GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 49737C du rôle ECLI:LU:CADM:2024:49737 Inscrit le 22 novembre 2023 Audience publique du 20 février 2024 Appel formé par Monsieur (A), alias (A1), alias (A2), et consort, …., contre un jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2023 (n° 48474 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 49737C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2023 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le …. à … (Iran), alias (A1), né le …., alias (A2), né le …., agissant en son nom personnel et au nom de son enfant mineur, (B), né le …. à …. (Iran), tous deux de nationalité afghane, demeurant ensemble à L-… …, …, rue …, dirigé contre le jugement rendu le 9 novembre 2023 (n° 48474 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 janvier 2023 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et ordre de quitter le territoire;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 20 décembre 2023;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 6 février 2024.
Le 17 juillet 2020, Monsieur (A), alias (A1), alias (A2), ci-après désigné par « Monsieur (A) », accompagné de son fils mineur (B), introduisirent auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une 1demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée - police étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Le même jour encore, il passa un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Il s’avéra à cette occasion que Monsieur (A) avait précédemment déposé une demande de protection internationale en Grèce en date du 10 décembre 2018 et en Slovénie en date du 9 juillet 2020.
Le 28 juillet 2020, les autorités luxembourgeoises saisirent les autorités slovènes d’une demande de reprise en charge de Monsieur (A), qui fut acceptée le 4 septembre 2020, tandis que celle de son fils fut acceptée le 13 novembre 2020.
Par décision du 30 novembre 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il allait être transféré avec son fils aux autorités slovènes responsables de l’examen de sa demande de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 et des articles 18.1. b) et 11 b) du règlement Dublin III.
Contre cette décision de transfert, Monsieur (A) introduisit le 15 décembre 2020 un recours devant le tribunal administratif, dont il fut débouté par jugement du 8 février 2021, inscrit sous le numéro 45366 du rôle.
Par décision du 19 juillet 2021, le ministre rapporta sa décision de transfert du 30 novembre 2020, étant donné que le Luxembourg était devenu responsable de l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur (A) et de son fils mineur, le transfert n’ayant pu être exécuté dans les délais.
Le 17 janvier 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 10 janvier 2023, le ministre informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Cette décision est libellée comme suit :
2« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite pour vous et au nom de votre enfant mineur (B), né le ……à …… en Iran, de nationalité afghane auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 17 juillet 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 17 juillet 2020, le rapport d’entretien Dublin III du 17 juillet 2020, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 17 janvier 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale, ainsi qu’une décision de transfert vers la République de Slovénie dans votre chef et dans celui de votre fils du 30 novembre 2020, et le jugement du Tribunal Administratif en date du 8 février 2021 y relatif.
Il convient de noter que la comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Grèce en date du 10 décembre 2018 et en Slovénie en date du 9 juillet 2020, sous d’autres identités, à savoir celles d’(A1), né le ….. ou encore d’(A2), né le …. alors qu’au Luxembourg vous avez déclaré une troisième identité en indiquant vous nommer d’(A) et né le ….. Il convient également de noter que vous avez soumis des copies de documents grecques (sic) selon lesquels votre fils serait né le …. et non pas le …. comme indiqué au Luxembourg.
Il ressort de vos déclarations que vous auriez quitté l’Iran avec votre épouse et vos deux enfants en 2018. Après deux mois en Turquie, vous vous seriez tous rendus en Grèce où vous auriez séjourné pendant 11 mois. Puis, vous seriez parti en Serbie avec votre fils (B), et vous y seriez restés pendant 7 mois, tout en précisant que votre femme et votre deuxième fils seraient restés en Grèce. Après ces 7 mois, (B) aurait pris la décision de se rendre en France auprès de membres de votre famille, tandis que vous seriez parti vers la Slovénie, où vous aviez introduit une demande de protection internationale. Vous n’y seriez cependant resté que deux semaines avant de rejoindre votre fils en France. Arrivé en France, vous auriez décidé de vous rendre, avec votre fils (B), au Luxembourg, tandis que votre épouse et votre fils cadet auraient entretemps déposé une demande de protection internationale en Allemagne.
Une décision de transfert vers la République de Slovénie a été émise dans votre chef sur base des dispositions du Règlement européen dit Dublin III en date du 30 novembre 2020. Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal Administratif en date du 8 février 2021.
