GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49233C ECLI:LU:CADM:2024: 49232C Inscrit le : 28 juillet 2023
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Audience publique du 13 février 2024 Appel formé par Monsieur (A) et consorts, … et …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 19 juin 2023 (n° 46267 du rôle) ayant rejeté leur recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 16 avril 2021 délimitant les zones de protection autour du lac de la Haute-Sûre et déterminant les installations, travaux et activités interdites, réglementées ou soumises à autorisation dans ces zones et modifiant le règlement grand-ducal du 11 septembre 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour la sauvegarde de la diversité biologique en milieu rural en matière d’acte règlementaire
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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 49233C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 juillet 2023 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur (A), agriculteur, et de son épouse, Madame (B), sans état particulier, demeurant ensemble à L-…, ainsi que de Monsieur (C), rentier, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 19 juin 2023, par lequel ledit tribunal a rejeté leur recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 16 avril 2021 délimitant les zones de protection autour du lac de la Haute-Sûre et déterminant les installations, travaux et activités interdites, réglementées ou soumises à autorisation dans ces zones et modifiant le règlement grand-ducal du 11 septembre 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour la sauvegarde de la diversité biologique en milieu rural, « (…) dans la mesure du classement dans la zone IIB des parcelles sises Commune d’Esch-sur-Sûre, Section EA d’Esch-sur-Sûre, no 1115/1, no 1114/1, no 1114/2, no 1113/1, no 1729/2, no 1729/4364, no 1729/4, no 1729/5, no 1728/5489 et dans la zone IIC des parcelles sises Commune de Wahl, Section B de Heispelt, no 226/611 et Commune de Rambrouch, Section AA d’Arsdorf, no 2234/5215, no 2240/0 »;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 12 octobre 2023 par Maître Brice OLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour compte du Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre, établi et ayant son siège à L-9650 Esch-sur-Sûre, rue de Lultzhausen, représenté par son bureau actuellement en fonctions;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2023;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 novembre 2023 au nom des appelants;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 15 décembre 2023 au nom du Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2023;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;
Le magistrat rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Alain BINGEN et Brice OLINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Joe DUCOMBLE en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 janvier 2024.
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Le 16 avril 2021 fut pris un règlement grand-ducal délimitant les zones de protection autour du lac de la Haute-Sûre et déterminant les installations, travaux et activités interdites, réglementées ou soumises à autorisation dans ces zones et modifiant le règlement grand-ducal du 11 septembre 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour la sauvegarde de la diversité biologique en milieu rural, ci-après le « règlement grand-ducal du 16 avril 2021 », publié au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A n° 316 du 22 avril 2021.
L’article 1er de ce règlement grand-ducal dispose que :
« Sont créées sur les territoires des communes de Boulaide, d’Esch-sur-Sûre, de Rambrouch, de Winseler, de Wahl et du Lac de la Haute-Sûre les zones de protection autour du captage d’eau de surface du lac de la Haute-Sûre exploité par le Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre et servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine ».
La délimitation desdites zones de protection est, aux termes de l’article 3 de ce règlement grand-ducal, indiquée sur les plans figurant à l’annexe I de ce dernier, ledit article précisant encore que :
« (…) Les zones de protection sont composées d’une zone de protection immédiate, d’une zone de protection rapprochée et d’une zone de protection éloignée. La zone de protection rapprochée est subdivisée en fonction du degré de vulnérabilité en zone de protection rapprochée, zone de protection rapprochée à vulnérabilité élevée et zone de protection rapprochée à vulnérabilité très élevée. Toutes les surfaces ne portant pas de numéro cadastral et qui sont situées à l’intérieur de la délimitation, font partie intégrante des zones de protection.
Sont distinguées :
1° La zone I, zone de protection immédiate ;
2° La zone IIA, zone de protection rapprochée à vulnérabilité très élevée ;
3° La zone IIB, zone de protection rapprochée à vulnérabilité élevée ;
4° La zone IIC, zone de protection rapprochée ;
5° La zone III, zone de protection éloignée.
Les limites des zones de protection sont à marquer clairement et de manière durable sur le terrain par l’exploitant du captage d’eau de surface du lac de la Haute-Sûre. ».
Ces zones de protection sont soumises à un certain nombre de servitudes, prévues aux articles 4 et suivants dudit règlement grand-ducal.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2021, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), ci-après les « époux … », déclarant agir en leur qualité de propriétaires de la parcelle portant le numéro cadastral 1729/2, respectivement en leur qualité de fermiers des parcelles portant les numéros cadastraux 1115/1, 1114/1, 1114/2, 1113/1, 1729/4364, 1729/4, 1729/5, 1728/5489, 435/1818, 432/803, 407/249, 467/1484, 226/611, 2234/5215 et 2240/0, ainsi que Monsieur (C), déclarant agir en sa qualité de propriétaire des parcelles portant les numéros cadastraux 1115/1 et 1114/1, les trois demandeurs étant ci-après dénommés les « consorts … », firent introduire un recours tendant à l’annulation dudit règlement grand-ducal, « (…) dans la mesure du classement dans la zone IIB des parcelles sises Commune d’Esch-sur-Sûre, Section EA d’Esch-sur-Sûre, no 1115/1, no 1114/1, no 1114/2, no 1113/1, no 1729/2, no 1729/4364, no 1729/4, no 1729/5, no 1728/5489, dans la zone III des parcelles sises Commune du Lac de la Haute-Sûre, Section MA de Kaundorf, no 435/1818, no 432/803, no 407/249, no 467/1484, et dans la zone IIC des parcelles sises Commune de Wahl, Section B de Heispelt, no 226/611 et Commune de Rambrouch, Secion AA d’Arsdorf, no 2234/5215, no 2240/0 (…) ».
En cours de procédure, ils firent déclarer ne pas maintenir leur recours, en ce qu’il vise le classement des parcelles portant les numéros cadastraux 435/1818, 432/803, 407/249 et 467/1484, tel qu’opéré par le règlement grand-ducal déféré, de sorte à voir considérer leur recours en annulation partielle du règlement grand-ducal du 16 avril 2021 « (…) dans la mesure du classement dans la zone IIB des parcelles sises Commune d’Esch-sur-Sûre, Section EA d’Esch-sur-Sûre, no 1115/1, no 1114/1, no 1114/2, no 1113/1, no 1729/2, no 1729/4364, no 1729/4, no 1729/5, no 1728/5489 et dans la zone IIC des parcelles sises Commune de Wahl, Section B de Heispelt, no 226/611 et Commune de Rambrouch, Section AA d’Arsdorf, no 2234/5215, no 2240/0 (…) ».
Par jugement du 19 juin 2023, le tribunal administratif rejeta ce recours pour manquer de fondement.
Par une requête, inscrite sous le numéro 49233C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 28 juillet 2023, les consorts … ont régulièrement relevé appel de ce jugement du 19 juin 2023.
Les appelants reprochent aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 16 avril 2021 dans la mesure du classement en zone IIB des parcelles plus particulièrement visées (i.e. sur le territoire de la commune d’Esch-sur-Sûre, section EA d’Esch-sur-Sûre, les numéros 1) 1115/1, 2) 1114/1, 3) 1114/2, 4) 1113/1, 5) 1729/2, 6) 1729/4364, 7) 1729/4, 8) 1729/5 et 9) 1728/5489; sur le territoire de la commune de Wahl, section B de Heispelt, 10) le numéro 226/611 et sur le territoire de la commune de Rambrouch, Section AA d’Arsdorf les numéros 11) 2234/5215 et 12) 2240/0).
