaté que « les salariés disposaient bien de 0,83 % du capital social de la société SOCIETE2.) chacun », mais a constaté qu’ils disposaient chacun de 30% dudit capital social.
Dans la mesure où il ne ressort pas des extraits cités que les juges de première instance auraient constaté que la participation des défendeurs en cassation s’élèverait tout au plus à 0,83 % et qu’il ne ressort pas non plus de l’arrêt attaqué que les juges d’appel aient adopté les « motifs » cités, la première branche manque en fait.
10 7e paragraphe 18 Sur la seconde branche :
La seconde branche est tirée du défaut de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 710-7, paragraphe 1er, points 5°, 6° et 9° de la LCS.
Le défaut de base légale se définit comme l’absence de constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit11.
La seconde branche n’indique toutefois aucune constatation de fait qui aurait été omise par les juges du fond, de sorte que cette branche ne répond pas aux exigences de l’article 10 modifiée de loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et doit être déclarée irrecevable.
Subsidiairement :
La seconde branche se borne à critiquer que l’arrêt entrepris aurait donné une trop grande importance aux comptes consolidés de la société SOCIETE6.) et au document adressé le 11 février 2014 par PERSONNE3.) à PERSONNE2.) et PERSONNE1.) par rapport aux statuts de la société.
Sous le couvert du grief tiré du défaut de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation et l’interprétation des documents versés en cause, par la Cour d’appel, qui relèvent de son pouvoir souverain et échappent au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1134 et 1853 du Code civil et du défaut de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 710-25 de la LSC.
L’article 1134 du Code civil dispose : «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.» L’article 1853, paragraphe 1er, du même code dispose : « Lorsque l’acte de société ne détermine point la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, la part de chacun est en proportion de sa mise dans le fond de la société.» L’article 710-25, paragraphe 1er, de la LSC dispose :
« Il ne peut être procédé à un versement d’acomptes sur dividendes que si les statuts autorisent les gérants à le faire. Ce versement est en outre soumis aux conditions suivantes:
11 Jacques et Louis Boré précité, n° 78.31 19 1° il est établi un état comptable faisant apparaître que les fonds disponibles pour la distribution sont suffisants ;
2° le montant à distribuer ne peut excéder le montant des résultats réalisés depuis la fin du dernier exercice dont les comptes annuels ont été approuvés, augmenté des bénéfices reportés ainsi que des prélèvements effectués sur les réserves disponibles à cet effet et diminué des pertes reportées ainsi que des sommes à porter en réserves en vertu d’une obligation légale ou statutaire ;
3° la décision des gérants de distribuer un acompte ne peut être prise plus de deux mois après la date à laquelle a été arrêté l’état comptable visé au point 1° ci-dessus ;
4° le commissaire ou le réviseur d’entreprises, s’il y en a, vérifie si les conditions prévues ci-
dessus ont été remplies. » Le moyen est articulé en six branches.
Sur la première branche:
La première branche est tirée d’une violation de l’article 1134 du Code civil et fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations.
La Cour d’appel aurait constaté, par motifs adoptés des premiers juges, d’une part, que les statuts ne prévoyaient pas le prix de rachat des parts préférentielles, et, d’autre part, que le prix de rachat des parts préférentielles aurait été fixé à 213,93 € par part, soit le même montant que celui attribué, à titre de dividendes, aux parts ordinaires, en application de l’article 22.7 (v) des statuts. Elle n’aurait dès lors pas pu retenir, pour confirmer le jugement entrepris, que la distribution intervenue le 3 août 2018 est constitutive d’une violation des statuts de SOCIETE2.).
Cette branche procède d’une lecture erronée de l’arrêt dont pourvoi. Tout d’abord il ne ressort pas dudit arrêt que la Cour d’appel aurait constaté, par motifs adoptés, que les statuts ne prévoyaient pas le prix de rachat des parts préférentielles. Elle a, au contraire, clairement exprimé que les distributions (dont faisait partie le rachat des parts préférentielles) devaient se faire conformément à l’article 22.7 des statuts :
« La Cour rejoint ensuite l’analyse correcte des juges de première instance en ce qui concerne l’ordre de distribution prévue à l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), et plus particulièrement les paragraphes (i), (ii) et (iii), et leur application à la distribution de dividendes du 21 décembre 2017 ainsi qu’à celle subséquente du 3 août 2018 (cf. pages 39 à 42 du jugement entrepris).
C’est ainsi à juste titre que les juges de premier degré ont pu décider que les distributions intervenues le 21 décembre 2017 et le 3 août 2018 ont été effectuées en application de l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.), avec la seule différence que la distribution de 2017 s’est arrêtée à l’étape 3 (point (iii) de l’article 22.7), seule la prime d’émission étant à ce moment disponible pour distribution, alors que la distribution de 2018 tendait à distribuer le prix de cession de SOCIETE3.) aux associés de SOCIETE2.) suivant le schéma 20 de distribution de l’article 22.7 des statuts en se basant notamment sur des résolutions écrites des associés de SOCIETE2.) du 21 décembre 2017 auxquelles la Cour renvoie. » La Cour d’appel se réfère certes aux pages 39 à 42 du jugement de première instance, mais rejoint seulement « l’analyse correcte des juges de première instance en ce qui concerne l’ordre de distribution prévue à l’article 22.7 des statuts de SOCIETE2.) ».