Toutefois, le 6 août 2021 la décision de transfert a été rapportée et le Luxembourg est devenu responsable pour l’examen de votre demande de protection internationale alors que le transfert vers la Slovénie n’a pas pu être exécuté dans le délai prévu par les dispositions du Règlement Dublin III pour raisons médicales.
3 Vous déclarez au Luxembourg être de nationalité afghane, d’ethnie Hazara et de confession musulmane chiite. Vous indiquez avoir vécu à ….. dans la province de ….. en Iran avec votre épouse, et vos enfants, jusqu’à votre départ pour l’Europe. Vous précisez ne jamais avoir vécu en Afghanistan alors que vous seriez né et auriez vécu pas loin de 40 ans en Iran. Vous expliquez que vous auriez été ….. et que quelques jours avant votre départ d’Iran, deux de vos ouvriers auraient eu un accident de travail. Vous relatez que vous vous seriez retrouvé dans une situation similaire en 2011, lorsqu’un accident du travail se serait produit dans l’entreprise où vous auriez travaillé et que vous auriez dû passer cinq jours en garde à vue avant d’être relâché.
A l’époque, le juge aurait voulu vous expulser vers l’Afghanistan, mais il ne l’aurait pas fait car votre femme aurait été enceinte. Vous auriez eu peur que cela se reproduise et vous auriez décidé de quitter l’Iran.
Concernant les raisons pour lesquelles vous ne pourriez pas vivre dans votre pays d’origine, en l’occurrence l’Afghanistan, vous prétendez premièrement avoir peur d’être tué par l’ancien mari de votre femme, au motif que vous seriez considéré comme ayant commis un adultère et que, selon vous, la loi afghane prévoirait la lapidation ou la décapitation dans de pareils cas.
Vous expliquez qu’après votre mariage religieux en Iran en 2005, vous auriez appris que votre épouse aurait déjà été officiellement mariée à un autre homme en Afghanistan. Après deux ans de mariage, elle aurait fui son mari qui l’aurait traitée comme une esclave, pour se réfugier en Iran, où vous auriez fait sa connaissance. Vous racontez qu’avant votre mariage, l’ancien mari de votre épouse aurait porté plainte contre elle, l’accusant de s’être enfuie avec de l’argent, et qu’après avoir appris votre mariage, il aurait envoyé des hommes en Iran afin de vous chercher.
Peu après votre mariage, vous auriez été intercepté par des personnes non autrement identifiées, qui auraient tenté de vous faire monter dans leur voiture sous prétexte de discuter du prédit problème et de trouver une solution. Vous déclarez que vos collègues seraient intervenus pour vous aider et auraient mis en fuite les agresseurs.
Vous précisez qu’en dehors de l’incident susmentionné avec les personnes non autrement identifiées trois mois après votre mariage, vous n’auriez plus eu d’autres problèmes en Iran dans ce contexte c’est-à-dire pendant une période de plus de 15 ans.
Deuxièmement, vous indiquez avoir peur d’être tué par les Taliban en raison de votre ethnie Hazara et de votre confession musulmane chiite, ainsi qu’en raison du fait que vous avez vécu en Europe, considérée comme une terre mécréante par ces derniers.
Dans ce contexte, vous invoquez la situation sécuritaire précaire dans laquelle se trouveraient les personnes d’ethnie Hazara et de confession musulmane chiite en Afghanistan.
Vous mentionnez qu’ « avant ils disaient qu’ils allaient sacrifier une de leur personne pour tuer des centaines de Hazâras. Maintenant qu’ils ont le pouvoir, ils disent qu’ils n’ont même plus besoin de sacrifier un des leurs pour tuer des Hazâras. Ils reconnaissent comme un de leur devoir de tuer les Hazâras et d’aller au paradis en tuant les Hazâras » (p.12/14 de votre rapport d’entretien).
4En outre, vous prétendez qu’en cas de retour en Afghanistan vous seriez considéré comme mécréant par les Taliban : « Je parle des demandeurs d’asile qui sont renvoyés vers l’Afghanistan ou qui décident de rentrer d’eux même. Dès leur arrivée ils sont torturés et ensuite ils doivent se présenter au tribunal. On leur demande pourquoi ils sont parti d’Afghanistan » (p.10/14 de votre rapport d’entretien).