Ils entendent pointer le fait que les parcelles sub 1) à sub 9) sont classées en zone IIB, malgré le fait qu’elles se trouveraient à une distance de 1,2 kilomètres à vol d'oiseau du lac de la Haute Sûre qu’elles ne présenteraient pas de pente, étant précisé que le ruisseau le plus proche, la Broubich, se trouverait à une distance de 180 mètres et à partir de ce point de contact ce ruisseau serait distant de 6,5 kilomètres du barrage.
Sur ce, ils font soutenir que ces classements ne seraient ni justifiés par les simples motifs d'ordre général apportés par le délégué du gouvernement en première instance, lesquels ne prendraient pas en considération la situation réelle des parcelles en cause.
Au-delà, le classement critiqué ne serait pas non plus proportionné au but poursuivi, mais le fruit manifeste d'un dépassement de la marge d'appréciation dont dispose le pouvoir réglementaire en la matière.
En particulier, les appelants réitèrent leur argument principal tiré de ce qu’en vertu du point 5.4.3. des „Richtlinien für Talsperren DVGW Regelwerk“ la zone de protection IIB serait à considérer comme visant les terrains situés dans un rayon de 100 mètres autour des affluents du lac de la Haute-Sûre et de leur source de captage et ils pointent le fait que leurs parcelles sub 1) à sub 9) seraient situés à l'extérieur de ce périmètre, de sorte à ne pas relever de ladite zone de protection.
Ils réitèrent aussi leur argumentation tirée de ce que d’autres parcelles situées « de l'autre côté du lac », à proximité de la localité de Kaundorf, ne feraient pas partie des zones de protection édictées par le règlement grand-ducal querellé bien que beaucoup plus proches du lac que les leurs pour conclure que ce traitement de faveur serait discriminatoire pour eux.
Pour répondre au reproche des premiers juges d’un manque de précision des parcelles plus concrètement visées, les appelants précisent qu'il s'agirait notamment des parcelles situées dans la commune du Lac de la Haute-Sûre, section MA de Kaundorf, no 467/1484, distante de 250 mètres du lac, avec une distance entre le point de contact et le barrage de 3,2 kilomètres, no 407/249, distante de 500 mètres du lac, avec une distance entre ce point de contact et le barrage de 2,8 kilomètres.
Ils entendent encore relever que des parcelles classées en zone I sous la loi du 27 mai 1961 concernant les mesures de protection sanitaire du barrage d’Esch-sur-Sûre, ci-après la « loi du 27 mai 1961 », situées à une distance moins élevée du lac que leurs parcelles, relèveraient désormais de la zone III, zone de protection éloignée, entourée quant à elle de la zone IIB. Ils précisent viser les parcelles situées sur le territoire de la commune d'Esch-sur Sûre, section NA de Lultzhausen, no 239/446, distante de 300 mètres de la Dirbech, avec une distance du point de contact et du barrage de 3,5 kilomètres, no 88/945, distante de 350 mètres du lac, avec une distance entre le point de contact et le barrage de 2,7 kilomètres, et sur le territoire de la commune d'Esch-sur-Sûre, section NB de Neunhausen, no 86/1346, distante de 300 mètres de la Dirbech, avec une distance entre le point de contact et le barrage de 4,5 kilomètres.
Ils ajoutent que la parcelle 1012/3091, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section EA d'Esch-sur-Sûre, classée sous l'ancienne réglementation en zone I, ne ferait plus l'objet d'un quelconque classement dans une zone de protection sous la réglementation actuelle, bien qu’elle ne serait distante que de 10 mètres de leurs parcelles 1729/2, 1729/4364 et 1728/5849, qu’elle présenterait la même pente que celles-ci et serait distante de 300 mètres de la Broubich.
Par ailleurs, la parcelle 1722/5477, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section HD d'Eschdorf, classée sous l'ancienne réglementation en zone I, ne ferait plus non plus l'objet d'un quelconque classement dans une zone de protection sous la réglementation actuelle, bien qu’elle ne serait distante que de 100 mètres de leur parcelle 1728/5849, qu’elle aurait la même pente que celles-ci et ne serait distante que de 400 mètres de la Broubich.
Pareilles méconnaissances du principe constitutionnel d'égalité devant la loi, inscrit à l'article 15 (1) de la Constitution, ne sauraient être tolérées, au motif que les différences de traitement entre leurs parcelles et les autres par eux pointées ne procèderaient point d'une disparité objective et ne seraient pas rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.
Les appelants entendent encore tirer du rapport établi au mois de novembre 2017 par le IWW („Rheinisch-Westfälisches Institut für Wasser Beratungs- und Entwicklungsgesellschaft mbH“), intitulé „Dossier zwecks Ausweisung der Wasserschutzzonen für die Obersauertalsperre inklusive des Massnahmenkatalogs konform zum Artikel 44 des Wassergesetzes vom 19. Dezember 2008" que cet organe aurait conclu au classement de ses parcelles sub 1) à sub 9) en zone III.
Selon les appelants, la partie étatique ne justifierait pas à suffisance le classement de leurs parcelles par la mise en balance des monitorings investigatifs supplémentaires réalisés le 15 novembre 2017 et les 17 et 18 janvier 2018 au niveau des cours d'eau des bassins versants venant du plateau situé entre l'usine de production du SEBES et de la localité d'Eschdorf, donc la Fënsterbaach ainsi que d'autres cours d'eau se déversant dans la Dirbech.
Il est ajouté que si les résultats d'analyses réalisées mensuellement depuis février 2019 dans le cadre d'un monitoring de surveillance sur les cours d'eau Fënsterbach et Mandelbach confirmeraient la vulnerabilité très élevée des terrains situés sur ce plateau, ainsi qu'au niveau du bassin du cours d'eau Mandelbach, leurs parcelles sub 1) à sub 9) ne donneraient pas sur la Fënsterbach et ne seraient partant pas susceptibles de l'affecter.
Ils estiment encore que l'argument catégorique que « l'agriculture est une source importante d'émission de nitrates » ne justifierait pas non plus le classement retenu. D’ailleurs, la coopération dite « Landwirtschaftlech Kooperatioun Uewersauer (LAKU) », dont les trois partenaires sont le SEBES, le Parc naturel de la Haute-Sûre et les agriculteurs de la région et qui aurait pour objectif commun d'arriver à une exploitation agricole respectueuse de la qualité d'eau, sans causer de préjudices économiques, aurait retenu dans une étude « Auffällige Pflanzenschutzmittel im LAKU Gebiet » portant sur les années 2014 à 2019 que les nitrates présenteraient une légère tendance à la baisse en ce qui concerne la Dirbech et la Mechelbaach.
Cette étude mettrait encore en exergue le fait que les concentrations en nitrate mesurées dans la Mechelbaach sont légèrement supérieures à celles notées dans la Dirbech. Or, comme la Mechelbaach se déverserait dans la Dirbech, et non pas l'inverse, il s'agirait dès lors d'une indication supplémentaire quant au caractère somme toute relatif de la vulnérabilité des parcelles situées dans la proximité de la Dirbech.