Il ne ressort pas non plus de l’arrêt entrepris que la Cour d’appel aurait constaté que le prix de rachat des parts préférentielles aurait été fixé à 213,93 € par part en application de l’article 22.7 (v) des statuts.
Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision.
Faute d’indications à ce sujet, la première branche est irrecevable.
Subsidiairement :
Etant donné que l’arrêt dont pourvoi n’a pas adopté les motifs des premiers juges visés dans la première branche, celle-ci manque en fait.
Sur la deuxième branche :
La deuxième branche est tirée d’une violation des articles 1134 et 1853 du Code civil.
Il est reproché à l’arrêt dont pourvoi d’avoir retenu que, si la volonté des parties avait été d’accorder les mêmes droits aux dividendes aux deux catégories de parts, les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait. Or, lorsque les statuts ne déterminent pas la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, celle-ci serait en proportion de sa mise dans le fond de la société.
Cette branche articule, d’une part, la violation de l’article 1134 du Code civil relatif à la force obligatoire des contrats, et d’autre part, la violation de l’article 1853 du Code civil relatif à la participation de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, lorsque cette participation n’est pas prévue dans les statuts, partant deux cas d’ouverture distincts.
Le moyen est irrecevable.
Subsidiairement :
Cette branche procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris, qui a interprété les dispositions des statuts relatifs aux droits aux dividendes comme suit :
« La Cour partage pour le surplus l’appréciation faite par les juges de première instance quant à l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés aux deux catégories de parts. Si la volonté des parties était de leur accorder les mêmes droits, tel 21 que l’interprètent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait. » Etant donné que les juges du fond se sont fondés sur l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés par les statuts aux deux catégories de parts et que l’article 1853 du Code civil ne s’applique que par défaut, au cas où les statuts ne déterminent pas la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, les juges du fond n’ont pas appliqué et n’avaient pas à appliquer l’article 1853 du Code civil, qui est partant étranger à la décision attaquée.
Plus subsidiairement :
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées, la branche ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation des statuts, par la Cour d’appel, qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur la troisième branche :
La troisième branche est tirée d’une dénaturation des résolutions écrites des associés de la société SOCIETE2.) prises le 21 décembre 2017.
L’exposé de la branche ne comporte aucune indication concernant la disposition légale visée.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.
Faute de préciser le texte de loi qui aurait été violé, la première branche est irrecevable.12 Sur la quatrième branche :
La quatrième branche est tirée d’un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 1853 du Code civil.
Cette branche articule, d’une part, le défaut de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil relatif à la force obligatoire des contrats, et d’autre part, le défaut de base légale au regard de l’article 1853 du Code civil relatif à la participation de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, lorsque cette participation n’est pas prévue dans les statuts, partant deux cas d’ouverture distincts.
Le moyen est irrecevable.
12 n° 154 / 2019 du 21.11.2019, n° CAS-2019-00003 du registre 22 Subsidiairement :
Le défaut de base légale se définit comme l’absence de constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit13.
Cette branche n’indique aucune constatation de fait qui aurait été omise par les juges d’appel tout en étant requise pour apprécier les conditions légales d’application des dispositions visées.
Etant donné que la quatrième branche ne précise pas quelle constatation de fait aurait été omise par les juges du fond, cette branche ne répond pas aux exigences de l’article 10 modifiée de loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et doit être déclarée irrecevable.
Plus subsidiairement :
Etant donné que les juges du fond se sont fondés sur l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés par les statuts aux deux catégories de parts et que l’article 1853 du Code civil ne s’applique que par défaut, au cas où les statuts ne déterminent pas la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, les juges du fond n’ont pas appliqué et n’avaient pas à appliquer l’article 1853 du Code civil, qui est partant étranger à la décision attaquée.
Encore plus subsidiairement :
Cette branche fait grief à l’arrêt entrepris de s’être fondé sur les courriels émanant de PERSONNE3.) et adressés à PERSONNE2.) et PERSONNE1.) le 11 février 2014 et le 2 février 2018 pour en déduire que les parts préférentielles devaient être rachetées à leur valeur nominale augmentée de la prime d’émission. Ces courriels émanant d’une partie tierce seraient dépourvus de valeur juridique et ne pourraient fonder une interprétation des statuts contraire à la volonté des associés et aux dispositions de l’article 1853 du Code civil.
Sous le couvert du grief tiré du défaut de base légale, la branche ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation des statuts, par la Cour d’appel, qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur la cinquième branche :
La cinquième branche est tirée d’une violation des articles 1134 et 1853 du Code civil.