A l’appui de votre demande de protection internationale vous remettez quelques copies de documents grecques (sic), non traduits.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
Il y a lieu de rappeler que suivant l’article 2 p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d’origine du demandeur, c’est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est l’Afghanistan. Les faits qui se seraient déroulés en Iran respectivement qui ont un lien avec l’Iran ne peuvent dès lors pas être pris en compte dans l’évaluation de votre demande de protection internationale.
De plus, Monsieur, soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d’origine doivent être réfutées au vu de vos déclarations incomplètes, de votre comportement adopté en Europe et du fait que vous n’êtes pas en mesure de prouver vos allégations par la moindre pièce.
Avant tout progrès en cause il convient de souligner que vous avez utilisé au moins trois identités depuis votre arrivée en Europe ce qui entache sérieusement votre crédibilité. En effet, vous n’avez pas hésité à donner un autre nom et une autre date de naissance aux différentes autorités européennes auprès desquelles vous avez sollicité une protection internationale. Que l’on puisse se tromper en faisant la conversion du calendrier perse est compréhensible mais qu’on se vieillisse respectivement se rajeunisse de six ans ne saurait se justifier. Vous tentez de vous justifier en indiquant que les autorités grecques se seraient basées sur une sorte de « passeport manuscrit délivré par l’Ambassade d’Afghanistan en Iran […] que vous avez obtenu après vous être inscrit auprès de la police iranienne » (p.3/14 de votre rapport d’entretien), document qui aurait été confisqué par les autorités grecques et dont vous prétendez n’avoir aucune copie, voire aucune preuve d’existence. Toutefois, après avoir indiqué que les autorités grecques se seraient basées sur ce document pour établir votre date de naissance, que vous considérez comme la date exacte, vous avez retiré ces déclarations et vous avez affirmé que vous ne vous souveniez plus de votre date de naissance exacte. Enfin, vous soutenez que la date de naissance correcte est celle que vous avez indiquée au Luxembourg et que la date figurant sur le prétendu passeport sur lequel les autorités grecques se seraient basées ne serait pas votre véritable date de naissance. Vous ajoutez que vous avez délibérément indiqué une date de naissance fictive en Slovénie, car vous n’auriez jamais voulu y rester, votre fils étant déjà en France, « je leur ai donné des informations qui me sont passées par la tête à ce moment-là » (p.8/14 de votre rapport d’entretien). Par ailleurs vous n’avez depuis votre arrivée au Luxembourg aucunement essayé d’établir votre identité car vous restez deux ans et demi plus tard toujours en défaut d’apporter un quelconque élément de 5preuve dans ce contexte et ce malgré le fait que votre mère et votre sœur soient toujours en Iran et ainsi parfaitement à même de vous envoyer ne serait-ce qu’une copie de documents.
Il est manifeste que vous ne coopérez pas avec les autorités quant à l’établissement de votre identité, chose qui est essentielle dans toute demande de protection internationale.
Ajoutons dans ce contexte que votre comportement adopté depuis votre arrivée en Europe met en doute la gravité de votre situation. En effet, rappelons qu’après avoir vécu en Grèce durant environ un an, vous auriez décidé de voyager à travers la Serbie où vous auriez vécu durant 7 mois et puis la Croatie, avant d’arriver en Slovénie où vous auriez été arrêté par la police qui vous aurait forcé à y introduire une demande de protection internationale. Après deux semaines, vous auriez continué votre chemin à travers l’Italie et la France, sans toutefois y introduire de demande de protection internationale pour gagner le Luxembourg, où vous avez finalement décidé d’introduire votre demande de protection internationale. Or, notons qu’on peut évidemment attendre d’une personne réellement à risque dans son pays d’origine et réellement à la recherche d’une protection internationale, qu’elle introduise sa demande dans le premier pays sûr rencontré et qu’elle ne traverse pas plusieurs pays sûrs sans y rechercher une forme de protection quelconque respectivement qu’elle y introduise une demande et après qu’elle reparte sans même attendre la réponse des autorités. Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure d’asile et n’est évidemment pas celui d’une personne réellement en danger et réellement à la recherche d’une protection. Il semble plutôt que vous essayez de profiter de la situation en Afghanistan pour [vous] (…) installer au Luxembourg, alors que vous n’avez jamais mis les pieds dans [votre] (…) pays d’origine et qu’il n’existe de surcroît aucune preuve que vous soyez la personne de nationalité afghane que vous décrivez être.