Aucune aggravation de la situation ne serait documentée, de sorte que la vulnérabilité de leurs terrains situés dans le périmètre de la Dirbech n'aurait pas changé et le classement retenu par l'IWW en 2017 serait confirmé par l'étude du LAKU, conclusions que les monitorings auxquels l'administration de la Gestion de l'Eau (« AGE ») a fait procéder n'invalideraient pas.
Les appelants se réfèrent encore à la „Hydrogeologische und Bodenkundliche Stellungnahme im Auftrag der Gemeinde Esch-sur-Sûre zum IWW Gutachten „Dossiers zwecks Ausweisung der Wasserschutzzonen für die Obersauertalsperre inklusive des Massnahmenkatalogs konform zum Artikel 44 des Wassergesetzes vom 19. Dezember 2008", réalisée le 28 août 2018 par le BOHNE Ingenieurgeologisches Büro, qui confirmerait leur point de vue.
En guise de conclusion, ils estiment que la partie étatique reste donc en défaut de justifier concrètement les classements opérés au niveau de leurs terrains.
Ils demandent finalement encore à la Cour de procéder à une visite des lieux pour se procurer de plus amples renseignements quant à la situation de fait sur le terrain. Ils ne réitèrent cependant plus en instance d’appel leur demande d’instituer une mesure d’expertise judiciaire.
En termes de réplique, les appelants déclarent contester tous les développements de la partie étatique et du SEBES.
Au-delà, ils ajoutent que lors d’une réunion d’un groupe de travail du LAKU ayant pour objet de proposer des améliorations en vue de la protection des eaux du barrage du lac de la Haute Sûre en date du 20 septembre 2023, le représentant du SEBES aurait reconnu que le classement des parcelles situées sur le plateau d'Eschdorf, dont leurs parcelles sub 1) à sub 9) feraient partie, ne serait pas optimal et devrait être reconsidéré. Il aurait encore déclaré que leur classement ne correspondait pas aux désirs du SEBES et qu’il devrait être reconsidéré dans un sens moins contraignant pour les agriculteurs.
Selon les appelants, ni la distance, ni la pente et la vulnérabilité de leurs parcelles ne justifieraient le classement retenu, cette analyse étant confortée par une analyse critique établie par un employé du NATURPARK UWERSAUER « en nom personnel en connaissance de cause ».
Le délégué du gouvernement, auquel le Syndicat des Eaux du Barrage d’Esch-sur-Sûre, ci-après le « SEBES », déclare se rallier, réitère de prime abord son moyen d’irrecevabilité développé en première instance tiré de ce que les consorts … ne justifieraient pas d’un intérêt à agir suffisant pour agir contre le règlement grand-ducal du 16 avril 2021.
Selon le délégué, ledit règlement grand-ducal n’aggraverait point la situation des demandeurs originaires, appelants actuels, de sorte à ne pas leur porter préjudice et à ne pas justifier leur action en justice.
A l’appui de ce moyen, le représentant étatique fait valoir que les appelants se trouveraient toujours dans la même situation, voire même dans une situation plus favorable que sous l’empire de la règlementation antérieure, à savoir essentiellement sous l’empire de la loi abrogée du 27 mai 1961 et de ses règlements d’exécution, laquelle aurait déjà établi une zone de protection sanitaire autour du barrage d’Esch-sur-Sûre et, plus particulièrement, des restrictions à l’usage des parcelles au sujet desquelles les appelants déclarent agir. La nouvelle règlementation leur serait à différents endroits même plus favorable, notamment en ce qu’elle prévoirait dorénavant des dédommagements destinés à compenser les effets des restrictions apportées aux usages des terrains impactés.
Au fond, le délégué entend insister sur l’importance de la protection des réserves d'eau potable, laquelle protection devant être maximale à propos de la plus grande réserve d'eau potable du pays que constituerait le lac de la Haute-Sûre. Il précise que le lac de la Haute-Sûre représenterait une source d'approvisionnement majeure de la population en eau potable, plus de 50 % de la production d'eau destinée à la consommation humaine du Luxembourg en serait extraite.
Le délégué insiste sur le fait que le dossier de délimitation des zones de protection autour du lac de la Haute-Sûre établi suivant les instructions de l’AGE, de même que la décision de classement, auraient certes pris en compte la distance des parcelles par rapport au lac, mais que les appelants auraient tort de se fixer sur ce seul critère, alors que d’autres critères, tels que l'analyse du bassin tributaire du lac de la Haute-Sûre, les différentes utilisations du sol, les analyses qualitatives et quantitatives de l'eau du lac de la Haute-Sûre et les affluents et donc des études spécifiques y afférentes qui auraient été réalisées seraient à considérer et auraient été considérés en sus.
Il précise que chaque bassin versant devrait être et aurait été considéré tant en surface (sens des écoulements, rivières et affluents), qu'en profondeur avec la nature des roches le composant, les éventuelles failles et les autres paramètres géologiques. Ces critères feraient aussi partie de la méthodologie appliquée par l’IWW. D’ailleurs, selon le délégué, les appelants feraient une lecture tronquée de l’étude de l’IWW.
Il pointe encore spécialement que cet organisme, dans son guide technique de 2002, ne se serait point contenté d’une bande de protection généralisée et dogmatique de 100 mètres, mais aurait également prévu une bande de protection élargie de 200 mètres, lorsque les circonstances de terrain le nécessiteraient. L’efficience serait le critère adéquat et les 100 mètres un standard minimal ou recommandation, qui en fonction du relief, du sol, etc., pourrait être adapté.
Il est encore exposé que les nouvelles zones de protection auraient été délimitées en tenant compte notamment des infrastructures routières. Le délégué invoque l’existence des localités de Lultzhausen et d'Insenborn et de la route nationale N 27 à proximité des berges du lac de la Haute-Sûre qui auraient requis une adaptation de la délimitation des différentes zones, les zones I et HA, créées ayant pour but de garantir un niveau de protection similaire à celui prévu par le DVGW pour une zone I. La zone II, quant à elle, aurait été sous-divisée en 3 zones (IIA, IIB, IIC) afin de ne pas traiter trop sévèrement des parcelles qui pourraient avoir un impact plus limité.
Ainsi, ce seraient les études menées et la présence d'une route et de villages qui auraient amené l'IWW à attribuer à la partie à l'est de la localité de Lultzhausen ainsi qu'à la partie refoulée de la Dirbech, un niveau de protection plus élevé.
En réponse à l’argumentaire des appelants que différentes autres parcelles (antérieurement classées en zone de protection sanitaire I) auraient bénéficié d’un reclassement en une zone de protection plus favorable selon la nouvelle délimitation ou même hors zone de protection, le délégué estime que ces reclassements seraient le fruit d’une analyse correcte et sur base des considérations exposées comme suit :
« (…) • La parcelle cadastrale n° 239/446, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section NA de Lultzhausen, est classée actuellement en zone III. Elle se trouve à la limite de la zone IIB. Elle est située à 233 m de la berge du plan d'eau du barrage à la cote +321 m NN de la refoulée de la Dirbech et à 280 m de la berge du plan d'eau du barrage à la cote +321 m NN de la refoulée de la Ningserbaach, donc au-delà de la distance des 200 m du plan d'eau du barrage d'Esch-sur-Sûre et d'un cours d'eau prévu en général pour le classement en zone I ou II.