Cette branche articule, d’une part, la violation de l’article 1134 du Code civil relatif à la force obligatoire des contrats, et d’autre part, la violation de l’article 1853 du Code civil relatif à la participation de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, lorsque cette participation n’est pas prévue dans les statuts, partant deux cas d’ouverture distincts.
13 Jacques et Louis Boré précité, n° 78.31 23 Le moyen est irrecevable Subsidiairement:
Il est reproché à l’arrêt entrepris d’avoir retenu, par motif expressément adopté des premiers juges, qu’il ressort de la volonté d’un traitement distinct des deux catégories de parts par les statuts que « les parts préférentielles sont ainsi rémunérées essentiellement par leur rachat par la société et non par la distribution de dividendes ». Ce serait à tort que l’arrêt attaqué aurait retenu que les statuts auraient entendu priver les porteurs de parts préférentielles de toute part et portion dans le bénéfice du prix de cession qu’ils ont contribué à créer.
En ce qui concerne les droits aux dividendes liés aux deux catégories de parts, l’arrêt dont pourvoi est motivé comme suit :
« La Cour partage pour le surplus l’appréciation faite par les juges de première instance quant à l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés aux deux catégories de parts. Si la volonté des parties était de leur accorder les mêmes droits, tel que l’interprètent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait. » Il découle de cette motivation que les juges d’appel partagent certes l’appréciation faite par les juges de première instance sans toutefois adopter l’intégralité de leurs motifs, mais en ne reprenant qu’une partie de la motivation, à savoir que « si la volonté des parties était de leur accorder les mêmes droits, tel que l’interprètent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait »14.
Cette branche manque partant en fait.
Plus subsidiairement :
Cette branche reproche aux juges d’appel d’avoir confondu « remboursement » et « rémunération », mais elle n’expose pas en quoi les dispositions visées auraient été violées.
Il s’ensuit que cette branche est irrecevable.
Encore plus subsidiairement :
Etant donné que les juges du fond se sont fondés sur l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés par les statuts aux deux catégories de parts et que l’article 1853 du Code civil ne s’applique que par défaut, au cas où les statuts ne déterminent pas la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, les juges du fond n’ont pas appliqué et n’avaient pas à appliquer l’article 1853 du Code civil, qui est partant étranger à la décision attaquée.
14 cf. jugement du 3avril 2020, page 44, dernier paragraphe 24 A titre de dernière subsidiarité:
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées, la branche ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation des statuts, par la Cour d’appel, qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Sur la sixième branche :
La sixième branche est également tirée d’une violation des articles 1134 et 1853 du Code civil.
Il est fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir affirmé, par motifs adoptés des premiers juges, que :
« L’interprétation suggérée par les sociétés SOCIETE1.) aurait par ailleurs pour conséquence que suivant le moment décidé par l’associé majoritaire SOCIETE1.), le montant revenant aux parts préférentielles, et par conséquence le surplus disponible pour distribution aux parts ordinaires pourrait changer radicalement et ceci sans raison objective. Ainsi, si la distribution intervenue en décembre 2017 n’avait pas eu lieu et que le rachat de toutes les parts préférentielles aurait eu lieu en août 2018 au prix obtenu par la division entre le montant disponible pour le rachat et la distribution et le nombre de parts existantes (suivant le calcul utilisé par les sociétés SOCIETE1.), sans préjudice de l’exactitude de ces chiffres : 38.571.710,03 / 381.933 = 100,99 EUR) le montant revenant aux détenteurs de parts ordinaires aurait encore été drastiquement diminué par rapport à la situation actuellement admise par les sociétés SOCIETE1.), et ceci de la seule volonté discrétionnaire de l’associé majoritaire. » Or, il découle de la motivation de l’arrêt citée dans le cadre de la branche précédente, qu’en ce qui concerne les droits aux dividendes liés aux deux catégories de parts, les juges d’appel partagent certes l’appréciation faite par les juges de première instance sans toutefois adopter l’intégralité de leurs motifs, mais en ne reprenant qu’une partie de la motivation, à savoir que « si la volonté des parties était de leur accorder les mêmes droits, tel que l’interprètent SOCIETE1.) et SOCIETE2.), les rédacteurs des statuts auraient dû clairement le prévoir, ce qu’ils n’ont pas fait »15.
La sixième branche manque partant en fait.
Subsidiairement :
Etant donné que les juges du fond se sont fondés sur l’intention des parties s’agissant des droits aux dividendes accordés par les statuts aux deux catégories de parts et que l’article 1853 du Code civil ne s’applique que par défaut, au cas où les statuts ne déterminent pas la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, les juges du fond n’ont pas appliqué et n’avaient pas à appliquer l’article 1853 du Code civil, qui est partant étranger à la décision attaquée.
15 cf. jugement du 3avril 2020, page 44, dernier paragraphe 25 Plus subsidiairement :
Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées, la branche ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation des statuts, par la Cour d’appel, qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le moyen ne saurait être accueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 26