Un tel comportement est tout bonnement inacceptable et intolérable et prouve de manière non équivoque que le but poursuivi n’est pas l’obtention d’une protection internationale en raison d’une crainte fondée de persécution, respectivement d’un risque de subir des atteintes graves mais bien d’obtenir une protection sans réel motif en tentant de berner les autorités. Il est en effet incompréhensible pourquoi vous vous comportez de la sorte depuis votre arrivée en Europe. Le seul fait qui est réellement établi est que votre comportement n’est pas celui d’une personne en danger qui serait contente et soulagée de pouvoir poser ses bagages dans le premier pays d’accueil sûr dans lequel elle pourrait reprendre le cours de sa vie, apprendre un métier et retrouver une certaine sérénité et une perspective d’avenir.
Quand bien même votre récit serait considéré comme étant crédible, il s’avère, comme développé ci-dessous que vous ne remplissez pas les conditions pour l’octroi du statut de réfugié, respectivement pour l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
6Aux termes de l’article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des motifs de fond définis à l’article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Premièrement, vous déclarez ne pas pouvoir vous rendre en Afghanistan au motif que vous craignez de devenir victime de représailles de l’ancien mari de votre épouse étant donné que vous auriez épousé sa femme alors qu’il aurait encore été marié à celle-ci. Vous affirmez être considéré comme ayant commis un adultère et que, selon vous, la loi afghane prévoirait la lapidation ou la décapitation dans de pareils cas.
Il convient ici de noter que les faits dont vous faites état remontent à plus de 15 ans et sont ainsi beaucoup trop éloignés dans le temps pour justifier aujourd’hui l’octroi du statut de réfugié.
Ceci est d’autant plus vrai qu’il ressort clairement de vos déclarations que depuis l’incident survenu il y a 17 ans, lorsque des personnes non autrement identifiées auraient tenté de vous faire monter de force dans une voiture, vous n’auriez plus jamais rencontré des problèmes relatifs à votre mariage. De plus, cette crainte, qui s’inscrit dans un cadre privé et familial, est dénuée de tout lien avec les motifs énumérés par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, votre appartenance à un groupe social ou vos opinions politiques.
Ainsi, force et de constater que votre crainte de subir de quelconques représailles de la part de l’ancien mari de votre épouse, en cas d’un éventuel retour en Afghanistan, est purement hypothétique. Or, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.
Deuxièmement, Monsieur, vous indiquez ne pas pouvoir vous rendre en Afghanistan, au motif que vous pensez être à risque dans votre pays d’origine en raison de votre appartenance à l’ethnie Hazara et de votre confession musulmane chiite. Dans ce contexte, vous précisez que toutes les personnes d’ethnie Hazara seraient dans la ligne de mire des Taliban.
Force est de constater que votre crainte d’être tué en Afghanistan à cause de votre confession musulmane chiite respectivement votre ethnie relève du champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte est liée à votre religion respectivement à votre ethnie.
7Or, il convient néanmoins de constater que vous vous bornez à faire état de considérations générales et ne faites référence à aucun risque, respectivement menace, qui vous toucherait personnellement et individuellement.
Il ne ressort pas des informations à ma disposition que toutes les personnes de confession musulmane chiite respectivement d’ethnie Hazara seraient toutes à risque de devenir victimes de persécution en Afghanistan de par leur seule appartenance ethnique ou confession religieuse.
Il convient dès lors de faire une analyse des motifs individuels et personnels présentés par chaque demandeur de protection internationale.
Il échet de constater que vous n’établissez aucunement être personnellement à risque alors que vous ne faites état que des considérations générales qui sont dépourvues de lien directe avec votre personne.
Il convient dès lors de constater que votre crainte est à qualifier de purement hypothétique.
Or, comme susmentionné, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.
Troisièmement, Monsieur, vous indiquez encore craindre d’être tué par les Taliban alors qu’ils considéreraient tous ceux qui auraient vécu en Europe comme étant des mécréants.