Le critère prépondérant pour le classement en zone III et non en zone IIC, mis à part le critère de la distance d'un affluent ou du plan d'eau du barrage ainsi que des autres critères de la méthodologie appliquée pour le classement des parcelles cadastrales, était - dans ce cas précis - le fait que la parcelle était partiellement inclinée vers la refoulée de la Ningserbaach, et surtout qu'il s'agissait d'une prairie permanente et non d'une terre arable. Le potentiel de danger est donc moindre et le risque découlant de la parcelle est donc amoindri.
• La parcelle cadastrale n° 88/945, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section NA de Lultzhausen, se situe à plus de 225 m de la berge de la refoulée de la Dirbech, donc au-delà de la distance des 200 m du plan d'eau du barrage d'Esch-sur-Sûre et d'un cours d'eau prévu en général pour le classement en zone I ou II. Elle se situe aussi à plus de 225 m de la refoulée de la Ningserbaach. Aucun autre cours d'eau répertorié se trouve à une distance de moins de 200 m. La parcelle se trouve encore dans des bassins versants topographiques se déversant directement dans le plan d'eau du barrage d'Esch-sur-Sûre respectivement dans la partie refoulée de la Ningserbaach ; ces bassins versants se situent bien en amont de la distance évoquée de 2 km du mur du Barrage d'Esch-sur-Sûre respectivement du point de prélèvement d'eau. Vu la méthodologie appliquée pour le classement des parcelles cadastrales, le classement en zone III est donc justifié et ne nécessite pas un traitement plus strict compte tenu des indications prémentionnées.
• La parcelle cadastrale n° 86/1346, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section NB de Neunhausen, se trouvait sous l'ancienne législation partiellement en zone sanitaire I. La majeure partie se situait cependant en zone sanitaire II. Aujourd'hui elle se trouve à la limite de la zone IIB. La majeure partie de la parcelle se trouve dans le bassin versant topographique de la Dirbech, une partie mineure se trouve dans le bassin versant topographique de la Ningserbaach. La parcelle est située à plus de 200 m de la berge de la refoulée de la Dirbech, donc au-delà de la distance des 200 m du plan d'eau du barrage d'Esch-sur-Sûre et d'un cours d'eau prévu en général pour le classement en zone I ou II.
Le premier cours d'eau, un petit affluent au sud-est de la parcelle se trouve à 153 m. De ce fait le risque devient plus limité. Cependant, seulement 11,5 % environs de la parcelle se retrouvent dans un rayon de 200 m de la tête de bassin de ce cours d'eau. C'est aussi la raison pour laquelle la parcelle a été classée en zone III et non en zone IIC. Vu la méthodologie appliquée pour le classement des parcelles cadastrales, le classement en zone III est donc justifié.
Les deux autres parcelles (1738/4824 et 1012/3091) comportent des caractéristiques similaires et ont fait l'objet de la même analyse poussée.
• La parcelle cadastrale n° 1738/4824, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section HD d'Eschdorf, se situait sous l'ancienne législation effectivement partiellement en zone sanitaire I ; une partie de la parcelle se trouvait cependant hors zone de protection.
Son point le plus proche du cours d'eau dénommée Broubich se situe à ca. 167 m. Puisque le CR 317 fait frontière pour la délimitation de la zone IIB à ce niveau de la zone de protection du Barrage d'Esch-sur-Sûre et puisque la majeure partie de la parcelle cadastrale est située en dehors d'un rayon de 200 m du début du cours d'eau Broubich, le classement en zone III, vu la méthodologie appliquée, est justifié et ceci une nouvelle fois pour ne pas - compte tenu d'une faible partie à considérer en zone II - réduire les droits pouvant s'appliquer sur cette parcelle.
• La parcelle cadastrale 1012/3091, quant à elle, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch sur-Sûre, section EA d'Esch-sur-Sûre, se trouvait sous l'ancienne législation complètement en zone sanitaire I.
La parcelle cadastrale se situe aujourd'hui tout juste en dehors de toute zone de protection. La raison principale pour le classement hors zone de protection réside dans la méthodologie, où il a été tenu compte des infrastructures routières dans le cadre du classement en zone(s) (page 119 de la pièce justificative 7b - Étude de l'IWW - qui utilise les infrastructures routières pour la délimitation des zones afin de rendre plus visible les délimitations des zones).
Elle se trouve en effet dans 2 bassins versants topographiques, celui de la Fënsterbaach et celui de la Broubich. Si on regarde cependant la parcelle FLIK sur laquelle s'est basé l'IWW lors de sa proposition de délimitation, la parcelle FLIK est à la tête de 3 bassins, celui de la Fënsterbaach, celui de la Broubich, ainsi que celui de la Rackebaach (qui ne se déverse cependant pas dans le bassin versant du Barrage d'Esch-sur-Sûre). Si on considère les surfaces, l'impact de ruissellement sur la Fënsterbaach ainsi que sur la Broubich est très limité. La surface de la parcelle cadastrale représentait à l'époque de l'établissement du dossier de délimitation moins de 10% de la parcelle FLIK. Et puisque la surface de la parcelle FLIK se répandait plus ou moins à parts égales sur les trois bassins versants topographiques, avec un léger surplus pour le bassin versant de la Rackebaach, la proposition de classement de l'IWW était justifiée selon la méthodologie appliquée.
Comparé aux parcelles évoquées n° 1792/2 (sub 5)), n° 1729/4364 (sub 6)), et n° 1728/5849 (sub 9)), inscrites au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section EA d'Esch-sur-Sûre, qui se trouvent partiellement (pour les deux premières) respectivement complétement (pour la dernière) dans le bassin topographique de la Broubich et donc aussi partiellement respectivement complètement dans le bassin versant du Barrage d'Esch-sur-Sûre, le classement de l'IWW de la parcelle n° 1012/3091 est d'autant plus compréhensible. S'y ajoute que les parcelles n° 1792/2 (sub 5)) et n° 1729/4364 (sub 6)) se trouvent partiellement dans le bassin versant topographique de la Féristerbaach et méritent donc d'une protection encore plus élevée.
Bien que la pente ne représentait pour la parcelle n°1012/3091 qu'un critère négligeable puisque presqu'inexistant, il est faux d'affirmer que la pente de la parcelle cadastrale nu 1012/3091 est la même que pour les 3 autres parcelles énoncées (1792/2, 1729/4364 et 1728/5849). Du moins les parcelles 1729/4364 et 1728/5849 ont une pente proportionnellement beaucoup plus grande. Ceci a joué et continue de jouer en défaveur de ces parcelles dans le cadre de la détermination de la vulnérabilité et donc aussi du risque. (pièce justificative n° 12) • Quant à la parcelle n°1722/5477, inscrite au cadastre de la Commune d'Esch-sur-Sûre, section HD d'Eschdorf, classée sous l'ancienne réglementation en zone 1, et ne faisant plus l'objet d'un quelconque classement dans une zone de protection sous la réglementation actuelle, les réflexions sont similaires que pour la parcelle n° 1012/3091. La raison principale pour le classement hors zone de protection se situe au niveau de la méthodologie, où il a été tenu compte des infrastructures routières dans le cadre du classement en zone(s) et du pourcentage d'appartenance d'une parcelle à un bassin versant topographique. La parcelle cadastrale se situe aujourd'hui tout juste hors de zone de protection. Elle se trouve dans 2 bassins versants topographiques, celui de la Rackebaach et celui de la Broubich, indépendamment du fait qu'on considère seulement la parcelle cadastrale ou qu'on se base sur le parcellaire des parcelles FLIK. (Rappelons que le bassin versant topographique de la Rackebaach ne se déverse pas dans le bassin versant du Barrage d'Esch-sur-Sûre.) Il en est de même si on se réfère au parcellaire FLIK, sur laquelle s'est basée l'IWW lors de sa proposition de délimitation : La parcelle FLIK se situe aussi dans ces 2 bassins versants. Si on regarde l'aire de surface de la parcelle cadastrale n° 1722/5477 (48,14 ares), aire distribuée sur les deux bassins versants de la Rackebaach et de la Broubich, l'impact de la parcelle cadastrale n° 1722/5477 sur la qualité de l'eau des 2 cours d'eau est très limité. L'aire de surface de la parcelle cadastrale représentait à l'époque de l'établissement du dossier de délimitation ca. 22,7% de l'aire de surface de la parcelle FLIK. Et si on regarde les bassins versants topographiques, moins de 50% (ca. 47%) de la parcelle cadastrale et moins de 11% (ca. 10,7%) de la parcelle FLIK se déversent dans le bassin versant de la Broubich. Donc, même si la règle des 50 pourcents de l'aire de surface d'une parcelle dans un bassin versant spécifique aurait été prépondérante pour le classement de la parcelle, cette parcelle aurait été classée dans le bassin versant de la Rackebaach et donc hors zone de protection.
Ce n'est donc pas l'argument de la pente que les parties appelantes invoquent qui a joué en faveur d'un classement en dehors de toute zone de protection pour la parcelle n° 1722/5477.
La parcelle 1728/5489 des appelants ne se retrouve donc pas dans le même cas de figure puisqu'elle se retrouve complètement dans le bassin versant de la Broubich et donc aussi complètement dans le bassin versant du barrage d'Esch-sur-Sûre.
Il est ainsi démontré que certaines différences subsistent même sur des parcelles très proches géographiquement et justifient donc un classement différent de par ces spécificités géographiques et topologiques.
Quant à la remarque des demandeurs de reclassements de trois parcelles d'une zone IIC en zone III Quant aux parcelles sub 10) à 12), classées en zone IIC, les parties appelantes évoquent comme seul argument que le classement ne serait pas proportionné au but poursuivi.
Cependant, il y a lieu de rappeler que la parcelle cadastrale n° 226/611 (sub 10)), inscrite au cadastre de la Commune de Wahl, section B de Heispelt a fait l'objet d'une vérification dans le cadre de la procédure publique et que la classification a été jugée correcte (voir pièce justificative n° 4). Un des facteurs prépondérants est l'occupation du sol, notamment des bâtiments agricoles.
Le potentiel de danger est donc beaucoup plus élevé que pour une forêt. Le classement des parcelles cadastrales n°2234/5215 et 2240/0 (sub 11) et sub 12)) — la première ayant aussi fait objet d'un réexamen lors de la procédure publique -, inscrites au cadastre de la Commune de Rambrouch, section M d'Arsdorf, est aussi correcte. Les parcelles se trouvent en tête de bassin de deux cours d'eau, au niveau supérieur de la zone supérieure de la pente, et présentent une forme de pente convexe. Vu leur emplacement et la vulnérabilité déterminée, et vu le risque en découlant, la classification en zone IIC de la part de l'IWW était et reste justifiée.
Finalement, il y a lieu de noter que les parties appelantes n'ont pas bien compris la méthodologie appliquée pour la délimitation des zones et ont fait quelques erreurs quant à l'attribution des parcelles querellées au(x) bassin(s) versant(s) respectif(s) ou par exemple quant au critère « distance » - la distance à vol d'oiseau comme l'évoquent les appelants n'est pas un critère pris en compte - ou quant à la détermination de la pente (voir pièce justificative n° 1). Ceci est d'autant plus important pour les parcelles sub 1), 2), 5) et 6) qui ne se trouvent pas seulement dans le bassin versant de la Broubich, comme l'affirment appelants, mais aussi dans d'autres bassins versants plus proches du barrage d'Esch-sur-Sûre et donc du point de prélèvement d'eau. » La partie étatique conteste en tout cas la réalisation d’une quelconque rupture d'égalité.
Concernant le facteur de la « vulnérabilité liée à une parcelle », il serait une donnée scientifique établie que l'agriculture serait une source importante d'émissions de nitrates, de sorte à devoir être considérée comme un facteur de risque important dans le cadre de la méthodologie utilisée pour le classement des parcelles.
Dans ce contexte, le délégué entend pointer le fait que les affluents et bassins versants mentionnés dans l'acte d'appel seraient erronés et tous les éléments pertinents auraient été vus et discutés lors de l’enquête publique.
Le délégué insiste, entre autres, sur le fait qu’une pollution respectivement une contamination pourrait se faire tant par les eaux de surface que par les eaux souterraines par infiltration de substances polluantes et il donne à considérer que les parcelles visées seraient toutes très sensibles à la lixiviation et auraient une connexion hydraulique avec le sous-sol et avec leurs cours d'eau récepteurs. En plus, il s'agirait de sols limono-caillouteux à charge schisto-phylladeuse, non gleyifiés, à horizon B structural (« steinig-lehmige Braunerden aus Schiefer und Phylladen, nicht vergleyt »).
Il est ajouté que malgré une répartition de l'occupation du sol similaire, les concentrations en nitrates de la station de monitoring sur la Fënsterbaach seraient presque le double de celles de la station sur le Laangegronn, résultat de sols plus vulnérables pour le bassin versant de la Fënsterbaach, représentatif pour tout le plateau d'Eschdorf, ainsi qu'une utilisation des parcelles agricoles plus propice à la lixiviation.
Par ailleurs, les résultats d'analyses du monitoring investigatif réalisé spécialement en date du 19 décembre 2018 permettrait de dégager que les données nitrates pour la Broubich seraient légèrement en-dessous de la valeur pour la Fënsterbaach, et celles pour le métazachiore-ESA nettement inférieures. D'un autre côté, la valeur pour le métolachlore-ESA serait plus élevée, l'ensemble de ces 3 paramètres et leurs valeurs démontrant la grande vulnérabilité des sols. La différence au niveau des valeurs ainsi que la présence ou non-présence des deux métabolites de pesticides résiderait dans l'utilisation des sols dans les bassins versants respectifs. Le métazachlore serait utilisé en culture de colza, tandis que le métolachlore dans la culture de maïs. Le fait dès lors de retrouver ces deux composés de pesticides dans les analyses d'eau et des concentrations en nitrates si élevées renseignerait sur l'utilisation non appropriée des parcelles des 3 bassins versants étudiés et indiquerait la sensibilité des divers bassins du plateau d'Eschdorf.
En tout cas, en vertu du principe de précaution, ces parcelles devraient être protégées plus fortement.
Les appelants verseraient dans l’erreur en reprochant à la partie étatique qu'elle n'aurait pas tenu compte de la situation sur le terrain lors du classement de ses parcelles en zone IIB et en s'appuyant sur la pente comme seul facteur pertinent en matière d'écoulement d'eau, au motif que ce faisant, ils ignoreraient la problématique de non-superposition des bassins topographiques et hydrogéologiques, la direction de l'écoulement de surface et de subsurface pouvant diverger de l'écoulement souterrain.