Il y a lieu de noter que votre crainte d’être tué en Afghanistan au motif que vous seriez considéré comme mécréant pour avoir vécu en Europe, relève du champ d’application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 alors que cette crainte se base sur une toile de fond religieuse.
Toutefois, il convient de noter que vous vous bornez dans ce contexte également à faire état de généralités et n’établissez aucunement que vous seriez dans leur collimateur à titre individuel.
Il ne ressort pas des informations dont je dispose que le seul séjour en Europe d’un ressortissant afghan, l’exposerait de manière systématique, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions ou à des atteintes graves de la part des Taliban.
Il convient dès lors de conclure que les craintes que vous exprimez sont, une fois de plus, purement hypothétiques et ne sauraient constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs 8sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, et notamment que vous auriez peur de subir des représailles de la part de l’ancien mari de votre épouse, respectivement d’être tué par les Taliban soit en raison de votre ethnie Hazara et de votre religion, soit en raison du fait que vous avez vécu en Europe et seriez, de ce fait, considéré comme mécréant.
En ce qui concerne tout d’abord votre crainte de subir des représailles de la part de l’ancien mari de votre épouse, il convient de souligner qu’elle a déjà été analysée dans la première partie de la présente décision et écartée comme étant une crainte hypothétique qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable.
En ce qui concerne vos craintes d’être tué par les Taliban soit en raison de votre ethnie Hazara et de votre religion, soit en raison du fait que vous seriez considéré comme mécréant, il convient de noter que tel que conclu ci-avant, ces craintes sont des craintes hypothétiques.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2023, Monsieur (A), agissant en son nom personnel et au nom de son fils mineur (B), fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 janvier 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
9Par jugement du 9 novembre 2023, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta Monsieur (A), tout en le condamnant aux frais de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2023, Monsieur (A) a régulièrement fait entreprendre ce jugement.
A l’appui de son appel, il réitère être de nationalité afghane, d’ethnie hazara et de religion musulmane chiite. Il expose qu’il aurait résidé en Iran où il aurait rencontré sa future épouse. Ils se seraient mariés religieusement en 2005. Son épouse aurait été accusée d’adultère en Afghanistan pour s’être mariée avec lui, alors qu’elle aurait déjà été mariée en Afghanistan pour avoir été soumise à un mariage forcé. L’ex-époux de sa femme aurait porté plainte et aurait même réussi à le retrouver sur son lieu de travail en Iran où il aurait provoqué des accidents de travail impliquant des ouvriers à lui. Il aurait craint d’être expulsé d’Iran en raison de ces incidents et en raison de son origine ethnique hazara. En 2018, il aurait fui l’Iran avec son épouse et leurs deux enfants pour rejoindre l’Europe en passant par la Turquie et la Grèce. Ils se seraient séparés en Grèce. Son fils aîné et lui auraient traversé plusieurs pays avant d’arriver au Luxembourg. Son épouse et leur fils cadet bénéficieraient actuellement d’une protection internationale en Allemagne. Comme le couple se serait séparé, le regroupement familial n’aurait pas pu être demandé.
En droit, l’appelant déclare tout d’abord vouloir maintenir l’intégralité de ses moyens de droit qu’il a formulés en première instance, tels que figurant dans sa requête introductive de première instance, laquelle ferait partie intégrante de son acte d’appel.
Il fait ensuite valoir que le principe du bénéfice du doute devrait trouver application en l’espèce, dès lors qu’il serait à considérer comme une personne vulnérable au sens du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié de l’UNHCR.
Il estime être en droit d’obtenir le statut de réfugié au regard de son appartenance à l’ethnie des Hazaras, considérés comme des ennemis des talibans.
Se référant et citant différentes sources, il estime avoir établi une situation de conflit armé en Afghanistan et l’existence de persécutions systématiques à l’égard des opposants même supposés des talibans, des jeunes hommes ayant refusé de rejoindre les talibans et des Hazaras, particulièrement vulnérables et exposés à un risque de génocide.
Il reproche ainsi aux premiers juges d’avoir considéré que ses craintes de persécution seraient purement hypothétiques.