Concernant la légère baisse du niveau des nitrates relevée par les appelants dans la Dirbech et la Mechelbaach au cours de la période s'étendant de 2014 à 2019, le délégué entend mettre en balance le fait que le document « Auffällige Pflanzenschutzmittel im LAKU Gebiet » ne serait pas une étude scientifique, mais une interprétation de données relatives à la qualité de l'eau provenant de diverses stations de monitoring représentatives mises en place, par le SEBES et l'AGE, dans le cadre du dossier de délimitation des nouvelles zones de protection, afin d'avoir une vue globale sur les différentes pressions anthropiques et d'identifier la part des charges des différentes activités, et finalement afin de suivre au long terme l'évolution de la qualité de l'eau de la partie luxembourgeoise du bassin versant du barrage d'Esch-sur-Sûre et de pouvoir évaluer l'impact des mesures prises.
La conclusion du LAKU par rapport aux résultats d'analyses de l'eau collectées dans le cadre du monitoring SEBES/AGE, consistant à dire que pour les années 2014 à 2019 les nitrates présenteraient une légère tendance à la baisse en ce qui concerne la Dirbech et la Mechelbaach, serait une conclusion simplifiée ne tenant compte ni des dates de prélèvement respectivement des situations hydrologiques qui prévalaient au moment d'un prélèvement, ni du nombre de prélèvements, ni de la météo, ni de l'occupation des sols, ni d'autres pressions que la pression agricole, ni de l'emplacement de la station, ni de l'assèchement temporaire des cours d'eau, etc..
Or, tous ces facteurs auraient une incidence non négligeable sur les résultats obtenus et leur évaluation, la tendance restant de la sorte pour le moins incertaine.
Par ailleurs, la durée de l’étude ne serait pas suffisante pour permettre des conclusions efficaces.
En outre, les 2 stations de monitoring sur la Dirbech et la Mechelbaach à elles seules ne permettraient pas vraiment de se prononcer sur l'impact en provenance des parcelles querellées sur la qualité de l'eau de la station de la Dirbech. Ce serait aussi une des raisons pourquoi l'AGE a fait des profils longitudinaux sur 4 cours d'eau majeurs de la région, dont notamment la Dirbech avec un de ses affluents majeurs, la Mechelbaach.
En effet, même si la Mechelbaach se déverserait effectivement dans la Dirbech, cette rivière ne serait pas la seule et chacune de ses rivières déversant aurait un impact sur la station de la Dirbech. Ainsi, une étude vraiment pertinente devrait puiser des valeurs dans les différents affluents de la Dirbech en amont et confronter les résultats avec ceux obtenus en aval.
Par ailleurs, les appelants ne feraient pas utilement valoir que leurs parcelles ne donneraient pas sur la Fënsterbaach et ne seraient donc pas susceptibles de l'affecter, au motif que non seulement leurs parcelles sub 1), sub 2), sub 5) et sub 6) se trouveraient partiellement dans le bassin topographique de la Fënsterbaach et que les autres parcelles sub 3), sub 4) et sub 7) à sub 9) se déverseraient soit dans la Broubich, soit dans l'affluent venant du lieu-dit Fréin.
Au-delà, les résultats d'analyses d'eau de prélèvements pris sur la station de la Fënsterbaach, mise en place depuis février 2019, comme station représentative pour le « plateau d'Eschdorf », le phénomène de lessivage serait visible et clairement lié aux précipitations. En résumé, les nitrates présents dans le sol du fait de la fertilisation azotée des parcelles agricoles seraient emportés par les eaux, plus particulièrement par les eaux de subsurface pour se retrouver soit directement, soit par le biais de leur cours d'eau récepteur respectif dans les eaux du lac.
Une mise en comparaison des données des nitrates de la Fënsterbaach avec celles d'un autre cours de la région du lac, le Laangegronn, ayant une occupation du sol similaire, permettrait d’observer que les valeurs en nitrates de la Fënsterbaach seraient beaucoup plus élevées et ne descendraient pas aussi bas que pour le Laangegronn, phénomène typique des sols moins profonds et plus caillouteux du plateau d'Eschdorf.
Quant aux parcelles situées de « l'autre côté du lac », telles qu’avancées par les appelants comme bénéficiant d’un classement plus favorable, l’ensemble des explications d’ores et déjà apportées démontrerait qu’aucune argumentation ou conclusion ne saurait être tirée des éléments empiriques sans se fonder sur une étude détaillée.
Au-delà, les parcelles n° 467/1484 et n° 407/249, commune du Lac de la Haute-Sûre, section MA de Kaundorf, se situeraient dans des bassins versants dont la confluence des cours d'eau récepteurs avec le plan d'eau du barrage d'Esch-sur-Sûre se trouverait à plus de 2 kilomètres en amont du mur du barrage d'Esch-sur-Sûre respectivement du point de prélèvement d'eau ainsi qu'en amont de la partie refoulée de l'affluent Dirbech, donc de la partie du plan d'eau que l'expert Wilhelm GANDENBERGER à l'époque aurait recommandé de mettre en zone de protection I, recommandation à laquelle se serait rallié notamment le Conseil d'Etat.
Enfin, concernant l'étude de BOHNE Ingenieurgeologisches Büro, outre l'apport en nutriments et autres substances par la voie de ruissellements, il conviendrait de prendre en considération les apports par écoulements de subsurface, ce qu’une étude de l'université catholique de Louvain-la-Neuve et les monitorings réalisés depuis 2013 confirmeraient. En l’occurrence, l'AGE aurait procédé à plusieurs visites de terrain et réalisé des monitorings investigatifs supplémentaires afin de faire vérifier certains aspects très locaux du sol, en partie aussi suite aux avis remis lors de la procédure publique. La conséquence de ces monitorings et des données affinées récoltées aurait été l'adaptation du rapport de délimitation remis par l'IWW afin de tenir compte au mieux de la réalité du terrain.
Quant aux prétendues déclarations du représentant du SEBES lors d’une réunion d’un groupe de travail au sein du LAKU, la partie SEBES et son directeur adjoint déclarent formellement contester les propos leur imputés, réaffirmant que la position du SEBES au sujet du classement des terrains situés sur le plateau d’Eschdorf serait clairement celle adoptée dans le cadre de la procédure sous examen. Le délégué du gouvernement quant à lui relève qu’une prétendue déclaration du directeur adjoint du SEBES au sujet de ce que le classement des parcelles situées sur le plateau d'Eschdorf en zone IIB ne correspondait pas aux désirs du SEBES apparaîtrait pour le moins surprenante dans le contexte présent, au motif que le SEBES serait partie volontaire à l'instance et se rallierait généralement aux arguments de la partie étatique, lesquels seraient d’ailleurs justifiés à suffisance.
En substance et au fond, les parties intimées concluent au rejet de l’appel pour manquer de fondement.
Quant à l’intérêt pour agir en justice des consorts … L’intérêt à agir est la mesure de chaque action, de sorte à conditionner la recevabilité du recours contentieux.
Dans le contentieux administratif, l’intérêt à agir requiert le fait vérifié de ce que l’acte attaqué affecte négativement la situation en droit et en fait de l’administré qui entend l’entreprendre, ce dernier devant de la sorte pouvoir tirer un avantage concret de sa sanction par le juge administratif.
En l’espèce, les consorts … en leur qualité de propriétaire respectivement fermiers des parcelles visées par leur recours et classées par le règlement grand-ducal du 16 avril 2021 par eux entrepris en zone de protection IIB et qu’ils exploitent dans le cadre de leurs activités agricoles, spécialement pour produire le fourrage destiné à l’alimentation de leurs bovins, justifient de façon patente d’un intérêt à agir, dans la mesure où un gain de cause ferait tomber les servitudes ou restrictions concrètement apportées par ledit règlement grand-ducal à l’usage de leurs terrains.