Il aurait, au contraire, concrètement mis en avant des faits de persécution et des craintes de persécution en raison de son appartenance ethnique, de sa religion et des accusations d’adultère pesant sur lui et son ex-épouse, lesquelles seraient toujours d’actualité, le temps écoulé ne changeant rien au fait que les faits d’adultère seraient impardonnables en Afghanistan et que son retour dans ce pays l’exposerait au risque d’être sévèrement puni pour avoir commis un adultère et pour s’être « défilé » à la sanction par les autorités de son pays d’origine, sans pouvoir compter sur un procès équitable.
10Il y aurait partant lieu de réformer le jugement entrepris, ainsi que le refus ministériel et de lui accorder le statut de réfugié.
Subsidiairement, l’appelant déclare, pour les mêmes motifs, justifier de l’octroi dans son chef d’une protection subsidiaire.
Il risquerait de subir la peine de mort du fait des talibans au sens de l’article 48, point a), de la loi du 18 décembre 2015 en raison des accusations d’adultère pesant sur lui, de son origine ethnique hazara et de l’insécurité régnant en Afghanistan en raison de la présence des talibans.
Il encourrait encore, pour les mêmes motifs, le risque de subir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants de la part des talibans au sens de l’article 48, points b) et c), de ladite loi de 2015.
Le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel, tout en se référant à son mémoire déposé en première instance ainsi qu’aux pièces y versées.
Il souligne que l’appelant n’apporterait aucun nouvel élément par rapport à son recours de première instance susceptible de venir infirmer la décision ministérielle et insiste plus particulièrement sur le manque de crédibilité du récit de l’appelant qui resterait toujours en défaut de démontrer son identité.
Concernant en premier lieu la déclaration de l’appelant selon laquelle il entend maintenir l’intégralité de ses moyens en droit exposés en première instance, la Cour se doit de préciser que le fait pour une partie appelante de renvoyer, de manière générale, à ses moyens en droit de première instance ne saurait suffire pour que la Cour soit appelée à réexaminer l’ensemble des conclusions de première instance, étant précisé que l’appel est nécessairement dirigé contre un jugement et les conclusions de première instance prises à l’encontre de la décision ministérielle au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d’appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises. Partant, la Cour limitera son examen aux moyens développés dans la requête d’appel.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant 11entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 », ledit article 48 loi énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
12Tout d’abord, les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que les problèmes rencontrés par l’appelant en Iran, qui a déclaré être de nationalité afghane, mais être né en Iran où il aurait passé toute sa vie, ne peuvent pas être pris en considération dans le cadre de l’examen du bien-fondé de sa demande de protection internationale, dans la mesure où les faits en question ne se sont pas déroulés dans son pays d’origine, la question de savoir s’il craint avec raison de subir des actes de persécution ou des atteintes graves devant, en effet, être examinée par rapport au pays dont il a la nationalité, en l’occurrence, l’Afghanistan.
En ce qui concerne les craintes mises en avant par l’appelant dans sa requête d’appel liées à un retour en Afghanistan, et indépendamment de la question de la crédibilité de son récit qui a été mise en doute par le ministre au vu des incertitudes planant sur son identité au vu de l’usage de plusieurs alias, l’intéressé fait état d’une crainte de subir des persécutions voire des atteintes graves de la part des talibans (i) du fait d’avoir épousé une femme qui était déjà mariée en Afghanistan et (ii) en raison de son appartenance à l’ethnie hazara.
La Cour note que l’appelant ne fait plus état, en instance d’appel, ni de ses craintes vis-à-
vis de l’ex-époux de sa femme, ni de ses craintes en relation avec des accidents de travail que ce dernier aurait provoqués sur son lieu de travail en Iran, ni de ses craintes de subir des persécutions de la part des talibans du fait d’avoir passé plusieurs années en Europe, de sorte que la Cour n’a pas à prendre position y relativement.
Au-delà, la Cour constate, à l’instar des premiers juges, concernant les craintes invoquées par l’appelant d’être la cible des talibans en raison du fait d’avoir épousé en 2005 en Iran une femme déjà mariée en Afghanistan, qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’appelant serait recherché par les talibans de ce fait ou qu’il risquerait encore à l’heure actuelle d’avoir des problèmes de ce fait. Ainsi, les affirmations de l’appelant selon lesquelles il risquerait, au même titre que son ex-épouse, d’être accusé d’adultère restent à l’état de simples allégations et les craintes afférentes ne sont que purement hypothétiques ne permettant pas de justifier l’octroi du statut de réfugié dans son chef.
Concernant ensuite les craintes de persécutions de la part des talibans en raison de son appartenance à l’ethnie hazara et de sa confession musulmane chiite, les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur la jurisprudence de la Cour administrative par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan, ayant retenu que s’il se dégage certes des sources à sa disposition que les membres de l’ethnie hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements de la part des talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations lui soumis que les Hazaras feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite. Tel que déjà retenu par la Cour dans ses arrêts des 19 mai 2022 (n° 46363C du rôle) et 30 juin 2022 (n° 46108C du rôle), les attaques menées contre les Hazaras sont pour la plupart l’œuvre du groupe Etat islamique du Khorosan (ISKP) et visent surtout les lieux de culte chiites respectivement des civils hazara en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays.
13La Cour a encore retenu dans des arrêts du 21 février 2023 (n° 48083C du rôle) et 5 décembre 2023 (n° 48946C du rôle) qu’un rapport « EUAA Country Guidance : Afghanistan » d’avril 2022 recommande de vérifier si la personne concernée hazara présente d’autres éléments qui permettraient de conclure qu’elle correspond à un profil plus à risque que d’autres.
Il s’ensuit que le seul fait d’être hazara et de confession chiite n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.
Cette conclusion n’est pas invalidée par les sources d’informations additionnelles invoquées par l’appelant en instance d’appel. En effet, s’il est certes vrai que certaines publications évoquent un sérieux risque de génocide des Hazaras chiites en Afghanistan, il n’en demeure pas moins que la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir que la situation actuelle puisse être qualifiée de telle.
S’agissant de la question de l’existence, en l’espèce, d’autres éléments personnels qui permettraient de conclure que l’appelant encourt individuellement un risque de persécution en tant que membre de la minorité ethnique et religieuse hazara chiite, la Cour est amenée à conclure qu’au regard de ce qu’elle vient de retenir par rapport au vécu personnel de l’appelant que les motifs invoqués par celui-ci ne permettent pas de retenir qu’en cas de retour en Afghanistan, il se trouverait particulièrement dans le viseur des talibans.
Il s’ensuit que l’appelant n’avance pas suffisamment d’éléments permettant de retenir qu’il risque de subir des persécutions en cas de retour en Afghanistan et sa demande de reconnaissance du statut de réfugié laisse d’être fondée.
En ce qui concerne la demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, dans le cadre de laquelle l’appelant invoque en substance les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, dès lors que la Cour vient de retenir, dans le cadre de l’examen de la demande du statut de réfugié, que les craintes de l’appelant vis-à-vis des talibans n’étaient pas fondées, il n’existe pas davantage d’élément susceptible d’établir, sur la base des mêmes faits et motifs, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, l’appelant encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Enfin, en ce qui concerne la situation sécuritaire qui prévaut actuellement en Afghanistan, la Cour n’est pas saisie d’éléments suffisants permettant de conclure à l’existence d’une situation de conflit interne au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, la conclusion des premiers juges étant également à confirmer sur ce point.
A cet égard, la Cour relève encore que les rapports produits en cause ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelant n’ayant, par ailleurs, pas apporté des éléments qui permettraient de retenir qu’il serait personnellement exposé, en raison d’éléments propres à sa 14situation personnelle, à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour en Afghanistan, il courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.
C’est dès lors également à bon droit que le ministre a rejeté comme non fondée la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.
L’appelant sollicite encore au dispositif de sa requête d’appel, par réformation du jugement entrepris, l’annulation de l’ordre de quitter le territoire.
Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu’il a rejeté la demande d’octroi du statut de la protection internationale de l’appelant - statut de réfugié et protection subsidiaire -
et que le refus dudit statut entraîne automatiquement l’ordre de quitter le territoire, l’appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé de réformer cet ordre est encore à rejeter.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;
reçoit l’appel en la forme;
au fond, le déclare non justifié et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 9 novembre 2023;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour … s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 février 2024 Le greffier de la Cour administrative 15