La mise en balance par la partie étatique de l’existence de servitudes ou restrictions édictées par la règlementation antérieure, fussent-elles identiques à celles instaurées par le règlement grand-ducal du 16 avril 2021, n’est pas de nature à ébranler cette conclusion.
En effet, dans le cadre d’une refonte d’une règlementation, moyennant substitution d’un nouveau cadre juridique à un cadre antérieur, ce qui est en substance le cas en l’espèce au niveau de la mise en place et de la délimitation des zones de protection autour du captage d’eau de surface du lac de la Haute-Sûre par les lois successives, respectivement leurs règlements d’exécution successifs, les personnes concrètement impactées dans le passé ne peuvent non seulement faire valoir des aspirations légitimes à voir améliorer leur situation par l’effet du régime nouveau par rapport au régime antérieur, mais même au-delà, en cas d’un remplacement du régime antérieur par une règlementation similaire voire identique, l’administré concerné peut faire valoir un intérêt suffisant à voir vérifier si les considérations ayant justifié le régime antérieur perdurent et si elles sont toujours de nature à légalement sous-tendre ledit maintien.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité réitéré tiré de l’absence d’intérêt à agir dans le chef des consorts … est à rejeter pour manquer de fondement.
Quant au bien-fondé du recours des consorts … Les premiers juges sont de prime abord à confirmer en ce qu’ils ont correctement déterminé le cadre légal sur base duquel a été pris le règlement grand-ducal litigieux du 16 avril 2021 portant création de différentes zones de protection et mise en place de servitudes y applicables, querellé par les appelants, plus particulièrement, dans la mesure du classement en zone IIB, ainsi créée, de terrains leur appartenant ou exploités par eux, par rapport à :
1) l’article 20, paragraphe 1), point a), de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, ci-après la « loi du 19 décembre 2008 », en ce qu’il dispose que :
« l’Administration de la gestion de l’eau établit et tient un registre des zones protégées qui comprend les types suivants de zones protégées : (…) les zones désignées pour le captage d’eau destinée à la consommation humaine conformément aux dispositions de l’article 44 (…) » et 2) ledit article 44 de la loi du 19 décembre 2008, qui dispose que :
« (1) Des règlements grand-ducaux délimitent les zones de protection pour les masses d’eau ou parties de masses d’eau servant de ressource à la production d’eau destinée à la consommation humaine. Ces zones de protection sont subdivisées en zones de protection immédiate, zones de protection rapprochée et zones de protection éloignée.
(2) Un règlement grand-ducal arrête des mesures applicables à l’ensemble des zones de protection.
(3) Sous réserve des dispositions du paragraphe 5, les règlements grand-ducaux visés aux paragraphes 1er et 2 interdisent, réglementent ou soumettent à autorisation les ouvrages, installations, travaux ou activités qui sont susceptibles de porter atteinte à la qualité de la ressource hydrique ou à son débit exploitable. Ces servitudes visent :
a) le stockage, la manipulation et l’emploi de produits et substances pouvant altérer la qualité de l’eau ;
b) la construction de bâtiments et de routes ;
c) l’exercice d’activités industrielles, agricoles et commerciales, artisanales et de loisirs ;
d) les interventions dans le sous-sol.
(…) (5) La zone de protection comprend obligatoirement une zone de protection immédiate qui abrite ou est destinée à abriter les installations de prélèvement de l’eau et qui est reconnue d’utilité publique. À l’intérieur de cette zone sont interdits tous ouvrages, installations, dépôts, travaux ou activités à l’exception de ceux qui se rapportent à l’exploitation et à l’entretien de la zone et des ouvrages de captages. L’expropriation au profit de l’État, de la commune ou du syndicat de communes qui exploite ces installations est poursuivie conformément à la loi modifiée du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. (…) ».
Si les appelants n’entendent pas remettre en question par principe la création des différentes zones de protection ou la règlementation des servitudes y applicables, ils font en substance valoir le caractère injustifié, sinon disproportionné, voire discriminatoire des classements pointés les affectant plus particulièrement dans leurs droits d’en user librement.
Ceci étant, la Cour se doit de constater que de façon basique, les auteurs du règlement grand-ducal du 16 avril 2021 apparaissent généralement avoir été motivés à voir assurer une protection des eaux de surface sur l’ensemble du bassin versant donnant vers le lac de la Haute-
Sûre, où est puisé, au niveau du mur du barrage, l’eau devant servir d’eau potable, visant par-là, tous les terrains environnants qui, par leur configuration et leur déclivité, sont capables d'amener des souillures. Ils ont ainsi œuvré à protéger tout particulièrement la partie du lac immédiatement en amont du mur du barrage.
Le commentaire de l’article 3 du Projet de règlement grand-ducal, pointé à bon escient par les premiers juges sous ce rapport, précise qu’« (…) [u]ne évaluation et une adaptation partielle des zones proposées [à travers le dossier de délimitation établi par le bureau IWW, mandaté par le SEBES, en sa qualité d’exploitant du point de prélèvement] ont été effectuées par l’Administration de la gestion de l’eau, tout en tenant compte des analyses faites au cours des dernières décennies sur le terrain, des infrastructures et circonstances locales, ainsi que des zones définies par la loi du 27 mai 1961 concernant les mesures de protection sanitaire du barrage d’Esch-sur-Sûre lors de l’élaboration du présent projet de règlement grand-ducal, tout en respectant les exigences concernant la protection d’une masse d’eau servant de ressource pour la production d’eau destinée à la consommation humaine (…) » et que « (…) [l]es différentes zones ont été délimitées et dénommées en fonction de leur distance par rapport au captage d’eau de surface, de la vulnérabilité des surfaces qu’elles comprennent et des infrastructures, notamment routières (…) ».
Quant à la zone IIB, ledit commentaire fournit les précisions suivantes : « (…) La zone IIB, zone de protection rapprochée à vulnérabilité élevée, est délimitée pour protéger le lac de la Haute-Sûre (et le captage d’eau de surface) contre les effets défavorables dus aux activités et installations humaines, en particulier aux déversements directs, aux ruissellements et à l’érosion.
La zone IIB comprend la partie du lac de la Haute-Sûre non couverte par les zones mentionnées ci-dessus, ainsi que les pré-barrages « Bavigne » et « pont-Misère ». En sus, une surface correspondant à une ceinture de protection de 200 m au total à partir du plan d’eau est établie au moyen de la zone IIB. Par analogie à la délimitation de la zone de protection sanitaire I établie par la loi précitée du 27 mai 1961 et suivant les analyses récentes des affluents « Dirbech » et « Fënsterbaach », le plateau entre l’usine de production du SEBES et la localité d’Eschdorf a été classé en classe de vulnérabilité élevée et partant intégré en zone IIB. (…) ».
Plus particulièrement encore, la partie étatique, en ce qu’elle tend, en termes de définition et délimitation des zones de protection mises en place et, plus spécialement, de la zone IIB, à garantir au mieux la protection des ressources hydriques, et agit sur base des études menées et des recommandations des bureaux d'experts chargés, discutées au cours d’une procédure de consultation publique, apparaît se mouvoir dans les strictes limites de l’exécution de la mission lui confiée par l’article 44 de la loi du 19 décembre 2008 et elle n’est pas reprochable sous ce rapport.
La Cour se doit ensuite de relever spécialement la mise en balance par la partie étatique de ce que dans le cadre de l’élaboration et de la prise de décision du règlement grand-ducal attaqué, le pouvoir règlementaire a été fondamentalement guidé par la nécessité primordiale de la protection des eaux destinées à la consommation humaine extraite du lac de la Haute-Sûre, afin de garantir et de sécuriser l'approvisionnement national en eau potable de qualité et en quantité suffisante impliquant qu’une large part a été reconnue au principe de précaution tant au niveau de l’analyse que de la gestion des risques.
Le principe de précaution, principe général du droit de l'environnement, reconnu par l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comme l’un des fondements de la politique environnementale européenne, vise à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé, par la prise de décisions préventives en cas de risque potentiel.
Le principe de précaution permet aux autorités publiques à anticiper les risques pour l’environnement et la santé humaine et à adopter les mesures nécessaires pour y répondre.
Il est vrai qu’un recours au principe de précaution doit être justifié et qu’il ne saurait à l’évidence pas valider des décisions préventives dans une situation de risque hypothétique, sous peine d’admettre des décisions arbitraires.
Il est cependant vrai encore qu’en l’espèce, si la situation scientifique reste toujours largement incertaine, il transperce suffisamment des éléments d’appréciation soumis en cause, que l’autorité publique a eu recours à des recherches et des études scientifiques au sujet des dangers pour la qualité de l’eau captée du lac de la Haute-Sûre et des effets potentiellement négatifs de l’agriculture au niveau des terrains limitrophes, qu’elle s’est adonnée à une évaluation des données scientifiques disponibles et obtenues par elle et qu’elle a valablement identifié des risques potentiels pour l’environnement et la santé, de sorte qu’en l’occurrence, le recours au principe de précaution apparaît encore valable.
Il s’y ajoute qu’au regard et de l’examen des explications et justifications plausibles et cohérentes apportées en cause par le représentant étatique, les classements entrepris, s’ils vont au-
delà du rayon initialement envisagé pour atteindre un rayon de 200 mètres autour des affluents du lac de la Haute-Sûre et de leur source de captage, cette extension n’appert point manquer de justification ou verser dans la démesure, mais être la conséquence et le résultat réfléchi des études additionnelles pour obtenir le haut niveau de protection valablement recherché.
Les appelants restent en tout cas en défaut d’établir à suffisance qu’au sujet du classement des terrains faisant l’objet de leur recours, les auteurs du règlement grand-ducal du 16 avril 2021 seraient allés au-delà du nécessaire, d’une part, ou qu’ils auraient entravé de manière déraisonnable leurs libertés de propriétaire ou d’exploitant, d’autre part, de sorte que leurs reproches d’un défaut de justification ou de violation du principe de proportionnalité laissent d’être vérifiés. – Sous ce rapport, il convient de rappeler, à l’instar des premiers juges, qu’en vertu du principe selon lequel les actes administratifs bénéficient de la présomption de légalité, il incombe à l’administré qui s’en déclare affecté de rapporter la preuve de l’illégalité de l’acte faisant l’objet de son recours. En effet, sans préjudice de ce que l’autorité administrative doit collaborer à l’administration des preuves dès lors qu’elle en détient, il n’en reste pas moins que l’essentiel du fardeau de la preuve en droit administratif est porté par le demandeur.
Il ne saurait partant être question ni d’un défaut de justification du classement des terrains visés par le recours des appelants, ni d’une action administrative versant dans la démesure et l’arbitraire, les reproches afférents sont partant à écarter pour manquer de fondement.
Concernant le troisième reproche invoqué par les appelants au sujet de ce que d’autres propriétaires ou exploitants auraient bénéficié de classements de leurs terrains nettement plus favorables, bien que leurs terrains se trouveraient dans une situation comparable aux leurs, les explications circonstanciées et a priori plausibles du délégué du gouvernement au sujet des spécificités géographiques et topologiques des parcelles concrètement visées, ci-avant reprises, et partant de la différence de situation, et des raisons concrètes de leurs classements, contredisent et invalident le reproche d’une approche discriminatoire dans l’application des classements.
Cette conclusion s’impose en tout cas au regard de ce que les appelants omettent de rencontrer spécifiquement cet exposé circonstancié et cohérent du représentant étatique, d’une part, et que les éléments d’appréciation avancés par eux ne sont quant à eux pas de nature à convaincre du contraire, étant insisté à nouveau sur ce que la charge de la preuve repose pour l’essentiel du côté des appelants et les oblige pour le moins à ébranler sérieusement les motifs avancés à l’appui d’un acte règlementaire entrepris, d’autre part.
Le moyen de réformation afférent du jugement a quo laisse partant à son tour d’être fondé et est à rejeter.
Quant aux propos imputés par les appelants au directeur adjoint du SEBES et son représentant à l’occasion d’une réunion du groupe de travail « Protection des eaux » du LAKU ayant eu pour objet d’examiner les problèmes qui ont été rencontrés lors de l’exécution pratique du règlement grand-ducal du 16 avril 2021 et d’examiner d’éventuelles adaptations à y apporter, au-delà de ce que tant le SEBES que l’intéressé déclarent formellement contester la teneur de ces propos et déclarent qu’ils seraient tirés de leur contexte, déformés, voire inventés, d’une part, et que lesdits propos se heurtent fondamentalement à la position développée par la partie SEBES au cours des deux instances contentieuses, d’autre part, il convient de retenir que quoiqu’il y ait pu avoir comme discussions ou déclarations par les membres dudit groupe de travail du LAKU en vue de la solution d’éventuels problèmes surgis lors de la mise en œuvre pratique de la règlementation faisant l’objet du présent litige, les propos afférents ne sauraient en tout cas pas être de nature à invalider les considérations et conclusions ci-avant faites au sujet d’un classement de terrains opéré sur base de considérations objectives et justifiées, tablant sur des études et des recherches au sujet des dangers de l’agriculture sur la qualité de l’eau captée au lac de la Haute-Sûre et l’identification des risques potentiels pour l’environnement et la santé, après réalisation d’une procédure de consultation publique et dans une approche témoignant d’une bonne compréhension et mise en œuvre du principe de précaution en vue de la protection de ressources importantes pour la production d’eau destinée à la consommation humaine.
Concernant la demande de voir procéder à une visite des lieux, il est vrai que pareille mesure d’instruction permet au juge administratif de clarifier d’éventuelles questions sur la situation de fait et ainsi de se forger une idée concrète des questions de fait et de droit séparant les parties, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, les différentes productions des parties permettent de dégager avec une clarté suffisante les positions opposées des parties en cause, de sorte que la Cour n’entrevoit pas d’utilité additionnelle à procéder à un transport sur les lieux, en tout cas, au regard du dernier état des conclusions échangées, l’engagement d’un processus de rapprochement entre parties apparaît essentiellement illusoire.
Au-delà, une visite des lieux, tout comme une expertise judiciaire, constitue une mesure d'instruction qui ne saurait être instituée pour parer à une carence d’une partie dans l'agencement de la preuve qu'il lui incombe de rapporter.
La demande d’institution d’une visite des lieux est partant à écarter.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et le jugement entrepris est dès lors à confirmer.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….
s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 février 2024 Le greffier de la Cour administrative 21